Apport de l analyse morphologique et infrarouge des calculs urinaires Michel DAUDON Service de Biochimie A Hôpital Necker-Enfants Malades, Paris
Données épidémiologiques: quelques chiffres Prévalence de la lithiase urinaire: 10% de la population occidentale En France (sujets de 45 à 60 ans: Hommes: 13,6%- Femmes: 7,6% Récidive des calculs: 55% des cas Insuffisance rénale terminale d origine lithiasique en France: 2% des patients entrant en dialyse chaque année Composition la plus fréquente: oxalate de calcium mais: - 80 espèces moléculaires différentes - 100 formes cristallines - calculs mixtes dans 93% des cas - plus de 100 pathologies et facteurs de risque lithogènes (diurèse faible, déséquilibres nutritionnels, anomalies génétiques, pathologies acquises, infections, malformations..)
Données épidémiologiques Nature des calculs en France au XXIème siècle (51747 calculs analysés entre 2001 et 2004) Oxalates de calcium (whewellite, weddellite): 71,8% Phosphates de calcium (carbapatite, brushite): 13,6% Acides uriques (acides uriques anhydre et dihydraté): 10,8% Autres (struvite, cystine, médicaments,etc): 3,9% Principaux facteurs épidémiologiques influençant la composition des calculs Âge: moins de Wd et plus d acides uriques avec l âge Sexe: plus de PhCa chez F, plus de Wd et AcUr chez H
Comment analyser un calcul? Pas par analyse chimique, car cette méthode ne renseigne ni sur la composition moléculaire, ni sur la composition cristalline ni sur la morphologie du calcul Par analyse morpho-constitutionnelle, qui doit associer typage et composition séquentielle semi-quantitative du noyau à la surface du calcul, ce qui permet d en reconstituer l histoire et de vérifier: 1. Si les facteurs lithogènes identifiés aujourd hui chez le patient sont les mêmes que ceux qui ont initié le calcul 2. Si des causes particulières (ex: infection urinaire), aujourd hui disparues, ont pu être à l origine du calcul dont la composition et la structure périphériques permettent de savoir s il existe ou non de nouveaux facteurs lithogènes responsables de sa croissance
Enfant de 9 ans: calcul pyélique de 18mm bilan biologique = hypercalciurie Urate NH4 Whewellite Weddellite + Carbapatite Diarrhées+carence phosphorée=>hyperoxalurie=>hypercalciurie diététiq.
Noyau Ic = HOP 1 Surface IVc = IU 12 cm Section Ia = Hyperoxalurie H,26 ans. Diagnostic clinique: inf. urinaire chronique à germes uréasiques
Classification morpho-constitutionnelle (I) Type sous-type composition I Ia whewellite Ib whewellite +- weddellite Ic whewellite Id whewellite I actif whewellite II IIa weddellite IIb weddellite ± whewellite IIc weddellite III IIIa acide urique anhydre (AU0) IIIb acide urique 2H20 ± AU0 IIIc urates divers IIId urate d ammonium
Classification morpho-constitutionnelle (II) Type sous-type composition IV IVa carbapatite IVa2 carbapatite IVb carbapatite + struvite IVc struvite IVd brushite V Va cystine Vb cystine VI VIa protéines (Prot) VIb Prot + méd.ou dériv. métab. VIc Protéines + whewellite
Type Ia WHEWELLITE = oxalate de calcium monohydraté (C1) oxalate de calcium = oxalo-dépendant (hyperoxalurie, svt [HOx] = 88%) Importance de la composition cristalline WEDDELLITE = oxalate de calcium dihydraté (C2) = calcium-dépendant (hypercalciurie = 86%) Type IIa
Type Ic whewellite = oxalate de calcium monohydraté = hyperoxalurie primaire oxalate de calcium Type IIb Grosses lames quadratiques Importance de la morphologie 3 mm weddellite Hypercalciurie + hyperoxalurie +- hypocitraturie
Quelques clés pour l interprétation des données de l analyse morphologique et infrarouge (2) Relations morphologie-étiologie pour la WHEWELLITE (1) le type Ia correspond à des hyperoxaluries intermittentes, essentiellement nutritionnelles ou par défaut de diurèse (hyperoxalurie de concentration) le type Ic correspond essentiellement à des hyperoxaluries d origine génétique (hyperoxaluries primitives de types I, II et non I-non II: mutation du transporteur Cl-Ox SLC26A6?) Le type I actif s observe surtout dans les hyperoxaluries absorptives des pathologies digestives inflammatoires avec stéatorrhée Le type Id traduit des situations de stase avec confinement anatomique (obstruction, anomalies anatomiques postpapillaires, diverticules caliciels)
Whewellite pure Type Ia Hyperoxaluries nutritionnelles intermittentes: >80% Ia Whewellite pure Type Ic Hyperoxaluries primaires: 99% Ic
Whewellite pure Type I actif Hyperoxaluries absorptives: 80% I actif Whewellite pure Type Id Hyperoxaluries de concentration avec stase
Calcul papillaire ancré à une plaque de Randall Plaques de Randall sur une papille Plaques de Randall
Evan AE et al. Anatomical Record 2007 (sous presse)
Sites initiaux des dépôts calciques Membrane basale des anses grêles de Henlé Evan et al, J Clin Invest 2003, 111:607
PR Carbapatite Ombilication papillaire Plaque de Randall Voile grisâtre Ombilication sans PR (détachée) Calcul jeune PR Urate Na Whewellite ~ pure
35 30 25 20 15 10 Fréquence des plaques de Randall (PR) chez l'homme selon la période (N = 24000 calculs) 5 0 Âge 20-29 ans: 5,7% => 17,9% => 26,2%, 2000 1990 1980 20-29 30-39 40-49 50-59 60-69 >=70 ans Âge des patients p<0,0001 PR: H+F 22,2% 18,9% 8,9%
Rôle de l hypercalciurie Dans l étude d Evan et coll [JCI 2003;111:607-616], la calciurie moyenne des 15 patients biopsiés était de 7,8 mmol/j vs 2,8 mmol/j pour les 4 sujets contrôles La même année, Kuo et coll [Kidney Int 2003;64:2150-2154] ont rapporté que la surface papillaire recouverte par les dépôts calciques était proportionnelle à la calciurie et inversement proportionnelle au volume urinaire Bushinsky a suggéré qu en cas d augmentation de l absorption intestinale du calcium, une concentration élevée de calcium dans la médullaire profonde favorise la sursaturation en sels calciques, notamment en phosphate de calcium
Quelques clés pour l interprétation des données de l analyse morphologique et infrarouge (4) Les morphologies et/ou les compositions mixtes doivent faire rechercher les étiologies associées à chaque type morphologique: Calculs oxalo-phosphocalciques de morphologie mixte, IIa+IVa, plus fréquents dans les hypercalciuries résorptives, dont l hyperparathyroïdie Si teneur en phosphates calciques > 40%, hypocitraturie fréquente, de même que les troubles de l acidification rénale Si calcul majoritaire en brushite, il faut rechercher une hypercalciurie (83% des cas) et tout particulièrement une hyperparathyroïdie primaire (14% des cas)
Calculs majoritaires en CARBAPATITE Carbapatite > Wh > Wd Carbapatite > PACC Type IVa Type IVa+IIb = Hyperparathyroïdie I = Infection urinaire Type IVa2 Carbapatite >> Wh => Craquelures caractéristiques = Acidose tubulaire distale congénitale ou acquise (validée dans ~ 90% des cas hors IU)
Fréquence des constituants majoritaires en cas de diabète (n=631) (Daudon et coll, NDT 2005;20:468-469) Composé principal Diabétiques Femmes Hommes (n=193) (n=438) Non diabétiques (2000-04) Hommes Femmes (n=9254) (n=4032) Whewellite 52,5 33,7 50,1 42,9 Weddellite Carbapatite 13,9 * 6,0 6,2 16,0 24,8 13,8 Ac.Urique 24,9 * 37,0 * 7,2 10,9 (14,7 ) 23,2 7,0 (9,7 ) 0,7 4,3 3,6 4,4 Struvite Autres * P < 0,0001 vs non diabétiques 1,1 2,2 5,9 10,9 ( ) appariés pour l âge => La femme diabétique est plus sensible que l homme diabétique au risque de lithiase urique
Type IIIb stase Type IIIa Syndrome métabolique, diabète Diarrhées+carence phosphorée HU+Alcalinisation, IU Type IIIc Type IIId
CRITÈRES D INFECTION LITHOGÈNE DÉDUITS DE L ANALYSE INFRAROUGE DES CALCULS Calculs souvent associés à une infection urinaire, mais celle-ci pas forcément responsable du calcul => Critères permettant d affirmer le rôle de l infection dans la formation du calcul: 1. Présence de struvite 2.% CO3 des phosphates calciques (CA/PACC) > 15% 3.Association de CA et d urate d ammonium 4.Présence de whitlockite en proportions > 20% 5.Calcul acide urique contenant filaments mycéliens => Infection urinaire chronique par des microorganismes uréasiques
AUTRES CONSTITUANTS ANALYSE INFRAROUGE DU CALCUL permet immédiatement et facilement de: dépister des causes rares ou peu fréquentes de lithiases: - cystinurie - déficit en APRT (calculs de dihydroxyadénine) - xanthinurie congénitale (xanthine) - métabolites de la caféine (acide méthyl-1-urique) - médicaments ou d orienter l étiologie dans des contextes cliniques particuliers: - Phosphate octocalcique au cours de la grossesse - Acide urique et s yndrome métabolique ou, surtout, diabète de type 2
CONCLUSION ANALYSE MORPHO-CONSTITUTIONNELLE DU CALCUL = Etape essentielle de l enquête étiologique car un calcul d apparence clinique simple peut cacher une forme sévère de lithiase congénitale ou acquise Le TYPAGE renseigne sur l activité métabolique de la lithiase, son ancienneté, le processus initial de cristallisation, voire précisément la pathologie en cause L ANALYSE INFRAROUGE permet une identification séquentielle et la quantification des espèces cristallines EN PRATIQUE, L ANALYSE DU CALCUL PERMET TOUJOURS UN DEPISTAGE SIMPLE ET RAPIDE DES FORMES SEVERES DE LITHIASE