Les autres voies d administration Dr Anne Paquette CHU de Québec-Université Laval (Hôpital de l Enfant-Jésus) et CIUSSS de la Capitale-Nationale 18 novembre 2016
Objectifs Préciser les voies d administration possibles chez les personnes présentant de la dysphagie Proposer des options thérapeutiques non effractives dans un contexte de fin de vie Cibler les voies d administration les plus pertinentes selon le contexte clinique
Divulgation de conflits d intérêts potentiels Aucun intérêt conflictuel
Médication PO en fin de vie Souvent impossible en fin de vie pour plusieurs raisons : Dysphagie Diminution de l état de conscience Nausée/vomissement/obstruction Importance de connaître d autres voies d administration des médicaments qui sont utiles dans différents contextes
Voies d administration de la médication Sous-cutanée (SC) Intermittent Perfusion continue Transdermique Bucco-gingivale ou trans-muqueuse buccale Intra-rectale (IR) Inhalation Intraveineuse (IV)
Sous-cutanée (SC) Absorption principale par diffusion dans le réseau lymphatique Aussi efficace que la voie intraveineuse (IV), en ayant moins d effets indésirables Moins invasive et douloureuse (IV et IM) Rapidité d absorption En fonction du site d administration, de la viscosité du médicament, de son ph et de sa solubilité Permet les ajustements rapides de la médication
Sous-cutanée (SC) Via : Canules intraveineuses habituelles de calibre 24 ou 27 Microperfuseurs «Papillons» Insuflons
Sous-cutanée (SC) Sites d injection (en ordre d efficacité) Rectangle entre la ligne des seins, du haut du sternum jusqu à l ombilic Abdomen inférieur Thorax à l extérieur de la ligne des seins Bras Cuisses (à éviter)
Sous-cutanée (SC) Modes d administration Intermittent Perfusion continue Conversion des médicaments Opiacés : 50% de la dose orale
Sous-cutanée (SC) Perfusion continue Quand l utiliser? Effet bolus Injection SC de médicaments à courte durée d action (Fentanyl, Midazolam, ) Utilisation à domicile Possibilité de combinaison de médicaments
Sous-cutanée (SC) Perfusion continue Avantages Plus confortable Analgésie soutenue Pas d effet bolus Peu de risque d infection Inconvénients Plus coûteuse Enseignement des professionnels nécessaire
Sous-cutanée (SC) Perfusion continue Choix d une pompe : Pousse-seringue Pompes programmables Portative Standard à solutés Choix dépend Degré mobilité du patient Caractéristiques et complexité de la pompe Coût Possibilité d auto-administration de doses supplémentaires par le patient
Sous-cutanée (SC) Perfusion continue Débit horaire Ad 10ml/heure, mais généralement tenter de ne pas dépasser 1 à 2 ml/h Utiliser des solutions concentrées Un débit faible permet d éviter un changement trop fréquent de la cassette (ou sac à soluté) et un meilleur confort au site d injection
Sous-cutanée (SC) Perfusion continue Comment la débuter? Calculer la dose quotidienne totale et la diviser par 24 (heures) Si patient recevait : Préparation à libération prolongée Commencer la perfusion continue environ 6 à 9 heures après la prise du dernier comprimé Préparation à libération rapide (PO ou SC) Commencer la perfusion en même temps que l administration de la dernière dose
Sous-cutanée (SC) Les limites du SC Peau cicatrisée Zones irradiées Zones blessées Zones oedématiées Atrophie marquée du tissus sous-cutané Perfusion cutanée systémique très diminuée (état de choc) Mode intermittent : volume injecté > 2ml
Transdermique Utile : À domicile Lorsque SC non souhaité Produits utilisés Timbres de Fentanyl Timbre de Scopolamine
Transdermique Timbres de Fentanyl Utile à domicile Durée 72h (48h pour certains patients) Formes : 12, 25, 50, 75 et 100 mcg/h «Demi timbre» en utilisant un Opsite MD Ajustement plus lent
Transdermique Timbre de Scopolamine (Transderm V ) Utilité Nausée Embarras respiratoire Posologie 1 à 3 timbres aux 72h (1,5 mg/timbre libérant 1 mg en 3 jours ) Ajuster en fonction de la réponse Début d action plus long Coller derrière l oreille Cause peu de somnolence Effets secondaires possibles Hallucinations, délirium et agitation
Transdermique Considérations particulières Augmentation de la concentration plasmatique Hyperthermie Peau lésée Exercice, exposition à la chaleur (bains chauds prolongés ) Diminution d absorption Œdème Évidemment axillaire Transpiration excessive Atrophie du tissus sous-cutané Éviter les membres et le dos
Bucco-gingivale (ou trans-muqueuse buccale) Voie simple Utile à domicile Convient aux patients inconscients Début d action rapide : médicaments rapidement absorbés dans la circulation systémique Effet de premier passage hépatique évité Passage digestif évité Muqueuse buccale contient un important réseau de vaisseaux sanguins et lymphatiques Muqueuse de 200 cm 2 pour l absorption
Bucco-gingivale Équivalente à la voie SC Conversion : 50% de la dose PO (opioïdes) Début d action 10-15 minutes Meilleure absorption que la voie sub-linguale, car ne déclenche pas le réflexe salivaire et la déglutition
Administration de la médication par les voies buccales Bucco-gingivale Voies buccales :! Sublinguale (S/L ): sous la langue (site A).! Bucco-gingivale: entre la muqueuse jugale et la gencive inférieure (sites 1, 2 et 3). Voie bucco-gingivale :!!!! Absorption améliorée avec voie bucco-gingivale car contrairement à la voie S/L, cette voie ne déclenche pas le réflexe salivaire et la déglutition. 1. 2. Privilégier voie bucco-gingivale chez patients :! Inconscients;! Dysphagiques;! Présentant une salivation excessive;! Avec difficulté à maintenir la médication sous la langue. 3. 4.! Langue Zone à favoriser chez un patient inconscient car peu de risque d aspiration. 1 A 3 2 Département de pharmacie, mai 2014 Élever un peu la tête de lit. Si débris présents, les retirer à l aide d une toothette. La muqueuse doit être plutôt sèche; l humidifier si elle est très sèche. Administration de la médication.! Préparation de la médication : Écraser le comprimé. Diluer avec la plus petite quantité d eau possible : idéalement < 0,5 ml d eau. Si volume > 0,5 ml : administrer dans deux sites ou administrer en deux étapes soit 0,5 ml et attendre qu il soit absorbé complètement et répéter. Possibilité d utiliser une formulation liquide ou médicament injectable, ainsi dilution non nécessaire, mais le volume administré doit également être < 0,5 ml par site. Mettre la dilution dans une seringue sans aiguille et administrer dans un des sites. Masser légèrement la joue. Contacter votre pharmacien pour toute autre question ou pour avoir plus de précision. 1 A 2 3 Mâchoire inférieure Lèvre inférieure
Bucco-gingivale Préparation de la médication 1. Écraser le comprimé 2. A) Diluer avec la plus petite quantité d eau possible Idéalement < 0,5 ml d eau; si volume plus grand, administrer dans deux sites ou en deux étapes La formation d une pâte est plus facile à administrer B) Possibilité d utiliser la formulation liquide d un médicament Utiliser la formulation concentrée pour obtenir le plus petit volume possible (< 0,5 ml)
Bucco-gingivale Préparation de la médication 3. A) Si préparation avec l obtention d une pâte, utiliser son doigt ou un abaisse-langue B) Si préparation liquide, mettre dans une seringue sans aiguille
Bucco-gingivale Méthode d administration 1. Patient assis ou élever la tête de lit si couché 2. Si débris présents, les retirer à l aide d une toothette 3. La muqueuse doit être plutôt sèche; l humidifier si elle est très sèche 4. Déposer la pâte de médicament ou la solution en seringue dans un des sites bucco-gingivaux 5. Masser la joue 6. Vérifier l absorption après quelques minutes 1. S il reste de la pâte, ajouter une goutte d eau et masser la joue à nouveau
Bucco-gingivale Médicaments favorisés Liposolubles Peu ionisés au ph de la bouche (6,0 à 7,0) Courte durée d action Solutions à haute concentration (pour limiter le volume)
Bucco-gingivale Formulations Comprimés à libération rapide Comprimés courant Sirops Solutions injectables
Bucco-gingivale Comprimés Opiacés courte durée d action (Morphine, Hydromorphone, etc.) Halopéridol Méthotriméprazine (Nozinan ) Lorazépam Clonazépam Phénobarbital Furosémide Comprimés en dissolution rapide (ex : Olanzapine)
Bucco-gingivale Solutions Suspensions orales Morphine (1 mg/ml ou 5 mg/ml) Hydromorphone (1 mg/ml) Méthadone (10 mg/ml ou solution à plus haute concentration préparée par le pharmacien) Gouttes ophtalmiques Atropine 1% (indication : embarras bronchique)
Bucco-gingivale Solutions Injectables (goût plus désagréable) Morphine (10 mg/ml) Hydromorphone (2 mg/ml, 10 mg/ml) Fentanyl (très bonne absorption) Sufentanil (douleur incidente) Nozinan (25 mg/ml) Halopéridol (5 mg /ml) Midazolam (5 mg/ml) (formulation à saveur de menthe)
Bucco-gingivale Formulation commerciale Abstral Comprimé de Fentanyl à dissolution rapide sub-lingual Prise quotidienne régulière minimale : 60 mg de Morphine 8 mg d Hydromorphone 30 mg d Oxycodone 25 mcg/h timbre Fentanyl Comprimés de 100, 200, 300, 400, 600 et 800 mcg Début d action 10 minutes et durée d action environ 1h30 Surtout utilisé pour la douleur incidente
Bucco-gingivale Limites Goût de certaines formulations Volume de solution administrée Muqueuse altérée Salivation excessive
Intra-rectale Voie alternative moins utilisée Les 6 à 8 premiers centimètres du rectum sont directement reliés à la circulation systémique (effet de premier passage hépatique évité) ph légèrement alcalin Solutions alcalines, aqueuses et alcooliques des médicaments sont plus rapidement absorbées Conversion : IR = PO
Intra-rectale S assurer de l absence de selles Si la muqueuse est sèche, humidifier avec 5 à 10 ml d eau tiède avant l administration Utiliser la formulation liquide des médicaments lorsqu elle est disponible (volume inférieur à 25 ml) Les comprimés et capsules peuvent être introduits tels quels dans le rectum, comme pour un suppositoire, après avoir été lubrifiés
Intra-rectale Si suspension : Utiliser seringue sans aiguille de 1 ou 3 ml Fixer au bout de la seringue Canule (ex : celle qui accompagne le tube de Nupercaïnal md ) Tube naso-gastrique (grosseur #16), coupé à 5 cm Partie «tubulure» d un microperfuseur (coupé à la jonction de la tubulure et de l aiguille) Cathéter uréthral grosseur #14 Bien vider avec de l air
Intra-rectale Médicaments intéressants Pour convulsions Acide valproïque (utiliser le sirop) Carbamazépine (comprimés mieux tolérés que suspension) Lamotrigine (comprimés croquables écrasés et dilués dans 10 ml d eau) Phénobarbital (solution injectable) Méthadone Ratio IR/PO : 1/1
Intra-rectale Colostomie Ne permet pas d éviter le premier passage hépatique Pas de sphincter favorisant la rétention des produits Les stomies pratiquées au petit intestin ne permettent pas l administration des médicaments, car selles trop fréquentes et liquides
Inhalation Anticholinergique Traitement de l embarras bronchique Furosémide en nébulisation Effet bronchodilatateur 20 mg en nébulisation qid dans 2 ml NaCl 0,9% Effet en 20-30 minutes et durée d action de 4 à 6 heures
Intraveineuse Utilisation en perfusion continue Peu utilisé Pratique si : Dermotoxicité importante Malabsorption Perfusion SC insuffisante (choc) Anasarque Conversion : 75% de la dose SC
Intraveineuse Avantages Analgésie soutenue avec taux sériques constants Début d action rapide Ajustement posologique plus rapide Inconvénients Accès veineux souvent difficile Nécessite surveillance plus étroite Risques d infection Possibilité de développement plus rapide de tolérance
Histoires de cas
Monsieur A. Homme de 78 ans, atteint d une néoplasie de la prostate métastatique en fin de parcours Habite à la maison avec sa conjointe; son entourage est très présent Désire fin de vie à la maison, mais entourage ne veut pas injecter la médication Prend Morphine en longue action bid et Halopéridol bid pour des nausées Médication PO impossible Monsieur est souffrant et nauséeux
Monsieur B. Homme de 83 ans, MPOC en phase terminale, surinfectée Hospitalisé Dyspnée contrôlée par Morphine SC, embarras contrôlé par Glycopyrrolate (Robinul ) SC Monsieur prend quotidiennement depuis plus de 10 ans un total de 6 mg de Lorazépam Lorazépam injectable est en rupture de stock
Mme C. Dame de 81 ans, hospitalisée Clostridium difficile avec complication d un mégacôlon toxique État pré-terminal Médication PO non possible Douleur importante, nausée Allergie à la morphine (anaphylaxie)
Monsieur D. Patient de 54 ans avec TCC sévère avec encéphalopathie Hospitalisé à l USI, décision d orienter les soins vers le confort exclusif. Sera transféré à l USP sous peu. Convulsions per-hospitalisation ayant nécessité l utilisation de 3 anticonvulsivants (Lévétiracetam, Phénytoïne, Acide valproïque) Plusieurs médicaments en place donnés par TNG dont antihypertenseurs, IPP, Furosémide (anasarque), etc. TNG en place, ainsi que voie veineuse Famille réticente à tout enlever la médication Pas d éveil Présente de l embarras bronchique et de la tachypnée
Sondes d alimentation Voies : Sonde naso-gastrique Jéjunostomie Gastrostomie Médicaments Favoriser formulation liquide Capsules : ouvrir Comprimés : écraser
Tubes d alimentation Si tube bloqué : (recette Maison Michel-Sarrazin) 2 capsules de Cotazyme ouvertes dans un mortier 1 comprimé de bicarbonate Broyer et bien mélanger Ajouter 10 ml d eau Mélanger pour diluer le plus possible Prélever la préparation avec une seringue de 20 cc et envoyer dans le tube Clamper 5 minutes Déclamper et aspirer le plus de volume possible Irriguer tubulure avec eau
Mme E. Dame de 61 ans, hospitalisée, atteinte d une néoplasie pulmonaire métastatique Asthénie et anorexie importante Médication PO impossible Atteinte de schizophrénie Très difficile d approche, les injections SC sont impossibles car la patient ne collabore pas du tout Embarras, tirage et légère tachypnée, semble inconfortable
Monsieur F. Patient de 79 ans, hospitalisé, atteint d un glioblastome Pas d éveil Lorazépam 2 mg SC q 4h régulier pour des convulsions Il est 22h30 et M.F. convulse à nouveau malgré une dose Lorazépam SC supplémentaire
Mme G. Dame de 57 ans atteinte d une néoplasie pulmonaire avec un envahissement important des ganglions cervicaux/médiastinaux droite > gauche Admise dans une unité de soins palliatifs communautaire Présente un anasarque, sauf dans le secteur thorax/épaule gauche Morphine SC intermittente régulière, Méthotriméprazine (Nozinan ) SC intermittent régulier Difficulté respiratoire et agitation importante en progression rapide, malgré l ajustement rapide de la médication
Monsieur H. Homme de 69 ans, atteint d une néoplasie ORL et ayant une jéjunostomie car PO impossible Maintien à domicile encore possible et désiré pour le moment Embarras incommodant Monsieur H. est asthénique, mais encore mobile Famille pas à l aise pour injecter la médication
Mme I. Dame de 47 ans avec néoplasie pulmonaire métastatique, à domicile Présence d un épanchement pleural droit et d un épanchement péricardique pour lesquels aucun drain n a été installé Risque de détresse respiratoire important L entourage est prêt à administrer le protocole de détresse au besoin, mais n est vraiment pas à l aise avec les injections
Bucco-gingivale Protocole de détresse Lorsque famille non à l aise avec les injections Pédiatrie Médication Midazolam (5 mg/ml) Morphine (10 mg/ml) ou Hydromorphone (2 mg/ml) Scopolamine (0,4 mg/ml)
Madame K. Dame de 66 ans, atteinte d une néoplasie du côlon métastatique Habite à domicile avec son conjoint et est suivi par le CLSC Asthénie et anorexie importante Prise médication PO difficile Introduction depuis les derniers jours d un timbre de Fentanyl Prenait déjà depuis une semaine : Entre-dose de Morphine bucco-gingivale Nozinan bucco-gingival comme coanalgésique/anxiolytique Présente depuis les dernières heures, un œdème au niveau cervical, du visage et de la bouche/langue et est dyspnéique Vous êtes le médecin qui la suit à domicile. La dame et son conjoint ne désirent pas un transfert à l urgence.
Madame K. Trousse d urgence Lorazépam: co de 1 mg (4) et 2 ampoules de 4 mg/ml Dexaméthasone : 4 mg/ml, 4 vials de 5 ml Morphine : 10 mg/ml, 10 ampoules de 1 ml Dimenhydrinate : 50 mg/ml, 10 ampoules de 1 ml Halopéridol : 5 mg/ml, 10 ampoules de 1 ml Scopolamine : 0,4 mg/ml, 15 ampoules de 1 ml Méthotriméprazine: 25 mg/ml, 5 ampoules de 1 ml Midazolam : 5 mg/ml, 10 vials de 1 ml
Messages-clé La voie d administration bucco-gingivale est une très bonne option lorsque la médication PO n est plus possible, surtout dans un contexte de soins palliatifs à domicile Il est essentiel de connaître la médication en soins palliatifs et ses différentes formes d administration Ayez de l imagination et osez!!