Le Monétarisme. Les bases théoriques et empiriques du Monétarisme

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Transcription:

Le Monétarisme Le monétarisme est un courant de pensée qui reconnait une influence majeure à la quantité de monnaie sur l activité et sur les prix, et qui préconise une politique monétaire axée sur une norme de croissance du stock de monnaie. Le chef de file de l école de Chicago et du monétarisme, M. Friedman, se plait à citer comme l un des précurseurs de l influence prédominante de la monnaie. Les bases théoriques et empiriques du Monétarisme La théorie monétariste se réduisant à remettre à l honneur la théorie quantitative de la monnaie qui se retrouve dans la courbe de Phillips et dans l approche monétaire de la balance des paiements. 1) La renaissance de la théorie quantitative La théorie quantitative pose le principe de la neutralité de la monnaie : toute variation de la masse monétaire n a, à long terme, d influence que sur les variables nominales, le PIB en valeur et les prix. La théorie quantitative est souvent interprétée comme une relation entre l offre de monnaie et le niveau général des prix. En fait, les monétaristes modernes assignent aux variations du stock de monnaie la cause principale, sinon unique, des fluctuations du PIB nominal, c ad du PIB réel et de l inflation. Ces fluctuations sont aussi dues à la vitesse de circulation de la monnaie mais, à long terme, les variations de cette vitesse sont nettement plus faibles que celles de la masse monétaire, si bien que le PIB nominal est largement déterminé par l offre de monnaie, ce qui signifie que l inflation est provoquée par une croissance de la masse monétaire supérieure à celle des biens et des services. Tel est le fondement de la célèbre proposition : «L inflation est partout et toujours un phénomène monétaire». A court terme, M. Friedman ne nie pas que les variations de la quantité de monnaie jouent un rôle important sur le PIB réel et sur le niveau des prix. Mais, les monétaristes insistent sur les variables nominales. Si, en raison d une hausse de la quantité de monnaie, les agents disposent d un excédent de balances monétaires, la demande nominale s accroit, les prix augmentent et «peut être aussi» le PIB nominal. Toutefois, à long comme à court terme, M.

Friedman reconnait que la relation entre le stock de monnaie et le revenu nominal est imprécise et qu elle varie dans le temps et l espace. En outre, les monétaristes affirment que la plupart des accroissements du revenu nominal sont absorbés par des hausses des prix et que, lors des dépressions, les baisses du revenu nominal sont liées à une diminution substantielle de l offre de monnaie. De l ensemble des études empiriques, on peut tirer les conclusions suivantes : 1) Il existe une relation importante entre la croissance des agrégats monétaires et la croissance du revenu nominal ; mais la monnaie influence le revenu, et ce dernier agit sur le stock de monnaie, ce qui rend difficiles les tests empiriques sur l importance de la double relation. 2) La monnaie est généralement considérée comme exogène ; 3) Dans la majorité des pays occidentaux, une hausse de l offre de monnaie induit une croissance du PIB nominal entre six et neuf mois après ; 4) La plupart des variations du revenu nominal sont absorbés par des variations de prix, ces dernières étant comprises entre 12 et 18 mois ; 5) Les dépenses publiques sont inflationnistes si elles sont financées par une création monétaire, 6) A long terme, la demande de monnaie est stable. 2) La courbe de Phillips A court terme, une inflation non anticipée, en raison par exemple de la hausse imprévue du stock de monnaie, est perçue par les firmes comme une augmentation de la demande et des prix futurs, ce qui les incite à produire plus et à offrir des salaires nominaux plus élevés. En raison de leur perception de la hausse de leurs prix futurs, les entreprises interprètent la croissance des salaires nominaux comme une réduction des salaires réels. Cependant, les salariés, victimes d illusion monétaire- c ad confondant les variables nominales et réellessont persuadés que leurs salaires réels se sont accrus. Ce décalage entre la perception des firmes et des salariés conduit les premières à demander davantage de travail, les seconds à en offrir plus : le chômage diminue. Mais cette situation est temporaire et les salariés finissent par constater que l inflation actuelle est supérieure à celle qu ils avaient anticipée.

A la période suivante, ils révisent leurs anticipations en fonction du taux d inflation passé, celui qu ils viennent de constater (anticipations adaptatives). Par conséquent, la courbe de Phillips initiale, dite à court terme parce qu incorporant un taux d inflation constant, se déplace vers le haut pour former une nouvelle courbe de Phillips de court terme le long de laquelle le taux d inflation est constant mais plus élevé. Les demandes de hausses de salaires nominaux et le constat d un chômage inférieur au taux naturel induisent une augmentation des salaires réels ; les firmes réduisent leur demande de travail et le taux de chômage revient à sa valeur naturelle, mais le taux d inflation est plus élevé. Ce raisonnement permet aux monétaristes d affirmer que ce qui importe n est pas la variation du taux de salaire nominal et des prix, mais la différence entre les variations actuelle et anticipée des prix. La courbe de Phillips est devenue la courbe de Phillips augmentée. Des développements précédents, il ressort qu à court terme, «il existe toujours un arbitrage temporaire entre inflation et chômage, mais il n y a pas d arbitrage permanent» (M. Friedman, 1968). L arbitrage temporaire provient de l inflation non anticipée. Si les prix et les salaires nominaux varient dans la même proportion, les salaires réels sont constants. En conséquence, à long terme, aucune relation n est nécessaire entre la variation du salaire nominal et le taux de chômage : à long terme, la courbe de Phillips est verticale au niveau du taux naturel de chômage. Cette courbe verticale est aussi nommée courbe de Phillips de long terme ; en chacun de ses point, le taux d inflation actuel égale le taux anticipé. Cette verticalité traduit l absence d arbitrage entre l inflation et le chômage ainsi que la neutralité de la monnaie, ce qui a d importantes conséquences pour la politique économique. 3) L approche monétaire de la balance des paiements L approche monétaire de la balance des paiements (AMBP) considère, dans sa version la plus simple, une économie de petite taille, en plein emploi, en changes fixes et dont les prix intérieurs sont, à long terme, largement contraints par les prix mondiaux. En outre, les mouvements de capitaux sont libres. Si le stock de monnaie s accroit, le revenu et la demande augmentent, ce qui hausse les prix. En changes fixes, cet accroissement des prix conduit à une hausse des importations et à une baisse des exportations, c ad à un déficit des transactions courantes. L expansion monétaire se répercute aussi sur la balance des capitaux : pour

maintenir de taux de change fixe, le déficit extérieur implique la vente de devises, ce qui se traduit par un mécanisme automatique de restauration de l équilibre de la balance des paiements : à long terme, les notions d excédent et déficit n ont pas de sens. La politique économique La philosophie générale du monétarisme est de contrôler les variations du stock de monnaie afin de stabiliser la demande globale. La politique monétaire est jugée plus efficace que la politique budgétaire. Dans ces domaines, l aspect libéral du monétarisme se manifeste par la volonté de minimiser l interventionnisme afin de laisser jouer la rationalité des agents, seuls capables de maintenir la stabilité de l économie. 1) La politique monétaire Le renouveau de la politique monétaire tient au fait que le stock réel de monnaie peut affecter directement la demande alors que son action sur le taux d intérêt n est qu indirecte (M. Friedman 1968). Dés lors, le but de cette politique est d éviter que la monnaie ne soit une source de perturbation dans une économie stable. Plus précisément, la politique monétaire doit permettre d atteindre une stabilité des prix à long terme. Toutefois, les monétaristes ne sont pas unanimes sur la rapidité du retour à la stabilité de l économie à travers celle des prix. Cette philosophie monétariste a posé aux banques centrales un double choix. En premier lieu, fallait-il adopter une politique discrétionnaire ou fixer des règles (normes) strictes? En second lieu, la politique monétaire devait elle se centrer sur la quantité de monnaie ou sur les taux d intérêt? Etant donné la difficulté de prévoir les effets des politiques économiques et l ignorance des délais d action de ces derniers, les monétaristes ont préféré adopter des règles automatiques de progression de la monnaie. Pour M. Friedman, la politique optimale est d annoncer un taux de croissance d un agrégat monétaire entre 3% et 5% par an. 2) La politique budgétaire Sur la base des études empiriques, M. Friedman jugeait la politique budgétaire très importante pour délimiter la part du produit dépensée par l Etat et savoir qui supporte le fardeau de cette

dépense, surtout si les dépenses publiques sont financées par la création monétaire. Toutefois, cette importance de la politique budgétaire doit être relativisée d un double point de vue. Le premier est d ordre empirique : le modèle économétrique de la Reserve fédérale de St Louis appliqué à l économie américaine montrait un important effet permanent de la monnaie sur le PIB, alors que la politique budgétaire n était créditée que d une action faible et transitoire. Le second point de vue relativisant la politique budgétaire est théorique et normatif, il comporte deux arguments. Le premier est la connaissance très imparfaite des économies et de leurs évolutions. Le second argument théorique qui conduit les monétaristes à penser que les effets de la politique budgétaire sont moins importants que ceux de la politique monétaire, est la faible élasticité de la demande de monnaie au taux d intérêt. 3) La politique de change La création monétaire, source d accroissement de la demande, crée des difficultés de balances des paiements qui, en changes fixes, sont un substitut de l inflation. En conséquence, l adoption des changes flexibles et la possibilité de laisser la monnaie se déprécier devraient permettre de réduire les effets sur le commerce extérieur d une forte propension à importer. Les taux de change flottant peuvent ainsi induire une plus forte croissance sans subir la contrainte externe. Cette croyance monétariste signifie qu à court terme, le taux de change peut s écarter de sa valeur donnée par la parité des pouvoirs d achat.