CNAM UE MVA 211 Ph. Durand Algèbre et analyse tensorielle deuxième partie Cours 3: Quelques points sur la théorie de l homotopie II

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CNAM UE MVA 211 Ph. Durand Algèbre et analyse tensorielle deuxième partie Cours 3: Quelques points sur la théorie de l homotopie II Fevrier 2007 1 Introduction Après avoir étudié le groupe fondamental et les groupes d homotopie supérieurs, on peut s interesser aux techniques de calcul systématiques des groupes d homotopie. Déjà, le théorème de Van Kampen nous a permis de calculer quelques groupes fondamentaux. Pour calculer d autres groupes, il est utile d introduire la notion de revêtement, la notion de fibration ainsi que la longue suite exacte d une fibration. Cela permet de calculer (quelques) groupes d homotopies des sphères. 2 Revêtements, et fibrations Quand on dispose d un espace topologique X non simplement connexe (variété a trous par exemple), on peut lui associé un espace simplement connexe. Une construction standard est le revétement universel de de X noté X 2.1 Revêtements, revêtement universel On donne d abord la notion générale de revêtement qui représente un exemple simple de fibration et dont les applications sont nombreuses tant en mathématiques qu en physique. En théorie des nombres on aime considérer 1

des revêtements galoisiens, en physique mathématique les particules sont souvent dífférentiées par leur spin. La géometrie spinorielle est la racine carrée de la geométrie (riemanienne. Le groupe spinoriel est un revétement a deux feuillets du groupe orthogonal. Définition Soit X un espace topologique connexe par arcs et une application π : X X on dit que ( X, π) est un revêtement de X quand pour tout x X il existe un ouvert U de X contenant x et des ouverts deux à deux disjoints U i de X, l ensemble d indice étant fini ou dénombrable tel que π 1 (U) = i I U i et ou l application π restreinte à U i est un homéomorphisme. Définition On appelle revêtement universel un revêtement pour lequel le groupe fondamental est trivial, et l ensemble d indice est isomorphe au groupe fondamental de l espace recouvert. On peut montrer que l on peut, dans le cas d espaces topologiques peu compliqués comme, par exemple une variété, toujours construire un revêtement universel. Ainsi le revêtement universel de la sphère S 2 est la sphère S 2 car elle est simplement connexe. Le revêtement de la sphêre S 1 est R On montre plus généralement que le revêtement universel du tore T 2 est le plan R 2 et un peu plus difficilement que le revêtement universel d une surface orientable de genre g > 1 est donné par le demi-plan de Poincaré. 2.2 Fibrations, relèvement des homotopies Un revêtement représente un cas particulier de fibration, qui donne naissance à la théorie des espaces fibrés. On peut même définir les fibrations au travers du paragraphe qui suit. On parle de fibration au sens de Serre. Il s agit d une application p : E X qui satisfait la propriété dite de relèvement des homotopies. Définition Soit p : E X une application. On dit que cette application possède la propriété de relèvement des homotopies si étant donnée une homotopie 2

f t : Y X et une application de f 0 : Y E vérifiant p f 0 = f 0, il existe une unique homotopie f t : Y E qui relève f i.e: p f t = f t. On dit alors que l application est une fibration de Serre. Un premier exemple de fibration de Serre est donné par les revêtements et en particulier le revêtement universel on a la propsition suivante : Théorème Un revêtement est une fibration de Serre Demonstration On peut procéder localement puis recoller: π étant un homéomorphisme local on peut relever point par point un chemin de la base dans n importe quel U i au moins localement puis recoller pour obtenir un relèvement globale.une homotopie en bas est bien sûr une homotopie en haut. Théorème Un fibré vectoriel ou un fibré principal est une fibration de Serre. Demonstration On verra la théorie des connections associée à l étude des fibrés vectoriels. La donnée d une connection permet de relever de manière unique un chemin de la base dans l espace total du fibré. On pourra donc relever les homotopies de la base. 2.3 Longue suite exacte d homotopie (cas d une fibration) Un moyen pour calculer certains groupes d homotopies est de pouvoir définir certaines suites exactes (longues). Un exemple célèbre est la longue suite exacte associée à la fibration de Hopf qui permet de calculer un π n (S m ) dans le cas où n > m 3

2.3.1 Suites exactes Pour calculer des groupes d homotopie on peut avoir recours au suites exactes. Cependant on obtient souvent que des résultats partiels: seuls certains groupes peuvent être calculés par cette méthode. Malgré tout, le concept de suites exactes est au coeur des méthodes de calcul de la topologie algébrique. Le formalisme algébrique des suites exactes s avère plus performant pour les calculs des groupes d homologie ou de cohomologie, c est pourquoi on l a nommé algèbre homologique (plutôt qu homotopique) et que nous en dirons plus dans les prochains chapitres. 2.3.2 Suite exacte, suite exacte courte On considère des groupes X, Y, Z. Ces ensembles pourraient tout aussi bien être des modules ou des espaces vectoriels. Definition On appelle suite exacte en Y:... X f Y Kerg = Imf Cas particuliers g Z... On considère la suite exacte en X: 0 i X f Y Alors f injective. On considère la suite exacte en Z: Y g Z j 0 Alors g surjective. 4

Definition On appelle suite exacte courte: 0 i X f Y g Z j 0 avec: Kerg = Imf, f injective et g surjective. Exemple: Si fest un morphisme entre les R modules M et N on a les deux suites exactes: 0 Kerf 0 Imf i M i N avec Coimf = M/kerf Cokerf = N/Imf π Coimf 0 π Cokerf 0 En particulier si M et N sont des espaces vectoriels : M = Kerf Coimf et N = Imf Cokerf On dit que la suite exacte split, c est faux pour les modules en général de part l existence d une torsion. Voici deux exemples simples : 0 Z p Z π Z/pZ 0 0 Z/pZ q Z/pqZ π Z/qZ 0 2.3.3 Suite exacte d une fibration A partir des suites exactes courtes il existe plusieurs procédé pour générer des suites exactes longues permettant de calculer des groupes d homologie ou de cohomologie. Ces procédés ne se généralisent malheureusement pas, pour les calculs des groupes d homotopie. Il y a un cas où l on peut calculer: c est la suite exacte longue d une fibration. On a vu qu une fibration était 5

une application: E X (on note F la fibre type) vérifiant la propriété de relèvement des homotopies. Cela permet de générer la suite exacte longue ci-dessous. Théorème Etant donné une fibration de Serre E X et F la fibre type, on a la longue suite d homotopie suivante:... π n (F, f 0 ) π n (E, f 0 ) π n (X, x 0 ) Application π n 1 (F, f 0 )... π 0 (E, f 0 ) 0 On peut simplifier cette longue suite exacte dans quelques cas particuliers. Fibré triviale Si la fibration est simplement un espace fibré trivial, c est à dire que E = F X. On sait que quel que soit l entier n, π n (E) = π n (F X) =π n (F ) π n (X), alors la suite exacte longue se scinde en suites exactes courtes. 0 π n (F ) π n (F X) π n (X) 0 Les 0, aux bouts, proviennent du fait que la première flêche est une injection (inclusion dans un espace produit) la deuxième une projection. L espace E est simplement connexe Il est alors immédiat, en observant la suite exacte longue, que l on a: π n (F, f 0 ) 0 π n (X, x 0 ) π n 1 (F, f 0 ) 0... On en déduit que π n (X, x 0 ) est isomorphe à π n 1 (F, f 0 ). Etude de quelques fibrations 1) Si on applique la longue suite exacte de fibration au revêtement universel du cercle S 1, et compte tenu que le groupe fondamental d un espace discret est trivial (à cause du choix du point de base), on peut montrer que tous les 6

groupes d homotopie supérieurs du cercle (n > 1) sont nuls (car l ensemble des nombres réel est contractile). 2) Pour les sphères de dimensions supérieurs nous n avons pas un tel résultat, on peut néanmoins calculer quelques groupes d homotopie supérieurs grâce à la fibration de Hopf. En petites dimensions, on peut montrer que la sphère S 3 est fibrée en cercles S 1 sur la sphère S 2. On en déduit alors que π 3 (S 2 ) est isomorphe à Z a partir de la même suite exacte longue. 7