Polymédication: beaucoup de pilules pour pas grand-chose? Dr Delphine Renard Division de Pharmacologie clinique, CHUV Bienne, Symposium, 3 septembre 2015 Plan Mise en situation Ravages de la polymédication, réalité ou fiction? Qui fait le ménage? Ressources utiles Messages à retenir MISE EN SITUATION Lundi matin 1
M. Casse-pieds, votre patient depuis trois mois, attend devant la porte l ouverture du cabinet Son père, client d un autre médecin depuis 26 ans, s est cassé le col du fémur ce week-end M. Casse-pieds a dû rassembler ses médicaments pour les montrer au médecin des urgences Il aimerait savoir comment c est possible qu un monsieur de 91 ans prenne autant de médicaments? Alvesco Amlodipine Aspirine cardio Augmentin Dafalgan Fosamax Cocktail Ginckofit Itinérol B6 Lantus Lescol Lisitril Olmetec Pantozol Seresta ¼ cp le soir Sortis Vitamin Dream Xalacom Zaldiar Zolpidem Qu en pensez-vous? A. Ce confrère est malheureusement connu pour ses prescriptions aberrantes B. Le patient ne prend heureusement pas tous ces médicaments C. La moitié des médicaments sont en fait ceux de son épouse décédée il y a 4 ans D. Vous avez besoin d un café 2
RAVAGES DE LA POLYMEDICATION, RÉALITÉ OU FICTION? Définition et facteurs de risque Prise de plus de 5 (?) médicaments différents Prise d un plus grand nombre de médicaments que ce qui est indiqué sur le plan médical Augmentation avec l âge et avec le nombre de maladies Suisse 2008-2010, enquête avec données d Helsana Plus d un million d assurés > 18 ans / résidents d EMS exclus 17% de polymédication (tout le collectif) 41% de polymédication (plus de 65 ans) 3
Conséquences Davantage d erreurs Davantage d interactions significatives Davantage d effets indésirables Omission de médicaments utiles (Encore) moins d adhérence À nuancer 1 Pas de définition univoque Grande variation entre différentes études et différents milieux de soins ou de vie Rarement de jugement clinique individualisé sur le caractère problématique de la polymédication À nuancer 2 Revue systématique sur les conséquences néfastes de la polymédication Personnes de 65 ans et plus vivant à domicile 58 études identifiées, très hétérogènes Toutes observationnelles, dont 4 études cas-contrôle Grande variété de conséquences néfastes étudiées Toutes ne montrent pas de conséquences négatives Facteurs confondants! 4
À nuancer 3 Etude de cohorte rétrospective sur le lien entre polymédication, polymorbidité et hospitalisations en urgence >180 000 adultes (20 ans et plus) de 40 cabinets en Ecosse, 2006-2007 Âge médian 49 ans, 24% ont 3 maladies chroniques et plus 5% prennent régulièrement 10 médicaments et plus Fort lien entre nombre de médicaments et hospitalisation en urgence dans l année qui suit Mais considérablement affaibli par le nombre de maladies chroniques! QUI FAIT LE MÉNAGE? Le patient (1) Nécessité de connaissances spécifiques Y compris sur la fiabilité de différentes sources d informations Adaptées à différentes populations Pour mieux utiliser le médicament 5
Le patient (2) 100 patients ambulatoires à Adélaide (Australie) Âge médian 72 ans, 65% > 65 ans Nombre moyen de médicaments (toute sorte): 10 >60% trouvent qu ils prennent beaucoup de médicaments >90% seraient d accord d arrêter un ou plusieurs médicaments si possible Les proches (1) Focus groups Personnes s étant occupées d un proche décédé à domicile Thèmes apparus: Fardeau de la polymédication Bénéfice de pouvoir donner des réserves Importance d une information et d un soutien clairs Les proches (2) Etude pilote en Australie 6
La pharmacie (1) Conseil, information, recueil de confidences Remise en cause de la prescription? La pharmacie (2) 441 personnes de >65 ans vivant à domicile (Angleterre) Prenant régulièrement 4 médicaments et plus Le pharmacien révise l ordonnance à l aide de critères formels Et discute avec le patient: douleur, chutes, adhérence 142 recommandations à 110 prescripteurs sur 6 mois Essentiellement AINS, IPP, doublons Diminution des chutes, augmentation de l adhérence et de la qualité de vie La pharmacie (3) Étude pilote sur 797 patients de 65 ans et plus Hospitalisés à Vanderbilt (USA) en médecine, orthopédie et urologie Sur une période de 3 semaines en 2011 Screening informatique des traitements: 485 cas (179 patients) médicaments potentiellement inappropriés fardeau anticholinergique cumul de benzodiazépines ou stupéfiants pendant 48 heures 40 cas motivent une intervention par le pharmacien (22 patients) 78% des recommandations sont suivies par le médecin 7
Le personnel infirmier Infirmières à domicile 113 personnes de 75 ans et plus prenant au moins 1 médicament Safe medication assessment tool 84% présentent au moins un facteur de mauvaise gestion 40% ont 5 médicaments et plus 30% ont des prescripteurs d au moins 2 structures différentes 7% ont des troubles cognitifs Intervention par l infirmière dans >2/3 des cas L ordinateur (1) Dossier médical informatisé ou logiciels d alerte Défi technologique Tout dépend de la qualité des informations saisies Pertinence clinique des alertes? Lassitude? L ordinateur (2) Projet pilote du Nord vaudois Sécurisation de la médication tout au long de la chaîne du soin Plan de traitement partagé pour les patients polymédiqués Fournit selon nécessité Ordonnance Carte de traitement Historique des prescriptions Fin juillet 2015: 32 patients inclus, 3 en attente 13 médecins participants 5 pharmacies 2 hôpitaux Secteur médico-social Janvier 2016: déploiement au niveau cantonal 8
Le médecin (1) Etude prospective randomisée chez 50 patients âgés >65 ans 10 minutes consacrées à réévaluer les médicaments Réduction du nombre moyen de médicaments Arrêt d un traitement : 70% Détection d un traitement inapproprié: 54% Détection d une erreur de posologie: 30% Satisfaction du patient Le médecin (2) Focus groups avec généralistes en Hollande Sources d inconfort lors de déprescription: souci de ne pas donner au patient l impression qu on baisse les bras difficulté à aborder le sujet de l espérance de vie inquiétude de ne pas respecter les recommandations, gérer l interaction avec les médecins spécialistes et les pharmaciens Le médecin (3) 179 généralistes en France, 97% ont répondu Déprescrire est difficile pour 75% d entre eux Réflexion "à froid" sur une ordonnance de renouvellement: 85% réévaluent les pathologies 62% réévaluent le rapport risque-bénéfice des médicaments Ils retirent en moyenne 3.3 médicaments Gadat, Emilie. Déprescription (ALTI, un essai réussi en Haute-Loire). Thèse soutenue à l Université de Clermont-Ferrand, 2012. 9
Le médecin (4) Etude pilote 14 médecins installés dans le canton de Zurich 63 patients polymédiqués de >60 ans Réévaluation structurée des médicaments Arrêt d un traitement: 9% Modification d un traitement: 13% La démarche est ressentie comme facile et pratique Tous ensemble (1) 3 juillet 2013, Londres Symposium sur les traitements médicamenteux en gériatrie Gériatres, patients, proches aidants, chercheurs, employés de l industrie ou des organismes de réglementation Membres du public ont exprimé leurs préoccupations: changements de galénique interactions modes d administration outils de soutien à l adhérence connaissance des prestations offertes par les pharmaciens Tous ensemble (2) 17 patients âgés fréquemment hospitalisés Consultation conjointe par un médecin et un pharmacien clinicien En collaboration avec le médecin généraliste À 3 mois, réduction du nombre de médicaments (de 14 à 11) et du nombre de médicaments potent. inappr. (de 38 à 14) Retirés: opioïdes, antidépresseurs tricycliques, benzodiazépines et diurétiques 10
Ressources utiles BEERS (USA) CRIME (Italie) FORTA (Autriche) PRISCUS (Allemagne) NORGEP (Norvège) Critères explicites STOPP/START (Irlande) (validé en français) Guides (généralités) 11
Guides (situations spécifiques) Pharmacologie clinique 021 / 314 41 89 MESSAGE À RETENIR Dialogue 12
MERCI DE VOTRE ATTENTION 13