Apport-Cession : les nouvelles règles L apport-cession est depuis plus d une dizaine d années souvent lié à une opération de transmission d entreprise. Le mécanisme repose sur le principe suivant : un actionnaire ou associé personne physique apporte ses titres à une société bénéficiaire (souvent créée pour la circonstance), assujettie de plein droit ou sur option à l impôt sur les sociétés avant que cette dernière ne cède les titres qu elle vient de recevoir par apport. L avantage : La plus-value constatée par l apporteur personne physique (M. X) était jusqu à présent placée en sursis d imposition (article 150 O B du CGI, qui n est pas un régime optionnel), elle n était donc pas soumise à l impôt (ni aux contributions sociales) et ce jusqu à la cession (rachat, échange, annulation) des titres reçus par l apporteur en échange de son apport (les titres qu il détient désormais dans le capital de Y). La cession des titres de la société X (précédemment apportés), qui était souvent réalisée dans un délai réduit, ne dégageait (et c était le but recherché!) aucune plus-value imposable dans le patrimoine de la société bénéficiaire (société Y) et qui plus est cette dernière disposait ainsi de liquidités importantes. Page 1 sur 5
Mais les tribunaux, relayés par les positions offensives de l ex-comité de réglementation des abus de droit, supplanté depuis par son successeur le comité de l abus de droit fiscal, avaient décidé (et réussi dans bon nombre de cas) d encadrer ces opérations en soumettant celles-ci à un certain nombre de principes. L apport cession restait bien entendu valable et n entrait pas donc dans le champ d application de l abus de droit dès qu il respectait les conditions suivantes (en résumé) : - La société bénéficiaire (notre société Y) devait réinvestir le produit de la cession dans une activité économique, - Ce réinvestissement devait être réalisé dans un délai raisonnable, (la prudence imposait de réinvestir dans les trois années : affaire Bauchart), - Il convenait que le réinvestissement se fasse de «manière significative» (le dernier avis rendu considérait comme suffisant le réinvestissement qui portait sur 39 % du prix de cession). Malgré ces précautions, bon nombre de candidats continuaient régulièrement «d éprouver» les limites posées par la jurisprudence Le législateur las, de ces montages et des avantages qui en découlaient (différé d imposition des plus-values voire absence totale de fiscalité en cas de donation en pleine propriété des titres de la société B par la suite) a décidé de siffler la fin de la récréation de manière anticipée! La loi de finances rectificative (troisième du nom en 2012! ) a dans son article 18 crée un nouvel article 150-0 B ter qui prévoit que l imposition de la plus-value réalisée dans le cadre d un apport à une société soumise à l impôt sur les sociétés est reportée si la société bénéficiaire de l apport est contrôlée par le contribuable à la date de l apport, en tenant compte des droits détenus à l issue de celui-ci. Nous allons nous attarder sur ce report d imposition et les nouvelles conditions assez contraignantes en termes de chronologie qui en découlent. 1/ La notion de contrôle de la société bénéficiaire de l apport par le contribuable : -Lorsque la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux est détenue par le contribuable (directement ou indirectement) et sa famille (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs). - Lorsqu il dispose seul de la majorité des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux en vertu d un accord conclu avec d autres associés ou actionnaires. Page 2 sur 5
- Lorsqu il exerce en fait le pouvoir de décision, ce qui est présumé lorsque : Le contribuable exerce ce contrôle lorsqu il dispose d une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33% et qu aucun autre associé ou actionnaire ne détient une fraction supérieure à la sienne Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. Ou lorsqu'il y exerce en fait le pouvoir de décision. Le contribuable est présumé exercer ce contrôle lorsqu'il dispose, directement ou indirectement, d'une fraction des droits de vote ou des droits dans les bénéfices sociaux égale ou supérieure à 33,33 % et qu'aucun autre associé ou actionnaire ne détient, directement ou indirectement, une fraction supérieure à la sienne. Le contribuable et une ou plusieurs personnes agissant de concert sont considérés comme contrôlant conjointement une société lorsqu'ils déterminent en fait les décisions prises en assemblée générale. Dans l article 150 o D ter le législateur ne développe pas les conditions permettant de bénéficier du report mais traite le problème à l inverse en formulant les conditions qui mettent fin au report d imposition : 2 / Les conditions de la fin du report : a) La Cession à titre onéreux, rachat, remboursement ou annulation des titres reçus en rémunération de l'apport. b) cession des titres apportés (cession à titre onéreux, du rachat, du remboursement ou de l'annulation) dans un délai de trois ans à compter de l'apport, sauf si cette société réinvestit dans un délai de 2 ans à compter de la cession au moins 50 % du produit de la cession dans une activité économique Conclusion : pas de remise en cause du report si la cession intervient plus de trois ans après l apport même en l absence de réinvestissement (la notion de réinvestissement étant la suivante : financement d une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale, agricole ou financière (ou à l'acquisition d'une fraction du capital d'une société exerçant Page 3 sur 5
une telle activité et que la société bénéficiaire de l apport contrôle) sauf gestion d'un patrimoine mobilier ou immobilier ou apport à une ou plusieurs sociétés (sociétés susceptibles de bénéficier d'un apport dans le cadre du régime de report sous condition de remploi). Le législateur a été jusqu à prévoir les conditions de la fin du report en cas de donation des titres Il est bien entendu fait obligation au donataire de mentionner dans la proportion des titres transmis le montant de la plus-value en report. Cette plus-value en report est imposée : Lorsque les titres reçus en rémunération de l'apport font l'objet d'une donation et que le donataire contrôle la société bénéficiaire de l'apport, la plus-value en report est imposée au nom du donataire en cas de cession, d'apport, de remboursement ou d'annulation des titres dans un délai de 18 mois à compter de la donation (sauf cas de licenciement, d'invalidité ou de décès du donataire ou de son conjoint ou partenaire de Pacs soumis à une imposition commune) Page 4 sur 5
Ce n est pas le seul cas d imposition : La plus-value en report est également imposée au nom de ce même donataire lorsque la société bénéficiaire de l'apport cède les titres apportés dans les 3 ans à compter de l'apport sans procéder à un réinvestissement économique du produit de la cession En ce qui concerne le mode d imposition : La plus-value en report est imposée après déduction des frais de donation et tenant compte du nouvel abattement pour durée de détention déterminé en fonction de la date d'acquisition des titres par le donateur On le comprend aisément, le report d imposition n a plus rien à voir avec le sursis qui s appliquait à ce type d opérations jusqu au 14 novembre 2012, comme toute règle fiscale digne de ce nom, il conviendra de construire une stratégie adaptée aux objectifs du dirigeant qui puisse tenir compte dans la durée de ces nouvelles règles. Page 5 sur 5