L ESTIMATION DES FONDS DE COMMERCE À PARTIR DE LEURS CAPACITÉS BÉNÉFICIAIRES

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Transcription:

MICHEL MARX Expertises EXPERTS IMMOBILIERS SPÉCIALISTES DE LA PROPRIÉTÉ COMMERCIALE L ESTIMATION DES FONDS DE COMMERCE À PARTIR DE LEURS CAPACITÉS BÉNÉFICIAIRES par Michel MARX expert immobilier chartered surveyor FRICS Il était d usage, et cela le reste encore, d évaluer un fonds de commerce à partir du chiffre d affaires réalisé par l exploitant. On retenait le chiffre d affaires moyen des trois dernières années, le plus souvent TVA incluse, auquel on appliquait un pourcentage préconisé par les traités, tels FRANCIS LEFEBVRE, CALON, FERBOS & BERNARD. Ces traités font état de fourchettes laissant à l évaluateur le soin de tenir compte de la qualité de l emplacement, du niveau des agencements, de l état du matériel et du bénéfice réalisé par l exploitant. Pour certains fonds, notamment les pharmacies, des statistiques sont régulièrement établies et mises à jour, permettant d obtenir des fourchettes de pourcentages par région et selon la taille de l entreprise. Les usages ont cependant changé depuis une quinzaine d années : Au début des années 1990, les acquéreurs de fonds de commerce ou de biens immobiliers ont privilégié le bénéfice du fonds au détriment du chiffre d affaires, le revenu net d un immeuble au détriment du prix au mètre carré, le raisonnement économique au détriment des méthodes statistiques. Par ailleurs, ce n est pas tellement les résultats du vendeur qui déterminent l acquéreur mais le bénéfice futur que celui-ci escompte réaliser avec l outil qu il se propose d acquérir. Le chiffre d affaires réalisé a toujours son importance, tout comme la surface d un immeuble mais ne constitue plus le critère déterminant.

La détermination des capacités bénéficiaires du fonds : Les capacités bénéficiaires d un fonds sont constituées par l excédent brut d exploitation (EBE) qui peut être dégagé à partir du compte de résultats de l exploitant. L EBE se compose de quatre éléments principaux : - le résultat d exploitation - la dotation aux amortissements - une variation anormale des stocks - les éventuels frais de siège pour un fonds exploité par une enseigne qui peuvent cacher des transferts de bénéfices sur d autres fonds appartenant à la même enseigne, ou simplement des distributions aux dirigeants L EBE, c est le réel bénéfice, ce que «crache» l affaire. C est à dire qu il convient de corriger l EBE en ajoutant le loyer en vigueur et d examiner si l EBE retraité permettrait au fonds d en supporter la valeur locative de marché. La capitalisation de l EBE non retraité donne la valeur du fonds. La difficulté réside dans le choix du coefficient de capitalisation mais il faut savoir que le coefficient moyen se situe entre 4 et 5, quelque soit le commerce exploité, à l inverse des pourcentages de chiffres d affaires préconisés par les traités qui varient suivant le type de commerce. Encore ne faut-il pas perdre de vue que ce coefficient peut être très variable suivant la qualité du fonds, les agencements, la CDEC et le niveau du loyer : ü la qualité du fonds : Les cafés se négocient le plus souvent à 4 voire 5 fois l EBE alors qu on atteint 7 pour de beaux établissements et tout juste 2 pour les cafés médiocres des petites villes voire de banlieue parisienne ü l importance des agencements : Ceux-ci peuvent jouer un rôle majeur : les hôtels se négocient le plus souvent entre 7 et 10 fois l EBE ü l existence d une CDEC : Les fonds alimentaires d une certaine importance peuvent se négocier 10 à 12 fois l EBE parce que l acquéreur préfèrera acquérir un fonds en état de marche même si son concept ne lui convient pas, afin de bénéficier d une CDEC, souvent longue à obtenir ü le niveau du loyer : C est l élément principal parce que sa faiblesse génère, dans les bons et très bons emplacements, de fortes valeurs de droit au bail La recherche de l origine des capacités bénéficiaires :

Les capacités bénéficiaires d un fonds ont deux origines : - la faiblesse du loyer par rapport au marché entraînant une véritable rente de situation - le travail de l exploitant a) la faiblesse du loyer par rapport au marché génère une valeur de droit au bail qui, très souvent, constitue le composant principal d un fonds de commerce. Il convient de se référer à la véritable valeur locative, celle du marché et non à une valeur moyenne ou une valeur en renouvellement, notamment d origine judiciaire. Le marché ce n est même pas le prix maximum qu offrirait un preneur pour prendre à bail des locaux mais une quote-part de la marge brute qu il escompte réaliser dans les locaux qu il envisage de prendre à bail. Le prix qu il offre ou qu il accepte de payer est forcément inférieur à cette quote-part de la marge brute. C est à dire que le plus souvent, les prix de marché relevés dans les nouvelles locations ne peuvent constituer que le niveau minimum du marché. En comparant le prix de marché au loyer en vigueur ou celui qui pourrait être obtenu en cas de cession, on détermine la valeur du droit au bail, la valeur en capital de la rente de situation. Les coefficients de capitalisation pour l obtention des valeurs de droit au bail sont issus du marché et sont bien connus : - 0 à 3 dans les mauvaises situations - 5 dans les situations moyennes - 7 à 8 dans les très bonnes situations - 8 à 10 dans les emplacements numéro 1 b) Le travail de l exploitant : Si l EBE retraité (EBE + loyer) n excède pas le prix de marché, c est que le fonds n est pas viable ou n a en tant que tel aucune valeur si ce n est celle de sa rente de situation, de son droit au bail. La référence aux chiffres d affaires n a dès lors strictement aucune signification. Si par contre, l EBE retraité excède le prix de marché, il existe une véritable valeur de fonds. La valeur en capital du travail de l exploitant est donnée par la capitalisation de la différence entre l EBE retraité et la valeur locative de marché. A un coefficient, à l évidence inférieur à ceux précédemment dégagés parce qu un bénéfice issu du travail n a pas la même valeur que celui issu d une rente de situation. Sous réserve d être d un niveau inférieur au coefficient retenu pour déterminer

la valeur du droit au bail, ce coefficient se situe entre : - 3 et 5 pour des commerces indépendants - 5 et 7 pour des enseignes nationales parce qu elles margent mieux que les commerces indépendants et réalisent des chiffres d affaires plus importants Cette capitalisation des bénéfices générés par le travail de l exploitant donne la valeur de la clientèle plus celles des agencements et du matériel. c) La valeur du fonds est donnée par la somme des deux composants précédents à savoir le droit au bail d une part, les valeurs de la clientèle, des agencements et du matériel d autre part. Un exemple : - valeur locative de marché : 150.000 - loyer en vigueur : 60.000 - EBE non retraité : 130.000 On détermine la valeur du droit au bail : (150.000-60.000 ) x 7 = 630.000 et la valeur du fonds si le loyer était au niveau du marché : 130.000 (EBE) + 60.000 (loyer) 150.000 (marché) = 40.000 capitalisée au coefficient 4 d un indépendant : 40.000 x 4 = 160.000 Valeur du fonds : 630.000 + 160.000 = 790.000

d) Le chiffre d affaires réalisé par le fonds Supposons qu il s agisse d un commerce de prêt à porter dont la valeur donnée par les traités serait de l ordre de 60% du chiffre d affaires, le résultat précédent permet de trouver le chiffre d affaires : 790.000 ------------ = 1.317.000 60% Si le chiffre d affaires est différent, il convient de l expliquer et de procéder à un ajustement des coefficients précédemment préconisés. EN CONCLUSION - l appréciation d un fonds de commerce à partir des seuls chiffres d affaires ne peut être que statistique - la valeur du droit au bail constitue le plus souvent la principale valeur d un fonds de commerce. C est en cela que l évaluation d un fonds de commerce relève plus de l expert immobilier que de l expert comptable - la recherche de l origine des capacités bénéficiaires d un fonds est essentielle pour en déterminer la réelle valeur E-mail : contact@marx.fr Copyright 1998-2008 Michel MARX Expertises Tous droits réservés.