Actes du séminaire sur l évolution du conseil en agriculture et les métiers du développement Guyancourt, 23-24 avril 2003 Les compétences et le métier d agent de développement dans les démarches territoriales hors chambres 1 LAURENCE BARTHE Laboratoire dynamiques rurales, université Toulouse-le Mirail 5 allées A.-Machado F-31058 Toulouse Cedex 1 barthe@univ-tlse2.fr 1. Introduction Le métier d agent de développement local en milieu rural est marqué par le sceau de la polyvalence : c est un métier aux compétences multiples et transversales, qui s appuie sur des savoir-faire et des «savoir-être». Il est rarement défini par les employeurs et reste marqué de nombreuses incertitudes quant aux statuts et devenirs des agents et à une reconnaissance par le milieu professionnel. Enfin, c est aussi un métier influencé par des cultures hétérogènes sur le développement territorial et local : il existe des perceptions très diverses de ce qu est le territoire et de ce qu est le développement territorial. Devant ce problème complexe, nous avons engagé une recherche sur les compétences et le métier d agent de développement local 2. Actuellement, 1. Ce texte a été mis en forme à partir de notes de l exposé de L. Barthe. 2. Ce travail de recherche axé sur les questions de l ingénierie territoriale en appui au développement rural a démarré dans le cadre d un programme européen Interreg IIC intitulé «Dynamiques d organisation, NTIC, offres et besoins de compétences en appui au développement territorial des régions rurales» (1999-2001). À l issue de ce premier travail de recherche-action, une deuxième étude, concernant les employeurs d agents de développement local dans la région Midi-Pyrénées et commanditée par Mairie-Conseil et la Caisse des dépôts et consignations, est en cours de finalisation. Ce travail est effectué par un groupe de chercheurs pluridisciplinaire (agronome, économistes, sociologue et géographes) qui ont en commun une approche des problématiques du développement territorial dans les milieux ruraux européens. Par ailleurs, ces
une étude est en cours sur les employeurs des agents de développement local, afin de mieux comprendre le contexte professionnel dans lequel évoluent les agents de développement local en milieu rural. Il s agit d identifier les structures d appui au développement territorial, de clarifier un panorama institutionnel complexe et touffu, mais aussi de s intéresser aux modes de recrutement et de préciser comment les structures employeuses définissent les profils de poste et sélectionnent leurs candidats. Un autre objectif est d analyser et de comprendre les besoins et les carences en ingénierie du développement, d identifier les demandes et les besoins de compétences, mais aussi de formation. Ce questionnement est lié à notre activité d enseignement et à notre investissement dans des formations professionnelles. Pour former des agents de développement, nous avons tout intérêt à connaître les besoins de formation et à nous y adapter. Le travail de terrain a été effectué en Aquitaine et Midi-Pyrénées. Nous avons d abord identifié les structures employeuses par des enquêtes téléphoniques auprès des structures intercommunales et par de la veille informatique. Puis nous avons réalisé des entretiens semi-directifs (auprès de quatre-vingts agents de développement local ou de leurs employeurs) et adressé des questionnaires postaux à l ensemble des employeurs d agents de la région Midi-Pyrénées (soixante-dix questionnaires traités). 2. Les systèmes de compétences nécessaires à la démarche de projet territorial Il faut situer le besoin de compétences en matière de développement territorial dans un contexte de politiques publiques ascendantes et d initiatives multiples aux niveaux local, national et européen. Ces initiatives créent un empilement de procédures et sont porteuses d injonctions méthodologiques, dont les principales sont l injonction à la contractualisation et au partenariat. Elles sont, avec la transformation de la société rurale et des enjeux de développement, à l origine de la construction de nouveaux modèles de compétence dans le développement des territoires. chercheurs sont également des enseignants universitaires particulièrement investis dans des formations professionnelles (DESS, IUP, école d ingénieur ). 2
La question qui se pose aujourd hui aux acteurs locaux est de savoir énoncer clairement ce que les agents doivent maîtriser pour produire une action de développement et ce qu ils doivent construire pour être à même de faire ce qu il est attendu d eux dans leur univers professionnel. Nous proposons de définir la notion de compétence comme une capacité à agir. La compétence s appuie sur des connaissances, mais aussi sur des savoir-faire et des savoir être, qui se traduisent dans l action. La construction d un projet de territoire passe par quatre grandes étapes : i) la structuration des acteurs, ii) la définition des choix d orientation, iii) la conduite des projets de territoire, iv) la construction opérationnelle, plus liée à la conduite quotidienne de l action. À chaque étape, des compétences particulières sont nécessaires. Nous avons essayé de comprendre, à partir du discours des animateurs, quelles sont les compétences associées à chacune de ces grandes étapes. Pour les choix d orientation du projet, nous proposons d employer le terme de système de compétences stratégiques. Les agents décrivent les savoir-faire suivants : «savoir-mobiliser», «savoir-accompagner» de manière individuelle ou collective, «savoir-rechercher», donc être en situation de veille et d anticipation pour faire émerger l intérêt collectif et être en capacité d innover. La construction opérationnelle relève d un système de compétences dites opérationnelles. Les compétences centrales sont de l ordre de la coordination, de la négociation et de la conception. La structuration des acteurs requiert des compétences organisationnelles qui sont aujourd hui largement mises en avant par les agents : compétences d animation, de médiation, d arbitrage, pour la structuration et la coordination des actions collectives. La conduite des projets de territoire correspond à un système de compétences plus fonctionnelles, où il s agit davantage de tâches administratives de gestion des projets et des dossiers, mais aussi à de nouvelles compétences de l ordre de l évaluation et de la communication. Ces systèmes de compétences constituent l ingénierie de projet de développement. La question des compétences dans les démarches territoriales se décline à plusieurs niveaux. Le premier relève des compétences de l individu, qui forment un domaine assez complexe. Un deuxième niveau correspond aux compétences de la structure, à propos desquelles on s intéressera à la gestion des ressources humaines. L organisation et la gestion des équipes varient en fonction des formes de 3
localisation et d organisation des agences de développement territorial, depuis la structure regroupée jusqu à la structure éclatée et répartie. Enfin, à un troisième niveau, les compétences sont celles des formes partenariales, incarnées notamment aujourd hui par des réseaux et des groupes d action locaux. À ce niveau-là, la compétence est mutualisée, distribuée et collective, et il importe de comprendre comment s effectue cette distribution des compétences. 3. Le métier et les profils de l agent de développement territorial Le premier constat fait par les agents de développement territorial est que leur métier est récent, assez mal défini et que les profils des agents demeurent flous. Il y a en effet aujourd hui pléthore d agents de développement, mais le référentiel métier reste rarement défini par les employeurs. C est un métier aux fonctions transversales, ce qui amène certains à dire que l agent de développement est comme le couteau suisse du territoire qui doit pouvoir intervenir dans tout domaine, sur toute question. Le métier d agent de développement n est, le plus souvent, qu une étape dans un parcours professionnel. Nous avons en effet pu constater un très fort renouvellement des agents de développement local, ce qui pose le problème de la capitalisation des expériences et des acquis. En effet, ces agents, du fait de la nature singulière de leur travail et du caractère unique de leur action, forment une véritable mémoire vivante. Comment la transmission du savoir doit-elle avoir lieu? Un autre constat issu de notre étude est que le métier s exerce en équipe d animation, au sein de laquelle des compétences s associent et des expertises se différencient. Nous identifions quatre profils d agents : l agent méthodiste et technicien, plutôt dans une logique d application de dispositifs et de gestion de procédures, souvent membre d un service très structuré, a souvent une faible implication territoriale ; l agent thématique, spécialisé de façon sectorielle, est aujourd hui fréquent à l échelle des pays. Paradoxalement, dans les pays, on ne recrute pas d agents spécialisés dans le secteur agricole, parce qu on sait les trouver ailleurs, mais on recrute des agents spécialisés dans le 4
tourisme, la culture, les NTIC, le social, etc. Ces agents, souvent dans des situations de mise à disposition aux territoires, travaillent dans une logique de gestion de procédures et d intégration de réseaux. Ils sont confrontés à la nécessité de légitimer leur rôle ; l agent animateur a une mission très généraliste. C est vraiment le polyvalent du territoire, qui réalise une animation de proximité, à l échelle intercommunale le plus souvent, au sein de communautés de communes. Il est en contact direct avec les élus et a souvent une implication militante qui peut être très concrète ; L agent coordonnateur, à l échelle du pays. Il coordonne une équipe et articule différents niveaux territoriaux et structures et partenaires locaux. Il fait réellement un travail d interface et de moins en moins de l animation de terrain. Les profils d agents sont très différents en fonction des employeurs et des cultures de développement territorial de ces employeurs. De façon schématique, nous avons établi cinq types de positionnement des structures locales au regard du développement territorial, considéré ici dans une fonction large : les structures militantes du développement territorial sont engagées depuis longtemps dans l accompagnement du développement territorial, dans une logique de mobilisation locale ; les structures expertes du développement territorial sont des structures d intervention intermédiaire, qui ont un rôle d interface entre différentes procédures ; les structures interpellées par le développement territorial, de façon récente, depuis une dizaine d années ; les structures attentistes prennent acte des changements en cours mais s interrogent sur leur place et leur engagement ; les structures opportunistes ont une logique de positionnement par opportunités. En fonction de ces positionnements, les employeurs du développement territorial ont une conception différente du rôle que doivent remplir leurs agents. Dans la région Midi-Pyrénées, les structures consulaires semblent plutôt dans une position interpellée ou attentiste en ce qui concerne le développement territorial. 5
4. Conclusion Les compétences nécessaires à l accompagnement d un projet de développement territorial composent un système complexe de compétences stratégiques, opérationnelles, organisationnelles et fonctionnelles, associées aux différentes phases de construction d un projet. Elles sont mobilisées différemment par les agents, en fonction de leur profil d emploi qui dépend largement du positionnement adopté par les structures employeuses au regard du développement territorial et de leur organisation. Des besoins de formation communs peuvent cependant être identifiés, tant sur des aspects génériques du développement territorial thématique du développement durable, histoire et culture du développement local, méthodes d ingénierie territoriale que dans des domaines plus spécialisés tels que le droit, la communication ou l organisation et la gestion des ressources humaines. 5. Références bibliographiques BARTHE L. ET AL., 2001. Dynamiques d organisation, Ntic, offres et besoins de compétences en appui au développement territorial des régions rurales, rapport final Interreg IIC, Inra/UTM/Enfa/Ensat/Ieru, 166 p. + annexes. BARTHE L., 2003. Métiers du développement, quelles compétences pour quels besoins aujourd hui? Communication aux états généraux des métiers du développement territorial «Pour une meilleure connaissance et reconnaissance des pratiques professionnelles», mars 2003, Paris. 6