Sixième réunion du Collège d expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail



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Transcription:

Sixième réunion du Collège d expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail Journée du lundi 12 avril 2010 I. Auditions II.1. Audition d Alain Chamoux http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/alain-chamoux,fr,8,74.cfm II.2. Audition de Marie-Anne Dujarier http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/marie-anne-dujarier,fr,8,75.cfm II.3. Audition de Vincent de Gaulejac http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/vincent-de-gaulejac,fr,8,76.cfm II. Présentation d un questionnaire sur les données biographiques par Duncan Gallie ; discussion sur le recueil de données sur les trajectoires Duncan GALLIE indique que les dernières enquêtes sur les compétences qui ont eu lieu en Grande-Bretagne en 1992, 1997, 2001 et 2006 se sont focalisées sur les thèmes suivants : développement des compétences ; contrôle des tâches et autonomie dans le travail ; niveau d exigence requis et intensité du travail ; travail d équipe ; implication des salariés ; systèmes de rémunération ; préférences et satisfactions dans le travail ; bien-être psychologique en lien avec l'activité professionnelle exercée. Toutes ces études ont montré que les personnes sondées jugeaient majoritairement que l emploi qu elles occupaient requérait davantage de compétences que celui qu elles occupaient cinq ans auparavant. Cette proportion s établissait en effet à 57,5 % en 2006, contre 62,9 % en 1992. A l inverse, 8,8 % des personnes interrogées en 1992 estimaient que le niveau de compétences requis Paris, les 12 et 13 avril 2010 1

dans l exercice de leur métier avait décru au cours des cinq dernières années. Cette proportion s établissait à 9,2 % en 2006. Si le sexe des personnes ne semble pas influer sur cette perception de l évolution des compétences requises, pour exercer tel ou tel métier, au quotidien, les résultats de ces études démontrent que plus les sondés sont jeunes, plus le sentiment d avoir à mobiliser aujourd'hui davantage de compétences dans l exercice de leurs fonctions qu ils n en mobilisaient cinq ans auparavant est important. Ce sentiment est également très variable, d une CSP à l autre. Les résultats relatifs à l évolution au cours des cinq dernières années de la variété des tâches et du contrôle exercé par les salariés sur lesdites tâches sont assez similaires à ceux obtenus pour l évolution des compétences requises, pour exercer tel ou tel métier. Des questions portant sur les sentiments d enthousiasme/dépression et de contentement/anxiété ont par ailleurs été posées aux personnes sondées. Il ressort de toutes ces analyses que les trajectoires professionnelles des personnes ont un impact significatif sur le bien-être psychologique de ces dernières ; cet impact varie toutefois en fonction des types de bien-être et des types de trajectoires. Le fait d avoir à mobiliser davantage de compétences pour exercer son métier peut contribuer à accroître le sentiment d anxiété, mais semble réduire les risques de dépression. Cette augmentation du niveau d anxiété peut s expliquer par le fait que la mobilisation accrue de compétences induit la mise en œuvre d efforts importants. L augmentation du contrôle exercé par les personnes sur leur travail réduit tout à la fois l anxiété et les risques dépressifs. A contrario, toute baisse de ce niveau de contrôle aura tendance à accroître le sentiment d anxiété ressentie, ainsi que les risques dépressifs. Contrairement à l opinion relativement répandue selon laquelle les conditions de travail tendraient à se dégrader, Michel GOLLAC souligne qu il ressort de cette étude que les personnes interrogées font majoritairement état d une trajectoire professionnelle ascendante, leur permettant d exercer un travail de plus en plus qualifié et de disposer d un niveau d autonomie toujours plus important. Soulignant par ailleurs que les différentes composantes du travail n exercent pas la même influence sur l état d esprit des personnes, Michel GOLLAC estime qu il ne serait pas pertinent de prétendre construire un indice unique d appréciation des risques psychosociaux au travail. Daniel VERGER fait observer que ce type d enquêtes rétrospectives mêle les réponses des personnes exerçant le même métier que cinq ans auparavant à celles des personnes ayant bénéficié d une mobilité ou d une promotion, au cours de la période. Michel GOLLAC souhaiterait savoir si l enquête SIP (Santé et Itinéraire Professionnel) contient des questions résumant toutes les données relatives aux trajectoires. Thomas COUTROT répond qu une typologie des trajectoires a été établie, laquelle opère une distinction nette entre les situations d emploi, le chômage et la précarité qui en découle. Huit classes permettant de qualifier la diversité des parcours professionnels ont en outre été mises en place. Paris, les 12 et 13 avril 2010 2

III. Audition de Tarani Chandola (épidémiologiste, University College London) http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/tarani-chandola,fr,8,72.cfm Paris, les 12 et 13 avril 2010 3

IV. Audition de Christine Cohidon (épidémiologiste, InVS, Samotrace) http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/christine-cohidon,fr,8,71.cfm V. Discussion sur les auditions de Tarani Chandola et de Christine Cohidon Michel GOLLAC note que Tarani Chandola a particulièrement insisté sur la nécessité de s intéresser de près à la question des expositions répétées aux facteurs de risques psychosociaux. Il souligne en outre que le couplage de données relatives aux salariés et aux entreprises peut être intéressant. Daniel VERGER indique que les différents panels enregistrent des taux d attrition relativement raisonnables, et qui se stabilisent dans le temps. Isabelle NIEDHAMMER souligne que l étude conduite par Tarani Chandola démontre qu une mesure transversale de l exposition à des facteurs de risques psychosociaux atteste de l existence d un lien de cause à effet entre cette exposition et une dégradation de la santé des individus. Ce lien de causalité est d autant plus fort que la durée de l exposition est importante. Thomas COUTROT indique qu il conviendra d arbitrer entre la méthode consistant à faire plusieurs photographies de la population, à intervalles réguliers, et celle consistant à réaliser une étude longitudinale. Isabelle NIEDHAMMER fait observer que l étude Whitehall dont les résultats ont été présentés par Tarani Chandola porte sur une population très homogène, et bénéficiant par là même de conditions de travail présentant un faible niveau de variabilité, à l exception de l exposition aux risques psychosociaux. Ceci explique que cette étude ait été riche d enseignements, en dépit de l échantillon relativement réduit de 10 000 personnes sur lequel elle a porté. Michel GOLLAC concède que le recours à un gros échantillon faciliterait le recueil de certaines données. Il s interroge ensuite sur la méthode à adopter pour dresser un état des lieux des risques psychosociaux, étant entendu qu une exposition durable à une situation de job strain aura davantage de conséquences sur la santé des personnes qu une exposition ponctuelle. Serge VOLKOFF en appelle à la plus grande prudence, concernant la mise en place d un panel longitudinal, rappelant que le recours à une telle méthode, dans le cadre de l enquête ESTEV conduite dans les années 1990, avait nécessité une grosse dépense d énergie,. Il craint en outre que la mise en œuvre d une étude longitudinale, visant à mesurer les effets sur la santé d une exposition à des facteurs de risques, ne revienne à masquer d autres types de problèmes, d ordre socioéconomique, notamment. Il précise par ailleurs que les variations de la job demand auraient plutôt tendance à agir sur l anxiété, tandis que celles de la latitude décisionnelle dont bénéficient les personnes, dans leur travail au quotidien, influeraient plutôt sur les signes de dépression. Pierre RABARDEL souligne que l exposé de Tarani Chandola porte davantage sur les effets de la répétition d épisodes de stress que sur les conséquences d une exposition dans le temps. A cet égard, il pourrait être intéressant de faire du suivi de panels. Paris, les 12 et 13 avril 2010 4

Michel VEZINA indique que Tarani Chandola a mis en œuvre une étude longitudinale visant à mettre en lumière le fait que plus un salarié sera exposé au stress, plus cela aura une action sur sa santé. Michel GOLLAC fait observer que l intérêt pour les risques psychosociaux est relativement récent, et ce alors même que les changements d organisation, dans les entreprises, sont intervenus il y a quelque temps déjà. A cet égard, une étude longitudinale permettrait probablement de recueillir certaines données particulièrement significatives. Daniel VERGER souligne que le fait de recourir à un panel permettrait de bien séparer les événements relevant de la vie personnelle de ceux relevant de la vie professionnelle. Un suivi longitudinal permettrait en outre de porter un regard rétrospectif sur les aspirations des personnes. Duncan GALLIE indique que les questions portant sur les événements personnels récents, qui sont posées dans le cadre de l enquête Samotrace présentée par Christine Cohidon, ne semblent pas avoir une grande influence sur les résultats obtenus. Serge VOLKOFF souligne à son tour le besoin de recourir à un gros échantillon, pour obtenir des données fiables et détaillées. Il insiste sur la nécessité de réaliser des déclinaisons et des cartographies multiples, afin de faire réagir les différents acteurs en présence. Michel GOLLAC précise que le collège ne préconisera pas de séparation radicale entre les questions portant sur les risques psychosociaux et celles concernant les autres types de risques. En tout état de cause, il ne faudrait pas proposer la mise en œuvre de procédures qui ne seraient pas acceptables par l INSEE. Répondant alors à une demande de précision, Thomas COUTROT indique que l enquête SUMER porte sur un échantillon de 50 000 personnes car elle a vocation à identifier des cas d expositions très rares, ce qui n est pas le cas pour les risques psychosociaux. Si le harcèlement sexuel peut en effet présenter une certaine rareté, il est en revanche distribué de manière indifférenciée selon les entreprises et les secteurs. A cet égard, il n est pas certain qu il faille recourir à un échantillon aussi important que cela lorsque l on travaille sur les risques psychosociaux. Isabelle NIEDHAMMER souligne que nombre de variables qui décrivent l emploi, dans le cadre de l enquête SUMER, sont liées aux risques psychosociaux. Thomas COUTROT répond que tout dépend des variables et qu aucune d entre elles ne concerne le soutien social, par exemple. Daniel VERGER préconise de retenir un échantillon qui s inscrirait dans une fourchette allant de 20 000 (comme pour l enquête sur les conditions de travail) à 50 000 (comme pour l enquête SUMER). Michel GOLLAC demande à la DARES d exposer, dans le cadre d une prochaine séance, l écart de résultats à attendre entre un échantillon de 50 000 et un autre de 20 000. Il précise par ailleurs que l équipe de Samotrace semble avoir pris le parti de tirer le maximum d un mode de collecte certes économique, mais peu aisé. Paris, les 12 et 13 avril 2010 5

Ellen IMBERNON précise que les prévalences identifiées, dans le cadre de cette enquête, sont relativement attendues. Michel GOLLAC précise qu il n a pas pour but de remettre en cause les résultats obtenus, dans le cadre de l enquête Samotrace, mais estime simplement qu il vaut probablement mieux passer par des systèmes de collectes bien rôdés, sans recourir à la médecine du travail. Serge VOLKOFF souligne que si des questions relatives à la santé sont posées, la participation des médecins du travail peut être sollicitée. Michel GOLLAC en déduit que le prix à payer de l inclusion de questions d ordre médical, dans le cadre de l enquête Samotrace, contraint à recourir à l assistance des médecins du travail. Thomas COUTROT précise que les questions posées, dans le cadre de l enquête Samotrace, ne requièrent pas d expertise médicale. Ellen IMBERNON note que cette enquête ne concerne que les actifs salariés au travail et exclut, de fait, les personnes en arrêt maladie. Daniel VERGER confirme que le fait que l échantillon soit limité aux actifs en poste pose problème. Isabelle NIEDHAMMER a le sentiment que le fait de disposer de données épidémiologiques constitue un plus évident. Michel GOLLAC estime quant à lui qu il conviendrait sans nul doute de réaliser une enquête épidémiologique supplémentaire. Isabelle NIEDHAMMER est convaincue qu une telle enquête n aura jamais lieu, ce qu elle semble déplorer. Paris, les 12 et 13 avril 2010 6

Journée du mardi 13 avril 2010 I. Les enquêtes de la DRESS et de la DARES ; le programme de surveillance des maladies à caractère professionnel de l InVS 1. Les enquêtes de la DRESS et de la DARES Thomas COUTROT revient, en préambule, sur les critères du rapport Nasse-Légeron, portant notamment sur la protection des informations communiquées par les salariés, le recueil des données par les médecins du travail, l utilisation de questionnaires sur la santé mentale et les risques psychosociaux (sur la base d une périodicité rapprochée, si possible annuelle, et d un échantillon suffisamment important). Il précise par ailleurs que les recommandations actuellement retenues par le collège consistent à assurer une couverture large des risques psychosociaux et à préconiser par là même la mise en œuvre d une enquête couplée «entreprises-salariés», sur la base d une dimension longitudinale. Ces préliminaires ayant été posés, Thomas COUTROT se propose de présenter les enquêtes actuellement à disposition, en matière d analyse des risques psychosociaux. A cet égard, il précise que l enquête SUMER 2009-2010 est une enquête périodique, ayant vocation à être reconduite tous les cinq ans. Il ne s agit pas, toutefois, d une enquête couplée, puisqu elle s adresse uniquement à des salariés. Mise en œuvre par des médecins du travail, cette enquête propose une couverture large des risques psychosociaux, sur la base d un échantillon de 50 000 personnes. Les données recueillies, dans le cadre de cette enquête, sont protégées puisque conservées sous enveloppe cachetée. Réalisée par des enquêteurs de l INSEE, sur la base d un échantillon de population générale, l enquête SIP (Santé Itinéraires Professionnels) 2010 (DARES-DREES), dont la première édition a eu lieu en 2006-2007, est non périodique. Elle est en revanche obligatoire et offre une couverture large des risques psychosociaux. La confidentialité des données est assurée, par le recours à un casque pour une partie du questionnaire. En réponse à une remarque de Serge Volkoff, sur le nombre et les caractéristiques des personnes sondées, Catherine MERMILLIOD précise que les questions sur les risques psychosociaux ne sont posées qu aux personnes actives au moment de l enquête. Thomas COUTROT précise que trois ou quatre questions seulement portent sur les risques psychosociaux dans l enquête rétrospective. Il présente ensuite l enquête Santé Protection Sociale, d une périodicité de deux ans, réalisée par l IRDES en 2010, précisant notamment qu il ne s agit pas d une enquête couplée, qu elle ne présente pas de caractère obligatoire et que sa mise en œuvre a été confiée à un institut privé. En 2010, cette enquête a intégré un questionnement sur le travail, ce qui constitue une nouveauté. Chantal CASES précise que les données collectées, dans le cadre de cette enquête, sont évidemment protégées, dans la mesure où il s agit d un sujet d étude très sensible. L échantillon est tiré au sort parmi les bénéficiaires de l assurance-maladie. Les questions posées, dans le cadre de cette enquête, Paris, les 12 et 13 avril 2010 7

portent notamment sur la qualité des soins, ainsi que sur le niveau de santé perçue et sur les comportements des usagers du secteur de la santé. Thomas COUTROT indique que l enquête sur les conditions de travail, dont la périodicité est de sept ans, a été conduite pour la première fois en 1978 et le sera à nouveau en 2012. Il s agit d une enquête couplée, réalisée par des enquêteurs de l INSEE, qui porte sur des actifs occupés. Les répondants sont au nombre de 18 000, ce qui devrait permettre d assurer une couverture large des risques psychosociaux. Enfin, l observatoire EVREST propose un recueil d informations en continu, réalisé par des médecins du travail volontaires, auprès de salariés tirés au sort. La taille de l échantillon est de 14 000 répondants. Cette enquête propose une couverture partielle des risques psychosociaux, laquelle est malgré tout relativement large. Ce dispositif est en outre en train de monter en puissance, comme en atteste le nombre croissant de médecins du travail et de salariés qui y participent. Daniel VERGER suggère de s intéresser à certains modules de l enquête emploi-travail, conduite en 2006 et qui le sera à nouveau en 2013. Serge VOLKOFF estime quant à lui que le collège doit s interroger sur la nécessité de prendre en considération le volet psychosocial de l enquête décennale santé, dans la mesure où celle-ci contient un certain nombre de questions sur le travail. Catherine MERMILLIOD souligne l impossibilité d intégrer à cette enquête un chapitre dédié aux risques psychosociaux, compte tenu des contraintes européennes pesant sur l organisation de cette étude. Pour autant, certains éléments de description, contenus dans cette enquête, pourront être utilisés par le collège. Michel GOLLAC demande comment seront échantillonnées les prochaines enquêtes sur les conditions de travail. Thomas COUTROT répond que le comité de pilotage a décidé d échantillonner dans un premier temps les salariés, puis les entreprises. Des logements seront probablement échantillonnés par la suite, mais il n a pas encore été décidé sur quelle base. Duncan GALLIE s interroge sur la proportion de questions reconduites, d une enquête à l autre. Thomas COUTROT répond que le taux de conservation des questions posées, dans le cadre de cette enquête, est habituellement de 80 %. Ce taux ne devrait toutefois être que de 50 % dans la version 2012, suite au découplage de cette enquête avec l enquête emploi. 2. Programme de surveillance des maladies à caractère professionnel de l InVS Ellen IMBERNON indique avoir entamé un travail sur l analyse de la mortalité par causes et par professions, en vue de produire des indicateurs sur toutes ces questions. Sur la base de l échantillon démographique permanent, une recherche de données permettant de documenter la question des tentatives de suicides, en fonction des CSP, a ainsi été mise en œuvre. Paris, les 12 et 13 avril 2010 8

Cette recherche a notamment permis de démontrer que les tentatives de suicides étaient plus fréquentes chez les femmes que chez les hommes. Cette étude a également mis en lumière une surmortalité par suicide parmi les agriculteurs. Dans la période plus récente, des différentiels de tentatives de suicides ont été recherchés parmi les actifs, sur la base du panel DADS. Les données relatives au nombre de suicides utilisées dans le cadre de cette étude concernent la période 1976-2002. Il ressort en outre de cette enquête des disparités importantes, en fonction des secteurs d activité. La surmortalité par suicide, dans le secteur de la santé et dans l administration publique, est notamment particulièrement forte. Il convient par ailleurs de souligner que la population des chômeurs n a pas été intégrée à cette étude, dans la mesure où le risque de suicide est deux fois plus important au sein de cette population que parmi les actifs. S agissant du programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (MCP), Ellen IMBERNON rappelle que la loi française oblige les médecins à signaler toutes les maladies qu ils estiment être en lien avec l activité professionnelle de leurs patients. Ce texte de loi ne précise pas, toutefois, auprès de quelle instance doit s effectuer ce signalement. Suite aux difficultés d interprétation rencontrées dans le cadre de l analyse de données recueillies dans les Pays de Loire, en 2001 et 2002, un nouveau protocole a été mis au point. Il a ainsi été décidé d organiser des quinzaines de déclarations des maladies à caractère professionnel, lesquelles se tiendront deux fois par an, et s effectueront grâce à un réseau de médecins du travail volontaires. 909 médecins ont participé à cette enquête en 2007, soit un tiers des médecins du travail des régions participantes. 107 392 salariés ont été vus en consultation et 6 290 maladies à caractère professionnel ont été ainsi diagnostiquées. La prévalence des maladies à caractère professionnel, selon les médecins du travail participant à l opération, se situe aux alentours de 6 %, avec une prévalence plus forte chez les femmes que chez les hommes. La souffrance psychique arrive en deuxième position, derrière les troubles musculosquelettiques (TMS). 2,3 % des femmes relevant de l effectif des médecins du travail participant à cette étude ressentent une souffrance psychique, en lien avec leur activité de travail. Sans doute convient-il en outre de souligner que l on observe un gradient inverse à celui auquel on pourrait s attendre, pour ce qui concerne la souffrance psychique en fonction de la catégorie socio-professionnelle, ce qui pose question quant à la fiabilité des données collectées dans ce cadre. Ces résultats, qui sont stables dans le temps, découlent probablement du fait que les médecins du travail auront probablement tendance à rechercher plutôt de la souffrance psychologique chez les cadres, tandis qu ils seront enclins à s intéresser en priorité à la souffrance physique ressentie par les ouvriers, dans l exercice de leur métier, au quotidien. Philippe DAVEZIES précise qu il convient de distinguer la souffrance psychique de la maladie à caractère professionnel, à proprement parler. Ellen IMBERNON répond que ce programme de surveillance porte sur les maladies professionnelles, ainsi que sur tous les symptômes anormaux. Paris, les 12 et 13 avril 2010 9

Philippe DAVEZIES fait observer qu il existe des cas où le fait de ne pas ressentir de souffrances est justement ce qui est anormal. Il précise par ailleurs que les ouvriers ont tendance à «prendre sur eux» et expriment très rarement leurs souffrances au travail, étant entendu que les populations qui expriment cette souffrance sont plutôt celles qui étaient au départ privilégiées et qui se sentent aujourd'hui attaquées ou déconsidérées dans leurs activités professionnelles. Serge VOLKOFF souligne la nécessité de dénouer les liens existant entre souffrance et maladie, surtout si le collège s oriente vers une préconisation visant à développer de nouveaux outils épidémiologiques permettant de diagnostiquer les risques psychosociaux. A cet égard, il conviendrait notamment de déterminer le moment à partir duquel la souffrance psychique devient une maladie professionnelle. Ellen IMBERNON indique que 15 % des pathologies mentales sont a priori imputables à la sphère professionnelle. II. Audition de Töres Theorell http://www.college-risquespsychosociaux-travail.fr/tores-theorell,fr,8,73.cfm Paris, les 12 et 13 avril 2010 10

III. Discussion sur l audition de Töres Theorell Serge VOLKOFF indique qu il conviendrait que le collège, en plus d un récapitulatif des indicateurs statistiques à appliquer dans le cadre de l identification des risques psychosociaux, édite un document synthétique reprenant les grandes lignes de toutes les auditions particulièrement riches que l instance a eu l occasion de réaliser, au cours des derniers mois. Il jugerait par ailleurs utile de refaire un tour d horizon des pratiques mises en œuvre, par les voisins européens, en matière de prévention des risques psychosociaux. Saluant ensuite une nouvelle fois la qualité de l intervention de Töres Theorell, il insiste tout particulièrement sur la nécessité de porter une attention particulière à la notion de «covert-coping», laquelle renvoie au comportement de ces salariés qui préfèrent cacher leur mal-être et broyer du noir dans leur coin plutôt que de le révéler au grand jour. Il souligne en outre les pièges induits par la mise en œuvre d une simili-démocratisation de la sphère professionnelle, laquelle consiste à supprimer les niveaux de hiérarchie intermédiaires, ce qui ne semble pas avoir que des effets positifs. Michel GOLLAC estime qu il conviendrait effectivement d éditer au moins deux versions du rapport du collège : une version courte, à l attention des décideurs, et une version plus longue, prenant en compte les auditions et les échanges. Il souligne par ailleurs que si le nombre de chefs en poste ne cesse de croître, dans les entreprises françaises, on constate parallèlement une baisse sensible du niveau de qualification des fonctions d encadrement, lesquelles sont de moins en moins bien rémunérées et de moins en moins souvent assurées par des personnes diplômées. La hiérarchie de base ne disparaît donc pas mais est de plus en plus orientée vers le «sale boulot», tandis que le réel pouvoir se concentre de plus en plus entre les mains de ceux qui édictent les normes. Sommé d endosser les fonctions de garde-chiourme, le (n+1) n a donc pas les moyens de jouer un rôle plus positif, auprès de ses subordonnés directs. Michel GOLLAC indique par ailleurs que Töres Theorell a souligné le bien-fondé de la mise en œuvre d une interrogation conjointe des entreprises et des salariés, tout en précisant que le fait de mélanger les éléments relevant de l autonomie des personnes avec ceux relevant du développement de leurs compétences pouvait perdre de sa pertinence, à un certain stade. Enfin, sans doute convient-il de garder présent à l esprit que les formes de coping découlant de certaines formes d organisation ont tendance à aggraver les effets pervers induits par lesdites organisations. Dans la lignée de l audition de Töres Theorell, Michel VEZINA suggère quant à lui de réfléchir aux notions de management «psychosocial», de leadership et de justice organisationnelle, tout en s intéressant également à la cohérence à l œuvre, dans les prises de décisions. Serge VOLKOFF souligne alors la nécessité de ne pas mélanger le management de la production et le management à contenu «psychosocial» (impliquant notamment un accent particulier mis sur les RH, lequel peut notamment se traduire par la création de groupes de paroles, au sein de l entreprise). Si le style de management à teneur psychosociale peut en effet être interrogé relativement aisément, il semble plus difficile de déterminer en quelle mesure le management de la production peut influer sur la santé mentale et le bien-être des personnes. Paris, les 12 et 13 avril 2010 11

Duncan GALLIE a quant à lui jugé particulièrement intéressante la notion de «sickness presenteism», évoquée par Töres Theorell dans son intervention, laquelle peut parfois être révélatrice d une situation encore plus dégradée que les arrêts maladies eux-mêmes. Rappelant combien il est difficile de mesurer ce présentéisme, Michel VEZINA précise s être efforcé, pour sa part, de cerner ce phénomène en intégrant à son questionnaire, l interrogation suivante : «vous est-il arrivé, au cours des douze dernières années, d aller travailler alors que votre état de santé aurait pu justifier un arrêt et si oui, combien de temps?». Il précise en outre que ce phénomène est tout à la fois le fait de salariés faisant montre d un sens des responsabilités et du devoir exacerbé, et de salariés craignant de subir une baisse de leur niveau de rémunération en cas d absence. Pierre RABARDEL indique que la mise en place de nouvelles technologies dans l entreprise relève des prérogatives du CHSCT ; à cet égard, peut-être faudrait-il identifier les cas pour lesquels l avis du CHSCT n a pas été requis ou ceux pour lesquels l avis du CHSCT n a pas été pris en compte. Philippe DAVEZIES objecte que ces processus de consultation, lorsqu ils sont mis en œuvre, sont souvent extrêmement formels et que les CHSCT s apparentent souvent à de simples chambres d enregistrement. Thomas COUTROT précise que l enquête COI (Changements Organisationnels et Informatisation) comporte une question portant sur la consultation des salariés et sur le lien existant entre le respect des procédures formelles et les conditions de travail. Pierre RABARDEL demande s il ne serait pas possible d explorer, au niveau des CHSCT, le caractère plus ou moins formel ou plus ou moins réel des procédures de consultation des IRP. Thomas COUTROT indique que dans le cadre de l enquête REPONSE, on demande aux représentants des salariés et aux employeurs si la négociation qui a eu lieu a permis de modifier ou non la décision de l employeur. L enquête sur les conditions de travail ne comporte en revanche aucun item sur toutes ces questions. IV. Point sur la sélection des variables Se proposant de passer en revue le document relatif aux indicateurs provisoires de facteurs de risques psychosociaux au travail, Michel GOLLAC indique avoir ajouté le thème de la «coordination des temps dans la famille», dans le cadre du chapitre sur la vie privée et la vie professionnelle. Il semble en effet important de s intéresser à cette problématique, dans la mesure où les temps entre conjoints qui sont d ores et déjà rares, pour les personnes peu qualifiées devraient se réduire encore un peu plus, dans les prochaines années. Chantal CASES précise que cette question est traitée dans le cadre de l enquête Familles- Employeurs, mais pas avec une périodicité suffisante. Dans ce même chapitre relatif à l articulation entre vie privée et vie professionnelle, Michel GOLLAC suggère d «explorer les effets d entraînement de la sphère professionnelle sur la sphère privée». Paris, les 12 et 13 avril 2010 12

Confirmant que la sphère professionnelle déborde sur la sphère privée, dans la mesure où les personnes ont recours, à la maison, aux mêmes modes de fonctionnement que ceux qui leur permettent de tenir au travail, Philippe DAVEZIES souligne toutefois que ce phénomène, pour intéressant qu il soit, reste très difficile à mesurer. Il précise par ailleurs que les hommes dont les femmes occupent une position professionnelle plus favorable que la leur auront tendance à ressentir avec plus d acuité que les autres les difficultés auxquelles ils se trouveront confrontés, dans l exercice de leur métier. Michel GOLLAC estime qu il pourrait être pertinent que le collège recommande la mise en œuvre d études cliniques visant à déterminer si les effets d entraînement de la sphère professionnelle sur la sphère privée sont de plus en plus prégnants. Annie WEILL-FASSINA note qu il faudrait poser une question sur la disponibilité des personnes, au sein de leur famille, après leur journée de travail. Michel GOLLAC fait observer que certaines personnes ne sont jamais disponibles pour leurs enfants, quoi qu il arrive, sans que cela soit imputable à leur travail. Philippe DAVEZIES précise que certaines femmes ont indiqué qu elles ne pouvaient plus parler à leurs maris, à compter du dimanche midi, dans la mesure où ceux-ci étaient contraints de se replonger progressivement dans l ambiance de leur travail, à l issue du week-end passé en famille, et n étaient donc plus du tout réceptifs à toute sollicitation extérieure. Dans ce même registre, nombreuses sont les personnes qui ont déclaré avoir une mauvaise qualité de sommeil dans la nuit précédant la reprise du travail hebdomadaire. Serge VOLKOFF fait alors état du stress induit par la distorsion évidente existant entre la nécessité de finir son travail à tout prix et celle d attraper son train pour pouvoir rentrer chez soi dans les temps, faute de quoi la sphère privée risquerait de s en trouver perturbée. Si certaines personnes ont en effet la chance de pouvoir s interrompre dans leur travail pour aller prendre leur train sans souci, quitte à emporter du travail à domicile, d autres se trouvent contraints d avoir tout terminé avant de partir, ce qui est évidemment générateur d un stress important. S agissant de «l obligation d emporter du travail à domicile», Serge VOLKOFF souligne qu il peut aussi y avoir du plaisir à travailler chez soi, car on y est plus tranquille. Michel VEZINA insiste quant à lui sur la nécessité de distinguer cette notion de celle du télétravail en continu, pratiqué par certaines personnes. Concernant la problématique de la sous-qualification et de la surqualification, Michel GOLLAC rappelle les questions lues par Serge Volkoff sur cette thématique, à l occasion d une précédente réunion : «je travaille à un niveau qui ne correspond pas à mon niveau de compétences» ; «ma position professionnelle correspond-t-elle bien à ma formation?» ; «au travail, on s attend à ce que je réalise des tâches pour lesquelles je n ai jamais été formé» ; «estimez-vous que vous disposez d une formation suffisante et adaptée au poste?» Paris, les 12 et 13 avril 2010 13

«je dois mettre en œuvre un degré de savoir-faire qui n est pas celui pour lequel j ai été formé.» Faisant suite à une remarque formulée par Pierre Rabardel, Michel GOLLAC indique que les personnes qui risquent de subir des discriminations auront plus tendance à accepter un emploi pour lequel elles seront surqualifiées que les autres. Thomas COUTROT précise que les femmes semblent craindre moins que les hommes d être exposées à des sanctions, en cas d erreurs commises, ce qui peut sembler étonnant. Ces résultats sont toutefois corroborés par ceux de l enquête SUMER. Philippe DAVEZIES fait remarquer que les femmes sont souvent surqualifiées, en regard des postes occupés, par anticipation des difficultés de conciliation entre la sphère familiale et la sphère professionnelle, ce qui explique peut-être qu elles déclarent craindre moins que leurs homologues masculins les sanctions de leur hiérarchie, en cas d erreurs commises. S agissant de la «possibilité ou de l impossibilité d un investissement minimal dans son travail», Philippe DAVEZIES suggère de retenir l expression selon laquelle un individu s impliquerait «juste ce qu il faut». Serge VOLKOFF fait observer que la question figurant dans l enquête travail et mode de vie n est pas la même que celle dont il est présentement question. Ce n est en effet pas exactement la même chose d interroger les personnes sur leur degré d investissement dans le travail et sur la possibilité que celles-ci auraient à s investir un peu moins, par choix, pour une période donnée. Philippe ASKENAZY fait observer que de plus en plus de personnes ont un autre travail, parallèlement à leur travail de salarié. Il conviendrait par conséquent de poser une question sur les conséquences de ce cumul d emplois, rendu notamment possible par le double statut de salarié, d une part, d auto-entrepreneur, d autre part. Pierre RABARDEL insiste sur la nécessité de s intéresser au caractère atteignable ou non des objectifs assignés, en regard des moyens fournis aux personnes pour atteindre lesdits objectifs, étant entendu qu une distorsion importante entre ces deux paramètres peut évidemment être génératrice de stress. Michel GOLLAC se demande si les exigences excessives d apprentissage auxquelles peuvent se trouver soumises certaines personnes, dans le cadre de leur activité professionnelle, doivent être incluses ou non dans l axe 1. Duncan GALLIE fait alors observer que le fait de pouvoir se former n est pas appréhendé de la même manière, selon les cas. Philippe DAVEZIES estime qu il est important de savoir si l on débat ou non des problèmes existants. Au sein de certains groupes, il est en effet plus ou moins tacitement admis qu aucune discussion n est possible. A l inverse, le débat est ouvert dans d autres groupes et il peut même se dérouler dans une ambiance conviviale. S agissant du plaisir au travail, Michel GOLLAC précise qu il convient de distinguer le plaisir lié au contenu de la tâche du plaisir social, ressenti par les individus dans le cadre de leur activité professionnelle. L un peut d ailleurs aller sans l autre dans la mesure où certaines personnes Paris, les 12 et 13 avril 2010 14

peuvent avoir conscience de faire un travail inintéressant, tout en ressentant un important plaisir social, découlant du collectif de travail particulièrement soudé dans lequel elles évoluent. Annette LECLERC fait observer que nombre de femmes indiquent qu elles travaillent parce que leur situation serait pire encore, si elles restaient chez elles. Il ne faudrait pas en déduire, pour autant, qu elles éprouvent un quelconque plaisir à travailler (et ce même si, sur le long terme, les études ont prouvé que le taux de mortalité des femmes actives était inférieur à celui de la population féminine en général). Michel GOLLAC suggère de demander aux personnes si le fait d avoir un emploi constitue pour elle une source de satisfaction. Serge VOLKOFF précise qu il conviendrait, pour ce faire, d isoler la contrainte économique selon laquelle la plupart des personnes sont obligées de travailler pour vivre. Concernant la problématique du leadership, qui sera étoffée au mois de juin par la présentation de la revue de littérature sur la justice organisationnelle effectuée par Michel Vezina, Serge VOLKOFF insiste sur la nécessité de s intéresser aux facteurs de risques psychosociaux auxquels le personnel d encadrement se trouve lui aussi soumis, dans le cadre de son activité professionnelle. Michel VEZINA confirme que les personnes occupant des postes d encadrement sont des salariés comme les autres, soumis à un certain niveau de job strain. Michel GOLLAC note que si les personnels d encadrement éprouvent un certain malaise, dans l exercice de leurs fonctions, il y a de fortes chances que ce malaise se répercute sur les salariés qu ils encadrent. S agissant de l item portant sur les conflits de valeurs, Michel GOLLAC précise qu un tiers des salariés affirment accomplir certaines actions heurtant leur conscience, dans le cadre de leur activité professionnelle. Michel VEZINA souligne la nécessité de s interroger sur la nature des «moyens» mis à disposition des personnes pour effectuer un travail de qualité ; si les ouvriers auront tendance à comprendre qu il s agit des outils et du matériel qui leur seront fournis par leur employeur, d autres mettront en effet derrière ce vocable une connotation plutôt temporelle. Pierre RABARDEL plaide quant à lui pour le maintien de la question relative à la possibilité de faire son travail d une manière qui soit compatible avec les jugements de toutes les personnes dont l avis importe, étant entendu que les salariés peuvent se trouver aux prises avec des injonctions contradictoires, dans l exercice de leur métier, au quotidien. Il souligne en outre la nécessité de s interroger sur la part de la rémunération liée à la performance, dans la mesure où celle-ci est par définition porteuse d une certaine insécurité. Document rédigé par la société Ubiqus Tél. 01.44.14.15.16 http://www.ubiqus.fr infofrance@ubiqus.com Paris, les 12 et 13 avril 2010 15