Chapitre 1. Les auditeurs et leurs missions Plan du chapitre 1 1.1. Les avatars de l audit 1.2. Essai de classification des audits 1.3. Conclusion : qu est-ce que l audit aujourd hui? 1.4. La profession en quelques noms et chiffres 1.5. Normes et normalisateurs 1.1. Les avatars de l audit Audit vient du latin audire, qui signifie écouter (auditoire, auditorium, nerf auditif, etc.). Le mot audit utilisé aujourd hui en France a bien cette racine latine, mais sa signification actuelle nous vient des États-Unis où to audit signifie «contrôler, surveiller, inspecter, vérifier». Auditor est traduit en français par auditeur. 1.1.1. Origines de l audit Les organisations économiques ont toujours dû produire des informations financières et comptables. Le besoin de vérifier ces informations s est fait sentir très tôt, impliquant un contrôle des comptes, une vérification des comptes : à l origine l audit est un examen critique destiné à vérifier que l activité de l entreprise est fidèlement traduite dans les comptes annuels conformément à un référentiel comptable identifié. Il serait vain de chercher qui a pu être le premier auditeur de comptes, mais il est clair qu il a dû apparaître il y a plusieurs 9
milliers d années le jour où un propriétaire a confié la gestion de son domaine ou de son commerce à un régisseur. L empereur Charlemagne, par exemple, avait institué des missi dominici (littéralement des envoyés du maître) pour vérifier les comptes de ses vassaux. Depuis le milieu du XIX e siècle ce contrôle est, dans les sociétés anonymes, confié par la loi française à un commissaire, devenu commissaire aux comptes en 1966. 1.1.2. L audit traverse l Atlantique La vérification des comptes s appelait en France la révision comptable, mais des cabinets anglo-saxons d audit (de révision comptable), venus en France au début du XX e siècle (1916 pour Price Waterhouse), ont, à partir des années 1960 et surtout 1970, popularisé le mot audit. L activité principale des cabinets d audit en France était jusqu à la fin des années 1960 la vérification des comptes, mais elle s est doublée, dès les années 1970 en France, de missions de conseils destinés à améliorer les performances ; il s agissait principalement, à l époque, de conseils pour implanter des outils informatiques (on ne disait pas encore systèmes d information) et de conseils pour mettre en place des comptes consolidés. 1.1.3. L audit est à la mode dès les années 1970 et surtout 1980 De ces années 1970 date en France la mode du mot audit, très probablement due à la compétence des auditeurs, puis, à partir de 1970-80, son emploi pour désigner aussi bien des missions de vérification des comptes que des missions de conseil menées par des personnes autres que des commissaires aux comptes. 10
Exemples de publications des années 1980 : Parent (1981) : Audit des plans et budgets, Delmas Coffre (1985) : L audit marketing-vente, Dunod Candau (1985) : Audit social, Vuibert Chadefaux (1987) : Audit fiscal, Litec Camus (1988) : Audit marketing, Éditions d Organisation Raoul (1989) : Audit stratégique, EME Bouvier (1990) : Audit des achats, Éditions d Organisation 1.2. Essai de classification des audits Les audits peuvent être classés en fonction de leurs objectifs : audit dans le but de certifier l image fidèle des comptes, ou audit opérationnel pour améliorer les performances (missions de conseils). Ils peuvent être classés en fonction de leur caractère obligatoire ou non : l audit légal est, de par la loi, obligatoirement exercé dans les sociétés anonymes et dans diverses autres entités, l audit contractuel est exercé à la demande de l entité. Les audits peuvent également être qualifiés à partir de leur domaine d investigation : audit de la production, audit marketing, soit pour certifier l image fidèle, soit pour améliorer les performances. D autres classifications et d autres noms existent, par exemple l audit de la gestion qui a pour objectif soit d apporter les preuves d une fraude, d une malversation ou d un gâchis, soit de porter un jugement critique sur une opération de gestion ou les performances d une personne ou d un groupe de personnes. C est l audit probablement le plus connu du grand public compte tenu des révélations qui le concluent. Exemples d audit de la gestion 11
qui reviennent régulièrement (seuls les noms et les dates changent au fils des ans) : au lendemain de la remise d un audit sur sa gestion, le maire de La Seyne-sur-Mer (Var) a démissionné (Le Monde du 2 août 1994) ; un rapport d audit de la Cour des comptes de l Union européenne dénonce des dépenses excessives engagées par des députés européens pour leurs besoins personnels (Marcel Scotto, Le Monde du 5 juin 1998). 1.3. Conclusion : qu est-ce que l audit aujourd hui? C est confier : la vérification de l image fidèle des comptes établis conformément à un référentiel comptable identifié par les responsables de l entité auditée, à une personne qui respecte une déontologie fixée par des organisations professionnelles reconnues et qui utilise une méthodologie dont la bonne application est vérifiée par une entité reconnue (en France le H3C, voir le n 3.2.1.). Qui est l auditeur légal? autrefois : vérificateur des comptes ou réviseur comptable. aujourd hui : commissaire aux comptes (France), contrôleur légal (Union européenne), statutory auditor (Union européenne), registered auditor (Grande Bretagne), auditor (USA). Audit et commissariat aux comptes : le commissaire aux comptes français doit, comme tous les auditeurs du monde entier, mener un audit conduisant à la certification. Il doit en outre, dans le cadre de sa mission fixée par le code de commerce français, mener diverses autres interventions. Nonobstant d autres professions utilisent volontiers le mot audit ; dans le secteur du bâtiment, par exemple, l audit des structures des immeubles est chose courante. 12
1.4. La profession en quelques noms et chiffres 1.4.1. Des Big Eight (1986) aux Fat Four (2002) 1986 : fusion entre KMG et Peat Marwick pour fonder KPMG ; les 7 autres Big sont alors : Arthur Young, Ernst & Whinney, Arthur Andersen, Price Waterhouse, Coopers & Lybrand, Deloitte Haskins & Sells, Touche Ross. À la suite de fusions commencées en 1989 puis de la disparition d Arthur Andersen après le scandale Enron (2002), les Big Eight deviennent les Big Four, dès lors qualifiés de Fat Four : Deloitte, Ernst et Young, KPMG, PriceWaterhouseCoopers. 1.4.2. Chiffre d affaires 20010 / 2011 en France C.A. toutes activités en millions ; source : La Profession Comptable, mars 2012 KPMG 839 Deloitte 820 Ernst & Young 730 Fiducial 716 PWC 674 CER France 637 Mazars 294 Exco 153 13
Pour aller plus loin - www.cncc.fr > Notre profession > Les chiffres clé - www.laprofessioncomptable.com. Depuis 1985 cette revue présente le classement des cabinets. Elle publie également les honoraires de commissariat versés par chacune des 120 sociétés du SBF 120. - Chaque année l AMF 2 publie les honoraires versés aux commissaires aux comptes des 40 sociétés de l indice boursier «CAC 40». 1.4.3. Mandats et commissaires (France, 2011) 224 700 mandats 53% dans des entités < 50 personnes 50% dans des SAS 142 227 personnes physiques et 5 076 personnes morales sont inscrites sur la liste des commissaires aux comptes Source : Rapport d activité 2010/2011 de la CNCC, juin 2012 1.5. Normes et normalisateurs Les auditeurs doivent respecter des normes d audit établies par des organisations reconnues. En France le commissaire aux comptes doit respecter : a) les normes internationales d audit (ISA 3, pour International Standards on Auditing), b) et, à défaut d ISA, les normes d exercice professionnel (NEP), c) et, à défaut de NEP, les normes dites du «référentiel de juillet 2003». 2 Voir la signification des sigles en fin d ouvrage. 3 Rappel : voir la signification des sigles en fin d ouvrage. 14
1.5.1. Sources des normes a) Au sein de l International Federation of Accountants (www.ifac.org) c est l International Auditing and Assurance Standards Board (www.iaasb.org) qui a la responsabilité d établir les normes internationales d audit (ISA). b) En France, par application de la loi de sécurité financière du 1 er août 2003, les normes d exercice professionnel (NEP) sont élaborées par la CNCC (n 3.2.3.) puis homologuées par arrêté du garde des sceaux après un avis donné par le H3C (et l AMF le cas échéant). Les NEP sont quasiment identiques aux ISA, voir calquées sur les ISA ; cette similitude est conforme à la délibération du H3C du 3 janvier 2006. Néanmoins il existe quelques NEP qui n ont pas d équivalent international, par exemple la NEP 100 sur l exercice collégial ou la NEP 705 sur la justification des appréciations. c) Bonnes pratiques professionnelles identifiées par le H3C : elles sont établies par la CNCC ou par d autres entités (IFAC, instituts étrangers ) puis identifiées (validées) par le H3C. Par exemple, dans sa séance du 22 juillet 2010, le H3C a identifié une bonne pratique professionnelle relative à la rotation en application de l article L. 822-14 du code de commerce élaborée par la CNCC. d) En France, avant la LSF du 1 er août 2003, la CNCC publiait des normes qui sont peu remplacées par les NEP. Il s agit ici des normes dites du «référentiel de juillet 2003», établi par la CNCC. Pour télécharger les NEP gratuitement On peut taper «normes d exercice professionnel» sur Google mais on peut également aller directement sur (gratuitement et sans mot de passe) : www.legifrance.gouv.fr www.cncc.fr 15