LES CORPS ETRANGERS LARYNGO-TRACHEO- BRONCHIQUES. Docteur Michel TOMASI LE PHARO 2003

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Transcription:

LES CORPS ETRANGERS LARYNGO-TRACHEO- BRONCHIQUES Docteur Michel TOMASI LE PHARO 2003

Données épidémiologiques EN France : 1.1. Fréquence : 600 à 700 cas annuels. 1.2. Age et sexe : deux tiers de garçons. 1.3. Nature du CE : un pic à 2 ans, 2 pic vers 6-8 ans (petits bricoleurs). avant 3 ans = CE végétaux. après 3 ans = CE métalliques et plastiques. végétaux = 75 %, dont cacahuète = 50 %. Ce type de CE donne des réactions inflammatoires locales importantes. métalliques = <10 %, plastiques = <15 %, divers = 5 % (dent, morceau de crayon, papier?) corps étrangers radio transparents <85 %. 1.4. Circonstances de l'accident : enfant qui "avale de travers" objet introduit dans la bouche et inhalé fortuitement +++(jeu, choc, effet de surprise). aspiration malencontreuse d'un jouet.

EN pays tropical: (SENEGAL 1999) 1.1. Fréquence : 2 fois plus (3,7 pour 1000) 1.2. Age et sexe : 63% garçons. 77% moins de 4 ans 1.3. Nature du CE :organique (78%) dont 56% de végétaux ( 54% arachides, 7% arêtes de poisson, 2% os de poulet); métallique (9%); non métallique (13%). 1.4. Circonstances de l'accident : faible contribution des parents, manque de surveillance. Syndrome de pénétration 56% seulement. Délai supérieur à 48h dans 69% cas.

Signes cliniques FRANCE - Le syndrome de pénétration : accident brutal, diurne et bruyant chez un enfant apyrétique, jouant, en excellente santé. Ses efforts de toux sont caractéristiques associés à une rougeur ou cyanose de la face et une suffocation intense), mais tout peut se réduire à quelques secousses de toux. Le syndrome de pénétration est noté dans 70 à 85 % des cas, mais il peut avoir été négligé puis oublié. - - Rarement le corps étranger s'enclave dans la trachée et entraîne une gêne respiratoire survenant aux deux temps de la ventilation avec toux et wheezing médio-thoracique. - - Si le corps étranger est méconnu, celui-ci se révélera par des affections broncho-pulmonaires à répétition, fébriles, peu ou pas sensibles à la thérapeutique : bronchite asthmatiforme, syndrome pneumonique, bronchite bactérienne, toux spasmodique, qui vont se succéder jusqu'à ce qu'une radiographie pulmonaire demandée devant la persistance de la symptomatologie, un interrogatoire policier du début des symptômes respiratoires chez un enfant jusque là sans problème ou la perspicacité du médecin font rechercher le CE.

- La radiographie pulmonaire objectivera alors des troubles de ventilation avec atélectasie lobaire, voire de tout un poumon (20%), des images de condensation attestant l'existence de foyers pulmonaires le plus souvent uniques, un emphysème obstructif localisé à un lobe ou à tout un poumon et bien mis en évidence par des clichés en inspiration et expiration forcée (50%), exceptionnellement l'image d'un abcès du poumon. Mais le cliché peut être normal et l'enfant ne plus avoir le moindre signe lors de l'examen et du diagnostic (15% des cas).

SENEGAL: syndrome de pénétration : 56%; toux :80%; dyspnée modérée 70%; asphyxie 8%; Fièvre 70%. Auscultation négative 25%; radiographie pulmonaire normale 59%. Localisation: trachéale 35%; bronche souche droite 31%; laryngée 13%; multiple 3%; rien 23%.

Diagnostic différentiel Rhino pharyngo trachéo bronchite Crise d asthme Pneumonie franche lobaire aiguë Laryngite aiguë sous glottique

Conduite à tenir S'il n'y a pas d'asphyxie aiguë : tant que le sujet tousse, il faut respecter cette toux et ne rien faire! Si le sujet s'épuise ou est asphyxique, tout va dépendre des circonstances dans lesquelles on se trouve. En milieu non médical : Il faut faire la manœuvre d'heimlich. Le sauveteur se place derrière le sujet en enserrant sa taille avec ses bras. Il place ses deux mains jointes dans le creux épigastrique puis appuie brutalement de bas en haut. La manœuvre est répétée deux ou trois fois de suite. La poussée sous diaphragmatique en augmentant de façon brutale la pression trachéobronchique désenclave le corps étranger sus ou sous-glottique. Le siège du coup doit être épigastrique et non latéralisé (risques de lésions hépatiques et spléniques). Chez le nouveau né il faut lui appuyer sur le ventre en maintenant une main à plat sur le dos, et maintenir la tête vers le bas. après l'avoir posé à plat ventre sur votre avant bras.

En milieu médical non spécialisé : Si l'état respiratoire d'un sujet qui a inhalé un corps étranger, soit d'emblée, soit secondairement, s'aggrave, il faut l'intuber. Si le corps étranger est sus glottique, il sera mis en évidence au cours de l'exposition du larynx puis enlevé avec une pince. S'il n'est pas visible, le corps étranger est sous-glottotrachéal. On peut espérer le refouler dans une bronche souche et permettre une ventilation. Le patient sera immédiatement dirigé vers un service ORL où sera extrait le CE.

Place de la trachéotomie: Structure non spécialisée, sous équipement. Geste délicat: mini coniotomie, cathlon préalable au geste. En milieu spécialisé le patient est adressé pour suspicion de CE. Le symptôme le plus évocateur de CE des voies aériennes inférieures est le syndrome de pénétration. La simple notion de syndrome de pénétration impose une endoscopie trachéo-bronchique. - Le syndrome de pénétration a pu passer inaperçu. Certains signes font penser au CE (infections broncho-pulmonaires à répétition?) La conduite à tenir est univoque : c'est une endoscopie bronchique au tube rigide sous anesthésie générale ou au tube souple (fibroscopie). Matériel: source lumineuse, bronchoscopes de tailles différentes ( 3,5mm; 4mm et 5mm de diamètre), lot d'optiques grossissantes 0 et 30, micro instruments (pince à mors crocodile ou de brochet, pince pour graine), canule d'aspiration atraumatique.

- Si l'enfant arrive en état d'asphyxie l'endoscope rigide sera passé sans anesthésie. - Si l'enfant n'est pas asphyxique, il faut réaliser une endoscopie. Si les conditions ventilatoires sont satisfaisantes, l'endoscopie peut être réalisée au tube souple mais le corps étranger s'il est diagnostiqué ne peut être enlevé qu'avec un tube rigide. Seule l'extraction au tube rigide optimise la sécurité de l'extraction sans risquer un blocage du corps étranger dans la trachée ou le larynx source d'asphyxie gravissime.

Si la présence du corps étranger ne fait pas de doute, il faut réaliser une endoscopie au tube rigide sous anesthésie générale dans de bonnes conditions (enfant à jeun, équipe entraînée, après une préparation par antibiotiques et corticoïdes, aérosols, si le CE semble en place depuis longtemps). Tout l'arbre aérien est soigneusement exploré. Si la sténose est trop importante, ou l'extraction risque de blesser la bronche, on préférera différer l'extraction de quelques jours le temps de réaliser un traitement antibiotique et corticoïde. On vérifie toujours les 2 arbres bronchiques après l'extraction afin de s'assurer qu'il n'y a pas d'autres fragments et pour faire l'état des lésions bronchiques en aval de la zone d'enclavement. Exceptionnellement, l'extraction se révèle impossible par bronchoscopie, une bronchotomie par thoracotomie s'impose.

Après l'extraction, une surveillance de quelques jours en milieu hospitalier est nécessaire pour poursuivre une corticothérapie avec antibiothérapie systémique de quelques jours, tandis qu'une radiographie effectuée après l'examen et avant la sortie de l'enfant permettra de confirmer la normalisation totale des images pulmonaires. Une deuxième endoscopie est nécessaire si le corps étranger était responsable d'inflammation localisée importante avec ou sans sténose.

Données évolutives: Difficultés dans 14% cas: CE glotto sous glottiques ( arêtes de poisson; plastique); graines d'arachide multifractionnées; épingle à nourrice ouverte; spasme laryngé (7,5%); bradycardie (6%); arrêt cardiorespiratoire de moins de 30 secondes (3%). Durée d'hospitalisation moyenne : 9 jours.

Complications les décès sont devenus rares : 0,5% des cas. pneumopathies d'allure traînante dans 15% des cas. sténoses bronchiques. infections bronchiques récidivantes. bronchectasies avec BPCO.

Conclusion La prévention repose sur une information à 3 niveaux : en milieu médical, en milieu scolaire, en milieu familial. Il faut absolument informer les parents des risques encourus par l'enfant qui ingère des cacahuètes (50% des accidents). Assister au syndrome de pénétration et en connaître sa valeur devraient faire adresser immédiatement l'enfant en milieu spécialisé. Cela permettrait d'éviter l'évolution vers les bronchopneumopathies à répétition, avec leur gravité potentielle, leurs risques de séquelles, voire de décès.

Inhalation de CE avec détresse respiratoire Milieu non médicalisé Milieu médicalisé non spécialisé Milieu spécialisé Reliquat de ventilation Transport en milieu médicalisé sous O2 Blockpnée Extraction d un CE pharyngé au doigt. Heimlich O2 +/- AL Laryngoscopie CE visible Magill CE non visible Intubation O2 AG Endoscopie CE incarcéré en sous glotte Intubation