12 avril 2016 La balance des paiements et la position extérieure de la France en 2015 En 2015, le solde des transactions courantes 1 se rapproche de l équilibre, bien qu il reste déficitaire de 4,3 Mds d euros, soit 0,2 % du PIB. Il se réduit sensiblement au regard des années précédentes, pour quatre raisons principales : la baisse du prix du pétrole, élément déterminant de l évolution du solde des biens ; la bonne tenue, dans une conjoncture internationale affectée par le ralentissement de la croissance des pays émergents, de branches d activité où la France se positionne très bien dans la compétition mondiale aéronautique, luxe, agro-alimentaire, en particulier ; les excédents dégagés par plusieurs autres activités fortement intégrées dans des processus de production internationaux, comme le négoce international ; la progression des revenus reçus de l étranger. Si l excédent des services avait été équivalent aux performances observées au cours des trois années précédentes (environ 20 Mds d excédent, contre 9 cette année), le solde des transactions courantes aurait renoué, toutes choses égales par ailleurs, avec la situation légèrement excédentaire dont a bénéficié l économie française jusqu en 2006. Cela n a pas été le cas, et le solde net des services a au contraire enregistré une nette baisse du fait de l intensification de la concurrence internationale dans ce domaine également et du contenu en services importés d exportations de biens industriels complexes de secteurs tels que l aéronautique, le spatial ou la pharmacie. En raison notamment de la mise en place de la fusion entre deux grands groupes cimentiers, mais aussi d un nombre élevé d opérations dans de multiples secteurs, les investissements directs étrangers en France ont atteint leur plus haut niveau depuis 2008. Au total, la position extérieure négative de la France s établit à - 17,4 % du PIB, niveau modéré au regard des normes et références internationales. 1 Les données publiées respectent les normes internationales édictées par le FMI pour la balance des paiements et la position extérieure, ainsi que celles européennes, relatives notamment à la mesure par la Commission des déséquilibres macro-économiques. 1
I. Le solde des transactions courantes se rapproche de l équilibre en 2015 Le solde des transactions courantes présente pour l ensemble de l année 2015 un déficit de - 4,3 Mds d euros, en très nette amélioration (- 19,7 Mds en 2014). Le solde des biens apparaît significativement moins déficitaire, tandis que celui des services demeure excédentaire, quoique à un niveau inférieur à celui des années précédentes. Tableau 1 : soldes des transactions courantes (Mds d euros) 2012 2013 2014 2015 Transactions courantes -25,5-17,1-19,7-4,3 Biens -54,1-43,0-34,6-24,3 Echanges de marchandises (BdP) -71,9-61,0-55,2-47,4 Négoce 17,8 18,1 20,6 23,1 Services 24,9 22,4 17,8 9,1 Voyages 10,6 10,2 6,6 6,8 Autres services 14,2 12,2 11,3 2,4 Revenus primaires 46,7 47,9 44,5 52,1 Revenus secondaires -43,0-44,4-47,4-41,2. Les données globales non sectorielles relatives aux échanges de marchandises sont établies FAB-FAB, à partir des données douanières CAF-FAB. Elles intègrent quelques autres modifications techniques, pour respecter les normes internationales relatives à la balance des paiements, qui sont différentes de celles qui régissent les données douanières. 1.1 La baisse de la facture énergétique joue positivement sur le solde des biens La facture énergétique se réduit de 15 Mds, passant de 54,8 Mds en 2014 à 40,1 Mds en 2015. En revanche, le solde des marchandises hors énergie 2 (- 23,4 Mds) se dégrade par rapport à 2014 (- 16,3 Mds). Les exportations de biens (marchandises et négoce international) ont fortement progressé, de 20 Mds en un an, et représentent 460 Mds d euros. Le dynamisme des ventes de matériels de transport, lié à des livraisons importantes aéronautiques et spatiales (+ 11,4 % en 2015 selon les données douanières) et aux exportations automobiles, ainsi que les bonnes performances du luxe (+ 9,2 %), des matériels militaires, et des produits pharmaceutiques et agroalimentaires alimentent la croissance des exportations de marchandises (+ 4,2 % au total). Le solde des opérations de négoce international progresse pour sa part de 2,4 Mds par rapport à 2014, pour atteindre + 23 Mds. Cette performance est à souligner, dans la mesure où le négoce international (cf. encadré ci-dessous) est fortement associé au développement de fabrications mobilisant plusieurs économies, chacune sur ses points les plus forts. Cette modalité d insertion dans l économie mondiale génère des excédents significatifs dans la balance des paiements de la France. Dans le même temps, les importations de biens ont augmenté, hors énergie, de 24,7 Mds, en lien notamment avec le dynamisme de la consommation privée (+ 1,7 % en 2015, source Insee). Cette hausse concerne la plupart des produits manufacturés, notamment l automobile (+ 8,7 %), les produits électroniques et informatiques (+ 9 %), ainsi que le textile et l habillement, mais également les achats de machines industrielles et agricoles. 2 CAF/FAB 2
Le négoce international et le travail à façon : un reflet de l intégration dans les «chaînes de valeur mondiales» Le terme «mondialisation» recouvre, en particulier, le développement de processus de fabrication organisés mondialement. Ces échanges au sein des «chaînes de valeur mondiales» sont retracés en particulier dans deux lignes de la balance des paiements : - le «négoce international», qui enregistre la circulation de biens qui changent de propriétaire économique lors de leur cycle de transformation ou de consommation ; - le «travail à façon» qui enregistre la circulation des biens sans changement de propriétaire entre la matière brute et le produit transformé, et de ce fait classé en tant que «service de fabrication», en application des normes statistiques internationales. Dans la balance des paiements française, les exportations nettes de négoce international portent principalement sur la gestion de processus de fabrication mondiaux effectuée notamment par les entreprises des secteurs de l automobile ou aéronautique, mais aussi l industrie agroalimentaire. En 2015, on distingue nettement, en matière de négoce, les industries gérant ces processus de fabrication mondiaux, avec les progressions les plus fortes : + 7,4 Mds par rapport à 2014. A l inverse, le choc observé sur les prix des matières premières, pétrole, gaz mais aussi de l uranium (repli graduel des prix depuis 2011), se traduit par un recul de 3,5 Mds des activités de négoce des grands groupes présents sur ces filières. 1.2 Le solde excédentaire des services baisse Le solde des services atteint 9,1 Mds en 2015. Il baisse depuis 2012, où il atteignait 24,9 Mds. Le solde des services de transports se détériore de 1,5 Md et atteint - 3,7 Mds, alors qu il était à l équilibre en 2012. Il s agit notamment des transports aériens et routiers. Les recettes du poste «voyages» ont été affectées (- 1,8 Md) par les attentats à Paris mais aussi par la crise traversée par un certain nombre de pays émergents, en particulier le Brésil et la Russie. Des études sont cependant en cours pour mieux tenir compte des recettes provenant notamment des nouveaux grands pays de provenance touristique (Chine en particulier). En sens inverse, les dépenses des français à l étranger ont un peu diminué si bien que le solde des voyages est finalement en légère augmentation (6,8 Mds contre 6,6 Mds l année précédente). On observe en revanche une forte hausse des importations de l ensemble des autres services, exception faite des services de construction et de télécommunication. Elle est particulièrement marquée pour les services de fabrication (travail à façon, + 2,5 Mds), les commissions payées pour l usage de la propriété intellectuelle (+ 3,4 Mds) et les services techniques, professionnels et de gestion (+ 10,7 Mds au total). 3
1.3 Les revenus dits «primaires» augmentent sensiblement L excédent des revenus primaires (dividendes et coupons, revenus des travailleurs frontaliers, notamment) s établit à + 52,1 Mds. Cette amélioration est principalement attribuable à une hausse des dividendes reçus. Graphique 1 : évolution des revenus d investissement depuis 2008 (Mds d euros) Les rémunérations des travailleurs frontaliers français progressent de pas moins de 2,0 Mds pour atteindre en 2015 19,6 Mds, en raison de la poursuite de la hausse du nombre de personnes concernées, principalement en Suisse et au Luxembourg, et de l appréciation de franc suisse. 1.4 Le solde négatif des revenus dits «secondaires» est, hors opérations exceptionnelles, proche de celui habituel Le déficit des revenus secondaires se réduit de manière significative en 2015, passant de - 47,4 Mds à - 41,2 Mds. Les comptes des administrations publiques présentent le gain le plus significatif, en raison notamment des impôts et pénalités payés par des contribuables français au titre des déclarations rectificatives des avoirs détenus à l étranger et non préalablement déclarés (en hausse de près d 1,5 Md). Le reste de l amélioration est principalement imputable à l effet de base induit par la prise en compte en 2014 de la pénalité (4,6 Mds pour la part concernant la France) acquittée par le groupe BNP Paribas auprès de l administration américaine. La hausse sensible (+ 7,5 %, soit 0,7 Md, pour un montant représentant 9,3 Mds) des envois de fonds des travailleurs joue en sens inverse. 4
II. Les autres éléments de la balance des paiements sont notamment marqués par une hausse des investissements étrangers 2.1 Dynamisme de l investissement français à l étranger et importantes opérations d investissements étrangers en France Les investissements directs français à l étranger atteignent 33 Mds, revenant ainsi à des niveaux proches de ceux observés en 2012. Le rebond observé en 2014 (+ 15 Mds) se confirme en 2015, avec une progression de 4 Mds. L essentiel de ces opérations prennent la forme d opérations en capitaux propres. Les investissements directs étrangers en France s établissent à 40 Mds, un niveau non observé depuis 2008 ; en particulier, l opération de fusion entre deux grands groupes cimentiers a abouti à un flux entrant de près de 11 Mds. Le solde net, correspondant à des investissements nets en France, ressort à 7 Mds. Graphique 2 : évolution des investissements directs depuis 2008 (Mds d euros) 2.2 Les opérations financières courantes Les opérations d investissement de portefeuille (opérations sur titres à l exclusion des investissements directs) se soldent en 2015 par des placements nets de 38 Mds (sorties de capitaux), tandis que les flux de prêts-emprunts («autres investissements») aboutissent à des entrées nettes de capitaux pour plus de 60 Mds. Les opérations des établissements de crédit français expliquent largement ces mouvements. Les ressources externes nettes qu ils ont obtenues ont contribué au financement de l économie française. 2.3 L engagement des non-résidents sur les titres publics français a été quasi stable Le programme d achat de titres réalisé par la Banque de France a bénéficié en premier lieu aux détenteurs résidents : fin 2015, les non-résidents détenaient 61,6 % de la dette publique française, soit un pourcentage proche de celui observé un an plus tôt (63,8 %). 5
Graphique 3 : la détention de la dette publique française par des non-résidents depuis 2009 III. La France et ses grands partenaires La France enregistre des déficits de son solde des biens et services avec ses partenaires de l Union européenne (- 28 Mds) mais également hors Union européenne (- 6 Mds). C est dans le cadre de ses échanges avec l Allemagne et la Chine que la France enregistre ses principaux déficits du solde des biens (respectivement 16 Mds et 25 Mds). En revanche, si la France apparait plutôt importatrice nette de services vis-à-vis du reste de la zone euro, les excédents dégagés par les échanges réalisés en dehors de la zone euro atteignent près de 20 Mds, principalement avec le Royaume-Uni, la Suisse ou encore Singapour. Graphique 4 : ventilation géographique du solde des biens et services en 2015 (Mds d euros) En 2015, les échanges de biens et services de la France se sont améliorés. Toutefois, à - 0,3 % du PIB, ils sont inférieurs à ceux de l Allemagne (+ 7,7 % du PIB) mais aussi de l Italie (+ 3,2 %) et de l Espagne (+ 2,4 %). Ils sont en revanche supérieurs à ceux du Royaume-Uni (- 2,0 %). La hiérarchie est la même pour les transactions courantes (cf. graphique 5). 6
Graphique 5 : solde des biens et services (gauche) et des transactions courantes (droite) rapporté au PIB (en %) Sources : Banque de France, Eurostat IV. La position extérieure nette de la France reste débitrice Fin 2015, la position extérieure nette, qui représente le patrimoine net de la France vis-à-vis du reste du monde, s établit à - 381 Mds d euros, soit - 17,4 % du PIB. La position extérieure de la France se situe ainsi nettement en-deçà du seuil européen d alerte égal à - 35 % du PIB. À - 17,4 % du PIB, la position extérieure nette de la France à fin 2015 présente un déficit nettement inférieur à celui de l Italie ou de l Espagne, et légèrement meilleur que celui du Royaume-Uni. L Allemagne, dont les transactions courantes sont excédentaires depuis 2002, a accumulé une position extérieure nette très fortement créditrice, de 50 % environ du PIB. 100 75 50 25 0-25 -50-75 -100-125 -150 Graphique 6 : position extérieure nette en % des PIB nationaux 100 75 50-17,4 25 0-25 -35 % du PIB -50-75 -100-125 -150 Sources : Eurostat, Banque de France, Principal Global Indicators À fin 2015 ou fin septembre 2015 suivant disponibilité des données 7