Réforme de la taxe professionnelle

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Transcription:

www.jeanclaudegaudin.net Février 2010 Réforme de la taxe professionnelle Avec le projet de loi de finances pour 2010, le Parlement a adopté une importante réforme fiscale, celle de la taxe professionnelle (réforme qui a été validée par le Conseil constitutionnel le 29 décembre 2009). Cette réforme, attendue depuis des années, a fait l objet de controverses assez souvent déconnectées de la réalité. Nous proposons ici une synthèse de ce dossier. I. Accord général sur la suppression de la TP La taxe professionnelle, créée en 1975, était l un des quatre impôts directs perçus par les collectivités territoriales (avec la taxe d habitation et les taxes sur le foncier bâti et non-bâti). Depuis des années, gauche et droite réclamaient sa suppression. Elle était en effet l un des impôts les plus pénalisants pour les entreprises, et donc à terme pour l emploi en particulier parce que son assiette reposait sur les immobilisations corporelles (et donc, de façon générale, sur les investissements des entreprises). En d autres termes, plus une entreprise investissait et se modernisait, plus elle était pénalisée fiscalement. La TP majorait ainsi de pratiquement 20% les investissements des entreprises françaises. Signe de ces problèmes, la TP avait été modifiée près de 70 fois par le Parlement en un peu plus de 30 ans d existence! Conséquence mécanique de ce dispositif pénalisant l investissement, on estime que l industrie française a perdu 17% de parts de marché dans le monde entre 1995 et 2009 l immense majorité des pays développés n ayant jamais eu ou ayant supprimé les impôts analogues qui pesaient sur leurs entreprises. Et ces pertes de marché se traduisent en emplois : l industrie françaises a perdu 500 000 emplois sur la période évoquée! La difficulté de la réforme tenait au fait que la TP apportait environ 50% des recettes fiscales des collectivités territoriales et qu il n était évidemment pas envisageable de supprimer purement et simplement ces recettes. 1

II. Objectif de la réforme La réforme de la TP vise donc essentiellement à alléger la charge fiscale de nos entreprises et à restaurer leur compétitivité : elles paieront ainsi 12.3 milliards d euros en moins en 2010 et 6.3 milliards par an à partir de 2011. En moyenne, les quelques 2.9 millions de personnes morales ou privées qui payaient la TP en 2009 devraient voir leur charge fiscale diminuer de 22% à partir de 2011 (avec un net avantage pour l industrie : 32%). Les petites entreprises (qui regroupent la plupart des emplois, 85% des créations d emploi étant le fait des PME) sont, elles aussi, favorisées : les entreprises réalisant moins de 3 millions de chiffre d affaires devraient voir leur charge fiscale diminuer de plus de 50%. Corollaire non négligeable de la réforme, les obligations administratives des entreprises seront nettement allégées. III. Par quoi est remplacée la TP? En «vitesse de croisière», la TP sera remplacée par une contribution économique territoriale (CET), composée de deux éléments : - la cotisation foncière des entreprises (CFE), assise sur la valeur foncière des entreprises. - la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), assise sur la valeur ajoutée des entreprises. La CVAE connaîtra un taux variable et progressif : de 0% pour les entreprises de moins de 500 000 de chiffre d affaires à 1.5% pour les entreprises de plus de 50 millions d euros de chiffre d affaires. A la CET s ajoute un impôt forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), frappant les activités non délocalisables (énergie, transport ferroviaire, télécommunications ). Cet IFER est divisé en 7 volets différents (portant sur les centrales électriques, les éoliennes terrestres, le matériel ferroviaire roulant ) ; l Etat fixe chaque année le taux d imposition de ces différents volets. Et leur répartition entre les différentes collectivités est prévue par la loi. On estime que l IFER rapporterait un peu moins de 1.5 milliard d euros par an. 2

IV. La compensation relais en 2010 En 2010, la transition de la TP au nouveau système sera neutre fiscalement pour les collectivités, qui se verront verser par l Etat une «compensation relais». Le Sénat a obtenu que cette compensation corresponde au produit de celui de ces deux calculs qui sera le plus avantageux pour les collectivités : - soit le produit de TP perçu en 2009 ; - soit l assiette de 2010 multipliée par le taux de 2009 (dans la limite du taux de 2008 majoré de 1%). V. Avantages du nouveau dispositif pour les collectivités Contrairement à ce qu on pourrait penser, le nouveau dispositif fiscal est à la fois plus avantageux pour les collectivités et pour les entreprises. Pour les entreprises, parce que leur charge fiscale diminue et surtout parce que leur charge fiscale repose désormais sur une valeur ajoutée et non sur des investissements (c est-à-dire une valeur ajoutée à venir). Et pour les collectivités, parce que la TP leur transférait une part de plus en plus faible de la valeur ajoutée créée par les entreprises. Entre 2001 et 2008, par exemple, alors que la valeur ajoutée créée par les entreprises françaises a augmenté de 4.1% par an (et aurait pu augmenter davantage sans la contrainte fiscale que constituait la TP ), la base de TP n a augmenté que de 3% par an. De la sorte, la CET devrait permettre aux collectivités territoriales de profiter davantage du dynamisme économique de leurs territoires. Par ailleurs, le Sénat a obtenu de remplacer environ 4 milliards d euros de dotations budgétaires de l Etat aux collectivités par un dégrèvement d un montant équivalent sur les recettes de la CVAE. Ainsi une part des ressources des collectivités passeront du «bon vouloir» de l Etat à la réalité économique. De plus, même si le Gouvernement a souhaité maintenir le principe d une stricte liaison des taux entre la CFE et les impôts locaux pesant sur les ménages, le Sénat a obtenu un certain nombre de dérogations pour permettre aux collectivités «vertueuses» (c est-à-dire à celles qui avaient fait preuve de modération fiscale au cours des dernières années) de ne pas être pénalisées par la réforme. 3

VI. Davantage de clarté Dans une logique de clarification des rapports entre les différents échelons territoriaux, les impôts locaux ont été répartis entre chaque collectivité. Ainsi, vont aux : Communes et EPCI : - Part communale de la taxe d habitation (à laquelle s ajoute la part départementale). - Part communale de la taxe sur le foncier bâti. - Part communale de la taxe sur le foncier non bâti (à laquelle s ajoute la part départementale) - CFE - CVAE (26, 5%) - IFER (moitié de l IFER sur les hydroliennes, les centrales électriques et les installations photovoltaïques et hydrauliques ; 2/3 de l IFER sur les antennes relais ; 100% ou 30% de l IFER sur les éoliennes terrestres, selon qu il existe ou non un EPCI à fiscalité propre ; totalité de l IFER sur les transformateurs électriques) - Taxe sur les Départements : - Taxe sur le foncier bâti (plus la part régionale sur le foncier bâti) - CVAE (48,5%) - IFER (moitié de l IFER sur les hydroliennes, les centrales électriques et les installations photovoltaïques et hydrauliques ; 1/3 de l IFER sur les antennes relais ; 70% de l IFER sur les éoliennes terrestres si elles sont implantées sur une commune hors EPCI), - Taxe sur les conventions d assurance - Droits de mutation à titre onéreux (plus la part étatique sur ces droits de mutation à titre onéreux). Régions : - CVAE (25%) - IFER, totalité de l IFER sur le matériel ferroviaire roulant et de l IFER sur les répartiteurs principaux téléphoniques). 4

VII. Les contributions du Sénat Le Sénat, «grand conseil des collectivités territoriales», a apporté quelques «gardes-fous» à la réforme : Avant le 1 er juin 2010, le Gouvernement devra présenter au Parlement un rapport présentant des simulations précises des recettes fiscales attendues pour chaque niveau de collectivité, ainsi qu une estimation de l évolution prévisible de ces recettes. La Parlement devra alors, avant le 31 juillet, préciser par la loi la répartition des ressources. Une évaluation du nouveau dispositif est fixée avant l examen du projet de loi de finances pour 2012. Enfin, pour harmoniser cette importante réforme fiscale avec la réforme en cours des collectivités territoriales, il est prévu que le Gouvernement rende un rapport au Parlement sur les ressources (et leur évolution prévisible) des collectivités, dans les six mois qui suivront la promulgation de la loi portant réforme des collectivités territoriales. VIII. Péréquation Un élément de la polémique a consisté à dire que les collectivités riches deviendraient encore plus riches avec cette réforme profitant du dynamisme de leurs entreprises, tandis que les collectivités pauvres s appauvriraient davantage. En réalité, à l initiative du Sénat, la réforme a prévu la création, à partir de 2011, d un fonds départemental de péréquation et d un fonds régional de péréquation, alimentés par le prélèvement d un quart des recettes de la CVAE. Ce qui maintient un principe auquel tenaient le Gouvernement comme la majorité à l Assemblée nationale (le maintien d un lien étroit entre les ressources et leur territoire d origine) et évite simultanément la création d une France «à plusieurs vitesses». 5