Diabète de type 2 : pas de bénéfice à intensifier le traitement antihypertenseur et hypolipémiant Données de l étude ACCORD Marie VIRALLY Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.73 le 5/2/217. A u congrès de l American College of Cardiology (ACC) à Atlanta en mars 21, le volet «hypertension» de l étude ACCORD a été présenté lors de la première session de «Late Breaking Clinical Trials» par William Cushman du Centre médical des vétérans de Memphis et publié en même temps dans le New England Journal of Medecine [1,2]. Les résultats sont décevants et s ajoutent à ceux, déjà négatifs, du premier volet de l étude ACCORD publiés il y a deux ans, qui montraient qu intensifier le traitement hypoglycémiant non seulement n apportait pas de bénéfice mais augmentait la mortalité [3]. Cette partie de l étude impliquait 4 733 patients sur les 1 251 de l essai, qui étaient hypertendus au départ. Ils ont été randomisés entre un traitement antihypertenseur ajusté pour obtenir une baisse de la pression artérielle systolique en dessous de 14 mmhg, et un traitement intensifié pour arriver à faire baisser la pression systolique en dessous de 12 mmhg. À ce jour, les données des essais cliniques avaient montré le bénéfice de contrôler la pression systolique à 14 mmhg. Par ailleurs, il existe des recommandations avec un seuil à 13 mmhg pour les diabétiques, et des études observationnelles suggéraient qu en descendant encore plus chez les diabétiques, on pourrait diminuer encore le risque cardiovasculaire. Dans l étude ACCORD, le traitement intensif consistait à traiter d emblée par deux médicaments (un diurétique thiazidique et un IEC, ARA II ou bêta-bloquant), et augmenter les doses ou ajouter des médicaments pour descendre la pression artérielle systolique en dessous de 12 mmhg. Dans le groupe contrôle, les médecins pouvaient diminuer le traitement si la PAS descendait en dessous de 14 mmhg, pour rester à un niveau standard. Les données montrent que la pression systolique a été descendue à 119,3 mmhg en moyenne dans le groupe «intensif» et 133,5 mmhg dans le groupe «standard». Après un suivi proche de 5 ans, une légère baisse des événements cardiovasculaires a été obtenue, mais qui n était pas statistiquement significative. Dans le groupe intensif, 28 infarctus non fatals, accidents vasculaires cérébraux non fatals ou décès de causes cardiovasculaires (taux annuel de 1,87 %), contre 237 événements dans le groupe contrôle (2,9 % an) (RR =,88 ; IC :,73-1,6, p =,2). Le taux annuel des décès toutes causes est similaire dans les deux groupes (1,28 % vs 1,19 % an, p =,55) (figure 1). Les données montrent une baisse significative de 41 % des AVC, mais le nombre d AVC était globalement très faible (36 cas contre 62). William Cushing indique que même si la différence est significative, cela implique d intensifier le traitement chez 89 patients durant 5 ans pour éviter un AVC. Par ailleurs, une mise en garde est faite contre les effets secondaires sérieux liés au traitement intensif (3,3 % contre 1,3 % respectivement dans les groupes intensif et standard, p <,1), associant des hypotensions, syncope, trouble du rythme cardiaque, angiœdème et un risque d hypokaliémie. Cependant, ces risques restaient faibles (,2 à,7 %). Et l intérêt d ajouter une fibrate à une statine? Les résultats du volet «hypolipémiant» de l étude ACCORD ont été présentés par Henry Ginsberg de l université Columbia à New York. La stratégie thérapeutique consistait à intensifier le traitement, en comparant un traitement classique par statine à une association statine-fibrate, qui permet d agir sur les 3 composantes lipidiques (LDL-c, HDL-c et triglycérides) chez 5518 patients, différents de ceux évalués dans le volet «hypertension». Après 5,7 ans de suivi, l incidence des événements cardiovasculaires majeurs (IDM, AVC et mortalité vasculaire) était similaire dans les deux groupes : 291 événements dans le groupe simvastatine-fénofibrate (2,2 % an) et 31 (2,4 % an) dans le groupe statine seule (RR =,92, p =,32). L incidence annuelle de décès est similaire (1,5% vs 1,6 %, RR =,91, p =,33) (figure 2). Une analyse plus poussée des résultats suggère que les patients présentant à la fois les taux les plus bas de HDL-c (<,34 g/l) et les taux les plus hauts de triglycérides (> 2,4 g/l) pourraient tirer bénéfice de l association statine-fibrate (p =,57), mais ils ne représentaient que 17 % de la population étudiée. De plus, cette hypothèse nécessite une confirmation. Il semble y avoir une différence selon doi : 1.1684/stv.21.478 172 STV, vol. 22, n 4, avril 21
A Primary Outcome B Nonfatal Stroke 1,,2 1,,2,8,6,4,2 P =,2,1,,8,6,4,2 P =,8,1, Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.73 le 5/2/217., 2362 2273 2182 2117 177 18 298 175 8 2371 2274 2196 212 1793 1127 358 195 18 C Nonfatal Myocardial Infarction 1,,8,6,4,2, P =,25,2,1, 2362 2278 219 2133 1787 187 299 177 82 2371 2278 228 2141 1818 1145 365 21 112 les sexes. Les hommes ont tiré un bénéfice de l association (risque de 11,2 % vs 13,3 % respectivement dans les groupes statine-fibrate et statine seule, p =,1) alors que les femmes voyaient leur risque cardiovasculaire augmenter, passant de 6,6 % à 9 % avec l association. L association statine-fibrate n a pas été associée à une augmentation de complications. Les douleurs musculaires étaient fréquentes (4 %) mais similaires dans les deux groupes et les atteintes plus graves étaient très rares. Ces résultats vont dans le même sens que des études antérieures sur les fibrates, qui ne montraient pas de bénéfice global mais un possible intérêt chez les patients ayant des anomalies préférentielles du HDL et des triglycérides. 2362 2291 2226 2174 1841 1128 313 186 88 2371 2287 2235 2186 1879 1196 382 215 114 D Death from Cardiovascular Disease, 1,,8,6,4,2, P =,74,2,1, 2362 234 2252 221 187 1143 317 188 91 2371 2313 2268 2218 1922 122 393 221 118 Figure 1. Survenue chez des diabétiques de type 2 dêévénements cardiovasculaires majeurs, dêavc, dêidm et mortalité vasculaire dans les groupes intensif et standard pour lêhypertension. Conclusion Les différents résultats de l étude ACCORD, de l intensification glycémique, tensionnelle et lipidique sont importants mais globalement décevants puisqu ils ne montrent aucun bénéfice à l intensification thérapeutique de ces trois volets. Cependant, ces données ne remettent pas en cause l importance d abaisser la glycémie, la pression artérielle et les lipides, mais ils ne montrent pas de bénéfice cardiovasculaire à forcer les recommandations actuelles. Interrogé lors d une conférence de presse sur ce qu on pourrait faire maintenant pour tenter d améliorer encore le devenir de ces patients, le Pr. Ginsberg souligne que «les modifications du mode de vie restent la clé». STV, vol. 22, n 4, avril 21 173
Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.73 le 5/2/217. A Primary Outcome 1 (%) C Death from Any Cause 1 (%) 8 6 4 2 8 6 4 2 Références P =,32 2765 2644 2565 2485 1981 116 412 34 137 2753 2634 2528 2442 1979 1161 395 245 131 P =,33 2765 2737 274 2646 2147 1271 169 285 157 2753 2723 268 2615 2164 1293 45 274 157 1. Effects of intensive blood pressure control in type 2 diabetes mellitus. The ACCORD study group. N Engl J Med 21, mars 14, 1.156/NEJMoa11286 2 1 2 1 B Expanded Macrovasculaer Outcome 1 4 (%) 2765 2538 239 2262 1751 999 354 211 112 2753 2531 2357 2267 1732 992 316 21 164 D Death from Cardiovascular Causes (%) 8 6 4 2 1 8 3 4 2 P =,3 P =,76 2 2 1 2765 2766 266 266 2114 1755 457 285 155 2753 2689 2633 2574 2128 177 437 771 153 Figure 2. Survenue chez des diabétiques de type 2 dêévénements cardiovasculaires majeurs, de mortalité toutes causes et mortalité vasculaire dans les groupes traités par statine seule et statine plus fibrate. 2. Effects of combinaison lipid therapy in type 2 diabetes mellitus. The ACCORD study group. N Engl J Med 21, mars 18, 1.156/ NEJMoa11282 3. Effects of intensive glucose lowering in type 2 diabetes mellitus. The ACCORD study group. N Engl J Med 28 ; 358 : 2545-59. 174 STV, vol. 22, n 4, avril 21
L infarctus du myocarde est-il en voie de disparition? Jean-Michel JULIARD Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.73 le 5/2/217. U ne réduction de la mortalité d origine cardiovasculaire a été observée durant ces dernières années en France, grâce à la fois à une prévention secondaire renforcée mais également une prise en charge plus agressive des syndromes coronariens en phase aiguë. On s interroge également de façon légitime sur une prévention primaire plus optimale comme l interdiction de fumer dans les lieux publics et son possible impact sur l incidence des infarctus du myocarde. L enquête récente menée aux États-Unis sur les patients du registre Medicare (> 65 ans) nous apporte des données épidémiologiques riches d enseignement [1]. Aux États-Unis, entre 22 et 27, le taux annuel d hospitalisations pour infarctus du myocarde a diminué de 1131/1 bénéficiaires du registre Medicare à 866, soit une baisse relative de 23,4 %. 1 2 1 8 6 4 2 1979 198 Si l on considère la population Medicare d environ 45 millions d individus en 27, cela représente 119 infarctus évités dans cette population cible (> 65 ans) par rapport à 22. Après ajustement sur les facteurs âge, sexe et race, ce taux a diminué de 5,8 % par an. Les réhospitalisations pour récidive d infarctus ont également chuté de 6,9 % en 22 à 5,1 % en 27. Globalement, le nombre d hospitalisations avec comme diagnostic une maladie coronaire a diminué de 1 744/1 bénéficiaires/an en 22 à 1 35 en 27 ( 25,2 %). En stratifiant par âge, cette baisse est constante quelles que soient les tranches d âge, 26 % entre 65 et 74 ans, 24,6 % entre 75 et 84 ans, 19,8 % au-delà de 85 ans. Entre 22 et 27 cette baisse relative est comparable entre les sexes : 24,3 % chez les hommes et 23,1 % chez les femmes. 1981 1982 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 199 1991 1992 Année Cette baisse du nombre d infarctus est également parallèle à la baisse de la mortalité d origine cardiovasculaire observée depuis une trentaine d années aux États-Unis (figure 1) [2]. Cette baisse du nombre d infarctus est-elle vraiment réelle? Il semble que l on puisse répondre par l affirmative si l on se réfère aux données du registre nord-américain entre 1965 et 26 portant à la fois sur les sujets jeunes (entre 45 et 64 ans) et plus âgés (> 65 ans) (figure 2). Ces tendances favorables sont probablement à mettre sur le compte de plusieurs facteurs. Une prévention secondaire médicamenteuse plus optimale et une correction plus drastique et plus large des facteurs de risque (HTA, cholestérol et tabac) ont été déterminantes. Dans l État du Minnesota, la proportion de patients (entre 65 et 74 ans) consommant des statines est passée de 22 à 27 % entre Décès en milliers (barres) Décès par 1 (ligne) 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2 21 22 23 24 25 26 Figure 1. Taux de décès sur les maladies cardiovasculaires aux États-Unis entre 1979 et 26. 6 5 4 3 2 1 STV, vol. 22, n 4, avril 21 175
16 14 Sujets de plus de 65 ans 12 1 8 6 4 Sujets entre 45 et 64 ans Copyright 217 John Libbey Eurotext. Téléchargé par un robot venant de 37.44.27.73 le 5/2/217. 2 1965 197 1975 198 1985 Année aussi à long terme. Il faut suivre de près ces tendances favorables afin de voir si elles se confirment dans le futur compte tenu d une progression de l obésité et de la prévalence du diabète, afin de ne pas voir ces courbes s inverser dans 2 ans! Si ces progrès se confirment, il faudra redéfinir les besoins sanitaires (ainsi que leur répartition) en matière de prise en charge de la maladie coronaire. 199 1995 2 25 Figure 2. Taux dêhospitalisation pour infarctus du myocarde aux États-Unis entre 1965 et 26. 22 et 27, et le taux de tabagisme a été réduit de 42,4 % à 19,8 % dans cette tranche d âge de la population. La prise en charge agressive des syndromes coronaires aigus (stratégies antithrombotiques à la fois plus efficaces et plus sûres, notamment en termes de risque hémorragique et de stratégies optimisées de reperfusion en phase aiguë) a été en partie responsable de la réduction de mortalité à la fois à court mais Références 1. Chen J, Normand SLT, Wang Y, et al. Recent declines in hospitalizations for acute myocardial infarction for medicare fee-for-service beneficiaries. Progress and continuing challenges. Circulation 21 ; 121 : 1322-8. 2. Luepker RV, Berger AK. Is myocardial infarction disappearing? Circulation 21 ; 121 : 128-2. 176 STV, vol. 22, n 4, avril 21