N 2722 ASSEMBLÉE NATIONALE



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Transcription:

N 2722 ASSEMBLÉE NATIONALE CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958 QUATORZIÈME LÉGISLATURE Enregistré à la Présidence de l Assemblée nationale le 15 avril 2015. RAPPORT D INFORMATION DÉPOSÉ en application de l article 145 du Règlement PAR LA COMMISSION DES FINANCES, DE L ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE en conclusion des travaux d une mission d information sur la fiscalité agricole ET PRÉSENTÉ PAR M. FRANÇOIS ANDRÉ, Rapporteur

La mission d information est composée de : M. Marc Le Fur, président, M. François André, rapporteur, M. Jean-Marie Beffara, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Alain Fauré, Mme Valérie Rabault, Mme Véronique Louwagie, M. Michel Vergnier.

3 SOMMAIRE Pages SYNTHÈSE DU RAPPORT... 9 INTRODUCTION... 11 PREMIÈRE PARTIE : LES SPÉCIFICITÉS DE LA FISCALITÉ AGRICOLE... 15 I. PANORAMA DE LA FISCALITÉ AGRICOLE... 17 A. L IMPOSITION DU BÉNÉFICE... 17 1. Le forfait collectif... 18 2. Le régime réel d imposition... 20 3. Les adaptations de la fiscalité pour les groupements à l impôt sur le revenu... 24 a. Le principe de transparence applicable aux GAEC... 24 b. L EARL ne favorise pas les regroupements... 24 B. LA TVA AGRICOLE... 25 1. Le régime simplifié de l agriculture (RSA)... 25 2. Régime du remboursement forfaitaire... 26 C. LA FISCALITÉ DIRECTE LOCALE... 27 II. DES SPÉCIFICITÉS FONDÉES SUR DES RAISONS OBJECTIVES... 27 A. L INTENSITÉ CAPITALISTIQUE DE L ACTIVITÉ AGRICOLE... 28 B. LA VARIABILITÉ DU REVENU AGRICOLE... 30 C. LA PLURIACTIVITÉ DU MONDE AGRICOLE... 32 D. L ÉMERGENCE D UNE AGRICULTURE DE GROUPE... 33 III. QUEL DEVENIR POUR LE FORFAIT COLLECTIF?... 34 DEUXIÈME PARTIE : MIEUX PRÉPARER L AVENIR DU MONDE AGRICOLE... 41 I. FACILITER LES INSTALLATIONS ET LES TRANSMISSIONS D EXPLOITATIONS... 41

4 A. LES AIDES À L INSTALLATION POUR LES JEUNES AGRICULTEURS... 41 1. Les aides non fiscales aux jeunes agriculteurs... 42 a. Des aides conditionnées... 42 b. Des dispositifs complets... 43 i. La dotation d installation (DJA) prévue aux articles R. 343-9 à R. 343-12 du code rural et de la pêche maritime... 43 ii. Les prêts à taux réduits et bonifiés prévus par les articles R. 343-13 à R. 343-16 du code rural et de la pêche maritime... 44 2. Les aides fiscales et sociales aux jeunes agriculteurs... 44 a. L abattement fiscal pendant cinq ans... 44 i. Les conditions pour bénéficier de l abattement... 44 ii. Les modalités du dispositif... 44 b. Le dégrèvement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties... 45 c. L exonération partielle et temporaire des cotisations sociales... 45 3. Un système performant qui ne nécessite pas d évolutions à court terme... 45 B. RÉDUIRE LE COÛT DE LA TRANSMISSION AGRICOLE : DES DISPOSITIFS NOMBREUX ET INCITATIFS... 46 1. Les mécanismes fiscaux liés à la transmission... 46 a. Le pacte Dutreil applicable au secteur agricole pour les transmissions à titre gratuit... 46 b. Le régime particulier des ventes d immeubles ruraux (article 1594 F quinquies D et E du CGI)... 47 c. Le salaire différé... 49 2. Les dispositifs fiscaux liés au foncier : les exonérations liées aux baux ruraux à long terme et les groupements fonciers agricoles (GFA)... 49 a. Des outils efficaces pour réduire l investissement en foncier lors de l installation... 50 b. Des outils encouragés par la fiscalité... 50 c. Un régime satisfaisant en l état actuel du droit... 51 3. Les autres dispositifs permettant d atténuer le coût de la transmission de l exploitation agricole (dispositions de droit commun)... 51 a. Le démembrement de propriété... 51 b. L étalement du paiement des droits dus lors de la transmission... 51 c. La déductibilité des droits... 52 II. ACCOMPAGNER L ÉMERGENCE D UNE AGRICULTURE DE GROUPE... 52 A. RENFORCER LE PRINCIPE DE TRANSPARENCE DU GAEC... 52 1. La transparence des GAEC est limitée... 52 a. Une transparence souvent imparfaite... 53

5 b. L absence de transparence du GAEC pour le régime de pluriactivité et le crédit d impôt congé... 54 2. Étendre le principe de transparence du GAEC jusqu à quatre associés... 57 a. Rehausser le seuil spécifique d assujettissement au réel pour les GAEC... 57 b. GAEC et crédits d impôt... 57 B. ÉTUDIER LA PISTE D UN IS AGRICOLE... 58 TROISIÈME PARTIE : MIEUX MAÎTRISER LA GESTION DES RISQUES ET L IMPACT DE LA VOLATILITÉ DES REVENUS... 61 I. LA DÉDUCTION POUR ALEAS (DPA) : UN INSTRUMENT FISCAL PEU INCITATIF... 63 A. DPA : UN DISPOSITIF ENCADRÉ... 63 1. Les conditions pour bénéficier de la DPA... 63 2. Les conditions d utilisation de la DPA... 64 a. Les aléas concernés par l utilisation de la DPA... 64 b. Le délai de réintégration de déductions pratiquées... 65 c. Les conditions de réintégration de la déduction au résultat imposable :... 66 3. Les pistes d évolution du dispositif... 68 a. Faciliter les conditions d entrée dans la DPA... 68 b. Assouplir les modalités d utilisation de la DPA... 68 c. Assouplir le délai de réintégration des sommes utilisées à compter de la survenance de l aléa... 69 B. L ARTICULATION ENTRE LA DÉDUCTION POUR INVESTISSEMENT ET LA DÉDUCTION POUR ALÉAS... 70 1. La déduction pour investissement : un dispositif attractif mais potentiellement générateur d abus... 70 a. Les conditions pour bénéficier de la DPI :... 70 b. Les conditions d utilisation de la DPI :... 71 c. Les conditions de réintégration de la déduction au résultat imposable :... 73 2. Le plafond commun des déductions pour investissement et déduction pour aléas... 74 a. Un plafond modifié à de nombreuses reprises... 74 b. Le complément de DPA au plafond forfaitaire :... 75 c. L application du plafond aux GAEC et EARL :... 75 d. Le plafond des déductions doit-il encore évoluer?... 76 II. ASSOUPLIR LES MÉCANISMES DE LISSAGE DU REVENU À L IR... 77 A. RÉDUIRE LA DURÉE DE L OPTION POUR LA MOYENNE TRIENNALE. 78 B. ASSOUPLIR LES MODALITÉS D ÉTALEMENT DU REVENU EXCEPTIONNEL... 78

6 III. L ASSIETTE SOCIALE : UNE ASSIETTE MOINS RÉACTIVE À LA VARIABILITÉ DES REVENUS QUE L ASSIETTE FISCALE... 81 A. UNE ASSIETTE SOCIALE QUI DIFFÈRE DE L ASSIETTE FISCALE... 81 1. Principes généraux... 81 a. La détermination de l assiette sociale... 81 b. L exercice de référence... 81 c. Assiette fiscale et assiette sociale : quelles différences?... 82 2. Situation particulière : les cotisations sociales du jeune agriculteur... 84 B. QUELLES PERSPECTIVES D ÉVOLUTION?... 85 1. Calculer les cotisations sociales sur l année N : un dispositif trop complexe à mettre en œuvre administrativement... 85 2. Supprimer l assiette minimale pour la branche maladie de la MSA... 87 3. Modifier les modalités de calcul de la «rente du sol» appliquée à l assiette sociale... 88 4. Assouplir les modalités d application du dispositif de l à-valoir... 88 5. L inclusion des dispositifs d étalement dans l assiette sociale... 89 QUATRIÈME PARTIE : LA FISCALITÉ AGRICOLE FACE À LA DIVERSIFICATION DE L ACTIVITÉ... 91 I. L INTÉGRATION DES REVENUS ACCESSOIRES : LA PRISE EN COMPTE DANS LA FISCALITÉ AGRICOLE DE LA DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS... 91 A. LA DIVERSIFICATION DES ACTIVITÉS PAR LES EXPLOITANTS AGRICOLES : UN PHÉNOMÈNE CROISSANT... 91 1. La pluriactivité croissante des exploitations agricoles... 91 2. L état du droit en 2015... 92 a. Définition des revenus accessoires... 92 b. Le régime de taxation des revenus accessoires au titre des BA... 94 B. QUELLES ÉVOLUTIONS POSSIBLES POUR FAVORISER LA PLURI- ACTIVITÉ SANS DÉSTABILISER LE MAILLAGE ÉCONOMIQUE EN MILIEU RURAL?... 97 1. Les seuils de rattachement des revenus issus des activités accessoires... 97 a. Un seuil qui a peu évolué depuis sa création... 97 b. Un seuil adapté à la réalité économique des territoires ruraux... 97 2. L application de la transparence... 98 a. Les articles 75 et 75 A du code général des impôts et leur interprétation jurisprudentielle... 98 b. Une transparence qu il serait souhaitable d inscrire dans la loi... 100 II. LES ENJEUX DE LA MÉTHANISATION À LA FERME : VERS UNE FISCALITÉ PLUS INCITATIVE... 100

7 A. LES SPÉCIFICITÉS DE L ACTIVITÉ DE MÉTHANISATION... 100 B. LA PRISE EN COMPTE PROGRESSIVE DE LA MÉTHANISATION PAR LA FISCALITÉ AGRICOLE... 103 1. La loi de finances pour 2008 intègre les activités de méthanisation aux bénéfices agricoles des agriculteurs... 103 2. L exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) : le passage d une exonération facultative à une exonération de plein droit... 104 a. La loi de finances pour 2013 : la mise en place d une exonération facultative... 104 b. La loi de finances pour 2015 : une exonération plus favorable aux activités méthanisation... 105 i. Une exonération temporaire qui devient de plein droit... 105 ii. Une nouvelle exonération temporaire de cotisation foncière des entreprises (CFE) est créée... 105 C. QUELLES PERSPECTIVES D ÉVOLUTION POUR LA FISCALITÉ APPLIQUÉE AUX ACTIVITÉS DE MÉTHANISATION?... 106 a. La problématique des unités pionnières... 106 b. Le cas particulier des immeubles affectés au stockage... 106 c. Le régime fiscal de l activité de compostage... 106 CONCLUSION... 107 EXAMEN EN COMMISSION... 109 SYNTHÈSE DES RECOMMANDATIONS... 119 CONTRIBUTIONS... 121 I. CONTRIBUTION PRÉSENTÉE PAR M. MARC LE FUR, PRÉSIDENT DE LA MISSION D INFORMATION... 121 II. CONTRIBUTION DE M. CHARLES DE COURSON, SECRÉTAIRE DE LA COMMISSION DES FINANCES, DÉPUTÉ DU GROUPE UDI ET MEMBRE DE LA MISSION D INFORMATION SUR LA FISCALITÉ AGRICOLE... 131 ANNEXE 1 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LES RAPPORTEURS... 135 ANNEXE 2 : PRINCIPALES DÉPENSES FISCALES RÉSERVÉES AUX EXPLOITATIONS AGRICOLES, HORS MESURES DE CARBURANT ET HORS REMBOURSEMENT DE TICPE... 137 ANNEXE 3 : TABLEAU COMPARATIF DU CHAMP DE L ASSIETTE FISCALE ET DE L ASSIETTE SOCIALE... 139

9 SYNTHÈSE DU RAPPORT La mission d information sur la fiscalité agricole a été créée le 28 octobre 2014 par la commission des Finances. Son objectif était double : étudier les conclusions des «assises de la fiscalité agricole», d une part, et faire le bilan des principales spécificités de la fiscalité agricole pour s assurer que celles-ci répondent encore aux défis et aux principales difficultés de l agriculture du XXIème siècle, d autre part. Deux exigences ont guidé la mission d information dans l élaboration de ses propositions : l assouplissement et la simplification. Elle s est par ailleurs efforcée de respecter, pour la majeure partie de ses recommandations, le principe d assiette fiscale constante. Un panorama rapide de la fiscalité agricole fait apparaître de nombreuses particularités. L imposition à l impôt sur le revenu intervient selon des modalités de calcul qui sont propres à la catégorie des bénéfices agricoles. Tandis que les plus petites exploitations font l objet d une imposition forfaitaire déterminée par l administration fiscale, les autres exploitations et celles qui décident de renoncer au régime du forfait sont imposées selon un régime réel qui comporte de nombreuses dérogations par rapport aux règles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux. Le monde agricole connaît également des régimes d imposition spécifiques à la TVA et bénéficie de plusieurs types d exonération en matière de taxe foncière. Ces spécificités sont justifiées par des raisons objectives, telles que l intensité capitalistique du secteur, le caractère cyclique du revenu, la pluriactivité traditionnelle dans le monde agricole et l émergence d une agriculture de groupe. Néanmoins, l une des spécificités de la fiscalité agricole apparaît dépassée : le forfait collectif. Son remplacement par un régime «micro», à l instar de celui qui existe pour les bénéfices industriels et commerciaux et les bénéfices non commerciaux, fait aujourd hui consensus, sous réserves de quelques aménagements. À l exception notable du forfait collectif, les dispositifs propres à la fiscalité agricole doivent donc être maintenus. Des adaptations sont cependant nécessaires pour les renforcer compte tenu des évolutions récentes du monde agricole. La fiscalité peut contribuer à mieux préparer l avenir du monde agricole. De nombreux outils juridiques et fiscaux, de droit commun ou propres à la fiscalité agricole, permettent d ores et déjà de faciliter les installations de jeunes agriculteurs et les transmissions d exploitations. Les avantages fiscaux accordés aux cessions de biens faisant l objet de baux ruraux à long terme permettent ainsi d alléger le coût de l investissement en foncier des jeunes qui s installent. L émergence d une agriculture de groupe peut également être mieux accompagnée par la fiscalité, notamment en renforçant le principe de transparence des groupements agricoles d exploitation en commun (GAEC), principe qui permet à leurs membres, sous réserve de quelques exceptions, d être traités comme des exploitants individuels.

10 D autres pistes méritent aussi d être étudiées telle que la création d un impôt sur les sociétés (IS) agricole dont les modalités de calcul de l assiette seraient assises sur les règles applicables aux bénéfices agricoles et non sur celles relatives aux bénéfices industriels et commerciaux. Des adaptations de la législation sociale et fiscale sont encore envisageables pour mieux maîtriser la gestion des risques et l impact de la volatilité des revenus. Le régime des déductions pour aléas (DPA), actuellement peu incitatif, devrait ainsi faire l objet d aménagements pour l assouplir et accroître son attractivité. La réforme de la DPA, qui apparaît comme une priorité, doit permettre aux agriculteurs de mener au mieux leurs stratégies de gestion, et notamment de gestion des risques, et les inciter à constituer une épargne de précaution, les bonnes années. Le régime de déduction des cotisations sociales, ainsi que le mode de calcul de leur assiette, peuvent faire l objet d évolutions dans le but d éviter des décalages entre l année de perception d un revenu et l année de déductibilité et de paiement effectif des prélèvements. Les mécanismes existants de lissage du revenu peuvent, enfin, être assouplis, sans déperdition d assiette fiscale, afin de limiter les effets de la progressivité de l impôt sur le revenu. Ces évolutions de la législation doivent intervenir en veillant à ce que les dispositifs concernés ne soient pas détournés de leur objet par la recherche d une optimisation excessive. Enfin, la tendance à la diversification des activités du monde rural, à l instar de l activité de méthanisation agricole, doit mieux être prise en compte par la législation fiscale. Dans le respect d un principe d égale concurrence, les régimes de pluriactivité peuvent être assouplis, notamment pour les GAEC. Une fiscalité plus incitative peut également être envisagée pour les activités de méthanisation agricole. Les pionniers de ce secteur devraient enfin bénéficier des mêmes avantages fiscaux que les nouveaux méthaniseurs.

11 INTRODUCTION Les difficultés que traverse le secteur agricole ne sont pas nouvelles. Ainsi, en dix ans, le nombre d exploitations a diminué de près de 25 %. De nombreuses filières connaissent aujourd hui une situation économique difficile, pour des raisons diverses telles que l impact de l embargo russe, le développement de la concurrence internationale, la volatilité des marchés et les mauvaises conditions climatiques. Dans ce contexte difficile, l existence d une fiscalité spécifique apparaît nécessaire et justifiée. Cette fiscalité agricole souffre cependant d une mauvaise image. Outre sa complexité, on lui reproche souvent son caractère dérogatoire qui méconnaîtrait le principe d égalité devant l impôt. Ce dernier grief est largement infondé. L existence d une fiscalité adaptée est justifiée par la variabilité du revenu agricole soumis à des cycles plus prononcés que le reste de l économie et son intensité capitalistique due notamment au poids financier du foncier. La progressivité de l impôt sur le revenu pénalise, en effet, les revenus cycliques sans que cela puisse être justifié par l objectif de redistribution. De même, l impossibilité d amortir comptablement la terre et la faible rentabilité des capitaux investis alourdissent proportionnellement la charge fiscale des exploitants agricoles par rapport à celle supportée par les autres acteurs économiques. L application du droit commun fiscal aux exploitants agricoles aurait donc pour effet de sur-fiscaliser ces derniers. La fiscalité agricole ne doit donc pas être perçue comme un privilège octroyé à une catégorie socioprofessionnelle mais comme un instrument permettant de rétablir une équité fiscale entre les contribuables. Pour autant, elle doit être réexaminée au regard des transformations récentes que connaît le monde rural et en particulier le secteur agricole : accroissement de l exposition au risque, diminution du nombre d exploitants, tendance au regroupement des exploitations, réorientation de la politique agricole commune (PAC), etc. La fiscalité agricole qui s est construite sur la base d une fiscalité individuelle est-elle bien adaptée à l émergence d une agriculture de groupe? Est-elle suffisamment efficace pour traiter de la plus forte variabilité des revenus causée par la fin des politiques publiques de prix garantis? Permet-elle, dans des conditions optimales, la constitution d une épargne de précaution indispensable à la gestion des risques propres à l agriculture?

12 Intègre-t-elle suffisamment les diversifications récentes du monde agricole telles que l activité de méthanisation? Ces questions méritaient d autant plus d être posées que la législation fiscale agricole n a pas fait l objet d un réexamen d ensemble depuis le rapport des députés Béatrice Marre et Jérôme Cahuzac, remis au Premier ministre le 28 mars 2000. Il a, dès lors, paru important à notre commission des finances d étudier ce sujet. C est dans ce contexte que, le 28 octobre 2014, la mission d information a été créée. L objectif assigné à cette mission était double. D une manière immédiate, il s agissait d étudier les conclusions des «assises de la fiscalité agricole» auquel le Parlement n a pas été associé afin de doter celui-ci d une capacité d analyse autonome. Ce faisant, la mission a pu jouer un rôle moteur dans la traduction législative des conclusions de ces assises.

13 Les assises de la fiscalité agricole Le ministère de l agriculture, de l agroalimentaire et de la forêt a conduit, à partir du 14 mars 2014, des «assises de la fiscalité agricole». Réalisées en concertation avec les organisations professionnelles agricoles, ces assises ont donné lieu à la réunion de plusieurs groupes de travail. Aucun relevé de conclusions n a toutefois été rendu public. Un communiqué de presse a été publié le 23 septembre 2014 annonçant trois séries d aménagements concernant la déduction pour aléas (DPA), le régime du forfait collectif et la méthanisation agricole. Ces annonces ont été traduites partiellement à l occasion de l examen du projet de loi de finances pour 2015 et du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Ainsi, l article 60 de la loi n 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 a exonéré, de manière temporaire, de taxe foncière sur les propriétés bâties et de cotisation foncière des entreprises les installations de méthanisation agricole, à compter du 1er janvier de l année qui suit celle de leur achèvement. L exonération, initialement prévue pour cinq ans par le projet de loi, a été portée à sept ans à l initiative de votre Rapporteur. Le régime de la DPA a par ailleurs été aménagé, à l initiative de votre Rapporteur, par les articles 68, 69 et 70 de la loi n 2014-1655 du 29 décembre 2014 de finances rectificative pour 2014. Les aménagements adoptés rejoignent les conclusions des assises de la fiscalité agricole. Le taux d intérêt légal a ainsi été substitué au taux d intérêt de retard pour le calcul du montant de la réintégration en cas de non-utilisation de la DPA. Le principe de transparence a, en outre, été étendu pour le calcul du plafond annuel et pluriannuel de la DPA applicable aux groupements agricoles d exploitation en commun (GAEC) et aux exploitations agricoles à responsabilité limitée (EARL), dans la limite de quatre associés au lieu de trois auparavant. En revanche, la simplification du régime du forfait collectif n a pas encore fait l objet d une traduction législative, en dépit du large consensus qui a entouré cette proposition lors des assises. Dans un second temps, la mission a voulu faire le point sur les spécificités de la fiscalité agricole pour s assurer que celles-ci répondent encore aux défis et aux principales difficultés de l agriculture du XXIème siècle. La mission a concentré ses travaux sur la fiscalité agricole «générale», c est-à-dire sur le socle commun applicable à l essentiel des exploitants agricoles. Elle n a donc pas abordé les particularismes de certaines composantes de la fiscalité agricole - tels que le régime forestier par exemple ou encore les régimes territoriaux applicables en Corse et en Outre-mer. Elle n a pas, non plus, traité des aspects relatifs à la fiscalité environnementale (taxe générale sur les activités polluantes, mesures sur les carburants, etc.) et aux droits d accises perçus sur certains produits agricoles. L annexe n 2 du présent rapport recense les principales dépenses fiscales spécifiques à l activité agricole hors mesures de carburant et hors remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) qui ont fait l objet d une attention particulière dans le cadre des travaux de la mission d information.

14 Les travaux de la mission ont plus particulièrement porté sur quatre sujets : la variabilité du revenu agricole, la pluriactivité d une partie du monde agricole, la multiplicité des formes d exploitation, et les enjeux liés à l installation de nouveaux agriculteurs. D une manière plus générale, la mission s est donc interrogée sur la pertinence et l efficience de la fiscalité agricole. Au terme de ses travaux, la mission d information considère que la fiscalité agricole devrait être simplifiée pour les plus petites exploitations et, pour les plus importantes, accompagner l émergence d une agriculture de groupe, mieux armée pour faire face aux évolutions du marché. En d autres termes, la fiscalité agricole doit s extraire du modèle de la fiscalité du particulier à partir duquel elle a été conçue pour évoluer vers une fiscalité adaptée à l entreprise agricole du XXIème siècle (1). La mission a ainsi formulé une série de recommandations, en veillant à ce que celles-ci obéissent au principe d «assiette fiscale constante». En clair, consciente de la situation des finances publiques, la mission a choisi de ne pas préconiser de nouvelles exonérations. La mission recommande ainsi, sans modifier la base taxable, d améliorer les possibilités d utilisation d outils fiscaux existants. Il est ainsi possible de préserver l assiette fiscale tout en améliorant les dispositifs de lissage du revenu agricole, le régime de la déduction pour aléas, la mise en œuvre du principe de transparence des groupements agricoles d exploitation en commun (GAEC) tout au plus l assiette serait-elle décalée dans le temps ou globalisée au sein d un groupement. La première partie fait le point des principales spécificités de la fiscalité agricole et s attache à démontrer leur pertinence, sauf pour l une d entre elles - le régime du forfait collectif dont la simplification est recommandée au profit d un régime semblable à celui du micro BIC. La deuxième partie porte sur la manière dont la fiscalité doit contribuer à préparer l avenir de l agriculture française à travers les dispositifs fiscaux relatifs à l installation des jeunes agriculteurs, à la transmission des exploitations et au regroupement des exploitants. La troisième partie aborde la question des outils fiscaux qui permettent d appréhender la variabilité du revenu agricole et de gérer les risques. Elle s intéresse à l efficacité des incitations en vue de la constitution d une épargne de précaution ainsi qu aux différents dispositifs qui autorisent un lissage fiscal du revenu. Enfin, la quatrième partie s intéresse à la diversification des activités du monde agricole et examine de quelle manière le droit fiscal pourrait mieux l accompagner sans créer les conditions d une concurrence déloyale à l encontre des professionnels non agriculteurs. (1) Position défendue notamment par Jean-Marie Séronie dans son ouvrage "L'agriculture française : une diva à réveiller", éditions Quae, août 2014.

15 PREMIÈRE PARTIE : LES SPÉCIFICITÉS DE LA FISCALITÉ AGRICOLE Un panorama rapide de la fiscalité agricole fait apparaître de nombreuses spécificités (I). À l examen, la plupart de ces spécificités sont légitimes en ce qu elles reposent sur des raisons objectives. Elles permettent, en effet, de corriger les injustices que provoquerait l application mécanique du droit commun fiscal sur les exploitants agricoles (II). Toutefois, l une de ces spécificités apparaît dépassée et mérite d être simplifiée : le forfait collectif (III). Le schéma suivant résume le régime fiscal complexe applicable aux exploitations agricoles en fonction de la forme juridique de l exploitation agricole.

Source : commission des Finances. 16

17 I. PANORAMA DE LA FISCALITÉ AGRICOLE La fiscalité agricole présente des spécificités tant pour l imposition du bénéfice qu en matière de TVA et de fiscalité directe locale. A. L IMPOSITION DU BÉNÉFICE Comme pour toute activité professionnelle, l imposition du bénéfice agricole peut intervenir à l impôt sur le revenu ou à l impôt sur les sociétés. L impôt sur les sociétés ne présente pas de spécificité propre au monde agricole. De ce fait, il est encore peu répandu dans ce secteur (environ 0,5 % des exploitations selon les données du recensement agricole général de 2010), ce qui suscite des réflexions sur l opportunité de créer un IS agricole qui serait calculé selon les règles des bénéfices agricoles et non pas selon les règles des bénéfices industriels et commerciaux afin d accompagner la tendance au regroupement des exploitants. L impôt sur le revenu connaît en revanche des aménagements dans le calcul de l assiette pour les bénéfices issus d une exploitation agricole. Celle-ci peut être calculée selon un régime de forfait collectif ou un régime réel d imposition qui peut être simplifié ou normal. RÉPARTITION DES CONTRIBUABLES RELEVANT DE LA CATÉGORIE DES BÉNÉFICES AGRICOLES SELON LA FORME JURIDIQUE ET LE RÉGIME D IMPOSITION Forfait Réel simplifié Réel normal Autre 12 033 3 057 1 941 Exploitant individuel 344 623 96 883 31 134 Exploitation à responsabilité limitée 749 47 818 35 131 GAEC 6 726 18 657 12 042 Société civile 1 224 12 240 13 228 TOTAL 365 339 178 655 93 476 Source : DGFIP, Bureau GF3C. Le champ d application de ces différents régimes dépend principalement du montant des recettes de l exploitation. SEUIL DES DIFFÉRENTS RÉGIMES POUR UN EXPLOITANT AGRICOLE INDIVIDUEL Moyenne annuelle des recettes des deux exercices précédents Inférieur à 76 300 De 76 300 à 350 000 Supérieure à 350 000 Régime d imposition Forfait Réel simplifié Réel normal

18 Un exploitant relevant du forfait peut opter pour un régime réel. Cette option peut s avérer intéressante pour un exploitant qui réalise un déficit ou qui engage des charges importantes. De même, un exploitant soumis au réel simplifié peut opter pour le régime normal (ce cas de figure est plus rare car cette option ne présente pas d avantage). Selon les données fournies par l administration fiscale à votre Rapporteur, environ 5,2 % des contribuables éligibles au régime forfaitaire - soit près de 20 000 exploitants ont décidé d opter pour un régime réel d imposition. Il n existe, en revanche, aucune différence de taux d imposition entre ces différents régimes. Conformément aux règles générales de l impôt sur le revenu, l assiette calculée selon le régime forfaitaire, réel simplifié ou réel normal intègre le revenu brut global du foyer fiscal. Celui-ci est soumis après prise en compte des éventuelles charges déductibles du foyer au barème progressif de l impôt sur le revenu. 1. Le forfait collectif Selon l administration fiscale, il n est pas possible de déterminer l assiette fiscale globale des exploitants agricoles relevant du régime forfaitaire agricole (1). Il convient donc de se référer aux données du ministère de l agriculture au titre de l assiette sociale pour mesurer l importance économique de l activité agricole soumise à un régime forfaitaire d imposition. Selon ces données sociales, l assiette soumise au forfait s est limitée à 781 millions d euros en 2013 (2). Dans le régime du forfait collectif, le bénéfice de l exploitant est déterminé par l administration sur la base de bénéfices unitaires moyens fixés dans chaque département. Le régime du forfait collectif n est pas ouvert à tous les agriculteurs Un exploitant agricole relève du régime forfaitaire s il réunit les trois conditions cumulatives suivantes : ses recettes, pour l ensemble de ses exploitations agricoles, ne doivent pas dépasser une moyenne de 76 300 euros mesurée sur deux années consécutives (I de l article 69 du CGI, a contrario) ; il résulte de cette règle qu un agriculteur qui s installe relève de plein droit du forfait quel que soit le chiffre d affaires qu il réalise, puisqu il n a par hypothèse pas encore clôturé ses deux premiers exercices. En pratique, il peut être intéressant d opter dès l installation, pour un régime réel, afin de bénéficier de l abattement sur les bénéfices en faveur des jeunes agriculteurs ; (1) Source : réponses au questionnaire du Rapporteur. (2) Idem.

19 il ne doit pas avoir été soumis précédemment à un régime réel d imposition, sauf et uniquement sur option si ses recettes, mesurées sur la moyenne de deux années consécutives, sont inférieures à 46 000 euros (article 69 B du CGI) ; il ne doit pas exercer une autre activité ou l exercer dans des conditions relevant obligatoirement du régime réel (articles 63, 69 B, 69 C, 69 D et 69 E). Les contribuables exclus du forfait agricole en application de cette dernière règle sont les conjoints survivants ou les indivisions successorales poursuivant l exploitation d un exploitant décédé qui était soumis à un régime réel en raison de ses recettes (article 69 B), les personnes effectuant des opérations commerciales sur les animaux de boucherie et de charcuterie (article 69 C), les sociétés de personnes à activité agricole, à l exception des GAEC et des groupements forestiers, créés à compter du 1er janvier 1997 (article 69 D), les exploitants dont tout ou partie des biens affectés à l exploitation sont compris dans un patrimoine fiduciaire (article 69 E), et les exploitants qui exercent les activités suivantes (troisième, quatrième et cinquième alinéas de l article 63) : préparation et entraînement des équidés domestiques, en vue de leur exploitation dans les activités autres que celles du spectacle ; vente de biomasse sèche ou humide ; mise à disposition de droits au paiement au titre du régime de paiement unique prévu par le droit communautaire dans le cadre de la politique agricole commune. Par ailleurs, l administration fiscale dispose dans certains cas de la faculté discrétionnaire de dénoncer l application du régime du forfait et d imposer à l exploitant de se soumettre au régime du réel (article 69 A). Une procédure de fixation de l assiette lourde et complexe L évaluation des bénéfices forfaitaires agricoles comprend deux phases successives : une première phase collective, correspondant à la détermination d après un barème moyen dans le cadre du département ou de la région agricole, des éléments de calcul du bénéfice forfaitaire pour chaque nature de culture ou d exploitation ; une seconde phase individuelle, relative à la détermination de la base d imposition propre à chaque exploitant. Le bénéfice forfaitaire agricole est déterminé, pour chaque catégorie ou nature d exploitation, d après la valeur des récoltes levées et autres produits de la ferme réalisés au cours de l année civile, diminuée des frais et charges de l année, à l exception du fermage. La méthode consiste à raisonner sur une exploitation

20 type fictive, pour chaque catégorie d exploitation, et à établir pour chacune un compte d exploitation. Sur cette base, l administration fiscale établit un bénéfice moyen pour chaque activité : polycultures, élevages et productions spécialisées. Le bénéfice ainsi établi peut, enfin, faire l objet de réductions, sous certaines conditions, lorsque des calamités naturelles ont entraîné des pertes de récoltes ou de bétail. Le revenu imposable d une exploitation relevant du forfait est généralement obtenu en multipliant la superficie cultivée par le montant d un bénéfice moyen hectare ou «tous autres éléments appropriés». Le barème des bénéfices forfaitaires moyens unitaires est, en principe, fixé à l hectare, mais il peut être aussi déterminé en fonction d autres éléments : nombre de ruches, d animaux vendus, d hectolitres de vin récoltés, etc. Après avoir classé les exploitations de polyculture en différentes catégories d après leur revenu cadastral moyen, l administration arrête les forfaits individuels en appliquant, soit à la superficie utile de l exploitation, soit au nombre d éléments de production, soit aux quantités produites, les bénéfices forfaitaires unitaires retenus par les commissions. 2. Le régime réel d imposition L assiette fiscale globale des bénéfices agricoles des entreprises relevant d un régime réel d imposition s est élevée à plus de 11,6 milliards d euros en 2013. ASSIETTE FISCALE GLOBALE DES BÉNÉFICES AGRICOLES RELEVANT D UN RÉGIME RÉEL D IMPOSITION EN MILLIERS D EUROS EN 2013 Réel simplifié 4 715 353 Réel normal 6 923 277 Total 11 638 630 Source : DGFIP, Bureau GF3C. Les règles d assiette sont globalement les mêmes dans le régime simplifié et dans le régime réel, sauf en ce qui concerne certaines évaluations des stocks. Les différences entre les deux régimes portent essentiellement sur les obligations déclaratives et comptables qui sont allégées dans le régime simplifié. Pour le reste, et sous réserve de quelques spécificités qui tiennent compte des contraintes du monde agricole, le régime réel d imposition de la catégorie des bénéfices agricoles, qu il soit simplifié ou réel, est calculé selon les mêmes modalités que celles applicables aux bénéfices industriels et commerciaux, c est-àdire sur la base d une comptabilité d engagement à partir des créances acquises et des dépenses engagées. Contrairement aux titulaires de bénéfices non commerciaux, la comptabilité des exploitants agricoles soumis au réel n est donc pas une comptabilité de caisse réalisée à partir des encaissements et des décaissements.