Réponse de l Association médicale canadienne à la version préliminaire de l énoncé de politique sur la TPS/TVH* de l Agence du revenu du Canada (Avis sur la TPS/TVH N o 286) *Version préliminaire de l énoncé de politique sur la TPS/TVH Les fournitures admissibles de soins de santé et l application de l article 1.2 de la partie II de l annexe V de la Loi sur la taxe d accise aux fournitures d évaluations, de rapports et de certificats médicaux (Avis sur la TPS/TVH N o 286, octobre 2014)
L Association médicale canadienne (AMC) est le porteparole national des médecins du Canada. Fondée en 1867, l AMC a pour mission d aider les médecins à prendre soin des patients. Pour le compte de ses 82 000 membres et plus et de la population canadienne, l AMC s acquitte d un vaste éventail de fonctions dont les principales sont de préconiser des politiques et des stratégies de promotion de la santé et de prévention des maladies, de promouvoir l accès à des soins de santé de qualité, de faciliter le changement au sein de la profession médicale et d offrir aux médecins le leadership et les conseils qui les aideront à orienter les changements de la prestation des soins de santé, à les gérer et à s y adapter. L AMC est un organisme professionnel sans but lucratif qui représente la majorité des médecins du Canada et regroupe 12 associations médicales provinciales et territoriales et 51 organisations médicales nationales.
Introduction Le budget fédéral de 2013 a apporté à la Loi sur la taxe d accise des modifications qui élargissent l application de la taxe sur les produits et services et de la taxe de vente harmonisée (TPS/TVH) aux fournitures de rapports, d évaluations et d autres biens et services qui ne sont pas effectuées à des fins de protection, de maintien ou de rétablissement de la santé d une personne ou dans le cadre de soins palliatifs : des articles ont été ajoutés à Loi sur la taxe d accise afin de fixer de nouvelles conditions auxquelles il faut répondre avant que les services de soins de santé non assurés ne soient exonérés de la TPS/TVH. Ces modifications s appliquent rétroactivement à compter du 22 mars 2013 pour la plupart des provinces (exception : le 1 er avril 2013 pour l Île-du-Prince-Édouard). L Association médicale canadienne (AMC) a répondu en adressant à l Agence du revenu du Canada (ARC) une lettre officielle qui décrit les préoccupations de ses membres et qui demande à l ARC de procéder à une consultation auprès des intervenants. Le 31 octobre 2014, l ARC a publié une version préliminaire de l énoncé de politique sur la TPS/TVH Les fournitures admissibles de soins de santé et l application de l article 1.2 de la partie II de l annexe V de la Loi sur la taxe d accise aux fournitures d évaluations, de rapports et de certificats médicaux, ci-après appelé la «version préliminaire». L ARC note que ces «modifications visent à préciser que la TPS/TVH s applique aux fournitures de rapports, d évaluations et d autres biens et services qui ne sont pas effectuées à des fins de protection, de maintien ou de rétablissement de la santé d une personne ou dans le cadre de soins palliatifs». L AMC a consulté toutes les associations médicales provinciales et territoriales à ce sujet et est heureuse de présenter ses commentaires au sujet de la version préliminaire. Le présent document vise donc (1) à souligner les préoccupations de l AMC au sujet de la version préliminaire et (2) à proposer des recommandations pour l améliorer. Commentaires généraux Bien que la version préliminaire vise à préciser la position de l ARC concernant la signification du terme «fourniture admissible de soins de santé» (FASS), elle ne donne pas suffisamment d indications sur la façon dont l ARC considère (1) le sens à donner aux différents éléments d une FASS, (2) les facteurs à prendre en considération pour déterminer si Association médicale canadienne 1
une fourniture constitue une FASS ou (3) la documentation requise pour appuyer les conclusions d un médecin concernant la nature de ses fournitures. L AMC craint que cette ambiguïté finisse par susciter de la confusion, tant pour les patients que pour les cliniciens. De plus, l AMC a dégagé de la version préliminaire les éléments les plus préoccupants : Les modifications de la politique s appliquent rétroactivement à compter du 22 mars 2013 pour la plupart des provinces (exception : le 1 er avril 2013 pour l Île-du-Prince-Édouard). Il y a un long intervalle entre la date d entrée en vigueur (date du budget) et la date à laquelle l ARC a publié des orientations sur les nouvelles règles fiscales. La version préliminaire attribue aux praticiens le soin de déterminer le but d une fourniture. La politique doit donner d autres indications aux praticiens sur la façon de déterminer le but d une fourniture donnée. L ARC doit veiller à ce que le processus de vérification protège la confidentialité patient-médecin. La version préliminaire devrait préciser les exigences dont le médecin devrait tenir compte en matière de tenue de dossiers et de production de rapports. La portée de la politique est également limitée à certains autres égards. On n y traite pas des obligations du médecin vis-à-vis d une fourniture taxable; par exemple, (1) comment appliquer les dispositions sur l entrée en vigueur, (2) quand s inscrire aux fins de la TPS/TVH et (3) quel taux de TPS/TVH appliquer. Nouveau critère fondé sur le but L AMC est d avis que dans certaines situations, les médecins éprouveront de la difficulté à appliquer le nouveau critère fondé sur le but puisqu il est subjectif et qu il doit être appliqué à chaque patient au cas par cas. Par conséquent, des personnes différentes pourront en arriver à différentes conclusions, selon leur domaine d expertise (c.-à-d., médecins ou vérificateurs de l ARC). En outre, la version préliminaire ne dit rien sur la signification d expressions comme «dans le but de», «maintenir la santé», «prévenir la maladie» et «traiter [ ] une maladie, un trouble ou une invalidité, ou y remédier». De plus, la version préliminaire ne fait pas mention du principe de fourniture de premier ordre, et ne précise pas à qui on doit maintenir Association médicale canadienne 2
la santé ou à qui on doit traiter une maladie, un trouble ou une invalidité, selon l ARC. Est-ce à la personne qui reçoit la fourniture, à la personne à qui les services sont rendus ou à une autre personne? Les réponses à ces questions sont fonction du scénario particulier. La version préliminaire attribue aux praticiens le soin de déterminer le but d une fourniture. Toutefois, elle ne donne pas d indications sur la façon de déterminer le but d une fourniture donnée. De plus, il est concevable que le but d une fourniture puisse changer au cours d une première consultation (c.-à-d., si une maladie est diagnostiquée) ou au fil du temps (suivant l évolution des opinions médicales sur certaines procédures). Qui plus est, la version préliminaire ne reconnaît pas et ne prend pas en considération le fait que les procédures de diagnostic suivies par un praticien lors de l évaluation d un patient sont les mêmes, que le praticien soit payé ou non par un tiers ou qu il fournisse ou non un rapport à celui-ci. Elle ne reconnaît pas et ne prend pas non plus en considération le fait que même si le praticien doit présenter un rapport à un tiers, il discute aussi avec le patient de ses recommandations quant au traitement. Recommandations 1. Élargir la signification du terme «dans le but de», comme suit : Traiter du principe de fourniture de premier ordre et de la façon de l appliquer au critère fondé sur le but dans ce cas (p. ex., est-ce que le but est la raison immédiate de la fourniture, ou faut-il prendre en compte l objectif éventuel ou final?). Dresser une liste des facteurs dont les praticiens doivent tenir compte lorsqu ils déterminent le but de la fourniture (voir, à l Annexe 1, d autres énoncés de politique de l ARC qui comprennent de telles listes). Traiter des répercussions d un but supplémentaire qui se manifeste au cours d une évaluation. 2. Préciser la signification des termes suivants : maintenir la santé; prévenir la maladie; traiter ou soulager une blessure, une maladie, un trouble ou une invalidité, ou y remédier. Association médicale canadienne 3
3. Reconnaître et prendre en considération le fait que les procédures de diagnostic suivies par un praticien lors de l évaluation d un patient sont les mêmes, que le praticien soit payé ou non par un tiers (p. ex., une compagnie d assurances, un tribunal) ou qu il fournisse ou non un rapport à celui-ci, et que même si le praticien doit présenter un rapport à un tiers, il discute aussi avec le patient de ses recommandations quant au traitement. La version préliminaire devrait aborder et explorer cette question. 4. Fournir des exemples de documentation pouvant être utilisée pour appuyer les décisions d un praticien, compte tenu de la nécessité de protéger la confidentialité des dossiers des patients. Aider un particulier (autrement que financièrement) à composer avec une blessure, une maladie, un trouble ou une invalidité Sans indication supplémentaire, la signification de la phrase «aider un particulier (autrement que financièrement) à composer avec une blessure, une maladie, un trouble ou une invalidité» est subjective. Les praticiens peuvent ne pas s entendre sur la question de savoir si une fourniture particulière correspond à la définition ou non. La version préliminaire actuelle ne donne pas suffisamment de directives sur la façon de déterminer si un rapport sert à aider financièrement un particulier ou à l aider à composer avec une blessure, une maladie, un trouble ou une invalidité. Par exemple, la fourniture de rapports à des employeurs pourrait servir pour l une ou l autre de ces fins. Recommandations 5. Clarifier davantage la notion de ce en quoi consiste «aider un particulier (autrement que financièrement) à composer avec une blessure, une maladie, un trouble ou une invalidité». 6. Formuler des précisions sur la signification des termes suivants : aide financière; blessure, maladie, trouble ou invalidité. Association médicale canadienne 4
7. Proposer des facteurs permettant de guider les praticiens lorsqu ils doivent déterminer si la fourniture d un rapport à un tiers sert à des fins d aide financière ou à une autre fin. 8. Donner des exemples de la documentation qui suffit pour démontrer à l ARC la validité de la conclusion d un praticien lorsque ce dernier considère qu une fourniture est une FASS. Analyse Fourniture unique et fournitures multiples La version préliminaire stipule : «Dans les cas où une fourniture est effectuée dans plus d un but, tous les buts sont pris en compte pour établir si la fourniture est une fourniture admissible de soins de santé. Si l un d eux est visé par la définition d une fourniture admissible de soins de santé, la fourniture est considérée comme telle. Il importe toutefois de noter qu une fourniture est en général effectuée dans un seul but. Lorsqu un service de soins de santé, comme une évaluation médicale, est fourni avec un rapport ou un certificat, il faut établir si le fournisseur a effectué une fourniture unique ou des fournitures multiples.» L ajout d une analyse afin d établir s il s agit d une fourniture unique ou de fournitures multiples vient complexifier considérablement le processus utilisé pour déterminer si une fourniture constitue une FASS. Si l ARC juge qu un service représente de multiples fournitures, chacune ayant un traitement fiscal différent, le praticien devra, à des fins fiscales, répartir les frais entre les fournitures. Il n est pas facile pour un praticien de déterminer si la consultation d un patient donné constitue une fourniture unique ou des fournitures multiples. Ce serait là un énorme fardeau pour les praticiens. Recommandations 9. La version préliminaire devrait adopter pour principe qu une fourniture est généralement unique. 10. Elle devrait également clairement indiquer que le but d une fourniture sur le plan des soins de santé est déterminant et qu il a préséance sur tout autre but. Si une fourniture Association médicale canadienne 5
comporte de multiples buts, et que l un d entre eux constitue une FASS, alors la fourniture sera classée comme FASS et sera par conséquent exonérée de la TPS/TVH. 11. Donner des exemples pratiques de situations dans lesquelles un praticien pourrait effectuer de multiples fournitures. 12. Fournir une liste de facteurs propres à la FASS afin d aider les praticiens à déterminer s il s agit d une fourniture unique ou de fournitures multiples. Exemples La version préliminaire donne 23 exemples qui présentent le point de vue de l ARC sur la question de savoir si une fourniture donnée ou une combinaison de fournitures est considérée ou non comme une FASS, et est alors exonérée ou non de la TPS/TVH. Tous les exemples décrivent des cas de fourniture unique; on ne donne aucun exemple comportant des fournitures multiples. De plus, même si les exemples révèlent quelle serait la décision de l ARC à savoir si une fourniture est considérée ou non comme une FASS, ils ne précisent pas les différents facteurs ou éléments que l ARC prendrait en considération pour en arriver à cette décision. Ainsi, les exemples 3, 4 et 5 portent tous sur la fourniture d une évaluation d un patient et sur celle d un rapport ou d un document que le patient remet à un employeur ou à un employeur éventuel. La version préliminaire n explique pas clairement pourquoi les fournitures mentionnées dans les exemples 4 et 5 sont considérées comme des FASS, mais pas celle de l exemple 3. En outre, dans certains cas, les exemples présentés par l ARC ne tiennent pas compte de tous les aspects du scénario en question. Par exemple, en Alberta, effectuer l évaluation médicale d un conducteur (et remplir le formulaire connexe) constitue un service assuré pour un patient âgé de plus de 75 ans, mais l exemple 10 généralise en indiquant que le fait de remplir un tel formulaire ne constitue pas une FASS. Autre exemple, dans certains cas, on fait une subtile distinction entre les billets médicaux et les formulaires d invalidité de courte durée pour les absences en cas de maladie. Association médicale canadienne 6
Recommandations 13. Si les concepts de fourniture unique ou de fournitures multiples sont inclus dans la version définitive de la politique, il faudra alors inclure également des exemples de situations de fournitures multiples. 14. Préciser dans la section «Explication» comment le statut fiscal a été déterminé pour chacun des exemples. 15. Faire un lien avec les facteurs évoqués ci-dessus pour déterminer le statut fiscal de la fourniture. 16. L ARC devrait répertorier et distribuer une liste d exemples qui ne sont pas compris dans cette version préliminaire (p. ex., examens médicaux annuels des cadres de direction, demandes de crédit d impôt pour personnes handicapées). 17. La politique pourrait inclure des précisions sur l enregistrement aux fins de la TPS/TVH, les exigences en matière de perception et de déclaration, les règles d association et le seuil de petit fournisseur, de même que sur la possibilité d être admissible à des recouvrements de TPS/TVH par le truchement de remboursements ou de crédits de taxe sur les intrants (CTI) et sur les conditions d attribution des CTI. Conclusion L AMC est heureuse d avoir pu commenter cette version préliminaire dans le cadre du processus de consultation de l ARC. Pour que les praticiens puissent appliquer les nouvelles règles de façon à minimiser les répercussions sur leurs patients et leur pratique, il faudrait clarifier la signification des différents éléments de la définition d une FASS et préciser les facteurs à prendre en compte pour déterminer si une fourniture constitue une FASS ainsi que la documentation requise pour appuyer les conclusions d un médecin concernant la nature de ses fournitures. L AMC serait heureuse de pouvoir formuler des commentaires sur les prochaines versions de cette politique. Association médicale canadienne 7
Annexe 1 Voici des exemples d énoncés de politique sur la TPS/TVH qui comprennent une liste de facteurs susceptibles d aider le lecteur à déterminer si une situation donnée est conforme à la politique de l ARC : P-244 : Sociétés de personnes Application du paragraphe 272.1(1) de la Loi sur la taxe d accise P-238 : Application de la TPS/TVH aux paiements effectués entre les parties au sein d un organisme d exercice de la médecine P-228 : Résidence habituelle P-208R : Sens de l expression établissement stable P-276R : Application du critère de profit à l exploitation d une entreprise P-167R : Signification de la première partie de la définition du terme entreprise P-164 : Contrats de location avec option d achat P-111R : Définition d une vente à l égard d un immeuble P-104 : La TPS/TVH et la fourniture d un fonds pour les unités récréatives telles que les maisons préfabriquées mobiles, les roulottes de parc et les remorques de tourisme P-090 : Lieu de travail éloigné P-077R2 : Fourniture unique et fournitures multiples P-051R2 : Exploitation d une entreprise au Canada Association médicale canadienne 8