La fibrillation atriale (FA)



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Transcription:

Anticoagulants oraux directs et fibrillation atriale non valvulaire Une évolution majeure dans la prise en charge des patients n L arrivée des anticoagulants oraux directs (AOD), dabigatran, rivaroxaban et apixaban, du fait de leur efficacité démontrée et de leur simplicité d utilisation, devrait modifier la prise en charge des patients avec FA sans valvulopathie. Leur avantage majeur est la réduction significative des hémorragies intra-cérébrales, complication redoutée sous AVK. Mais leur utilisation devra s accompagner d une éducation du patient, comme tout traitement anticoagulant, et d une phase d apprentissage pour les médecins (respect des indications, connaissance du retentissement sur les tests de coagulation habituels même s il n existe pas de suivi biologique), ce d autant que ces produits n ont pas d antidote pour le moment et qu il n existe pas de conduite à tenir bien établie en cas de saignements majeurs ou de chirurgie en urgence. Emmanuel de Maistre et Claire Proby* La fibrillation atriale (FA) est un problème de santé publique compte tenu du vieillissement de la population et du risque thromboembolique. La FA concerne un million de personnes en France, 13 à 15 % des accidents ischémiques cérébraux (AIC) sont liés à une FA et le risque thrombotique augmente de façon notable avec l âge. Plusieurs scores cliniques ont été proposés afin d évaluer ce risque thrombotique et de détecter les patients éligibles à une prévention antithrombotique par aspirine ou par antagonistes de la vitamine K (AVK). Au cours de ces dernières années, les indications de l aspirine se sont réduites dans la FA au *Centre des Coagulopathies et Laboratoire d Hémostase, Hôpital du Bocage, CHU de Dijon profit des AVK, avec en particulier la révision à deux reprises du score CHADS bien connu de tous, avec un score CHADS2 et plus récemment un score CHA2DS2-VASc qui recommande un traitement anticoagulant de type AVK chez la majorité des patients, l âge supérieur à 75 ans étant maintenant à lui seul une indication d AVK par exemple (1). Sans rechercher une quelconque relation avec ces nouvelles recommandations (!), il se trouve que les AVK vont avoir de la concurrence tout prochainement avec l arrivée des anticoagulants oraux directs (dabigatran, rivaroxaban, apixaban et plus tard edoxaban). Chacune de ces molécules retentit sur la coagulation en agissant sur un facteur cible de celle-ci : soit le facteur X activé dans la cascade de la coagulation, soit directement la thrombine libérée (facteur IIa). Les résultats publiés confirment l intérêt de ces molécules dans la FA. Par leur mode de prescription (prise orale, dose fixe, pas de surveillance biologique), c est une véritable révolution dans nos pratiques qui se prépare, mais il ne faudra pas oublier le risque hémorragique sousjacent, comme tout anticoagulant, ce d autant qu il n existe pas d antidote spécifique pour le moment. Les anticoagulants oraux directs (AOD) : dabigatran, rivaroxaban et apixaban Dans le domaine vasculaire, il existe une certaine impatience visà-vis de ces nouveaux anticoagu- Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141 463

lants oraux depuis le passage furtif du ximélagatran (Exanta ) dans les années 2004-2005. Son utilisation s était limitée à l orthopédie, et de façon temporaire puisque le produit a été retiré du marché suite à plusieurs cas de toxicité hépatique. Deux études publiées dans la FA (études SPORTIF III et V), avaient montré des résultats intéressants (efficacité équivalente à celle de la warfarine, avec un moindre risque hémorragique) avec une dose fixe et sans surveillance biologique. Le ximélagatran était le chef de file d une nouvelle famille d anticoagulants : les anticoagulants oraux directs (AOD). Depuis 2009, deux molécules ont une AMM en orthopédie (prévention des complications thromboemboliques après la pose d une prothèse totale de hanche ou de genou) : dabigatran étexilate (Pradaxa ) et rivaroxaban (Xarelto ), avec une extension d AMM tout récente pour le dabigatran dans la FA (et probablement à venir pour le rivaroxaban). La commercialisation d une 3 e molécule, apixaban (Eliquis ), est annoncée pour 2012. Le dabigatran Le dabigatran etexilate (Pradaxa, Boehringer Ingelheim) appartient à la famille des gatrans, comme le ximélagatran, avec une inhibition directe et réversible de la thrombine (facteur IIa). L absorption digestive nécessite de passer par une prodrogue (dabigatran étexilate), rapidement transformée en dabigatran sous l action d estérases microsomales. Le pic plasmatique est obtenu dans les 2 heures après la prise orale, la demi-vie est de 12 à 17 heures et l élimination est essentiellement rénale (80 %), avec une contre-indication chez les insuffisants rénaux sévères (clairance de la créatinine < 30 ml/minute) (2). Le dabigatran n a pas de métabolisme dépendant d un cytochrome P450 hépatique, mais c est un substrat de la P-glycoprotéine (P-gp), protéine membranaire qui joue le rôle d efflux au niveau de la barrière digestive. Les interférences médicamenteuses autour de la P-gp ne sont pas encore bien connues ; une prudence est mentionnée avec l utilisation de certains inhibiteurs de la P-gp tels que l amiodarone, le vérapamil, la clarithromycine, cependant, dans le RCP, seule la quinidine est contre-indiquée chez les patients traités par dabigatran. La molécule a été évaluée en orthopédie (RE- MOTE, RENOVATE), dans la maladie thromboembolique veineuse (RECOVER) et la FA (RELY), sans surveillance biologique. Il n existe pas d antidote spécifique pour dabigatran. Compte tenu de sa faible fixation aux protéines plasmatiques, une dialyse pourrait s envisager en cas de surdosage ou de complications hémorragiques, mais ce traitement est difficile à mettre en place en pratique. Le rivaroxaban Le rivaroxaban (Xarelto, Bayer Santé) est le premier anti-xa direct et réversible, car pour rappel fondaparinux (Arixtra ), qui a également une action ciblée sur le facteur Xa, nécessite la présence d un cofacteur, l antithrombine, comme pour toutes les héparines. La biodisponibilité du rivaroxaban est élevée (80 %) et le pic plasmatique est obtenu dans les 4 heures après la prise orale. La demi-vie est un peu plus courte que pour dabigatran (7 à 11 heures) et l élimination est mixte hépato-rénale ce qui pourrait permettre de baisser le seuil de la clairance de la créatinine à 15 ml/minute. Point important, le rivaroxaban est un substrat des cytochromes P450 (isoformes CYP3A4 et 3A5) et de la P-glycoprotéine (P-gp) (3). De ce fait, le rivaroxaban n est pas recommandé chez les patients traités par des inhibiteurs de CYP3A4 et de P-gp (anti-protéases du VIH, antifongiques azolés). Le rivaroxaban a été évalué en orthopédie (RE- CORD), dans la maladie thromboembolique veineuse (EINS- TEIN) et la FA (ROCKET) sans test de surveillance biologique. Il n existe pas d antidote spécifique, mais plusieurs pistes sont actuellement explorées (dont un leurre vis-à-vis du facteur Xa, sans les domaines Gla de fixation aux phospholipides procoagulants). L apixaban L apixaban (Eliquis, Pfizer/BMS) est également un anti-xa direct et réversible, comme le rivaroxaban. La biodisponibilité orale est de 66 % et le pic plasmatique est obtenu dans les 3 heures après la prise orale. La demi-vie est de 8 à 15 heures et l élimination est essentiellement biliaire (75 %), avec donc un intérêt en cas d insuffisance rénale sévère (4). L apixaban est un substrat des cytochromes P450 hépatiques (isoforme CYP3A4) et de la P-glycoprotéine (P-gp), avec probablement les mêmes recommandations que pour le rivaroxaban chez les patients traités par anti-protéases du VIH et antifongiques azolés. Les résultats des études cliniques en orthopédie (AD- VANCE) et dans la FA (AVERROES et ARISTOTLE) ont été publiés. L étude AMPLIFY dans la maladie thromboembolique est en cours. La molécule est prescrite sans test de surveillance biologique et il n existe pas d antidote spécifique connu pour l apixaban. Dans toutes les études, l apixaban est prescrit en 2 prises par jour (alors que la demi-vie est proche des autres molécules) Au total Chacune de ces 3 molécules a des propriétés pharmacocinétiques 464 Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141

Anticoagulants oraux directs et fibrillation atriale non valvulaire propres (Tab. 1), ce qui pourrait permettre d individualiser la prescription en fonction du patient (fonction rénale et hépatique, traitement associé, troubles digestifs, risque hémorragique ). D autres anticoagulants sont en cours d évaluation, avec toujours comme cible privilégiée le facteur Xa (le prochain produit devrait être l edoxaban). Les anticoagulants oraux directs dans la fibrillation atriale Les données concernent essentiellement le dabigatran, avec la publication des résultats de l étude princeps RELY et les nombreuses publications secondaires, mais tout récemment, ont été publiés les résultat des études ROCKET (rivaroxaban) et ARISTOTLE (apixaban). L étude Rely avec le dabigatran L étude RELY (5) est un essai de non-infériorité, randomisé mais en ouvert, comparant warfarine et dabigatran, en prévention d un AVC ou une autre embolie systémique chez des patients présentant une FA, avec un score CHADS2 supérieur ou égal à 1 (score moyen = 2,1). Les critères d exclusion sont les critères habituels d exclusion des anticoagulants et une clairance de la créatinine < 30 ml/minute (la coprescription d antiplaquettaires ou d amiodarone est possible). Deux posologies de dabigatran sont étudiées : 110 mg x 2 et 150 mg x 2/j. Plus de 18 000 patients sont inclus dans l étude, avec une durée médiane de suivi de 2 ans. Les résultats sont connus de tous, avec la démonstration d une noninfériorité du dabigatran aux 2 posologies par rapport à la warfarine, Tableau 1 - Propriétés pharmacocinétiques de dabigatran, rivaroxaban et apixaban. Dabigatran Rivaroxaban Apixaban (Pradaxa, (Xarelto, (Eliquis, Boehringer Bayer Santé) BMS, Pfizer) Ingelheim) Cible Thrombine (IIa) Facteur Xa Facteur Xa Administration Per os Per os Per os 1 ou 2 prises 1 prise 2 prises par jour par jour par jour Biodisponibilité 6,5 % > 80 % 66 % Prodrogue (dabigatran étexilate) Délai d action 2 h 2,5-4 h 3 h Demi-vie 12-17 h 7-11 h 8-15 h Elimination rénale 80 % 33 % 25 % Interactions Inhibiteurs Inhibiteurs Inhibiteurs médicamenteuses de P-gp CYP3A4 et P-gp CYP3A4 et P-gp Fixation protéique 35 % 95 % 87 % Antidote Non Non Non Tests biologiques Temps Activité Activité en évaluation d écarine, anti-xa anti-xa temps de (gamme (gamme thrombine rivaroxaban) apixaban) modifié 0,05 0,04 0,03 0,02 0,01 mais avec des résultats très intéressants pour chacun des 2 bras : une réduction significative des évènements thromboemboliques est observée avec la forte posologie de dabigatran par rapport à warfarine (1,11 % dans le groupe dabi 150 x 2, contre 1,53 % dans le groupe dabi Dabigatran 110 mg Warfarine Dabigatran 150 mg 0,00 Figure 1 - Incidence des AVC et embolies systémiques dans l étude RELY (warfarine versus dabigatran à 2 posologies : 110 et 150 mg 2 fois par jour) (5). 110 x 2 et 1,69 % dans le groupe warfarine ; p < 0,001) (Fig. 1). L incidence des AVC hémorragiques est également significativement plus faible sous dabigatran par rapport à warfarine (p < 0,001). Concernant les hémorragies majeures, une incidence significative- Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141 465

ment plus faible est observée cette fois-ci avec la faible posologie de dabigatran par rapport à warfarine (2,71 % avec dabi 110 x 2 contre 3,11 % avec dabi 150 x 2 et 3,36 % avec warfarine ; p = 0,003). Mais c est surtout la réduction des hémorragies intracérébrales dans les 2 bras dabigatran qui a marqué les esprits (0,23 % avec dabi 110 x 2, 0,30 % avec dabi 150 x 2 et 0,74 % avec warfarine ; p < 0,001). Parmi les autres effets indésirables, il faut retenir un risque plus élevé d hémorragies gastro-intestinales majeures avec la forte posologie de dabigatran par rapport à warfarine (1,51 % avec dabi 150 x 2 et 1,02 % avec warfarine ; p <0,001), des dyspepsies plus fréquentes sous dabigatran et un arrêt plus fréquent du traitement par dabigatran (21 % des patients à 2 ans, versus 17 % sous warfarine). Une incidence plus élevée d infarctus du myocarde est observée sous dabigatran, à la limite de la significativité et sans explication actuellement, mais cet événement indésirable avait déjà été rapporté avec le ximélagatran dans les études SPORTIF. Le nombre d évènements coronariens est faible, et une réactualisation récente des données, après discussion du dossier avec la Food and Drug Administration (FDA) ne confirme pas cette tendance (6). Les études en cours chez le coronarien devraient répondre à la question. Par contre, aucune toxicité hépatique n est observée et il n y a donc pas lieu de prévoir un suivi des transaminases. La prise concomitante d aspirine chez 40 % des patients n a pas d influence sur le bénéfice du dabigatran, mais explique peut-être l incidence relativement élevée des hémorragies majeures dans cette étude (3,36 % sous warfarine dans l étude RELY contre 1,8 % dans l étude SPORTIF par exemple) (7). Enfin, le taux de décès, toutes causes confondues est plus faible sous dabigatran à forte dose que sous warfarine à la limite de la significativité (3,75 % pour dabi 150 x 2 et 4,13 % pour warfarine ; p = 0,051). d L étude RELY (en ouvert) démontre une non-infériorité du dabigatran aux deux posologies étudiées par rapport à warfarine, avec de plus une réduction significative des évènements thromboemboliques avec la forte dose (150 mg x 2) et une diminution significative des hémorragies majeures avec la faible dose (110 mg x 2). Les publications secondaires avec le dabigatran Il faut retenir plusieurs informations complémentaires : chez les patients avec un antécédent d AIC/AIT (20 %, soit 3 623 patients), la non-infériorité du dabigatran est confirmée, avec une réduction significative des complications hémorragiques majeures dans le groupe dabi 110 x 2 (8) ; dans l étude RELY, 50 % des patients n avaient pas été exposés durablement aux AVK avant l inclusion ; le temps passé dans la zone d INR 2-3 est proche entre les 2 groupes (67 % chez les patients exposés antérieurement aux AVK et 62 % chez les patients naïfs pour les AVK) et le bénéfice du dabigatran vis-à-vis de la warfarine est conservé quel que soit le statut antérieur vis-à-vis des AVK (9) ; comme attendu, le temps médian dans la zone d INR 2-3 est variable d un pays à un autre (44 à 77 %) avec une place moyenne pour la France (60 %), mais le bénéfice antithrombotique du dabigatran est présent quelle que soit la qualité des contrôles INR (10) ; il faudrait que le temps médian dans la zone d INR 2-3 soit de 79 % pour avoir le même taux d accidents emboliques que sous dabigatran à 150 mg x 2 (11) ; chez les patients ayant bénéficié d une cardioversion (1 270 patients), la non-infériorité du dabigatran est également observée dans les 30 jours, aussi bien pour l incidence des complications thrombo-emboliques que des hémorragies majeures (12). L étude rocket avec le rivaroxaban Les résultats de l étude ROCKET ont été présentés fin 2010 au congrès de l American Heart Association, mais la publication est toute récente (13). C est une étude randomisée en double aveugle cette fois-ci, avec un effectif de plus de 14 000 patients, et un score CHADS2 moyen à 3,5, soit plus élevé que dans l étude RELY (dans l étude ROCKET 55 % des patients avaient un antécédent d AIC/AIT). Une seule dose de rivaroxaban a été étudiée (20 mg par jour en une prise, 15 mg par jour en cas de clairance de la créatinine entre 30 et 50 ml/min). L analyse statistique a fait débat et a perturbé les résultats au demeurant très intéressants (une supériorité du rivaroxaban est observée en analyse per-protocole, mais pas en intention de traiter, qui est l analyse à retenir pour démontrer une supériorité) (Fig. 2). Au total, il faut donc retenir une non-infériorité du rivaroxaban par rapport à la warfarine, aussi bien pour les évènements thromboemboliques (2,1 % vs 2,4 %) que les complications hémorragiques majeures (3,6 % vs 3,4 %). Il faut surtout insister sur la réduction significative des hémorragies intracérébrales sous rivaroxaban (0,5 % vs 0,7 % ; p = 0,02). A noter toutefois 466 Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141

Anticoagulants oraux directs et fibrillation atriale non valvulaire Tableau 2 - Incidence des évènements thrombo-emboliques dans l étude ROCKET (rivaroxaban versus warfarine) (13). rivaroxaban Warfarine Hazard p N Nbre Evénements N Nbre Evénements ratio Non- Supériorité événements /100 événements /100 (IC 95 %) infériorité patients-année patients-année Analyse 6 958 188 1,7 7 004 241 2,2 0,79 < 0,001 per-protocole (0,66-0,96) Analyse en 7 081 269 2,1 7 090 306 2,4 0,88 < 0,001 0,12 intention de traiter (0,75-1,03) - Pendant 188 1,7 240 2,2 0,79 0,02 le traitement (0,66-0,96) - Après arrêt 81 4,7 66 4,3 1,10 0,58 (0,79-1,52) une augmentation des saignements digestifs (sans avoir d explication), des déglobulisations > 2 g/dl et des transfusions sanguines dans le groupe rivaroxaban. Aucune toxicité hépatique ou autre effet iatrogène n est observé ; les événements coronariens sont identiques dans les deux groupes. La proportion de patients ayant stoppé leur traitement durant l étude est identique entre les deux groupes, mais elle est élevée pour un traitement AVK (23 %). Autre point concernant le traitement AVK, le temps médian dans la zone d INR 2-3 n est que de 58 % dans l étude ROCKET (contre 64 % dans l étude RELY), ce qui peut défavoriser le groupe warfarine. d L étude ROCKET (en double aveugle) démontre une non-infériorité du rivaroxaban par rapport à la warfarine, aussi bien pour les évènements thromboemboliques que les hémorragies majeures. Les études AVERROES et ARISTOTLE pour apixaban L étude AVERROES compare apixaban et aspirine chez 5 599 patients éligibles pour les AVK, mais non traités pour diverses raisons (arrêt du traitement, contre-indication, refus de traitement). Avant l inclusion, 40 % des patients avaient été traités antérieurement par AVK. Le score CHADS2 moyen est de 2 (14 % des patients avaient un antécédent d AIC/AIT). Les résultats publiés (14) montrent un bénéfice d apixaban par rapport à l aspirine, avec une réduction significative de l incidence des complications thromboemboliques (p < 0,001), mais sans augmentation des complications hémorragiques majeures (p = 0,57). Le bénéfice d un anticoagulant est attendu par rapport à un antiplaquettaire, mais l absence de risque hémorragique surajouté peut être un élément très intéressant dans la décision thérapeutique. Ce résultat est conforté par l incidence similaire des hémorragies intracérébrales (11 sous apixaban et 13 sous aspirine). L étude ARISTOTLE était très attendue, avec cette fois-ci l apixaban comparé à la warfarine, à la même posologie que dans l étude AVERROES (apixaban vs aspirine). La présentation des résultats a été un des temps forts du congrès de l ESC (European Society of Cardiology) fin août, avec la publication simultanée (15). C est une étude en double-aveugle, avec apixaban en 2 prises par jour (5 mg x 2, et 2,5 mg x 2 si 2 des 3 critères suivants sont remplis : âge > 80 ans, poids < 60 kg, créatininémie > 133 µm/l), alors que la demivie de ce produit est proche des deux autres. Les 18 000 patients inclus ont une FA avec au moins un facteur de risque (score CHADS2 moyen à 2,1). Le bras apixaban gagne sur les deux tableaux, avec une réduction significative des événements thromboemboliques (1,3 % vs 1,6 % ; p = 0,01), mais également des hémorrragies majeures (2,1 % vs 3,1 % ; p < 0,001) (Fig. 3). Il faut à nouveau retenir une réduction marquée des hémorrragies intra-cérébrales (0,3 % vs 0,8 % ; p < 0,001). Pour couronner le tout, une réduction significative de la mortalité toutes causes confondues est observée (p = 0,047). Aucun effet indésirable notable n est à retenir, en particulier coronarien, hépatique ou gastro-intestinal, mais 25,3 % des patients dans le bras apixaban ont stoppé le traitement en cours d étude, proportion qui reste toutefois inférieure à celle du groupe wafarine (27,5 % ; p = 0,001). Pour le groupe warfarine, le temps médian dans la zone d INR 2-3 est de 66 %, soit correct. d L étude AVERROES démontre une supériorité de Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141 467

l apixaban vis-à-vis de l aspirine, sans augmentation des hémorragies majeures, et pourrait annoncer la fin de l aspirine dans cette indication. d L étude ARISTOTLE (en double-aveugle), publiée tout récemment, montre des résultats très favorables de l apixaban par rapport à la warfarine, avec une réduction significative des complications thrombo-emboliques, mais aussi des hémorragies majeures, et même des décès toutes causes confondues. Evénements Thrombo-emboliques 100 No. at Risk Apixabane Warfarin % de patients 80 60 4 3 2 1 Warfarine Apixaban 40 0 20 Hazard ratio, 0,79 (95%Cl, 0,66-0,95) P=0,01 0 9120 9081 8726 8620 8440 8301 Mois 6051 5972 3464 3405 1754 1768 Discussion Saignements majeurs 100 4 Warfarine No. at Risk Apixabane Warfarin % de patients 80 60 40 0 20 Hazard ratio, 0,69 (95%Cl, 0,60-0,80) P<0,001 0 9088 9052 8103 7910 Une révolution pour l anticoagulation des patients présentant une FA non valvulaire? Sur les premières données publiées (Tab. 2), une évolution notable, voire une véritable révolution se prépare concernant l anticoagulation des patients présentant une FA non valvulaire (16). La réactualisation des scores cliniques de risque, avec en particulier le score CHA2DS2-VASc, donne une place prépondérante aux AVK, et donc aux anticoagulants d une façon plus générale. Le dabigatran, avec l étude RELY, le rivaroxaban, avec l étude ROCKET, et l apixaban, avec l étude ARISTOTLE, démontrent tous un intérêt pour ces nouvelles molécules, avec des résultats convergents. Dans l étude RELY, une supériorité du dabigatran est même observée, avec une réduction significative du risque embolique avec la forte posologie (150 mg x 2) et une réduction significative du risque d hémorragie majeure avec la faible posologie (110 mg x 2). Pour le rivaroxaban, une supériorité est démontrée en analyse perprotocole, mais n est pas confirmée en intention de traiter qui est l analyse statistique recommandée. Pour l apixaban, les résultats sont prometteurs, avec une réduction significative des événements thromboemboliques, mais aussi des hémorragies majeures et même des décès toutes causes confondues. La comparaison des résultats des différentes études est néanmoins 3 2 1 7564 7335 Mois 5365 5196 3048 2956 Apixaban 1515 1491 Figure 3 - Incidence des événements thromboemboliques et des saignements majeurs dans l étude ARISTOTLE (apixaban versus warfarine) (15). difficile pour de nombreuses raisons : étude en double-aveugle pour ROCKET et ARISTOTLE, en ouvert pour RELY, score CHADS2 plus élevé dans l étude ROCKET, qualité de suivi du traitement AVK meilleure dans les études RELY et ARISTOTLE Il est difficile de savoir si une réserve doit accompagner les résultats de l étude RELY compte tenu de sa randomisation en ouvert ; l effectif est conséquent (plus de 18 000 patients) et 468 Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141

Anticoagulants oraux directs et fibrillation atriale non valvulaire Tableau 2 - Comparaison des études RELY (dabigatran), ROCKET (rivaroxaban), AVERROES et ARISTOTLE (apixaban). Etude RELY Etude ROCKET Etude etude Dabigatran Rivaroxaban averroes aristotle (Pradaxa ) (Xarelto ) Apixaban (Eliquis ) Apixaban (Eliquis ) PRÉSENTATION - Type d essai Non-infériorité Non-infériorité Supériorité Non-infériorité Ouvert Double-aveugle Double-aveugle Double-aveugle - Effectif 18 113 patients 14 264 patients 5 599 patients 18 201 patients - Posologie 110 mg x 2/jour 20 mg/jour 5 mg x 2/jour 5 mg x 2/jour (2,5 mg x 2 150 mg x 2/jour si facteur de risque) - traitement de référence Warfarine Warfarine Aspirine Warfarine 81 à 324 mg/jour - Population FA + 1 FdR FA + risque modéré Patients avec indication FA + 1 FdR à élevé d AVC d AVK mais non éligibles - Score CHADS 2 moyen 2,1 3,5 2,0 2,1 - Antécédent d AIC/AIT 20 % 55 % 14 % 20 % RÉSULTATS Publiés (5) Publiés (13) Publiés (11) Publiés (15) - Risque d AVC et Non-infériorité du Non-infériorité du Supériorité de l apixaban Non-infériorité d apixaban - embolie systémique dabigatran (supériorité rivaroxaban (et démonstration du dabi 150 mg x 2) d une supériorité) - Risque hémorragique Non-infériorité du Non-infériorité Pas de différence Non-infériorité d apixaban - majeur dabigatran du rivaroxaban significative (et démonstration (risque plus faible avec d une supériorité) dabi 110 mg x 2) le bénéfice de dabigatran par rapport à warfarine a été confirmé dans l étude RECOVER (maladie thromboembolique veineuse) qui était en double-aveugle. Néanmoins certains auteurs rappellent que pour ximélagatran, des différences ont été observées entre les résultats de l étude SPORTIF III (en ouvert) et ceux de l étude SPORTIF V en double-aveugle, mais sans atteindre la significativité (17). Cette discussion n a pas empêché la FDA d accepter le dabigatran dans la FA, du moins la forte posologie de 150 mg x 2 compte tenu du bénéfice démontré, mais l administration a dû s expliquer sur la faible dose choisie (75 mg x 2) en cas d insuffisance rénale sévère (16). En France, une extension d AMM a été obtenue en août dernier pour le dabigatran chez les patients avec FA non valvulaire et avec un facteur de risque vasculaire. La sévérité des patients inclus dans l étude ROCKET (55 % avec un antécédent d AIC/AIT) pourrait orienter dans le choix thérapeutique : rivaroxaban en prévention secondaire (tableau neurologique) ; dabigatran et apixaban en prévention primaire (tableau cardiologique). Néanmoins, environ 20 % des patients inclus dans les études RELY et ARISTOTLE avaient un antécédent d AIC/AIT (soit environ 3 500 patients dans chacune des études). Mais, en plus de l efficacité démontrée de ces molécules, le point retenu par tous est la réduction significative des hémorragies intracérébrales, complication redoutée chez les patients sous AVK. Cet élément est essentiel car, pour les autres complications hémorragiques majeures, seuls apixaban et dabigatran faible dose ne font mieux que les AVK, alors qu on aurait pu s attendre à un bénéfice sur ces évènements, surtout si ces AOD sont associés à une large fenêtre thérapeutique. L étude AVERROES avec apixaban apporte des données intéressantes qui pourraient annoncer la fin de l aspirine dans cette indication, avec la démonstration d un bénéfice antithrombotique par rapport à l aspirine, sans augmentation du risque hémorragique. d Le dabigatran, le rivaroxaban et l apixaban ont démontré leur efficacité dans la prévention des AVC et autres Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141 469

embolies systémiques avec une réduction significative des hémorragies intracérébrales (complication redoutée des AVK). d Le dabigatran est le premier à avoir l extension d AMM dans la FA non valvulaire (avec les posologies de l étude RELY) et sera mis à disposition tout prochainement. A surveiller : le retentissement sur les tests de coagulation Toutes les études ont été réalisées sans test biologique de surveillance et sans adaptation posologique. Néanmoins, il est important d informer clairement tous les cliniciens du retentissement de ces molécules sur les tests de coagulation habituels : le temps de Quick (TQ) et le temps de céphaline + activateur (TCA). Les premiers contrôles sanguins effectués en orthopédie ont surpris par l importance du retentissement sur le TQ (surtout rivaroxaban avec un TQ/TP autour de 40 %) et le TCA (surtout dabigatran avec un TCA à 2 fois le temps témoin) pour des posologies dites préventives (19). Ces tests ne sont pas adaptés pour la surveillance des AOD, produits qui perturbent la formation du caillot de fibrine in vitro, de par leur petite taille et l absence de cofacteur. Des tests spécialisés sont en cours de validation (mesure d une activité anti-xa avec une calibration dédiée pour rivaroxaban et apixaban, mesure du temps d écarine ou d un temps de thrombine modifié pour dabigatran), mais la demivie de ces produits (autour de 10-12 heures) ajoute une difficulté supplémentaire dans l interprétation des résultats biologiques, par rapport au résultat d INR pour les AVK (20). Une étroite collaboration clinicobiologique devra se mettre en place, en particulier en situation hémorragique. Plusieurs groupes multidisciplinaires (dont le GIHP, Groupe d Intérêt en Hémostase Péri-opératoire) réfléchissent actuellement sur la prise en charge de ces complications hémorragiques et d une chirurgie différée ou en urgence chez un patient traité par AOD. En cas de chirurgie programmée, des propositions ont été récemment publiées par le GIHP (21). En cas d urgence, il ne semble pas qu une réversion complète de l effet anticoagulant soit possible avec l apport de concentrés en facteurs (de type PPSB Kanokad ou Octaplex ) ou de facteur VII activé (Novoseven ). Les firmes ont été sollicitées pour fournir des informations à partir des études cliniques réalisées, mais sans retour pour le moment. Régulièrement un antidote est annoncé pour l une ou l autre des molécules, mais sans confirmation pour le moment ; néanmoins avec les progrès récents dans la synthèse chimique, on peut espérer la mise à disposition prochaine d un antidote pour ces nouvelles molécules. Attention aux interactions médicamenteuses Enfin, il faudra être vigilant visà-vis d éventuelles interactions médicamenteuses avec les inhibiteurs de la P-gp (les 3 produits, mais surtout le dabigatran) et du CYP3A4 (rivaroxaban et apixaban). Pour le dabigatran, qui sera probablement le premier AOD mis à disposition dans la FA, l Afssaps vient tout récemment de déconseiller son association avec le nouvel antiarythmique, dronédarone (doublement de la concentration sérique de dabigatran) et d ajouter d autres contre-indications : cyclosporine, tacrolimus, kétoconazole et itraconazole. d Les AOD sont prescrits sans suivi biologique, mais un retentissement marqué est observé sur les tests de coagulation de 1 re ligne (TQ, TCA). d Peu de médicaments sont pour le moment contre-indiqués en association avec les AOD, mais il faut s attendre à une réactualisation des précautions d emploi avec les premières utilisations dans la FA. d En cas de complication hémorragique ou d intervention chirurgicale, il faut tenir compte de la demi-vie du produit (autour de 10-12 heures) ; il n existe pas d antidote pour le moment et aucune conduite à tenir n est actuellement proposée pour l un ou l autre des produits (sauf en cas de chirurgie programmée). Conclusion Avec l extension d AMM dans la FA non valvulaire (obtenue pour le dabigatran et à venir prochainement pour le rivaroxaban et plus tard l apixaban), c est une évolution majeure dans la prise en charge des patients, du fait du bénéfice démontré et de leur simplicité d utilisation (pas de suivi biologique, pas d adaptation de dose). Contrairement aux AVK, cette nouvelle famille des AOD va permettre une individualisation du traitement anticoagulant, tenant compte des caractéristiques pharmacocinétiques de chacune de ces molécules, de la balance risque thrombotique/risque hémorragique avec l utilisation de scores tels que CHA2DS2-VASc (thrombose) et BLED (hémorragie). Comme tout traitement an- 470 Neurologies Octobre 2011 vol. 14 numéro 141

Les anticoagulants oraux directs dans la fibrillation atriale ticoagulant, la prescription d un AOD devra s accompagner d une information et d une éducation du patient, car la simplicité d utilisation ne doit pas faire oublier le risque hémorragique sous-jacent (aussi important que sous AVK et sans antidote disponible pour le moment). n Correspondance Dr Emmanuel de Maistre Centre des Coagulopathies et Laboratoire d Hémostase Hôpital du Bocage, CHU Dijon, BP 77908 21079 Dijon cedex Tél. : 03 80 29 32 57 - Fax : 03 80 29 34 24 E-mail : emmanuel.demaistre@ chu-dijon.fr Mots-clés : Anticoagulants, Fibrillation atriale, Complications thromboemboliques, Hémorragies majeures, Accidents ischémiques cérébraux, AVK, Anticoagulants oraux directs (AOD), Dabigatran, Rivaroxaban, Apixaban, Edoxaban, Risque hémorragique Bibliographie 1. Wann LS, Curtis AB, Ellenbogen KA et al. 2011 ACCF/AHA/HRS focused update on the management of patients with atrial fibrillation (update on dabigatran). 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Un système de vote interactif sera mis en place. Caroline Arquizan abordera le thème des accidents ischémiques transitoires afin de nous expliquer quels sont les nouveaux moyens de prise en charge existants plus efficaces et modernes. Puis Jean-François Albucher fera un état des lieux sur la prise en charge en urgence des infarctus cérébraux, et notamment les avancées de la fibrinolyse. Catherine Lamy nous présentera des cas cliniques sur les causes rares et nouvelles d infarctus cérébral afin de savoir quand et comment les rechercher. Enfin, Nicolas Gaillard conclura cet atelier en nous parlant de la fibrillation auriculaire qui a été, cette année, l objet de nombreux changements, notamment en terme de prise en charge, car de nouveaux anticoagulants ont fait leur apparition. Est-ce que 2012 signera la fin du règne des antivitamines K? Pour plus de renseignements sur les 13 e Rencontres de Neurologies, rendez-vous sur www.neurologies.fr Retrouvez le programme des 13 e Rencontres de Neurologies assemblé à ce numéro