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Paludisme Date de création du document 2010-2011

Table des matières ENC :...3 I Agent pathogène... 5 II Vecteur...7 III Cycle... 8 III.1 Chez l'homme...8 III.2 Chez l'anophèle femelle...9 III.3 Modalités de transmission... 10 IV Répartition géographique...10 V Modalités épidémiologiques... 12 V.1 Immunité naturelle...12 V.2 Immunité acquise... 13 VI Physiopathologie...14 VII Clinique...16 VII.1 Accès palustre de primoinvasion à P. falciparum... 16 VII.2 Accès palustre à fièvre périodique...17 VII.3 Le paludisme grave... 18 VII.4 Critères de gravité définis par l'oms... 19 VII.5 Autres complications...20 VII.6 Formes cliniques...22 VIII Diagnostic...23 VIII.1 Signes d'orientation... 23 VIII.2 Diagnostic de certitude...24 VIII.2.1 Le prélèvement...24 VIII.2.2 Techniques de référence...25

VIII.2.3 Autres techniques...26 IX Traitement curatif... 27 IX.1 Prise en charge d'une forme non compliquée... 28 IX.1.1 Accès palustre à P. falciparum...28 IX.1.2 Accès palustre à P. vivax, P. ovale ou P. malariae ou P. knowlesi...29 IX.2 Prise en charge d'un paludisme grave... 29 X Prévention...30 X.1 Prévention individuelle... 30 X.1.1 La lutte contre les piqûres de moustiques (à partir du coucher du soleil) est la première ligne de défense vis-à-vis du paludisme...30 X.1.2 Chimioprohylaxie médicamenteuse... 31 X.2 Prévention collective... 33 OBJECTIFS ENC : Connaître les 5 espèces de Plasmodium pathogènes, leur répartition géographique, leur cycle et les modes de contamination de l'homme. Connaître la physiopathologie et les conséquences cliniques de l'infection plasmodiale et les différents tableaux cliniques du paludisme. Connaître le rôle de l'immunité anti-palustre (immunité concomitante) pour les populations vivant en zone d'endémie. Savoir évoquer un accès palustre devant une fièvre au retour d'un séjour en zone tropicale et prescrire en urgence l'examen biologique nécessaire au diagnostic. Savoir identifier les critères cliniques et biologiques de gravité du paludisme à P. falciparum imposant une hospitalisation en urgence. Connaître les techniques de diagnostic biologique d'un paludisme (frottis sanguin, goutte épaisse, et autres...) et leurs limites.

Connaître les principaux médicaments antipaludiques, en ayant des notions sur la chimiorésistance et savoir traiter un accès simple et un paludisme grave. Connaître les moyens physiques et chimiques de protection des piqûres de moustique. Savoir prescrire une chimioprophylaxie antipalustre adaptée au type et à la durée du séjour et des zones chimiorésistance. INTRODUCTION Le paludisme (malaria en anglais) est une parasitose due à des hématozoaires du genre Plasmodium, transmise par des moustiques du genre Anopheles. Cette maladie, surtout importante pour les populations vivant en zone d endémie (zone intertropicale), l est aussi pour les voyageurs. 1. Importance à l'échelle mondiale En 2009 le paludisme reste la première endémie parasitaire mondiale. On estime que près de la moitié de la population mondiale vit en zone d endémie. Le nombre d accès palustres survenant chaque année à travers le monde est estimé de 300 à 500 millions, entraînant la mort de 1 à 3 millions de personnes, parmi lesquelles une majorité de jeunes enfants vivant en Afrique sub-saharienne. Le paludisme représente une charge financière énorme pour les populations et par conséquent la maladie constitue un obstacle au développement des pays concernés, notamment en Afrique. Pour toutes ces raisons, la lutte contre le paludisme constitue, avec la lutte contre le SIDA et la tuberculose, un des «Objectifs Du Millénaire» définis par les Nations-Unies, et le «Fond Mondial» est destiné à approvisionner les pays demandeurs en médicaments. 2. Importance pour les voyageurs A une échelle tout à fait différente, le paludisme est important aussi pour les voyageurs. L augmentation actuelle des échanges internationaux fait que tout médecin exerçant en France métropolitaine peut être confronté au paludisme dans sa pratique quotidienne. En

France, le nombre de cas de paludismes d importation diagnostiqués chaque année est estimé à 6000. Chaque année, 20 personnes meurent en France du paludisme. Le paludisme reste une maladie potentiellement mortelle pour un sujet non-immun (cas des voyageurs). Au cours des dernières années, la prévention individuelle est redevenue difficile en raison de l augmentation des résistances du parasite vis-à-vis des traitements préventifs. Actuellement aucun vaccin n est commercialisé. I AGENT PATHOGÈNE Le paludisme est transmis par un protozoaire appartenant au genre Plasmodium. Il existe de très nombreuses espèces de Plasmodium (plus de 140), touchant diverses espèces animales mais seulement cinq de ces espèces sont retrouvées en pathologie humaine. Il s agit de Plasmodium falciparum, Plasmodium vivax, Plasmodium ovale, Plasmodium malariae et Plasmodium knowlesi. Les cinq espèces diffèrent par des critères biologiques, cliniques, par leur répartition géographique et par leur capacité à développer des résistances aux antipaludiques. D emblée il faut différencier P. falciparum des trois autres espèces. En effet P. falciparum est celui qui est le plus largement répandu à travers le monde, qui développe des résistances aux antipaludiques et qui est responsable des formes cliniques potentiellement mortelles. Plasmodium falciparum Dans les régions équatoriales, il est transmis toute l année avec cependant des recrudescences saisonnières. Dans les régions sub-tropicales, il ne survient qu en période chaude et humide. Sa transmission s interrompt lorsque la température tombe en dessous de 18 C. Cela explique aussi que, quelle que soit la latitude, le paludisme n est plus transmis en altitude (au dessus de 1500 mètres en Afrique et 2500 mètres en Amérique et en Asie). L évolution se fait d un seul tenant après une incubation de 7 à 12 jours. On n observe pas de rechutes tardives comme avec les autres espèces. Plus de 90% des accès palustres à P. falciparum surviennent dans les 2 mois qui suivent le retour du pays d endémie. P. falciparum est responsable des formes cliniques graves, notamment du neuropaludisme. C est l espèce la plus fréquemment observée en France, responsable de plus de 80 % des paludismes dit «d importation», c est à dire contractés en zone d endémie mais se révélant en France métropolitaine après le retour.

Plasmodium vivax Très largement répandu en Amérique du Sud et en Asie, il est beaucoup plus rarement observé en Afrique. Les érythrocytes du groupe sanguin Duffy négatif (observé chez la majorité des sujets originaires d Afrique de l Ouest) ne possèdent pas le récepteur membranaire nécessaire à l infection par P. vivax. Sa transmission s arrête en dessous de 15. Sa période d incubation est de 11 à 13 jours, mais on peut observer des rechutes (accès de reviviscence) pendant 3 à 4 ans. L affection par P. vivax est classiquement considérée comme bénigne (fièvre tierce bénigne, c est-à-dire due à un cycle érythrocytaire de 48 heures) mais en zone d endémie il peut avoir des répercussions graves sur l état de santé des populations, notamment par l intermédiaire des anémies chez l enfant. De plus on commence à voir surgir quelques résistances médicamenteuses à P. vivax. P. ovale Il sévit en Afrique intertropicale du Centre et de l Ouest (et dans certaines régions du Pacifique) et provoque une fièvre tierce bénigne, comme P. vivax dont il est très proche. Son incubation est de 15 jours au minimum mais peut-être beaucoup plus longue, jusqu à 4 ans. Son évolution est bénigne mais on peut observer, comme avec P. vivax, des rechutes tardives (5 ans). Schématiquement on dit que P. ovale remplace P. vivax là où cette dernière espèce n existe pas. P. malariae Il sévit en Afrique, de manière beaucoup plus sporadique. Il se différencie des autres espèces par une incubation plus longue (15 à 21 jours), par une périodicité différente de la fièvre (cycle érythrocytaire de 72 heures responsable d une fièvre quarte) et surtout par sa capacité à entraîner des reviviscences très tardives (jusqu à 20 ans après le retour de la zone d endémie). Les mécanismes physiopathologiques responsables de ces reviviscences tardives ne sont pas totalement élucidés. L infection est bénigne mais P. malariae peut parfois entraîner des complications rénales. P. knowlesi Plasmodium knowlesi était seulement un parasite sinien (macaque) de l'asie du Sud-Est. Actuellement, plusieurs centaines de cas ont été rapportés chez l'homme dont entre autre 5 cas au Philippines, dont 4 mortels. Au microscope, P. knowlesi ressemble au conventionnel P. malariae, mais le confondre pourrait être gravissime car, contrairement à ce dernier, il peut être létal pour l'homme. Seul point positif, il est à ce jour, sensible à la simple chloroquine (qui constitue le traitement habituel de l'accès à P. malariae).

II VECTEUR Le paludisme est transmis à l homme par la piqûre d un moustique culicidé du genre Anopheles au moment de son repas sanguin. Seule la femelle, hématophage, transmet la maladie. Elle ne pique qu à partir du coucher du soleil avec un maximum d activité entre 23 heures et 6 heures. Cela explique que l utilisation des moustiquaires est le moyen de prévention individuelle le plus efficace. Les larves d anophèles se développent dans les collections d eau. La nature des sols, le régime des pluies, la température et donc l altitude, la végétation naturelle ou l agriculture, rendent les collections d eau plus ou moins propices au développement des espèces vectrices. Certaines espèces ont ainsi pu s adapter à des milieux particuliers comme le milieu urbain. Le développement et la longévité des anophèles dépendent de la température avec un optimum entre 20 et 30 C pour une durée de vie de l ordre de 30 jours. Il existe de très nombreuses espèces d anophèles ; toutes ne sont pas capables de transmettre le paludisme. Les espèces les plus dangereuses sont les espèces anthropophiles, qui ont une préférence pour effectuer leur repas sanguin sur l homme plutôt que sur l animal et les espèces endophiles qui se reposent à l intérieur des maisons. De très nombreux facteurs climatiques et/ou environnementaux, naturels (sécheresses, variations de température ) ou dus à l activité humaine (assèchement de marécages, construction de barrages, irrigations, construction de routes ) peuvent modifier la répartition des anophèles dans une région donnée et par conséquent influencer la transmission du paludisme. La répartition des anophèles à travers le monde dépasse largement celle du paludisme. Si les conditions favorables de réimplantation dans des foyers actuellement éradiqués survenaient, la transmission pourrait s y établir de nouveau. Biotope favorable à la prolifération des anophéles

III CYCLE Le cycle se déroule successivement chez l homme (phase asexuée chez l hôte intermédiaire) et chez l anophèle (phase sexuée chez l hôte définitif). Chez l homme le cycle est lui-même divisé en 2 phases : - la phase hépatique ou pré-érythrocytaire (= exo-érythrocytaire) : elle correspond à la phase d incubation, cliniquement asymptomatique. - la phase sanguine ou érythrocytaire : elle correspond à la phase clinique de la maladie. Figure 1 : Cycle du Plasmodium III.1 CHEZ L'HOMME Schizogonie pré-érythrocytaire Les sporozoïtes inoculés par l anophèle femelle lors de son repas sanguin restent pendant une trentaine de minutes maximum dans la peau, la lymphe et le sang. Beaucoup sont détruits par les macrophages mais certains parviennent à gagner les hépatocytes. Ils se transforment en schizontes pré-érythrocytaires ou «corps bleus» (formes multinucléées) qui, après quelques jours de maturation, éclatent et libèrent des milliers de mérozoïtes dans le sang (10 000 à 30 000 mérozoïtes en fonction des espèces). La schizogonie hépatique est unique dans le cycle, la cellule hépatique ne pouvant être infectée que par des sporozoïtes. Dans les infections à P. vivax et P. ovale, une schizogonie hépatique retardée (hypnozoïtes) peut entraîner la libération dans le sang de mérozoïtes plusieurs mois après la piqûre du moustique, expliquant ainsi les reviviscences tardives observées avec ces 2 espèces. Les hypnozoïtes n existent pas dans l infection à P. falciparum (évolution d un seul tenant) et ils n ont pas été mis en évidence non plus dans l infection à P. malariae.

Schizogonie érythrocytaire Très rapidement les mérozoïtes pénètrent dans les globules rouges. La pénétration du mérozoïte dans l érythrocyte et sa maturation en trophozoïte puis en schizonte prend 48 ou 72 heures (en fonction de l espèce) et conduit à la destruction du globule rouge hôte et à la libération de 8 à 32 nouveaux mérozoïtes. Ces mérozoïtes pénètrent dans de nouveaux globules rouges et débutent un nouveau cycle de réplication. Cette partie du cycle correspond à la phase clinique : la parasitémie s élève, le sujet devient fébrile, c est l accès palustre. En l absence de traitement, tous les parasites évoluent progressivement au même rythme (on dit qu il deviennent synchrones), tous les schizontes érythrocytaires arrivent à maturation au même moment, entraînant la destruction d un grand nombre de globules rouges de manière périodique, toutes les 24 heures (pour P. Knowlesi), 48 heures (fièvre tierce de P. falciparum, P. vivax ou P. ovale) ou toutes les 72 heures (fièvre quarte de P. malariae). En pratique on observe que la fièvre de tierce due à P. falciparum est rarement synchrone. Après un certain nombre de cycles érythrocytaires, certains mérozoïtes subissent une maturation d une dizaine de jours, accompagnée d une différenciation sexuée : ils se transforment en gamétocytes mâles et femelles. Figure 2 : Gamétocyte femelle de P. falciparum III.2 CHEZ L'ANOPHÈLE FEMELLE Les gamétocytes, ingérés par le moustique lors d un repas sanguin sur un sujet infecté, se transforment en gamètes mâles et femelles qui fusionnent en un œuf libre, mobile appelé ookinète. Cet ookinète quitte la lumière du tube digestif, se fixe ensuite à la paroi externe de l estomac et se transforme en oocyste. Les cellules parasitaires se multiplient à l intérieur de cet oocyste, produisant des centaines de sporozoïtes qui migrent ensuite vers les glandes salivaires du moustique. Ces sporozoïtes sont les formes infestantes prêtes à être inoculées avec la salive du moustique, lors d un repas sanguin sur un hôte vertébré. La durée du développement sporogonique des Plasmodium varie en fonction des conditions climatiques : entre 9 et 20 jours pour P. falciparum (entre, respectivement, 30 C et 20 C), un peu plus rapide pour P. vivax à températures équivalentes, plus long pour P. malariae.

III.3 MODALITÉS DE TRANSMISSION La connaissance du cycle du paludisme permet de comprendre les modalités de transmission de la maladie. Le paludisme est transmis, pendant la nuit, par la piqûre d un moustique, l anophèle femelle. La phase sanguine du cycle rend possible d autres modes de contamination : transmission congénitale, transfusionnelle, par greffe d organe ou transmission accidentelle chez des personnels de santé manipulant du sang contaminé. En pratique ces transmissions sont tout à fait exceptionnelles et n influencent pas l épidémiologie. Figure 3 : Femelle du genre Anopheles se gorgeant IV RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE Il est possible de dresser les grandes lignes de la répartition géographique du paludisme à travers le monde. En revanche il est important de comprendre qu en raison des facteurs influençant l épidémiologie évoqués précédemment (distribution des anophèles, capacité vectorielle, caractéristiques biologiques des différentes espèces de Plasmodium ) la répartition géographique varie d un continent à l autre, d un pays à l autre, mais aussi d une région à une autre, d un village à un autre et même parfois au sein d un même village. Europe Le paludisme a été éradiqué en Europe, y compris aux Açores, aux Canaries, à Chypre, dans les Etats de l Europe de l Est et dans la partie européenne de la Turquie. En revanche, la Fédération de Russie (dont la partie européenne comprenant la région de Moscou) est à surveiller car il y persisterait une transmission de paludisme dû à P. vivax espèce capable de se réimplanter temporairement dans tout le sud de l Europe (par exemple en Italie, Corse,.) Afrique Le paludisme est très largement répandu dans toute l Afrique sub-saharienne où coexistent P. falciparum (nettement prédominant), P. ovale et de manière plus sporadique P. malariae. P. vivax peut être retrouvé en Afrique de l Est. Il existe une transmission, faible, en Afrique du Nord (Algérie et Maroc), essentiellement due à P. vivax, ainsi qu au Cap-Vert et à l Ile

Maurice. L Ile de la Réunion est indemne ; en revanche la transmission est intense à Madagascar où coexistent les 4 espèces. Amérique Le paludisme a été éradiqué en Amérique du Nord. La transmission se poursuit en Amérique centrale (P. vivax essentiellement) mais les Caraïbes sont indemnes à l exception de Haïti et d une partie de la République Dominicaine. Il faut donc noter qu il n y a pas de paludisme dans les 2 départements d Outre-Mer français que sont la Martinique et la Guadeloupe. En Amérique du Sud, la transmission est essentiellement due à P. falciparum (avec présence de souches très résistantes aux amino-4-quinoléines dans tout le bassin amazonien) et à P. vivax. Le paludisme sévit toujours en Guyane française mais essentiellement sur les fleuves et en forêt. Les villes, notamment Cayenne, Kourou et Saint-Laurent du Maroni sont indemnes. D une manière générale toutes les grandes villes américaines sont indemnes sauf en Amazonie. Rappelons qu il n y a plus de transmission au dessus de 2500 mètres. Asie Toute l Asie du Sud-Est (Myanmar, Chine du Sud, Thaïlande, Vietnam, Cambodge, Laos) est touchée par une transmission due à P. falciparum (avec présence, dans certaines régions de souches multirésistantes) et à P. vivax. Les autres régions et la péninsule indienne sont atteintes par P. vivax et P. falciparum mais ne sont pas concernées par le phénomène de multirésistance. A la différence de l Afrique, où la transmission est beaucoup plus homogène, la transmission en Asie se fait sous forme de foyers disséminés en milieu rural dans les zones de collines boisées. Toutes les grandes villes asiatiques sont indemnes (sauf les villes indiennes). N'oublions pas maintenant l'existance de P. knowlesi. Océanie La transmission est hétérogène. Certaines îles sont atteintes (Nouvelle Guinée, Iles Salomon, Vanuatu) ; d autres en sont totalement dépourvues : Polynésie Française, Nouvelle- Calédonie, Wallis et Futuna, Fidji, Hawaï L Australie et la Nouvelle Zélande sont indemnes. Proche et Moyen Orient Toutes les villes sont indemnes ainsi que Bahreïn, Israël, Jordanie, Liban, Koweït, Katar. Le risque est faible (P. vivax) dans les autres états (Syrie, Turquie, Emirats Arabes Unis et Oman).

Principaux foyers du paludisme à P. falciparum Principaux foyers du paludisme à P. vivax Principaux foyers du paludisme à P. ovale V MODALITÉS ÉPIDÉMIOLOGIQUES L épidémiologie du paludisme est extrêmement variable d une zone géographique à une autre. Cette hétérogénéité est sous la dépendance de nombreux facteurs. Nous avons déjà évoqué le rôle de la distribution des anophèles et leur capacité vectorielle, ainsi que les caractéristiques biologiques des parasites. Un autre facteur extrêmement important est le rôle de l immunité. Même si le paludisme entraîne la mort d un très grand nombre de personnes chaque année (entre 1 et 3 millions) la mortalité est faible (<1%) par rapport au nombre présumé d accès palustres survenant sur une même période. La réponse clinique à l infection est extrêmement variable allant de l infection asymptomatique à la survenue d un accès grave pouvant entraîner la mort du patient. V.1 IMMUNITÉ NATURELLE Bien qu encore imparfaitement connus, il existe très probablement des facteurs génétiques conférant à certains sujets une immunité naturelle, au moins partielle. On évoque des facteurs érythrocytaires : trait drépanocytaire (sujet AS), groupe sanguin Duffy négatif, et des facteurs non érythrocytaires : groupe HLA, polymorphisme de la réponse immune, facteurs ethniques

V.2 IMMUNITÉ ACQUISE Elle joue incontestablement un rôle essentiel dans le paludisme. Cette immunité s acquiert progressivement en situation d exposition continue. Cette immunité n est pas stérilisante (elle n empêche pas d être de nouveau contaminé) et ne permet pas de se débarrasser totalement du parasite. En revanche elle empêche progressivement la survenue de formes cliniques graves. Cela explique que, en zone de transmission intense, les jeunes enfants payent le plus lourd tribut à la maladie (à partir de l âge de 4 mois / 1 an lorsque la protection maternelle transmise s amenuise). Progressivement le risque d accès grave diminue alors que le sujet tolère des parasitémies de plus en plus importantes tout en restant cliniquement asymptomatique. En zone de transmission intense il est exceptionnel qu un sujet adulte décède du paludisme. Cette immunité est donc «non stérilisante», fonction de l espèce, et ne se développe qu après une longue période d exposition ininterrompue. Elle est transmissible (nouveaunés). En revanche elle n est jamais totale et jamais définitive. Un sujet transplanté en zone tempérée pendant 2 ou 3 ans perd progressivement sa protection. Lorsqu il retourne dans son pays, il est redevenu vulnérable, au même titre un sujet «neuf» récemment arrivé en zone d endémie. Cette situation est fréquemment observée dans les hôpitaux français où, chaque année, de nombreux accès palustres sont diagnostiqués chez des sujets africains, vivant en France depuis plusieurs années, et qui sont retournés dans leur pays pour des vacances. En raison des caractéristiques de cette protection, on utilise plus volontiers le terme d état de prémunition plutôt que d immunité. Bien évidemment un sujet n ayant jamais vécu en zone d endémie (voyageur, expatrié récent) est totalement exposé au risque de paludisme grave, quel que soit son âge. Les zones épidémiologiques et indices Zones épidémiologiques La variation de transmission d'une région à l'autre permet de définir des zones épidémiologiques Zones épidémiologiques Zone Transmission Immunité chez l'adulte Type de paludisme Holoendémique Intense toute l'année Solide Paludisme stable Hyperendémique Intense avec variation Significative Paludisme stable saisonnière Mésoendémique Variable Non significative Paludisme instable

Hypoendémique Faible Nulle Paludisme instable Indices paludométriques Ces indices sont les outils qui permettent aux épidémiologistes d'évaluer, dans une région donnée, le niveau de l'endémie palustre. Indice plasmodique (IP) : pourcentage de sujets examinés ayant des hématozoaires dans le sang. Indice splénique (IS) : nombre de sujets présentant une splénomégalie par rapport à 100 sujets examinés. Ces 2 indices ont été très utilisés chez les enfants âgés de 2 à 9 ans pour définir les différentes zones d'endémie. Enquêtes séro-immunologiques : elles permettent également d évaluer les taux d anticorps par classe d âge et de suivre leurs variations saisonnières. Leur valeur est plus grande que celle de l indice splénique car les étiologies de splénomégalies tropicales sont multiples. Indice sporozoïtique et oocystique : pourcentage des anophèles femelles présentant respectivement des sporozoïtes dans les glandes salivaires et des oocystes sur la paroi externe de l estomac. Bien qu il existe de nombreuses espèces de Plasmodium d animaux présentes chez les anophèles, ces indices peuvent refléter l anthropophilie du moustique. VI PHYSIOPATHOLOGIE La physiopathologie du paludisme est encore imparfaitement connue mais les répercussions de l infection palustre sur certains organes ont été bien décrites. Le sang La phase de schizogonie érythrocytaire entraîne une hémolyse responsable d une anémie d installation progressive. L hémoglobine libérée par l hémolyse provoque une surcharge rénale et est partiellement transformée en bilirubine dans le foie. L excès est éliminé dans les urines entraînant une hémoglobinurie. D autre part l utilisation de l hémoglobine par le parasite amène la précipitation dans son cytoplasme de granules de pigment (hémozoïne). Le pigment, accumulé dans le cytoplasme du schizonte, est relargué dans le plasma lors de la libération des mérozoïtes. Il est alors phagocyté par les monocytes-macrophages et les polynucléaires neutrophiles (leucocytes mélanifères). Figure 4 : Leucocyte mélanifére

L hémosidérine, de couleur jaune sombre, provient de la transformation de l hémoglobine et de l hémozoïne par les histiocytes. Les plaquettes sont séquestrées par des mécanismes, encore mal précisés, probablement immunologiques. La conséquence en est une thrombopénie, perturbation biologique fréquemment observée au cours du paludisme. La rate La rate est hypertrophique, molle et congestive. Sa couleur caractéristique, rouge foncé, parfois brune est due à l accumulation du pigment internalisé par les phagocytes. L augmentation de volume est provoquée par l hypertrophie de la pulpe blanche (lymphocytes, cellules réticulaires, macrophages). L activité phagocytaire concerne les globules rouges parasités, les débris cellulaires, le pigment parasitaire. Histologiquement, au cours du paludisme viscéral évolutif, la rate est énorme, fibrocongestive et foncée à la coupe avec une hyperplasie lymphoïde et histiocytaire mais les parasites y sont rares. Le foie La schizogonie exo-érythrocytaire ne produit aucune lésion inflammatoire. La destruction par les schizontes d un certain nombre de cellules parenchymateuses passe inaperçue. On observe une hyperplasie des cellules de Küpffer chargées de la phagocytose des débris cellulaires et de l hémozoïne, associée à des dépôts d hémosidérine. Ultérieurement les dépôts de pigment envahissent les espaces portes au sein d infiltrats lympho-histiocytaires. Physiopathologie de l'accès grave Le neuropaludisme (accès pernicieux = «cerebral malaria» des anglo-saxons) est la complication majeure du paludisme à P. falciparum. Basées au départ sur des études anatomopathologiques post-mortem réalisées chez des patients décédés de neuropaludisme, de très nombreuses recherches ont été développées pour élucider sa physiopathologie. Plusieurs théories, probablement complémentaires sont actuellement retenues, notamment la séquestration d hématies parasitées par des formes matures de Plasmodium, adhérant aux cellules endothéliales des micro-vaisseaux, et l intervention de cytokines ou autres médiateurs. - Séquestration : Les formes âgées de P. falciparum (trophozoïtes âgés, schizontes) disparaissent de la circulation sanguine périphérique et sont séquestrées dans les capillaires des organes profonds (cerveau mais aussi reins, poumons ). Cette séquestration est, au moins en partie, due à des phénomènes d adhésion cellulaire (cytoadhérence) entre les globules rouges parasités et les cellules endothéliales

de ces capillaires. Cette cytoadhérence est sous la dépendance d interactions entre des récepteurs moléculaires présents à la surface des globules rouges parasités et des récepteurs spécifiques des cellules endothéliales. Cette séquestration peut aussi être accentuée par des blocages dans les capillaires due à une déformabilité moindre des hématies parasitées, et à la formation de «rosettes» : agrégats constitués d une hématie parasitée à laquelle adhèrent plusieurs hématies non parasitées.- Cytokines et autres médiateurs Des cytokines pro-inflammatoires (TNF-a, IFN-g, IL1, IL6...) et différents produits métaboliques (NO, acide lactique ) sont produits, en cascade, au cours du neuropaludisme. Leur action se conjugue probablement au phénomène de blocage circulatoire conséquence de la séquestration. Les modèles expérimentaux étant forcément réducteurs, il est difficile de savoir comment s articulent, in vivo, ces différents mécanismes. Ce qui a été décrit au niveau du cerveau est probablement vrai au niveau des autres organes (reins, poumon, placenta ) expliquant la défaillance multiviscérale parfois observée lors d un accès grave. Il apparaît évident maintenant que la physiopathologie du paludisme grave est probablement beaucoup plus complexe qu on a pu le penser initialement. VII CLINIQUE VII.1 ACCÈS PALUSTRE DE PRIMOINVASION À P. FALCIPARUM C est la forme clinique la plus souvent observée en France métropolitaine car elle atteint un sujet neuf, non immunisé, comme les voyageurs. En zone d endémie elle est observée chez les jeunes enfants. Incubation Elle correspond à la durée de la phase hépatocytaire (7 à 12 jours pour P. falciparum) et est totalement asymptomatique. Invasion Elle est marquée par l apparition d une fièvre brutale, continue, souvent accompagnée d un malaise général avec myalgies, céphalées, et parfois troubles digestifs (anorexie, douleurs abdominales, nausées, vomissements et même parfois diarrhée). On parle «d embarras gastrique fébrile». L examen clinique est à ce stade souvent normal, le foie et la rate ne sont pas palpables. Ultérieurement le foie peut augmenter de volume et devenir un peu douloureux, la rate devient palpable au bout de quelques jours, les urines sont rares, foncées et peuvent contenir des protéines. On observe parfois un bouquet d herpès labial. Le tableau clinique est donc totalement non spécifique et le risque majeur est de «passer à côté du diagnostic» si l on n a pas la notion d un voyage en zone d endémie. Or le malade peut, à tout moment et en quelques heures, évoluer de «l accès simple» (c est à dire non compliqué) vers un accès grave, d évolution rapidement mortelle en l absence d une prise

en charge adaptée. Au début de l épisode, aucun argument épidémiologique, clinique ou biologique, ne permet de faire un pronostic et de savoir si un patient évoluera ou non vers un tableau grave. En conséquence le diagnostic du paludisme est une urgence médicale : «toute fièvre chez un patient de retour d une zone d endémie palustre EST UN PALUDISME jusqu à preuve du contraire». VII.2 ACCÈS PALUSTRE À FIÈVRE PÉRIODIQUE Cette forme clinique correspond à la description de la triade classique de l accès palustre : «frissons, chaleur, sueurs» survenant tous les 2 ou 3 jours. En pratique elle n est observée de manière typique que dans les infestations à P. vivax, P. ovale et P. malariae, faisant suite à un accès de primoinvasion non traité, mais pouvant survenir longtemps après l épisode fébrile initial. L accès est souvent précédé d une phase prodromique, toujours identique chez un même patient, qui associe lassitude et troubles digestifs. L accès débute classiquement le soir et dure une dizaine d heures, associant successivement : - stade de frissons : agité de frissons violents, le malade se blottit sous ses draps alors que sa température atteint 39 C. La rate augmente de volume, la tension artérielle diminue. Cette phase dure environ une heure. - stade de chaleur : la température peut dépasser 40 C, la peau est sèche et brûlante et le malade rejette ses draps. Cette phase s accompagne de céphalées et de douleurs abdominales ; elle dure 3 à 4 heures. La rate diminue de volume. - stade de sueurs : ce sont des sueurs profuses qui baignent le malade. Le malade émet des urines foncées, la température s effondre brusquement, avec même parfois une phase d hypothermie. La tension artérielle remonte. Ce stade dure 2 à 4 heures et s accompagne d une sensation de bien-être, d euphorie, concluant la crise. Cette crise typique correspond à la schyzogonie érythrocytaire. Le rythme des accès est donc fonction de l espèce : - fièvre tierce avec clocher thermique survenant à J1, J3, J5 Elle correspond à une schizogonie de 48 heures. En pratique elle peut être régulière et correspondre à une infection par P. vivax ou P. ovale (fièvre tierce bénigne). Elle peut être irrégulière et faire suite à un accès de primo-invasion à P. falciparum (fièvre tierce maligne). Dans ce dernier cas il faudra toujours redouter l évolution, toujours possible, vers un accès grave. - fièvre quarte avec clocher thermique survenant à J1, J4, J7 Elle correspond à une schizogonie de 72 heures et elle est donc observée exclusivement au cours des infections à P. malariae. Quelle que soit l espèce en cause, la répétition de ces accès s accompagne d une anémie et d une splénomégalie progressivement croissantes. Cela explique que tout paludisme, même du à une espèce autre que P. falciparum, peut à terme avoir des répercussions graves, notamment chez les enfants.

VII.3 LE PALUDISME GRAVE Le paludisme à P. falciparum du sujet non immun (jeune enfant en zone d endémie, femme enceinte, expatrié, voyageur) est potentiellement mortel. Le décès, quand il survient, est secondaire à la défaillance aiguë d une ou de plusieurs grandes fonctions, et ce, parfois, même si la mise en place d un traitement étiologique s avère efficace. Seule l instauration rapide d une réanimation adaptée peut alors sauver le malade. Il est donc absolument fondamental de connaître les critères de gravité du paludisme à P. falciparum pour identifier les patients qui justifient d une hospitalisation en urgence, si nécessaire dans une Unité de Soins Intensifs. Un paludisme grave peut donc prendre différentes formes cliniques dont la plus importante est l atteinte cérébrale. On regroupe sous le terme de neuropaludisme (cerebral malaria chez les anglo-saxons) toutes les manifestations neurologiques conséquence de l atteinte cérébrale au cours de l accès palustre : troubles de la conscience, prostration et convulsions. Le début peut être progressif ou brutal L accès pernicieux à début progressif est marqué par l installation d une fièvre irrégulière, d un syndrome algique diffus, associé à des troubles digestifs. L examen clinique peut déjà révéler une composante neurologique faisant évoquer l évolution vers un paludisme grave. En pratique clinique : «tout malade présentant une atteinte de la conscience ou tout autre signe de dysfonctionnement cérébral au retour d une zone d endémie palustre doit être traité dans la plus grande urgence comme un neuropaludisme». L accès pernicieux à début brutal se traduit par une triade symptomatique (fièvre, coma, convulsions) à laquelle s ajoute fréquemment une détresse respiratoire. Il est fréquent chez le jeune enfant en zone d endémie (< 5 ans) et peut entraîner la mort en quelques heures. Phase d état La fièvre est le plus souvent très élevée et le tableau neurologique se complète pouvant associer : Troubles de la conscience : ils sont constants mais d intensité variable, allant de la simple obnubilation au coma profond. Le coma est généralement calme, sans rigidité de nuque (ou très discrète), sans photophobie, accompagné d une abolition du réflexe cornéen. Convulsions : nettement plus fréquentes chez l enfant que chez l adulte ; elles peuvent être inaugurales. Elles peuvent être généralisées ou localisées, espacées dans le temps ou au contraire réaliser un état de mal convulsif. Elles peuvent parfois être pauci-symptomatiques (clonies des lèvres, des muscles faciaux, mouvements oculaires rapides, salivation

excessive). Elles doivent être distinguées des convulsions hyperthermiques : pour être retenues elle doivent être répétées dans le temps ( 2 / 24 heures) avec une phase postcritique > 15 mn. Troubles du tonus : le malade est généralement hypotonique. La raideur et l opisthotonos peuvent se voir dans les formes très évoluées et sont de mauvais pronostic. Les réflexes ostéo-tendineux sont variables, parfois très vifs, exceptionnellement abolis (de mauvais pronostic). Autres signes cliniques associés : les signes neurologiques peuvent dominer le tableau clinique ou être associés à d autres manifestations viscérales. Pratiquement tous les organes peuvent être atteints, notamment les reins, les poumons (risque d œdème pulmonaire), le foie Le tableau est parfois celui d une défaillance multiviscérale. Parfois, sans signe neurologique évident, on observe des formes graves avec anémie profonde (chez l enfant) ou insuffisance rénale aiguë (chez l adulte). Evolution Non traité, le neuropaludisme est mortel en deux ou trois jours. Avec une prise en charge adaptée, la mortalité reste lourde (10 à 30 %). Lorsqu elle est obtenue, la guérison se fait généralement sans séquelle, sauf chez l enfant (5 à 10 % de séquelles définitives). Le pronostic global repose essentiellement sur la rapidité du diagnostic. VII.4 CRITÈRES DE GRAVITÉ DÉFINIS PAR L'OMS L OMS a défini des critères de gravité du paludisme. La présence d un seul de ces critères, clinique ou biologique, associé à la présence de P. falciparum dans le sang, fait porter le diagnostic d accès palustre grave. Mais il est important de noter que ces critères, élaborés en zone d endémie, n ont pas été validés sur une population non-immune (cas de la majorité des paludismes d importation observés en France) et notamment pas chez les enfants voyageurs. D'après : WHO 2000, Severe falciparum malaria. Transactions of the Royal Society of Tropical Medicine and Hygiene, 94, supplement 1 Troubles de la conscience Score de Glasgow modifié 9 chez l adulte et enfant de plus de 5 ans Score de Blantyre 2 chez le petit enfant Convulsions répétées Prostration 2 / 24 heures (malgré la correction de l hyperthermie) Extrême faiblesse

ou chez l enfant : «Impossibilité, de tenir assis pour un enfant en âge de le faire, ou de boire pour un enfant trop jeune pour tenir assis» Détresse respiratoire Définition clinique Ictère Hémoglobinurie macroscopique Collapsus circulatoire Clinique ou biologique (bilirubine > 50 µmol/l) Urines rouges foncées ou noires Hémoglobinurie ou myoglobinurie à la bandelette Absence d'hématurie microscopique TAS < 80 mmhg chez l'adulte TAS < 50 mmhg chez l'enfant Oedème pulmonaire Définition radiologique Saignement anormal Anémie grave Adulte : Hb < 7 g/dl ou Hte < 20 % Enfant : Hb < 5 g/dl ou Hte < 15% Hypoglycémie Glycémie < 2,2 mmol/l Acidose métabolique ph < 7,35 ou bicarbonates < 15 mmol/l Hyperlactatémie Hyperparasitémie Lactates plasmatiques > 5 mmol/l > 4% / sujet non immun Insuffisance rénale Créatininémie > 265 µmol/l après réhydratation ou diurèse < 400 ml/24h chez l'adulte (< 12mL/kg/24h chez l'enfant) VII.5 AUTRES COMPLICATIONS L infection palustre peut entraîner, de manière directe ou indirecte d autres complications. Ces complications sont la conséquence d infestations chroniques et surviennent donc de manière exceptionnelle chez des sujets caucasiens. En revanche on peut encore observer ces

tableaux en zone d endémie ou, en Europe, chez des migrants ayant vécu de nombreuses années en zone d endémie et ayant souvent pratiqué une automédication insuffisante. Il faut citer le paludisme viscéral évolutif, la splénomégalie malarique hyperréactive et la fièvre bilieuse hémoglobinurique. - Paludisme viscéral évolutif Il s agit d une manifestation chronique atteignant préférentiellement l enfant vivant en zone d endémie ou l adulte non prémuni, soumis à des inoculations parasitaires répétées. Cliniquement le tableau associe : une anémie importante (avec pâleur, dyspnée, asthénie, souffle anorganique et oedèmes), une splénomégalie importante, une fébricule autour de 38 avec parfois des poussées thermiques plus importantes et, chez l enfant, un retard staturo-pondéral. Le parasite est retrouvé dans le sang périphérique du malade (mais la parasitémie peut être très faible et le diagnostic difficile), la sérologie anti-malarique est positive mais avec un taux d anticorps classiquement moins élevé qu en présence d une splénomégalie malarique hyperréactive (voir plus loin), le taux d IgG est élevé mais le taux d IgM est normal. L évolution sous traitement antipaludique est spectaculaire. - Splénomégalie malarique hyperréactive (SMH) Initialement décrit sous le nom de «Splénomégalie Tropicale Idiopathique», la SMH a surtout été décrite chez l autochtone vivant en zone impaludée. A la différence du paludisme viscéral évolutif, elle s observe plus volontiers chez l adulte. Il s agit d une maladie des immuns-complexes provoquée par une réaction démesurée de la rate à la stimulation prolongée des éléments réticulo-endothéliaux par des complexes immuns circulants. Il en résulte une splénomégalie avec hypersplénisme entraînant une chute des 3 lignées sanguines et production d IgG et IgM en quantité exagérée. La sérologie antimalarique doit être fortement positive pour pouvoir retenir le diagnostic, qui face à une splénomégalie, doit rester un diagnostic d exclusion. L évolution est favorable sous traitement antipaludique mais très lente. - La fièvre bilieuse hémoglobinurique Devenue exceptionnelle, elle ne constitue pas à proprement parler une manifestation du paludisme mais seulement un syndrome d étiologie immuno-allergique. Classiquement elle survenait chez un ancien paludéen à P. falciparum soumis, plusieurs années auparavant, à une chimioprophylaxie, souvent irrégulière, par la quinine. Elle consiste en une hémolyse intravasculaire. Le début est brutal marqué par des lombalgies violentes et un état de prostration. Une fièvre, des vomissements alimentaires puis bilieux surviennent. Un ictère hémolytique apparaît avec anémie, collapsus, oligurie ou oligo-anurie faite «d urines porto». Parmi les facteurs déclenchant on retient classiquement une nouvelle prise de quinine, le froid («fièvre de débarquement») mais des tableaux similaires ont été observés récemment avec l halofantrine et la méfloquine. Le pronostic est fonction de la rapidité à corriger l anémie et à obtenir une reprise de la diurèse avant l évolution vers l insuffisance rénale.

VII.6 FORMES CLINIQUES Paludisme chez l'enfant Dans les pays développés, du fait de la multiplication des transports aériens, le nombre de paludismes d importation augmente régulièrement dans les services de pédiatrie, mais les formes graves sont rares chez l enfant. Les critères de gravité de l OMS n ont pas été évalués chez l enfant voyageur. En pratique les signes de gravité les plus importants sont neurologiques : convulsions et troubles de conscience. Toute convulsion fébrile chez un enfant au retour d une zone d endémie palustre doit faire évoquer un accès palustre grave. Il faut aussi se méfier des formes trompeuses particulièrement fréquentes chez l enfant : inconstance de la fièvre, troubles digestifs dominant le tableau clinique, tableau abdominal pseudo-chirurgical. En zone d endémie les 2 formes cliniques les plus fréquemment observées en pédiatrie sont l anémie grave et le neuropaludisme. La prévalence respective de ces 2 complications varie en fonction de l intensité de transmission dans la région considérée. En zone de paludisme stable (transmission intense) on observe préférentiellement les anémies graves chez les plus jeunes enfants (< 2 ans) et le neuropaludisme chez les plus grands (2-5 ans). A partir de 5 ans en moyenne, l acquisition progressive d un état de prémunition fait diminuer le risque d accès grave. L hypoglycémie et l acidose métabolique (pouvant entraîner une détresse respiratoire) sont deux autres critères importants chez l enfant. Les autres signes de gravité sont beaucoup moins souvent retrouvés que chez l adulte. Paludisme chez la femme enceinte Le paludisme est grave chez la femme enceinte avec un double risque : - risque d accès grave chez la mère - risque pour le fœtus : avortement spontané ou accouchement prématuré. Il convient donc de traiter en urgence tout accès palustre chez une femme enceinte par de la quinine (seule molécule utilisable). En revanche il faut savoir que le risque d hypoglycémie au cours de l accès à P. falciparum, majoré par la quinine, est plus fréquent chez la femme enceinte. En zone d endémie, le paludisme a des répercussions particulièrement graves chez les femmes enceintes, et ce, pour plusieurs raisons : - Par des mécanismes physiopathologiques encore imparfaitement connus, les femmes enceintes sont plus exposées au risque d accès palustre grave que le reste de la population (à âge égal dans une même région épidémiologique). - Les accès palustres répétés majorent considérablement les anémies, déjà fréquentes dans ces populations souvent défavorisées (carences nutritionnelles, multiparité) augmentant le risque de mort maternelle à l accouchement. - Le paludisme augmente le risque d avortement, d accouchement prématuré et d insuffisance

pondérale à la naissance. - En revanche le véritable paludisme congénital est une éventualité relativement rare. Par conséquent le paludisme est une importante cause de surmortalité maternelle et infantile. Paludisme transfusionnel et paludisme post-transplantation Le paludisme post-transfusionnel est possible car les hématozoaires peuvent résister à une température de +4 C pendant 3 semaines. De la même manière, des cas de paludismes transmis après transplantation d organes ont été décrits. Actuellement un dépistage systématique du paludisme est réalisé en cas de don d organes. Paludisme sous chimioprophylaxie La survenue d un paludisme sous prophylaxie médicamenteuse est actuellement une éventualité envisageable. Cela peut être la conséquence d une chimioprophylaxie inadaptée à la zone géographique (niveau de résistance élevée) ou, plus souvent encore, d une chimioprophylaxie mal suivie (prise de manière irrégulière ou arrêtée trop tôt après le retour). Mais une chimioprophylaxie, même bien conduite, ne doit pas écarter le diagnostic. Le tableau clinique peut être trompeur (fièvre absente ou peu élevée) et le diagnostic biologique difficile (parasitémie très faible, morphologie parasitaire altérée). VIII DIAGNOSTIC VIII.1 SIGNES D'ORIENTATION Orientation clinique Nous avons vu la diversité des tableaux cliniques du paludisme. Le diagnostic du paludisme est une urgence, tout accès palustre survenant chez un sujet non prémuni (cas du paludisme d importation) peut évoluer en quelques heures vers un paludisme grave potentiellement mortel. En pratique il faut retenir les règles suivantes : 1) «Toute fièvre au retour d une zone d endémie est un paludisme jusqu à preuve du contraire» 2) Face à une suspicion d accès palustre il convient de rechercher immédiatement des signes cliniques de gravité, notamment neurologiques. La présence d un signe neurologique, quel qu il soit, impose l hospitalisation en urgence du malade.

Orientation biologique Thrombopénie : la thrombopénie, définie comme un taux de plaquettes sanguines inférieur à 150 000 / mm3 est une anomalie fréquente au cours du paludisme, indépendamment de l espèce plasmodiale en cause et du tableau clinique. Elle est d intensité variable, mais parfois sévère (< 50 000 / mm3 ). C est un très bon signe d orientation mais sa valeur pronostique est encore controversée. Anémie : une anémie hémolytique est un bon signe d orientation mais elle peut manquer, surtout au début d un accès de primoinvasion. L anémie sera plus souvent présente chez un sujet présentant des accès de reviviscence. VIII.2 DIAGNOSTIC DE CERTITUDE C est un diagnostic d urgence qui repose sur la mise en évidence des formes érythrocytaires de Plasmodium sur un prélèvement de sang périphérique. Le résultat doit être obtenu dans un délai maximal de 2 heures avec un contact direct entre le médecin prescripteur et le biologiste. VIII.2.1 Le prélèvement - Le plus simple est de recueillir, sur une lame porte-objet de microscope, une ou deux gouttes de sang par piqûre au doigt (face latérale de l annulaire), au lobe de l oreille ou au talon (chez l enfant) et de confectionner immédiatement les étalements (frottis minces et/ou goutte épaisse). Figure 5 : Prélèvement par piqûre au doigt Figure 6 : Confection d'une goutte épaisse - En pratique, si le préleveur n est pas familiarisé avec ces techniques, il est préférable de faire parvenir au laboratoire un tube de sang prélevé par ponction veineuse sur anticoagulant (EDTA).

VIII.2.2 Techniques de référence Goutte épaisse Cette technique très ancienne reste la méthode de référence. Elle consiste à examiner quelques µl de sang après hémolyse des globules rouges et coloration selon la méthode de Giemsa. C est une excellente technique mais de réalisation un peu délicate et qui nécessite une bonne expérience pour la lecture. Figure 7 : Goutte épaisse. P. falciparum. Trophozoïtes et rosaces (MGG) Frottis mince La lame est colorée selon la méthode de May-Grünwald-Giemsa ou par du Giemsa après fixation à l alcool. Les parasites, colorés en rouge (noyau) et bleu (cytoplasme) sont retrouvés à l intérieur des globules rouges (pas d hémolyse dans cette technique). Figure 8 : Frottis de sang. P. falciparum.trophozoïte (MGG) Le diagnostic positif et le diagnostic d espèce s en trouvent facilités. Frottis de sang. Plasmodium ovale. Schizonte (MGG x1000) Frottis de sang. Plasmodium vivax.trophozoïtes et gamétocytes (MGG x1000)

Frottis de sang. Plasmodium malariae. Schizonte en plaque équatoriale (MGG x1000) Par contre la quantité de sang examinée est plus faible que sur une goutte épaisse et cette méthode peut être mise en défaut en cas de parasitémie faible (sensibilité théorique 20 à 30 fois moindre qu avec la goutte épaisse). En raison de sa simplicité le frottis sanguin a été retenu par la dernière Conférence de Consensus sur la prise en charge du paludisme d importation (avril 1999) comme l examen de première intention, mais qui doit être immédiatement complété d une autre technique en cas de négativité. VIII.2.3 Autres techniques Pour tenter de simplifier et d améliorer le diagnostic biologique du paludisme, d autres techniques ont été développées dont les tests rapides par immunochromatographie sur bandelette. Tests de diagnostic rapide immunochromatographiques Le principe de ces tests est la détection de protéines spécifiques de Plasmodium (antigènes ou enzymes), en chromatographie sur un support solide. Certains de ces tests permettent maintenant d affirmer un diagnostic positif (présence de Plasmodium) et d orienter le diagnostic d espèce : P. falciparum et/ou autre espèce. Ces tests rapides, très simples d utilisation et conditionnés en emballages unitaires, sont très pratiques et ont une bonne sensibilité (surtout pour P. falciparum). En France, ils doivent être considérés comme une aide au diagnostic mais ne doivent pas supplanter, à l heure actuelle, les techniques classiques basées sur la coloration. L intérêt de leur utilisation à large échelle en zone d endémie est actuellement en discussion mais leur coût unitaire élevé reste un obstacle. Paludisme : Recherche d'antigènes circulants

- QBC Malaria (Quantitative Buffy Coat) Il s agit d une technique basée sur une centrifugation en tube capillaire et un marquage non spécifique des parasites par un fluorochrome (acridine orange). Il s agit d une technique de concentration, très facile à maîtriser, donnant une sensibilité équivalente à celle de la goutte épaisse (mais ne permettant pas un diagnostic d espèce). En revanche elle nécessite un matériel spécifique. L arrêt de sa commercialisation est annoncé. Recherche de Plasmodium sp. par la technique QBC Malariae Place de la biologie moléculaire Des techniques de biologie moléculaire ont été développées pour le diagnostic du paludisme. Leur sensibilité est excellente et elles permettent un diagnostic d espèce. Elles peuvent donc constituer une aide au diagnostic dans certains cas difficiles. Mais leur temps de réalisation et leur coût ne permettent pas, à l heure actuelle, de les envisager en diagnostic de routine. Place de la sérologie La sérologie n est d aucun apport pour le diagnostic de l accès palustre ; une sérologie positive signe uniquement un contact préalable avec le parasite. Les indications de la sérologie sont : - le diagnostic rétrospectif d un accès palustre (exemple : patient traité en zone d endémie sans argument biologique de certitude) - le diagnostic d un paludisme viscéral évolutif ou d une splénomégalie malarique hyperréactive. - le contrôle des donneurs de sang - les enquêtes épidémiologiques IX TRAITEMENT CURATIF Une des difficultés majeures du traitement (curatif ou prophylactique) de paludisme réside actuellement dans la progression des résistances de P. falciparum vis à vis des antipaludiques en général, et de la chloroquine en particulier (antipaludique très largement utilisé à l échelle mondiale pendant toute la 2 moitié du 20 siècle). Le phénomène est apparu dans les années 60. Actuellement les résistances continuent de progresser à la fois en termes géographiques (de plus en plus de pays sont touchés) et en terme d intensité (la chloroquine n est plus la seule molécule concernée). Les grandes règles de prise en charge du paludisme exposées dans ce cours sont basées sur