Ensembles finis et dénombrement

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Transcription:

Ensembles finis et dénombrement Définition (Ensemble fini/infini) Soit E un ensemble. On dit que E est fini s il est vide ou si, pour un certain n N, il existe une bijection de l ensemble 1, n sur E ; on dit sinon que E est infini. Explication Ce chapitre est intégralement dirigé par une idée : l idée selon laquelle une bijection de E sur F établit une correspondance parfaite entre les éléments de E et les éléments de F ; c est la manière qu ont trouvé les mathématiciens pour décrire la taille, le nombre d éléments des ensembles appelé cardinal. Cette théorie nous permettrait de parler aussi des ensembles infinis si nous le voulions, mais cela n est pas au programme et c est plus compliqué. 1 Cardinal d un ensemble fini Définition (Cardinal d un ensemble fini) Soit E un ensemble fini non vide. On appelle cardinal de E ou nombre d éléments de E tout entier n N pour lequel il existe une bijection de 1, n sur E. On convient que le vide est de cardinal 0, ce qu on note : card( ) 0. Théorème (Unicité du cardinal) (i) Soient m, n N. Il existe une bijection de 1, m sur 1, n si et seulement si m n. (ii) Soit E un ensemble fini. Il existe un et un seul cardinal de E, noté card E (ou #E ou E ). (i) Résultat admis. (ii) Soient m et n deux cardinaux de E, i.e. deux entiers naturels non nuls pour lesquels existent une bijection f : 1, m E et une bijection g : 1, n E. Alors g 1 f est une bijection de 1, m sur 1, n, et aussitôt m n via l assertion (i). Exemple Soient m,n Z tels que m n. Alors m,n est fini et card m,n n m + 1. 1, n m + 1 m, n En effet Soit f l application. Cette application est bijective car l application en est la réciproque. Cela montre bien le résultat voulu. k k + m 1 m, n 1, n m + 1 k k m + 1 Théorème Soient E et F deux ensembles. On suppose que E est fini et qu il existe une bijection de E sur F. Alors F est fini et card E card F. Si E est vide, le résultat est immédiat car F est alors vide lui aussi. Supposons donc que E n est pas vide, et puisque E est fini, donnons-nous une bijection g de 1, card E sur E. Soit alors f une bijection de E sur F, conformément à l hypothèse du théorème. Alors f g est une bijection de 1,card E sur F, donc en effet F est fini, et card F card E par unicité du cardinal. Théorème (Parties d un ensemble fini) Soient E un ensemble fini et A une partie de E. Alors A est finie et card A card E. De plus A E si et seulement si card A card E. En pratique Pour montrer que deux parties finies A et B d un ensemble E sont égales, au lieu de montrer que A B et que B A, on peut se contenter de montrer, grâce au théorème précédent, que A B et que card A card B. Cette remarque est très utile dans certains contextes. 1

Récurrence sur n card E. Initialisation : Pour n 0, E est vide, et donc A aussi. Ainsi A E et il n y a rien à montrer. Hérédité : Soit n N. On suppose que pour tout ensemble fini E de cardinal n et toute partie A de E, A est finie telle que card A card E, et que de plus A E si et seulement si card A card E. Donnons-nous alors E un ensemble fini de cardinal (n + 1) et A une partie de E. Si A E, tout va bien. Supposons donc A E. Cette preuve étant abstraite, donnons-en rapidement l idée. Partant d une bijection f de 1, n + 1 sur E, nous allons restreindre celle-ci à l ensemble 1, n. Nous récupérerons ainsi une bijection de 1, n sur E E f(n+1), ce qui montrera en particulier que card E n. Nous espérons ainsi pouvoir appliquer l hypothèse de récurrence à l ensemble E, mais pour que cela nous parle de A, il faut être sûr d avoir A E. Or cela n est vrai que si f(n + 1) / A. La question pertinente est donc la suivante : peut-on toujours choisir f de façon à avoir f(n + 1) / A? 1) Montrons qu il existe une bijection f de 1, n + 1 sur E telle que f(n + 1) / A. Ce qui est vrai en tout cas, c est qu il existe une bijection f de 1, n + 1 sur E, puisque card(e) n + 1. Si f(n+1) / A, nous sommes heureux. Supposons au contraire que f(n+1) A. Comme A E, il existe un élément ω E extérieur à A. Définissons alors l application f : 1, n + 1 E en posant : k 1, n + 1, f(k) f(k) si f(k) ω et k n + 1 ; ω si k n + 1 ; f(n + 1) si f(k) ω. En somme, f et f sont identiques à ceci près qu on a échangé leurs valeurs ω / A et f(n + 1) A. Vous montrerez seuls, proprement, que f est bijective de 1, n + 1 sur E. Comme f(n + 1) ω / A, on a montré ce qu on voulait montrer. 2) Conformément au point précédent, nous pouvons nous donner f une bijection de 1, n + 1 sur E telle que f(n + 1) / A. Posons alors E E f(n + 1). Comme voulu, A est une partie de E car f(n + 1) / A. Nous allons montrer que E est de cardinal n pour pouvoir lui appliquer notre hypothèse de récurrence. Or la restriction de f à 1, n induit une bijection de 1, n sur E, par construction. Cela montre que E est fini de cardinal n. Par hypothèse de récurrence, A est donc un ensemble fini et de plus on a les inégalités card A card E n < n + 1 card E. Au passage, nous venons de montrer par contraposition l implication «card A card E A E» grâce à l inégalité stricte précédente. Théorème (Injectivité, surjectivité et ensembles finis) Soient E et F deux ensembles et f : E F une application. (i) Si f est injective et si F est fini, alors E aussi est fini et card E card F. Si de plus card E card F, f est en fait bijective de E sur F. (ii) Si f est surjective et si E est fini, alors F aussi est fini et card F card E. Si de plus card E card F, f est en fait bijective de E sur F. (iii) Si E et F sont finis de même cardinal, on a l équivalence suivante : f est bijective f est injective f est surjective. Explication Tâchons de comprendre intuitivement l assertion (i). Dire que f est injective, c est dire que pour tous x, x E, si x x alors f(x) f(x ). En français, ceci signifie que deux points distincts dans E sont envoyés par f sur deux points distincts de F. Ainsi f transporte les points de E dans F sans en faire disparaître aucun, sans qu aucun se retrouve au même endroit qu aucun autre. Dit autrement, ceci veut dire que f crée une copie de E dans F. Or une telle copie n est possible que si F est «plus gros» que E, que s il y a dans F assez de place pour accueillir une copie de E. Voilà pourquoi card E card F. E f injective F f(e) Faites l effort de comprendre intuitivement l assertion (ii) tout comme nous venons de comprendre l assertion (i). L assertion (iii) vous rappelle certainement un théorème du chapitre «Espaces vectoriels de dimension finie» que nous avons beaucoup aimé car il était très utile et facile à manipuler. De même qu on avait alors impérativement besoin de la condition «dim E dim F», on a dans le cas présent besoin de la condition «card E card F». 2

(i) Supposons f injective de E sur F. Comme f(e) est une partie de F, nous savons que f(e) est fini et que card f(e) card F. Or f est bijective de E sur son image f(e). Via un théorème précédent, la finitude de f(e) implique donc la finitude de E et de plus card f(e) card E. Finalement, nous avons montré que card E card F comme voulu. (ii) Supposons f surjective de E sur F et donnons-nous ϕ une bijection de 1,card E sur E. Alors f ϕ est surjective de 1,card E sur F par composition. 1 Posons, pour tout y F, A y f ϕ 1,card E k 1,card E/ f ϕ(k) y. Cet A y est une partie de N, il possède donc un plus petit élément µ(y). Nous disposons ainsi d une application µ : F 1,card E. Par ailleurs, pour tout y F, µ(y) A y, donc f ϕ µ(y) y ; on a donc f ϕ µ Id F. Montrons que µ est injective. Soient y,y F tels que µ(y) µ(y ). Alors y f ϕ µ(y) f ϕ µ(y ) y, et voilà le travail. Finalement, µ est injective de F dans 1,card E. Le premier point montre aussitôt que F est fini et que card F card E, comme voulu. (iii) Supposons E et F finis de même cardinal. Alors bien sûr, si f est bijective, f est injective et surjective. Supposons f injective. Alors nous avons vu dans la preuve de (i) que card f(e) card E. Du coup, card f(e) card E card F. Or f(e) est une partie de F, donc f(e) F, et enfin f est surjective, donc également bijective. Supposons f surjective et reprenons l application µ utilisée en (ii). Cette application µ est injective de F dans 1, card E. Puisque E et F sont supposés finis de même cardinal, le point précédent dans (iii) montre que µ est mieux qu injective, elle est en fait bijective. L égalité f ϕ µ Id F peut donc s écrire f µ 1 ϕ 1 et ainsi f est bijective. Théorème (Parties finies de N) Soit A une partie de N. A est finie si et seulement si A est majorée. Dans ce cas, si de plus A, il existe une et une seule bijection (strictement) croissante de 1,card A sur A. Explication Mais à quoi ce théorème peut-il bien servir? Quand on travaille avec une partie finie A de N, on a naturellement envie d écrire A sous la forme A a 1, a 2,..., a n où n card A et où a 1 < a 2 <... < a n. Bref, on a bien envie de ranger les éléments de A dans l ordre croissant. Mais est-ce au moins possible? Eh bien oui, c est ce que nous dit le 1, n A présent théorème. La bijection qu il décrit est ici l application, qui permet en effet un classement croissant i a i des éléments de A. Si A est finie, de deux choses l une : ou bien A est vide, donc évidemment majorée par tout entier ; ou bien A est non vide, et possède donc un plus grand élément, donc est majorée. Dans les deux cas, A est majorée. Réciproquement, si A est majorée, disons par M N, alors A 0, M. Or 0, M est fini, donc A également. Supposons à présent A finie non vide et notons n card A. Nous voulons montrer qu il existe une et une seule bijection strictement croissante ϕ de 1,card A 1, n sur A. 1) Analyse : Supposons l existence de ϕ. Soit k 1, n. Comme ϕ est strictement croissante, nous disposons de la chaîne d inégalités suivante : ϕ(1) < ϕ(2) <... < ϕ(k 1) < ϕ(k) < ϕ(k + 1) <... < ϕ(n). Comme ϕ est bijective d image A, il faut bien remarquer que tous les éléments de A figurent dans cette chaîne d inégalités. Il apparaît alors que ϕ(k) est le plus petit élément de A privé des valeurs ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k 1). Bref : ϕ(k) min A ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k 1) ßÞ Ð par convention si k1. Fin de l analyse. 2) Synthèse : Définissons ϕ de façon récursive en posant, pour tout k 1, n : ϕ(k) mina ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k 1) ßÞ Ð par convention si k1 (initialisation). 3

Montrons que ϕ est strictement croissante. Soit k 1, n 1. Partons de l inclusion : A ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k) A ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k 1), et passons-la aux «min» : on obtient ϕ(k) ϕ(k + 1). Et comme ϕ(k) / A ϕ(1), ϕ(2),..., ϕ(k) est impossible d avoir ϕ(k) ϕ(k + 1). On a donc l inégalité stricte désirée : ϕ(k) < ϕ(k + 1). Pour conclure, remarquons que ϕ est une application strictement croissante, donc injective de 1, n dans A, et que card 1, n card A. Un théorème vu précédemment affirme enfin que ϕ est bijective comme nous l attendions., il 2 Dénombrement 2.1 Réunion, intersection et différence d ensembles finis Théorème (Cardinal de la réunion/intersection/différence de deux ensembles finis) Soient A et B deux ensembles finis. (i) Alors A B est fini et card A B card A + card B card A B. En particulier, si A et B sont disjoints, card A B card A + card B. (ii) card A B card A card A B. En particulier, si B est une partie de A, card B c card A B card A card B. Explication On peut dessiner quelques patates pour bien visualiser ce théorème. Dans le cas de la réunion, pour trouver le nombre d éléments dans A B, il faut compter les éléments de A et ceux de B en les additionnant, mais en faisant cela, on compte deux fois les éléments qui sont à la fois dans A et B, i.e. les éléments de A B ; c est pourquoi il convient de les retrancher. A A B B Posons m card A et n card B. Commençons par démontrer l assertion (i) dans le cas où A et B sont disjoints. Le résultat étant évident si A ou B est vide, nous nous donc plaçons dans le cas contraire. Soient α (resp. β) une bijection de 1, m sur A (resp. de 1, n sur B). Nous définissons l application γ de A B dans 1, m + n en posant : x A B, γ(x) α 1 (x) si x A m + β 1 (x) si x B. Bien sûr, une application est ainsi proprement définie car A et B sont supposés disjoints x appartient à A ou à B, pas aux deux. Il se trouve alors que γ est une bijection de A B sur 1, m + n comme nous allons le prouver à présent. Injectivité de γ : Soient x,y A B tels que γ(x) γ(y). Plusieurs possibilités s offrent à nous. 1) Si x et y sont dans A, alors α 1 (x) γ(x) γ(y) α 1 (y), et comme α 1 est injective, x y. 2) Si x et y sont dans B, alors β 1 (x) γ(x) γ(y) β 1 (y), et comme β 1 est injective, x y. 3) Enfin, si x est dans A et y dans B idem si c est l inverse alors γ(x) α 1 (x) 1, m et γ(y) m + β 1 (y) m + 1, m + n. Nous avons donc : γ(x) γ(y) 1, m m + 1, m + n. Surjectivité de γ : Soit i 1, card A + card B. La situation 3) est donc contradictoire. 1) Si i 1, m, alors il existe a A tel que α 1 (a) i. On a donc γ(a) α 1 (a) i. 2) Sinon i m + 1, m + n, donc i m 1, n. Il existe alors b B tel que β 1 (b) i m. On a donc γ(b) m + β 1 (b) i. Au final, γ est une bijection de A B sur 1, m + n, donc A B est un ensemble fini de cardinal m+n. On a finalement obtenu l égalité : card(a B) card A + card B. Démontrons l assertion (ii). En tant que parties de A, A B et A B sont des ensembles finis. Mais par ailleurs A A B A B, où A B et A B sont disjoints. Le premier point affirme donc que card A card A B A B card A B + card A B. C est justement ce que nous voulions. 4

Remarque Finissons-en avec le cas général de l assertion (i). En tant que partie de A, A B est un ensemble fini. Mais par ailleurs A B A B B, où A B et B sont disjoints. Le premier point affirme donc que A B est fini et que card A B card A B + card B. Mais nous pouvons aussi utiliser l assertion (ii), et finalement card A B card A + card B card A B comme voulu. Si A 1, A 2,..., A n sont des ensembles finis deux à deux disjoints (n N ), on peut généraliser la formule du théorème précédent de la façon suivante : card 1in A i n i1 card A i. 2.2 Produit cartésien d ensembles finis Théorème (Cardinal du produit cartésien de deux ensembles finis) Soient E et F deux ensembles finis. Alors E F est fini et : card E F card E card F. Se donner deux bijections conformes à la définition de la finitude de E et F, ce n est rien de plus que numéroter les éléments de E et F pour les distinguer. Nous pouvons ainsi énumérer les éléments de E et F en posant : E e 1, e 2,..., e m et F f 1, f 2,..., f n, si m card E et n card F. Alors par définition : E F (e i, f j). 1im, 1jn Pour tout i 1, m, posons à présent A i e F Ai i F (e i, f j) ; l application étant 1jn f (e i, f) clairement bijective, nous pouvons affirmer que A i est un ensemble fini de même cardinal que F. Il se trouve par ailleurs que la réunion des A i (1 i m) est E F tout entier, et que les A i sont deux à deux disjoints. En vertu de la remarque du paragraphe précédent, l ensemble E F est donc fini et on a : card E F card m i1 A i m i1 card A i m i1 card F m card F card E card F. Remarque Si E 1, E 2,..., E n sont des ensembles finis (n N ), on peut généraliser la formule du théorème précédent de la façon suivante : card E 1 E 2... E n card E1 card E 2... card E n. En particulier, si E est un ensemble fini et si k N : card E k card E k. Explication Ce résultat est souvent utilisé en théorie des probabilités ou lorsqu on fait du dénombrement. On introduit alors souvent le vocabulaire suivant : si E est un ensemble fini et si p N, on appelle p-liste de E (p-uplet de E) toute famille de p éléments de E, c est-à-dire tout élément de E p. On rappelle ci-après deux propriétés fondamentales des listes. Dans une liste, l ordre des éléments compte. Une liste n est jamais qu une famille ; or l ordre compte quand on travaille avec les familles. Ainsi, (1,2, 3) et (2, 1,3) sont deux 3-listes distinctes de l ensemble 1, 2,3, 4,5. Dans une liste, un même élément peut apparaître plusieurs fois. Ainsi (1, 1,2, 3) est une 4-liste de l ensemble Les listes servent souvent à modéliser des tirages successifs avec remise dans une urne, un jeu de cartes... 1, 2,3. Le théorème précédent montre en particulier que tout ensemble fini de cardinal n possède n p p-listes distinctes. Ainsi le nombre de façons de tirer 5 cartes successivement avec remise dans un jeu de 52 cartes est 52 5. 2.3 Applications entre ensembles finis Théorème (Nombre d applications entre deux ensembles finis) Soient E et F deux ensembles finis. Alors l ensemble F E des applications de E dans F est fini et : card F E card F card E. Soient n card E et ϕ une bijection de 1, n sur E. L idée de la preuve est la suivante : nous savons que F n est l ensemble des applications de 1, n dans F et que F E est l ensemble des applications de E dans F ; or il y a, via ϕ, le même nombre d éléments dans E et dans 1, n ; par conséquent, F n et F E ont le même nombre d éléments, i.e. card F E card F n card F n card F card E. 5

Pour être précis, considérons les deux applications suivantes : F E F n S : et T : f f ϕ(i) 1in Alors S T Id F n et T S Id F E. En effet : (f i) 1in F n, S T (f i) 1in et : f F E, T S(f) T f ϕ(i) F n F E. (f i) 1in x f ϕ 1 (x) S x f ϕ 1 (x) f ϕ 1 (ϕ(i)) (f i) 1in 1in x f ϕ ϕ 1 (x) 1in x f(x) f. Nous pouvons donc affirmer que S et T sont bijectives, réciproques l une de l autre. En particulier, comme voulu, F E est fini et card F E card F n card F n card card F E. La définition suivante est un rappel. Nous avons notamment évoqué ces notions dans les chapitres «Groupes, anneaux, corps» et «Déterminant». Définition (Permutation, groupe des permutations) Soit E un ensemble fini non vide. Une bijection de E sur E est souvent appelé une permutation de E. L ensemble des permutations de E est appelé le groupe symétrique de E et noté S E (ou parfois S E). Dans le cas où E 1, n pour un certain n N, le groupe symétrique de E est généralement noté S n (ou parfois S n). Théorème (Nombre de permutations d un ensemble fini) Soient E un ensemble fini non vide. Alors S E est fini et : card S E card E! Explication On peut expliquer ce résultat simplement en agitant les mains. La preuve rigoureuse est cependant plus compliquée. Ce qu il faut commencer par comprendre, c est qu une permutation de E qui est fini n est en réalité jamais qu une injection de E dans E. En effet, injectivité et bijectivité coïncident quand les ensembles de départ et d arrivée sont de même cardinal (fini). Du coup, construire une permutation de E revient à construire une injection de E dans E. Or comment construit-on une injection de E dans E? Notons x 1, x 2,..., x n les éléments distincts de E, avec n card E. Pour construire une injection f de E dans E, on commence par associer à x 1 un élément f(x 1) de E ; le choix de f(x 1) est indifférent n possibilités. Ensuite on associe à x 2 un certain f(x 2) qu il faut choisir différent de f(x 1) si on veut l injectivité de f (n 1) possibilités. Vient ensuite un f(x 3) différent de f(x 1) et f(x 2), etc. A la fin, on n a plus qu un seul choix pour f(x n) car tous les éléments de E ont été appelés une fois, sauf un. Combien avons-nous eu de possibilités de construction de f? Facile : n (n 1) (n 2)... 2 1 n! Par récurrence sur card E. Soyez prévenus : cette preuve est propre mais peu digeste. Initialisation : Si card E 1, alors il existe une et une seule bijection de E sur E : elle envoie l unique élément de E sur lui-même. Ainsi S E est fini et comme voulu : card S E 1 1! card E! Hérédité : Soit n N. Supposons que pour tout ensemble A de cardinal n, S A est fini de cardinal n! Soit alors E un ensemble fini de cardinal (n + 1). Fixons une fois pour toutes un élément e E. Pour tout x E, nous noterons F x l ensemble f S E/ f(e) x. Il est assez clair que S E est la réunion disjointe des F x, x parcourant E. Nous allons montrer que F x est fini pour tout x E et calculer son cardinal. Nous pourrons alors conclure grâce à la formule suivante : card S E card F x. x E Fixons donc x E ainsi que f x F x. Alors pour tout f F x, on a : fx 1 f(e) fx 1 (x) e. En d autres termes, fx 1 f fixe e. Comme par ailleurs fx 1 f est une permutation de E, sa restriction f 1 x T x : f E{e} est une permutation de E e. Nous pouvons donc nous pencher un peu sur l application Fx S E{e} f fx 1 f. E{e} 1) T x est injective. En effet, soient f, f F x telles que T x(f) T x( f). Pour montrer que f f, nous devons montrer que f(t) f(t) pour tout t E. Ce qui est clair, c est que f(e) f(e) x puisque f, f F x. Soit alors t E e. Nous savons que T x(f)(t) T x f (t), i.e. que f 1 x une permutation de E, donc est injective, et donc f(t) f(t) comme voulu. f(t) f 1 x f(t). Or f x est 6

2) T x est surjective. En effet, soit ϕ S E{e}. Nous devons construire f F x telle que T x(f) ϕ. x Posons : t E, f(t) si t e f x ϕ(t) si t E e. Ainsi définie, f est une application de E dans E. Vous montrerez seuls que f est bijective : pour cela, il vous suffira de montrer que f est injective, puisque E est fini. Finalement, f F x. Enfin il est clair que T x(f) ϕ car : t E e, T x(f)(t) fx 1 f(t) fx 1 f x ϕ(t) ϕ(t). Finalement, nous avons prouvé que T x est une bijection de F x sur S E{e}. Or E e est un ensemble de cardinal n, donc via notre hypothèse de récurrence, nous pouvons affirmer que F x est fini de cardinal n! Enfin (!) : card S E card F x n! card E n! (n + 1) n! (n + 1)! x E x E 2.4 Parties d un ensemble fini Définition (Combinaison d un ensemble fini) Soient E un ensemble fini et p N. On appelle p-combinaison de E (ou combinaison de p éléments de E) toute partie de E de cardinal p. Explication De toute évidence, il n existe de p-combinaison d un ensemble à n éléments que si p n. Dans une combinaison, qui est un ensemble et non une famille, les éléments sont donnés sans ordre aucun. Quand on décide de numéroter les éléments d une combinaison, le choix de la numérotation est totalement arbitraire, la combinaison en tant que telle n a pas un premier élément, un deuxième élément, etc. Théorème (Nombre de combinaison d un ensemble fini) Soient E un ensemble fini de cardinal n N et p N, p n. Il existe n p n! p!(n p)! p-combinaisons distinctes de E. Pour la clarté de l exposition, nous ferons ici une preuve «avec les mains». On appelle p-arrangement de E toute p-liste de E dont les éléments sont distincts. Une p-liste n étant au fond qu une famille de p éléments de E, c est-à-dire qu une application de 1, p dans E, un p-arrangement de E n est donc jamais qu une application injective de 1, p dans E. Comptons le nombre des p-arrangements de E. Construire un p-arrangement de E, c est tout d abord remplir la première position du p-arrangement en y mettant un élément quelconque x 1 de E ; ceci peut se faire de n façons. C est ensuite placer un monsieur x 2 en deuxième position, lequel ne peut être égal à x 1 par définition d un p-arrangement (n 1) possibilités. On continue ainsi jusqu à n avoir plus qu au p ème élément, à choisir parmi les n (p 1) éléments de E non encore sélectionnés. Au final, nous avons pu construire n! n (n 1)... (n p + 1) p-arrangements distincts. Ce nombre est généralement noté A p n. (n p)! Notons alors K p n le nombre des p-combinaisons distinctes de E. Nous voulons montrer que K p n Ap n p!. Or nous remarquons qu un p-arrangement de E n est rien d autre qu une permutation d une p-combinaison de E. Ainsi, se donner un p-arrangement de E, c est : 1) choisir une p-combinaison C quelconque de E K p n choix possibles puis 2) ayant fixé une telle p-combinaison C, qui n est rien de plus qu une partie de E à p éléments, choisir une façon d ordonner les éléments de C, i.e. choisir une permutation quelconque de C p! choix possibles. Tout ceci montre que le nombre A p n des p-arrangements distincts de E satisfait la formule A p n K p n p! C est bien ce que nous voulions. Explication Les combinaisons servent souvent, en théorie des probabilités par exemple, à modéliser des tirages simultanés dans une 52 urne, un jeu de cartes... Ainsi, le nombre de façons de tirer 5 cartes simultanément dans un jeu de 52 cartes est. 5 En dénombrant les p-arrangements d un ensemble à n éléments, notez bien que nous avons dénombré les applications injectives d un ensemble d un ensemble fini de cardinal p dans un ensemble fini de cardinal n. La démonstration de ce résultat constitue un exercice classique. 7

Théorème (Nombre de parties d un ensemble fini) Soit E est un ensemble fini. L ensemble P(E) des parties de E est fini et : card P(E) 2 card E. Posons n card E et notons P k (E) l ensemble des parties de E de cardinal k pour k 0, n n nous venons de voir que P k (E) est fini de cardinal. Evidemment, d autre part, P(E) est la réunion k disjointe des ensembles P k (E). Nous en déduisons aussitôt que P(E) est fini et que : card P(E) n k0 card P k (E) n k0 n k k0 n n k 1 k 1 n k (1 + 1) n 2 n 2 card E. 8