Parmi les dispositifs d accompagnement



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L analyse de la demande dans la relation d accompagnement Par Guy Amoureux L analyse de la demande d accompagnement permet la prise en compte des différents intérêts que chacun peut avoir à la résolution d une même situation : prescripteur, demandeur, hiérarchie. La pertinence de l action proposée en dépend. Parmi les dispositifs d accompagnement existants, le coaching semble prendre une place particulière dans la vie des organisations, signe s il en était besoin d une accélération du recours à un tiers pour aider à clarifier des situations de travail réputées sensibles. L étape de l analyse de la demande Acet égard, l étape de l analyse de la demande, essentielle dans toute action d accompagnement, de conseil, ou de formation, représente un moment particulièrement important dans la mise en place de la relation de coaching, dans la mesure où elle permet la prise en compte des différents intérêts que chacun peut avoir à la résolution d une même situation. Or, rien ne garantit que ces intérêts soient les mêmes, ou bien qu ils convergent. Lorsqu un manager demande un coaching pour un membre de son équipe, on peut s interroger sur l interférence entre le coaching et son propre management, sur le lien à trois qui se crée entre lui, le coach et la personne accompagnée, ou sur le contrat à mettre en place dès lors qu un des contractants exprime une demande dirigée vers autrui, assistant comme un spectateur à l évolution de la situation qu il a lui-même créée. Autant de questions qui conduisent à s attarder sur la façon dont le coach mènera à bien cette partie de son action. Comment se positionnera-t-il vis-à-vis des demandeurs (n oublions pas le prescripteur, qui est souvent aussi le payeur)? A quel moment instaurera-t-il une relation commerciale? Avant, pendant ou après cette phase d écoute de la demande? Comment établira-t-il le contrat de coaching, notamment pour la partie se rapportant à des objectifs faisant référence à des situations de management telles que prise de fonction, management d équipe, relation d autorité, gestion des situations conflictuelles, etc.? A qui rendra-t-il compte, et de quoi, en terme de résultats attendus, observables? L expérience montre qu il n est pas facile de répondre sous forme de généralités. Une demande de coaching implique d entrer d une certaine façon dans l intimité des pratiques réelles de l organisation, avec tout ce qu elles ont d opaque et de transparent, de non dicible et de dicible. C est aussi faire la place du tiers dans un système qui peut s en servir à des fins allant de la demande d aide jusqu à l instrumentalisation. On pourrait se dire en guise de préalable que la seule demande simple serait celle qui émane d une seule source, à savoir la personne accompagnée elle-même. Qu on se rassure, il n en est rien. Pour preuve, cette demande faite récemment par un cadre dirigeant : je sais que j ai besoin d être aidé dans mon contexte professionnel actuel, mais je suis dans l impossibilité de vous dire ce que j attends d un tiers. Demande singulière s il en est dans la mesure où elle confronte l accompagnant à l impossibilité de faire entrer le coaching dans une logique linéaire dont l analyse de la demande serait le préliminaire. Dans certains cas, il importe de commencer par l action et d apprendre en marchant, quand cela est possible, ce à quoi l on est en train de répondre. Un processus déterminant pour l intervention Dans la relation d accompagnement, l analyse de la demande est le premier temps de l interaction entre l intervenant sollicité et Guy Amoureux, philosophe de formation, est consultant en management des ressources humaines depuis 20 ans. Il est professeur affilié à l ESCP- EAP (Ecole supérieure de commerce de Paris - Ecole européenne des affaires) au sein du département Stratégie, hommes et organisation. Depuis 1993, il est co-directeur d Initiales Réseau Pluridis. Guy Amoureux est l un des auteurs d un article à paraître dans Diriger et Motiver (Editions d organisation) sur l analyse de la demande dans les pratiques de coaching, et d un ouvrage collectif sur les fondamentaux du management. Contact : inalet@wanadoo.fr 20

D o s s i e r le demandeur. En ce sens, cette étape peut être traitée comme un temps d intervention à part entière, et offrir à ce titre un ensemble d opportunités pour fonder l observation d un certain nombre d éléments et donner sens à la démarche qui sera ou non engagée par la suite. A ce moment du processus d accompagnement, la relation est encore dans l entre-deux, temps privilégié non seulement pour écouter ce qui est explicité par le ou les interlocuteurs que l on a en face de soi, mais aussi pour questionner le système client. La référence à la théorie systémique est particulièrement précieuse dans cette phase du processus d accompagnement, dans la mesure où les informations recueillies permettront d identifier au moins trois niveaux de demandeurs, qu ils soient ou non présents dans l entretien : le prescripteur généralement chargé de la prise de contact avec l intervenant pressenti, la personne à accompagner et la ou les hiérarchies entrant dans le champ de la demande. Chaque acteur a un rôle à jouer Quels sont les enjeux à prendre en compte dans la relation à ces différents interlocuteurs et en quoi sont-ils éclairants pour construire l action? Le prescripteur est par nature celui qui permet l accès de l intervenant dans le système. Si l on prenait une métaphore que l on retrouve autant dans l approche systémique que dans la dynamique des groupes, on pourrait dire que c est le portier qui définit les conditions d accès au système. Dès lors, les questions qu il pose, la demande qu il formule et les termes qu il emploie sont porteurs d éléments qui permettront de comprendre le cadre de pensée dans lequel s inscrit l accompagnement. Dans sa fonction, il doit évaluer non seulement la qualité de la prestation proposée, mais aussi faire une recommandation argumentée auprès de l institution. Dans cette prescription, il est important qu il puisse valider à la fois l adéquation de l offre de service proposée, et les critères de qualité reconnus au sein de l organisation. Dans cette mesure, le prescripteur sera souvent celui qui donne une première formulation de la demande, au nom de la personne à accompagner, éventuellement de sa hiérarchie et toujours de l institution. D où l importance de l explicitation avec cet interlocuteur de points portant sur la demande individuelle et institutionnelle, mais aussi sur les méthodes utilisées, les règles déontologiques et le cadre de l accompagnement. C est un moment privilégié, pendant lequel de nombreuses informations sont échangées de part et d autre sur la culture de l organisation, ses valeurs, ses croyances, ses règles et celle du consultant qui apporte, souvent sans en être pleinement conscient, son idéologie de l accompagnement. Autant de points qui doivent être exprimés dans un langage décodable par le prescripteur, traduisible dans la langue de l organisation, sans dénaturer la spécificité de l intervention et les moyens qui la sous-tendent. La deuxième source d informations sur la demande est évidemment celle que fournit le demandeur lui-même. Celui-ci peut apparaître dans l ordre des interlocuteurs en première ou deuxième, voire troisième position. Cette étape, même si elle est contemporaine de la première, pourra être source d analyse des concordances et des écarts entre le discours du prescripteur et celui de la personne accompagnée. On peut à cet égard faire l hypothèse que si le prescripteur place la demande sur un plan institutionnel, la personne accompagnée la place sur un plan beaucoup plus individuel, souvent au carrefour du Permettre un questionnement très ouvert de la part de l intervenant en même temps qu une évaluation de la demande réelle (ou supposée telle) de la personne accompagnée rationnel et de l émotionnel. Rationnel, car s il y a demande, c est qu il y a un obstacle particulier à surmonter nécessitant le recours d un tiers. Emotionnel, parce que cette difficulté est souvent concomitante d une situation où les enjeux entre acteurs sont forts et les moyens d en sortir limités. De ce point de vue, l analyse de la demande peut viser utilement à dégager, dès le premier entretien, les composantes de la problématique. Cela repose sur le contexte dans lequel celle-ci a été identifiée, les tentatives de solutions auxquelles elle a déjà donné lieu et les effets positifs ou négatifs de celles-ci, les acteurs impliqués dans les interactions supposées devoir évoluer et les éléments de contexte permettant d anticiper sur les rapports d influence en présence. Dans cette phase, l intérêt de ne pas être encore en relation officielle d accompagnement est, entre autres choses, de permettre un questionnement très ouvert de la part de l intervenant en même temps qu une évaluation de la demande réelle (ou supposée telle) de la personne accompagnée. Ce moment donnera la possibilité non seulement de dérouler ces questions, mais aussi d être dans une relation privilégiée de découverte de la problématique posée, tant dans sa dimension individuelle qu institutionnelle. La qualité de la relation contractuelle engagée ou non dépendra du recoupement des informations recueillies et des éléments non verbaux tels que le climat de l échange, la mesure des états émotionnels perçus, la nature de cette relation. Elle ne peut se concevoir sans le troisième demandeur : celui par qui souvent la question de la pertinence d un intervenant extérieur est posée, à savoir la ou les hiérarchies concernées. Si toute action d accompagnement doit intégrer cette dimension, c est d abord parce que l intervention d un 21

tiers interagit de façon évidente sur la nature même de ces relations hiérarchiques. Comment pourraitil en être autrement alors que le coaching, pour ne citer que lui, est supposé aider les responsables qui y ont recours à atteindre des objectifs qui leur sont définis par leur(s) hiérarchie(s)? Dès lors, il est important pour le consultant ou l intervenant de connaître la place qu on lui donne, et celle qu il prend effectivement, dans cette interaction. Il serait trop simple de se limiter à l alternative consultant créateur de valeur ou instrument au service. En réalité, l intervenant a de fortes chances d être les deux à la fois, et l ensemble de la gamme qui les relie en même temps. D où l importance de traiter simultanément la demande explicite ou officielle et la demande plus souterraine, celle qui par définition ne peut être contractualisée mais est néanmoins au cœur du contrat. De la bonne appréciation des enjeux portés par ce troisième niveau de demande dépendra la pertinence de l action proposée. Même si ce demandeur n est pas systématiquement présent dans les entretiens préliminaires, il importe qu il y soit d une façon ou d une autre, ne serait-ce que pour lui donner un visage et partager avec lui la responsabilité du cadre dans lequel s inscrit l action. C est certainement dans la prise en compte de ce troisième niveau de demande que se pose avec le plus d acuité la question du cadre déontologique de l accompagnement. En effet, s il s agit de maintenir une confidentialité renvoyant au secret professionnel sur le contenu de l action elle-même, il faut en même temps assumer le caractère officiel émanant des différentes demandes posées. Il en serait différemment si la demande d accompagnement ne passait pas par ces différents canaux et était faite directement par le demandeur Il n y a pas de demande individuelle d accompagnement émanant de personnes dans une organisation sans interaction avec le collectif à l intervenant. Mais dès lors que celle-ci transite par les acteurs évoqués, elle est porteuse de logiques qu il serait dangereux de négliger. Ainsi, la question du payeur est extrêmement importante. Les budgets alloués à des actions d accompagnement s inscrivent dans une politique de gestion des ressources humaines qui doit être présente à l esprit de l intervenant pour clarifier à qui il rend des comptes officialisés ou non. Par ailleurs, il paraît important d impliquer la hiérarchie concernée en amont du coaching. Il est primordial d insister en même temps sur le fait que cette implication doit être cadrée et n interférer directement d aucune façon sur le contenu même des échanges. Position proche du paradoxe, puisque cela revient à dire : nous ne pouvons intervenir sans votre implication, mais nous vous demandons de vous tenir à distance. Exercice d équilibre qui ne peut se faire que si l accord des différentes parties est acquis sur ce point dès l amont et que l objectif de ces rencontres est contractualisé. Sur cette question, les écoles diffèrent. Certains avanceront avec juste raison que la hiérarchie du demandeur doit au contraire être tenue à l écart du processus. Mes collègues et moi-même ne prétendons pas conclure sur ce point comme sur d autres, mais l expérience et nos échanges sur ce sujet nous renseignent sur cette relation. Si elle est intégrée dans le processus d accompagnement, elle peut participer utilement de l action en permettant notamment des recadrages, des prises de conscience, des opportunités ou des médiations. Il n y a donc pas de demande individuelle d accompagnement émanant de personnes dans une organisation sans interaction avec le collectif. Les demandes interagissent et ne peuvent être traitées que si, dans la réponse à l une, on prend les autres en considération, même si ce n est pas explicitement dit dans le contrat. L accompagnement ne peut faire changer l équilibre du système que si l on parvient à agir sur différentes composantes de celui-ci, alors que, pour l essentiel, le cadre de l intervention se passe en face à face. Demandes explicites et demandes cachées Excepté dans le cas, relativement rare, d une demande émanant directement d une personne agissant en son nom propre, et si l on opte pour la prise en compte des demandes de plusieurs interlocuteurs, on peut faire l hypothèse que chacun d entre eux, dans la logique d acteurs qui lui est propre, est en droit d attendre des résultats de l action engagée. La personne accompagnée attendra une aide dans la résolution de son problème. Sa hiérarchie souhaitera une analyse de son management qui n a pas donné les résultats escomptés. Le prescripteur voudra s assurer que le coaching, par exemple, ou tout autre mode d accompagnement, est la bonne réponse au problème plus large posé en matière de gestion des ressources humaines. Ce qui revient à dire que chacun, à sa façon, exprimera de manière plus ou moins explicite des demandes qu il faudra essayer de décoder. C est à ce moment que les concepts de demande(s) explicite(s) et de demande(s) cachée(s) sont très utiles pour guider l action d accompagnement. Ce concept de demande explicite et cachée a été développé par 22

D o s s i e r Chacun, à sa façon, exprimera de manière plus ou moins explicite des demandes qu il faudra essayer de décoder 1 Jacques-Antoine Malarewicz : Systémique et entreprise. Relations interpersonnelles, changement, action du consultant. Paris : Village mondial, 2000. Jacques-Antoine Malarewicz 1. Il ne s agit pas tant d épuiser les deux niveaux de demandes que de rester vigilant au fait qu elles sont légitimes et doivent garder ce statut ambigu pour pouvoir s exprimer. En effet, c est parce que ces différents niveaux seront entendus par un tiers que l action d accompagnement pourra avoir lieu, la demande cachée pouvant être considérée comme le problème de fond et la demande officielle comme le symptôme apparent. Dans une approche systémique, on sait que tout problème se manifeste par un ensemble de symptômes dont il est impossible d extraire une cause unique. D une certaine façon, prendre en compte en même temps différents niveaux de demandes, c est prendre acte de cette multitude de facteurs sans essayer de les réduire à un seul. Que cachent les demandes explicites? Considérons différents cas de figure, non pour épuiser le sujet, mais pour s entraîner à traduire certains types de demandes officielles et cachées. concerne un sujet de gestion et/ou, plus globalement, technique, la demande cachée peut porter, selon les cas, sur le besoin de développer des compétences techniques et/ou managériales, sur celui de redéfinir un cadre relationnel structurant, ou sur le besoin d être reconnu. Il est souvent difficile, pour une personne ayant par exemple une forte expertise, d aborder les aspects relationnels qui touchent à la façon d échanger, de partager ou de transmettre cette expertise. La pertinence du coach peut consister ici à ne pas se laisser enfermer à son tour dans le plus d expertise, mais à considérer les effets induits par l exercice de celle-ci sur le milieu et à y remédier. concerne un besoin de confrontation visant par exemple à résoudre un conflit, la demande cachée peut se situer sur le plan de la difficulté à l aborder en situation de parité plutôt que de rester enfermé dans une situation de type agresseur/victime. Le rôle du coach est alors davantage de permettre ce recadrage que de chercher des solutions techniques au conflit, sachant par ailleurs que celles-ci, pour la plupart, ont déjà été envisagées et sont restées sans lendemain. concerne des questions touchant à la prise de décision, on peut faire l hypothèse que la demande cachée porte sur une problématique de confiance en soi, voire de légitimité et que c est ce moteur-là qui, s il est remis en route, créera un lien entre les buts visés et les choix de solutions pour les atteindre. Le coach a ici un rôle important de compréhension des moteurs intérieurs de la personne accompagnée et de sa capacité à prendre et à assumer les risques inhérents à toute décision. Quand la demande explicite porte sur l animation et la gestion de groupe ou d équipe et en particulier sur les difficultés à construire une vision collective au sein de l équipe, on peut imaginer que la demande cachée touche la difficulté du manager à mettre en place des relations de communication basées sur la complémentarité et non sur la symétrie. Gérer la complémentarité, c est gérer des désaccords, des minorités agissantes, des contestataires et renoncer à un consensus mythique qui garantit la paix sociale au sein du groupe, et non la progression collective vers des objectifs nouveaux. Dans ce cas, la pertinence du coach peut venir de sa capacité à faire admettre au manager que l équipe ne peut progresser qu au prix d un certain désordre et non, comme pourrait le penser le manager, au prix de plus d ordre. concerne l accès à une responsabilité nouvelle, la demande cachée peut concerner une problématique d estime de soi, autrement dit d image de soi en situation nouvelle. Une évolution de fonction peut être vécue conjointement comme une opportunité à saisir et comme une menace. Le rôle du coach, dans ce type de situation, peut être de permettre à cette problématique de s exprimer, tant dans le positif que dans le négatif, et de faire accepter au manager de ne pas s en tenir à une vision simplificatrice de la situation. Enfin, lorsque la demande explicite concerne des situations de rupture, telles que le départ d un manager ou son remplacement, la demande cachée peut porter sur la difficulté à lâcher prise, et à laisser la place à d autres, dont le mode de management peut être différent, voire aux antipodes du sien, sans préjuger des effets que cela aura sur l équipe. Derrière cette demande, outre les traditionnelles considérations du type nul n est indispensable, se profile l idée que l alternance, en management comme en politique, loin d être une fatalité nocive pour la vie collective, peut être, selon comment elle est préparée et vécue, une réelle opportunité de changement. En dernier lieu, la demande officielle, surtout lorsqu elle émane du N+1 pour son N-1, recouvre souvent des demandes déplacées qu on pourrait résumer de la façon suivante : pouvez-vous aider mon collaborateur à résoudre un problème de management que je ne suis pas arrivé à résoudre avec lui, pour la seule raison que c est mon problème et qu il me le renvoie en miroir dans la relation qu il a avec ses collaborateurs? Ce type de demande, plus courante qu il n y paraît, est intéressant à prendre en compte sans être officialisé, parce que le coaching du collaborateur pourra, directement ou indirectement, influencer, par le jeu du tiers que représente le coach, le mana- 23

gement du N+1. Ainsi, il n est pas rare de constater, dès la phase d analyse de la demande, que les relations entre les deux se trouvent modifiées par l entrée de ce tiers, par le jeu des questions et de la reformulation des situations qui posent problème aux deux. Pour conclure provisoirement sur ce sujet, il est important de se souvenir que c est dans la phase d analyse de la demande que l angle de vue du coach est le plus large. Entendre les différents niveaux de demandes, c est faire des hypothèses qui peuvent s avérer fondées ou fausses par la suite, mais dans tous les cas, c est accepter l idée qu une personne ne peut véritablement être aidée que parce qu elle n a pas une conscience claire des motifs qui lui font demander de l aide. Aurait-elle cette conscience que probablement les solutions tentées auraient été couronnées de succès et qu elle n aurait alors pas fait appel à un tiers. Guy Amoureux Une personne ne peut véritablement être aidée que parce qu elle n a pas une conscience claire des motifs qui lui font demander de l aide 24 ACTUALITÉ DE LA FORMATION PERMANENTE N 178 MAI-JIUN 2002 CENTRE INFFO