Une approche simplifiée du diagnostic et du traitement de l hyperactivité vésicale



Documents pareils
Incontinence urinaire. DR.L.PEYRAT C.H.U. Tenon, Paris

L Incontinence Urinaire au FEMININ. Examen paraclinique. Résidu Post Mictionnel. Examen pelvien

INCONTINENCE URINAIRE

Incontinence urinaire : trop souvent taboue

INCONTINENCE URINAIRE

Service d Urologie - Hôpital de la Conception - APHM. 2. Service de Gynécologie Obstétrique - Hôpital de la Conception - APHM. 3

Chapitre 1 : Introduction à la rééducation périnéale

Incontinence urinaire de la femme: quelle est la marche à suivre au cabinet du médecin de famille?

FUITES URINAIRES CHEZ LA FEMME

Le traitement médical de l incontinence urinaire féminine. Pr A.PIGNE C.E.E.G PARIS France

La douleur en urologie; quoi faire? DR MICHEL HUGUES LEBEL MD FRCSC CHIRURGIEN UROLOGUE

TRAITEMENT DE L INCONTINENCE URINAIRE. Dr B Pogu Urologue FMC Sud Marne

Le dépistage du cancer de la prostate. une décision qui VOUS appartient!

le bilan urodynamique Dr René Yiou, CHU Henri Mondor

L incontinence au féminin : des conseils pour chacune

RÉSUMÉ DES RECOMMANDATIONS

La déchirure. Les risques. Troubles périnéaux du post-partum. La déchirure

KEAT : premier électrostimulateur sans fil d auto-rééducation périnéale à domicile

Rééducation de la rééducation de l Incontinence Urinaire de l homme : Résultats. Guy Valancogne

DIU DE REEDUCATION PELVI-PERINEALE. Responsables de l enseignement :

RAPPORT SUR LE THEME DE L INCONTINENCE URINAIRE

Fuites d urine des femmes

Incontinence urinaire en gériatrie. DR Depireux urologue DR Noël l interniste

PROGRAMME DE TRAITEMENT PAR ÉTAPES

La vessie neurogène (VN)

Après un an d enquête, 1176 femmes travaillant au C.H.U avaient répondu à notre questionnaire.

Pour toutes questions supplémentaires, veuillez communiquer avec nous au poste 4129.

Page 1/15 - L incontinence urinaire en détail

LA RÉTENTION URINAIRE DU POST-PARTUM

Infections urinaires chez l enfant

E x t rait des Mises à jour en Gynécologie et Obstétri q u e

«Docteur, j ai la prostate!»

Connaissance et observance de la rééducation périnéale en grossesse

Les hauts et les bas de l énurésie nocturne

PRISE EN CHARGE DE L INCONTINENCE URINAIRE DE LA FEMME EN MÉDECINE GÉNÉRALE

Juillet Vessie et intestin

Le guide du bon usage des médicaments

Vertiges et étourdissements :

PRISE EN CHARGE DES DOULEURS DU POST-PARTUM ET DES DOULEURS POST-CHIRURGICALES MARTINE CORNILLET-BERNARD

Carte de soins et d urgence

phase de destruction et d'élimination de débris

Le reflux gastro-oesophagien (280) Professeur Jacques FOURNET Avril 2003

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

QUI PEUT CONTRACTER LA FA?

Les personnes âgées et le système de santé : quelles sont les répercussions des multiples affections chroniques?

Bien vous soigner. avec des médicaments disponibles sans ordonnance. juin Douleur. de l adulte

Terminologie des troubles fonctionnels du bas appareil urinaire : adaptation française de la

L INCONTINENCE URINAIRE : conséquences

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE AVIS DE LA COMMISSION. 10 octobre 2001

Campagne nationale pour l élimination des fistules obstétricales en Mauritanie

urinaire féminine à l effort de la femme

Placebo Effet Placebo. Pr Claire Le Jeunne Hôtel Dieu- Médecine Interne et Thérapeutique Faculté de Médecine Paris Descartes

Notice : information de l utilisateur. Vesicare 5 mg, comprimés pelliculés Vesicare 10 mg, comprimés pelliculés succinate de solifénacine

Incontinence urinaire du post-partum : l évoquer dans la consultation suivant l accouchement

INTERVENTIONS CHIRURGICALES EN GYNÉCOLOGIE

QU EST-CE QUE LA PROPHYLAXIE?

SONDAGE AUPRÈS DES INFIRMIÈRES

Traiter la goutte sans être débordé

GUIDE D INFORMATIONS A LA PREVENTION DE L INSUFFISANCE RENALE

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

Incontinence urinaire de la femme

UNIVERSITÉ DE GENÈVE Antenne santé 4, rue De-Candolle Arrêter, c est possible!

Les troubles non moteurs de la maladie de Parkinson. Comprendre la maladie de Parkinson

EXAMEN CLINIQUE D UN TROUBLE DE LA STATIQUE PELVIENNE

Migraine et Abus de Médicaments

Algorithme d utilisation des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)

Prostate Une petite glande de grande importance

chronique La maladie rénale Un risque pour bon nombre de vos patients Document destiné aux professionnels de santé

ACTUALITES THERAPEUTIQUES. Dr Sophie PITTION (CHU Nancy) Metz, le 2 Juin 2012

REEDUCATION DU POST-PARTUM

InfoPOEMs. CHAQUE MOIS, Le Médecin du Québec publie une sélection de résumés d articles de recherche provenant de la banque

ORDONNANCE COLLECTIVE

Plan. Introduction. Les Nouveaux Anticoagulants Oraux et le sujet âgé. Audit de prescription au Centre Hospitalier Geriatrique du Mont d Or

Accidents des anticoagulants

Avis 29 mai XYZALL 5 mg, comprimé B/14 (CIP : ) B/28 (CIP : ) Laboratoire UCB PHARMA SA.

UNE INTERVENTION CHIRURGICALE AU NIVEAU DU SEIN

EVALUATION DES TECHNOLOGIES DE SANTÉ ANALYSE MÉDICO-ÉCONOMIQUE. Efficacité et efficience des hypolipémiants Une analyse centrée sur les statines

N.-B. 18 à 34 24,3 28,1 20,1 24,4. 35 à 54 36,7 23,0 31,6 49,3 55 à 64 18,7 18,7 21,3 16,9 65 et plus 20,3 30,2 26,9 9,4

APPUIS-COUDES MOBILES POUR RÉDUIRE LE TRAVAIL STATIQUE DE LA CEINTURE SCAPULAIRE DU PERSONNEL DENTAIRE

I - CLASSIFICATION DU DIABETE SUCRE

Prise en charge de l embolie pulmonaire

les télésoins à domicile

Le rééducation Périnéale

PRINTEMPS MEDICAL DE BOURGOGNE ASSOCIATIONS ANTIAGREGANTS ET ANTICOAGULANTS : INDICATIONS ET CONTRE INDICATIONS

Étude comparative sur les salaires et les échelles salariales des professeurs d université. Version finale. Présentée au

ANNEXE IIIB NOTICE : INFORMATION DE L UTILISATEUR

citadoc Urologie a v r i l organe de communication intermédicale à l attention des médecins généralistes

Le dropéridol n est pas un traitement à considérer pour le traitement de la migraine à l urgence

1- Parmi les affirmations suivantes, quelles sont les réponses vraies :

WHA63.12 Disponibilité, innocuité et qualité des produits sanguins 4,5

Demande de règlement d invalidité de longue durée

INTERET PRATIQUE DU MDRD AU CHU DE RENNES

L opéré de PROSTATECTOMIE RADICALE TOTALE

LES SERVICES DES RESSOURCES HUMAINES

Certaines situations de trafic peuvent-elles provoquer un risque accru d hypoglycémie?

Un test Pap pourrait vous sauver la vie

Prise en charge de l incontinence urinaire de la femme en médecine générale. Argumentaire

Rééducation périnéologique dans les troubles de la statique pelvienne Indications et principes de rééducation JP. DENTZ Cds-Mk Paris

Transcription:

Une approche simplifiée du diagnostic et du traitement de l hyperactivité vésicale Jerzy B. Gajewski, M.D., FRCSC Professeur d urologie et de pharmacologie Université Dalhousie, Halifax, Nouvelle-Écosse Gary J. Gray, MSc, M.D. FRCSC Professeur adjoint, Service d urologie Université de l Alberta, Professeur adjoint Département d obstétrique et de gynécologie, Copyright Vente et distribution commerciale interdites Université de l Alberta Directeur médical, Service d urodynamique, Capital Health Region, Edmonton, Alberta Jeffrey Habert, M.D., CCFP, FCFP Chargé de cours, Faculté de médecine familiale et communautaire Université de Toronto Nader Habib, M.D. Médecin généraliste, Laval, Québec L utilisation non autorisée est prohibée. Les personnes autorisées peuvent télécharger, afficher, visualiser et imprimer une copie pour leur usage personnel Objectifs d apprentissage Reconnaître les obstacles au diagnostic et à la prise en charge de l hyperactivité vésicale (HV) Définir et identifier clairement l HV à partir de ses principaux symptômes Traiter l HV avec plus de confiance, depuis le moment où ce syndrome est détecté et diagnostiqué pour la première fois jusqu au moment d adresser le patient à un spécialiste, lorsqu il y a lieu Comprendre l HV et déterminer les obstacles au diagnostic et au traitement L hyperactivité vésicale (HV), que l International Continence Society et le Comité des recommandations de l Association des urologues du Canada définissent comme «une impériosité, avec ou sans incontinence par impériosité, habituellement accompagnée de pollakiurie et de nycturie», est un syndrome reflétant des symptômes du bas appareil urinaire; voir le Tableau 1 1,2. L urgence mictionnelle (ou impériosité) a été reconnue comme étant le principal symptôme d HV; sa définition est la suivante : «une envie soudaine et irrépressible d uriner» 1,3. Chez les patients atteints d HV, cette impériosité peut aussi engendrer d autres symptômes urinaires en augmentant la fréquence mictionnelle (plus de 8 mictions par jour) et en réduisant le volume des mictions, et peut entraîner de manière indirecte une nycturie et une incontinence 3. D après sa définition, l HV peut survenir avec ou sans incontinence par impériosité, terme qui désigne une «fuite involontaire accompagnée ou immédiatement précédée d une urgence mictionnelle». Cependant, il est important de distinguer l hyperactivité vésicale de l incontinence urinaire d effort et de l incontinence urinaire mixte (Tableau 2). Pour exclure l incontinence urinaire d effort, on pourra effectuer un test d effort à la toux. Au Canada, les estimations de prévalence les plus récentes indiquent que la majorité (62 à 75 %) des patients concernés présentent une HV sans incontinence plutôt qu avec incontinence 5,6. La prévalence des symptômes du bas appareil urinaire, et de l HV en particulier, augmente avec l âge. En conséquence, la prévalence de l HV devrait augmenter au fur et à mesure que les baby-boomers canadiens prennent de l âge. Les estimations de la prévalence actuelle chez les Canadiens varient entre 11 et 18 %, et les pourcentages Clinicien plus juin 2012 31

Tableau 1 Catégories de symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) Symptômes de la phase de remplissage Urgence mictionnelle Pollakiurie Incontinence Nycturie Symptômes du bas appareil urinaire (SBAU) évoquant une hyperactivité vésicale (HV) Symptômes de la phase mictionnelle Jet faible Jet intermittent Miction par poussée Jet hésitant Gouttes terminales (miction traînante) observés sont similaires chez les hommes et les femmes 5-7. Cependant, chez les Canadiens de 60 ans ou plus, la prévalence estimée augmente pour atteindre environ 20 % 5-7, ce qui veut dire qu il est encore plus important de dépister et traiter cette affection dans cette population. Il s est avéré difficile d obtenir des estimations exactes pour de nombreuses raisons. Lorsqu on demande aux patients s ils ont un problème d activité vésicale ou de continence urinaire, rares sont ceux qui répondent par l affirmative; cependant, beaucoup donnent des réponses positives quand on les interroge à propos de symptômes précis 6. Cela pourrait être dû à un manque de connaissance des problèmes urinaires courants (considérés comme «une conséquence naturelle du vieillissement») ou à la gêne ressentie lorsqu il s agit d en parler 8. Toutefois, on a constaté que lorsqu un patient décide de consulter un médecin, Symptômes de la phase postmictionnelle Gouttes retardataires Sensation de vidange incomplète D après Corcos J et al. Can J Urol 2006; 13(3):3127-38. 1 il le fait pour des raisons précises telles que : l intensité des symptômes (42 %); la gêne ressentie ou l impact sur les activités (28 %); l inquiétude causée par les symptômes (22 %), en particulier la crainte qu ils n indiquent un autre problème de santé; et la persistance des symptômes (10 %) 9. Une étude a montré que, lorsqu un patient décide de consulter un praticien, il s agit de son médecin généraliste dans 84 % des cas 9 ; d où la nécessité que les généralistes soient disposés et aptes à diagnostiquer et traiter les symptômes du bas appareil urinaire. Les symptômes du bas appareil urinaire peuvent survenir, tant chez les hommes que chez les femmes, pour toutes sortes de raisons et, comme indiqué plus haut, ces symptômes sont eux-mêmes variés. Comme les symptômes de l HV peuvent être similaires à ceux observés dans d autres affections, il est important de bien faire la distinction entre les syndromes pour assurer un traitement adéquat (voir le Tableau 3). L HV et la cystite interstitielle (CI) peuvent entraîner des symptômes similaires, notamment l urgence mictionnelle, la pollakiurie et la nycturie, en l absence d infection bactérienne ou de toute autre pathologie identifiable. Le principal critère de distinction entre les deux est la douleur. En conséquence, lorsqu un patient présentant des symptômes d HV réfractaires au traitement se plaint aussi de douleurs pelviennes, il est particulièrement important d envisager un diagnostic de cystite interstitielle 15. Chez les hommes âgés présentant des taux élevés d antigène prostatique spécifique (APS), il est également important de procéder à un dépistage du cancer de la prostate, cette affection pouvant causer des symptômes semblables à ceux de l HV. En outre, chez les hommes, on a souvent tendance à associer les symptômes du bas appareil urinaire à un trouble de la prostate. Pourtant, environ 50 % des hommes présentant ce type de symptômes n ont aucune obstruction sous-vésicale (OSV) 16. En dépit du nombre élevé d hommes présentant seulement des symptômes de la phase de remplissage, sans aucun des symptômes de la phase mictionnelle généralement associés à une hypertrophie de la prostate, moins d un quart des hommes reçoivent un traitement pour l HV 7,17-19. Alors que la plupart des médecins généralistes s accordent à dire que l hyperactivité vésicale est un problème de santé important, il n y a toujours pas de consensus sur la manière optimale de la prendre en charge. Plus 32 Clinicien plus juin 2012

Tableau 2 Diagnostics différentiels de l hyperactivité vésicale Incontinence Incontinence Symptôme initial HV urinaire d effort urinaire mixte Urgence mictionnelle Oui Non Oui Pollakiurie avec urgence mictionnelle (> 8 fois/24 h) Oui Non Oui Fuite lors d un effort physique, comme lors d une toux, Non Oui Oui d un éternuement, du levage d un objet, etc. D après Kirby M. Int J Clin Pract 2006; 60(2):184-9. 4 Tableau 3 Diagnostic différentiel des symptômes urinaires Cancer HBP Symptômes HV de la vessie (hommes) IVU Urgence mictionnelle Oui Occasionnellement Oui Oui Pollakiurie Oui Occasionnellement Oui Oui Sensation de vidange incomplète Non Non Oui Non Jet faible Non Non Oui Non Jet hésitant ou miction par poussée Non Non Oui Occasionnellement Taux d APS élevé Non Non Occasionnellement Souvent Douleur Non Occasionnellement Non Oui Dysurie Non Occasionnellement Non Oui Pyurie Non Rare Non Oui Hématurie Non Oui Rare Généralement microscopique D après: Nitti V, Taneja S. Int J Clin Pract 2005; 59:825-30; Nicolle LE. Chapter 127, In: Hazzard s Geriatric Medicine and Gerontology. 2011; Cornett PA, Dea TO. Chapter 39, In: CURRENT Medical Diagnosis & Treatment 2012, 2011; Réseau Cancer de la prostate Canada : symptômes du cancer de la prostate; Réseau Cancer de la prostate Canada, États non-cancéreux : hyperplasie bégnine de la prostate 10-14. exactement, leurs connaissances, leurs attitudes, leurs pratiques et leur niveau de confiance face à l HV accusent de fortes fluctuations 1. Bien qu il existe des signes ou «signaux d alarme» indiquant à quel moment il conviendrait d adresser le patient à un urologue, la majorité des patients atteints d HV ne constituent pas un groupe «à risque» et peuvent être traités par un généraliste. Cette publication a pour objet de proposer aux généralistes une méthode simplifiée pour le diagnostic et le traitement de l HV, afin de les aider à la prendre en charge avec plus de confiance et à déterminer dans quels cas il convient d adresser le patient à un spécialiste («signaux d alarme»). Améliorer la méthode de prise en charge de l HV En règle générale, l anamnèse, l examen clinique et les analyses d urine permettent au médecin généraliste d établir un diagnostic d HV. La méthode de prise en charge proposée (Figures 1 et 2) énumère les étapes importantes de l évaluation, du traitement et du suivi de l HV, ainsi que les «signaux d alarme» indiquant à quel moment il conviendrait d adresser le patient à un urologue. Pour les généralistes, aborder le sujet de l hyperactivité vésicale et des symptômes urinaires lors des visites de routine est l un des meilleurs moyens d aider les patients. Une analyse documentaire récente indique que les généralistes n interrogent pas leurs patients de manière systématique et explicite sur d éventuels symptômes du bas appareil urinaire 9,20-22. Comme les patients peuvent être mal informés sur ce sujet ou être trop gênés pour l aborder eux-mêmes, il est important que le médecin lance lui-même la conversation sur cette question pour qu ils se sentent plus à l aise et plus enclins à Clinicien plus juin 2012 33

Figure 1 Algorithme de diagnostic de l HV Fumeur avec hématurie Antécédents d infections récurrentes et compliquées de l appareil urinaire Symptômes marqués d obstruction sous-vésicale Douleurs liées à la vessie ANAMNÈSE Âge Antécédents médicaux Durée et gravité des symptômes Ampleur de la gêne et de l effet sur les activités de la vie quotidienne Habitudes hygiéno-diététiques, notamment en matière d apport liquidien Association avec d autres symptômes des phases de remplissage et de miction Traitements chirurgicaux antérieurs Douleur vésicale ou pelvienne EXAMEN CLINIQUE abdominales, pelviennes et périnéales (avec examen par toucher rectal s il y a lieu) Évaluation de la contraction volontaire des muscles du plancher pelvien Test d effort à la toux pour distinguer une incontinence urinaire d effort, s il y a lieu Hématurie (macroscopique) RPM élevé (> 200 cm 3 ) Taux d APS élevé Uroculture positive avec infection compliquée BILANS Recommandation standard : Analyses d urine et uroculture facultatives : Mesure du résidu post-mictionnel (RPM) Taux d APS, s il y a lieu Analyses de sang, si indiquées DIAGNOSTIC DE L HV L International Continence Society et le Comité des recommandations de l Association des urologues du Canada définissent l HV comme «une urgence mictionnelle (impériosité, urgenturie) avec ou sans incontinence par impériosité (urgenturie), habituellement associée à une pollakiurie et à une nycturie». 34 Clinicien plus juin 2012

Figure 2 Algorithme de prise en charge de l HV Rétention urinaire Gastroparésie, rétention gastrique OPTIONS THÉRAPEUTIQUES Mesures hygiéno-diététiques et rééducation Apport liquidien, miction programmée (à heures fixes), rééducation vésicale, exercices de Kegel Antimuscariniques - Toltérodine - Solifénacine - Oxybutynine - Darifénacine - Chlorure de trospium - Fésotérodine VISITES DE SUIVI AU CABINET DE CONSULTATION RPM élevé, signes de rétention urinaire aiguë (RUA) Pas de réponse à 2 traitements ou plus Évaluer 4 à 8 semaines après l instauration du traitement Symptômes bien maîtrisés; médicament bien toléré Symptômes insuffisamment maîtrisés ou médicament mal toléré Poursuivre le traitement avec des réévaluations périodiques Ajuster la posologie, ou envisager de passer à un autre agent Réévaluer après 4 à 8 semaines En l absence d amélioration après le changement d agent, adresser à un spécialiste Clinicien plus juin 2012 35

Tableau 4 Agents antimuscariniques actuellement disponibles Dénomination Succinate Chlorure L-tartrate de commune de solifénacine Darifénacine de trospium toltérodine LP Fésotérodine Dénomination Vesicare Enablex Trosec Detrol LA Toviaz commerciale Présentations Comprimés à Comprimés à Comprimés à Gélules Comprimés à 5 et 10 mg 7,5 et 15 mg 20 mg à 2 et 4 mg 4 et 8 mg Posologie 5 ou 10 mg/j 7,5 ou 15 mg/j 20 mg 2x/j 4 mg/j (peut être 4 ou 8 mg/j (dès la fin de la (au moins 1 h ramené à 2 mg/j deuxième semaine avant les repas si mal toléré) de traitement) ou à jeun) D après les monographies des différents produits 26-35. demander de l aide si les symptômes venaient à survenir 23. Voici trois questions exploratoires à poser à vos patients pour déterminer s ils sont atteints d HV : (1) «Avez-vous des problèmes de vessie?»; (2) «Avez-vous des fuites d urine quand vous toussez, éternuez ou riez?»; (3) «Avez-vous souvent besoin d uriner de façon urgente?». Le médecin peut également demander au patient de compléter l énoncé «Ma vessie est une source de problèmes parce que» afin de déterminer exactement ce qui l incommode. Il est aussi important de connaître la durée et l intensité des symptômes, et leur effet sur la qualité de vie. Ces questions, ainsi qu une évaluation de l apport liquidien journalier (car la consommation d alcool et de caféine peut contribuer aux symptômes), peuvent aider à déterminer quels patients pourraient être atteints d HV et nécessiter un examen plus approfondi. Pour exclure les autres causes possibles des symptômes, un examen clinique et des analyses d urine s imposent. Tous les patients doivent faire l objet d un examen abdominal, pelvien et périnéal, et toute douleur pelvienne inexpliquée doit conduire à adresser le patient à un spécialiste. La présence d hématurie macroscopique (sang visible à l œil nu dans les urines) peut être un signe d infection, de cancer de la vessie ou de calculs rénaux. En règle générale, tout patient présentant un jet faible et hésitant accompagné d hématurie, de dysurie (douleur) et d une uroculture positive doit être adressé à un urologue. Il en va de même des patients présentant des antécédents d infections récurrentes et compliquées du bas appareil urinaire. Chez les hommes, il faut procéder à un examen par toucher rectal (TR) pour s assurer de l absence d hypertrophie pouvant indiquer la présence d une hyperplasie bénigne de la prostate (HBP). En cas de gonflement anormal de la prostate pouvant laisser soupçonner un adénome prostatique, le patient doit être adressé à un spécialiste. De plus, chez les hommes en particulier, il est important de déterminer si le patient présente des symptômes de la phase mictionnelle en plus de ceux de la phase de remplissage (Tableau 1), car cela pourrait indiquer une obstruction sous-vésicale (OSV). Des symptômes marqués d obstruction sous-vésicale pourraient indiquer une rétention urinaire aiguë (RUA). Si le patient éprouve une sensation de vidange vésicale incomplète, il faut mesurer le volume du résidu post-mictionnel (RPM) et l adresser à un spécialiste s il y a lieu (en cas de RPM supérieur à 200 ml). Par ailleurs, les patients présentant un résidu post-mictionnel de volume très élevé ne doivent pas prendre d agents antimuscariniques. Une fois le diagnostic d HV établi, on peut déterminer une stratégie de prise en charge appropriée. Les recommandations canadiennes relatives à l incontinence urinaire préconisent d envisager des mesures hygiénodiététiques avec le patient 1,24. Les symptômes peuvent être réduits par exemple en limitant l apport liquidien et en éliminant ou diminuant la consommation d alcool et de caféine. On pourra aussi recourir à la rééducation vésicale ou à la miction programmée (à heures fixes) pour réduire la fréquence des accidents, et enseigner la pratique 36 Clinicien plus juin 2012

Chlorure Chlorure Chlorure Oxybutynine Oxybutynine d oxybutynine LP d oxybutynine LC d oxybutynine gel transdermique Ditropan (génériques) Ditropan XL Uromax Gelnique Oxytrol Comprimés à 2,5 et Comprimés à Comprimés à Gel à 10 % (100 mg de Timbre à 36 mg 5 mg ou liquide 5 et 10 mg 5, 10 et 15 mg chlorure d oxybutynine) (3,9 mg/j) 4 administrations 5 ou 10 mg/j 10 ou 15 mg/j 1 sachet (100 mg) par 1 timbre tous les par jour (jusqu à 30 mg/j (ajustable à la hausse jour avec rotation des 3 à 4 jours (20 mg/j max) si bien toléré) ou à la baisse jusqu à sites 20 mg max.) des exercices de Kegel. Ces mesures hygiéno-diététiques se sont avérées globalement efficace 24,25. Cependant, si ces mesures s avèrent insuffisantes pour satisfaire le patient ou si une prise en charge plus énergique s impose, on pourra également proposer des traitements pharmacologiques 1,16,19,24. La prise d agents antimuscariniques est le plus courant des traitements de l HV. Tous les antimuscariniques exercent un effet clinique en bloquant les récepteurs au niveau du muscle vésical (le détrusor). Néanmoins, certains sont significativement plus sélectifs que d autres. Les antimuscariniques classiques sont l oxybutynine et la toltérodine. De nouveaux agents ont récemment été approuvés au Canada : la solifénacine, la darifénacine, le chlorure de trospium, le chlorure d oxybutynine CR, la fésotérodine, et l oxybutynine sous forme de gel et de timbre transdermique (Tableau 4). Il est souvent difficile d optimiser la prise en charge de l HV, en raison des effets secondaires imputables au profil de sélectivité vésicale de chaque agent. Les récepteurs muscariniques se situent non seulement dans la vessie, mais également dans les glandes salivaires et l appareil gastro-intestinal (GI). Par conséquent, la mesure dans laquelle chaque agent antimuscarinique bloque ces récepteurs périphériques est souvent reflétée par une augmentation d effets secondaires tels que sécheresse buccale et constipation. Certains agents plus anciens ne présentent aucune affinité sélective pour les récepteurs vésicaux spécifiques; ils stimulent plutôt tout ou partie des récepteurs muscariniques d autres systèmes ou appareils de l organisme. De nouveaux agents, notamment la solifénacine, ont manifesté une sélectivité pour la vessie plutôt que pour les glandes salivaires, que ce soit lors d essais in vitro ou in vivo, dans une proportion significativement plus importante que celle dont fait preuve l oxybutynine, la toltérodine et la darifénacine 32. C est en raison de cet avantage spécifique au niveau de la vessie que les nouveaux agents antimuscariniques bénéficient souvent de la préférence des cliniciens. Le choix d un traitement particulier pour l HV peut être délicat. Avec les antimuscariniques, il est très important d évaluer l efficacité du traitement et la tolérance à celui-ci, car ces paramètres varient beaucoup d un patient à l autre. Il est essentiel d essayer de trouver l agent dont les caractéristiques correspondent le mieux aux symptômes du patient. Par conséquent, la prise en charge optimale passe par une visite de suivi destinée à évaluer l efficacité du traitement et la tolérance du patient à celui-ci. Idéalement, une première évaluation du traitement devrait se faire au bout de 4 à 6 semaines, car les effets maximums peuvent prendre au moins 4 semaines pour se manifester. Les conclusions d une enquête montrent qu environ 25 % des patients avaient arrêté de prendre leur médicament pour l HV au cours des 12 mois précédents, principalement parce que celui-ci «n avait pas l effet attendu» (45 %) 36. Par conséquent, outre la surveillance de l efficacité et de la tolérance au cours du suivi, il est important de modérer les attentes des patients avant le traitement pour qu ils puissent en tirer tous les bénéfices espérés. Si le médicament est bien Clinicien plus juin 2012 37

toléré mais ne réduit pas suffisamment les symptômes d HV, un ajustement posologique est possible. Toutefois, si le traitement est mal toléré, il faudra recommander un autre agent. Lorsqu un patient ne répond pas bien à deux antimuscariniques différents, il doit être réévalué ou adressé à un spécialiste. Comme indiqué plus haut, les antimuscariniques sont relativement peu prescrits aux hommes présentant des symptômes d HV. Cela est dû en grande partie à l idée que ces agents pourraient causer une rétention urinaire aiguë (RUA) 37. Cependant, un article publié récemment a montré qu il n y avait pas d augmentation importante du risque de RUA associée à la prise d antimuscariniques 38. En outre, une méta-analyse a fait état d une incidence de RUA de 1,1 % chez les patients atteints d HV traités par antimuscariniques, contre 0,2 % pour ceux qui recevaient un placebo 39. Il est recommandé de surveiller les patients de sexe masculin après l instauration du traitement pour s assurer qu il n entraîne pas une élévation importante du volume des RPM. Si le patient éprouve une sensation désagréable, des ballonnements ou une douleur intense au bas ventre ou une envie d uriner persistante sans parvenir à la miction, il est fortement recommandé de l adresser à un spécialiste. Il est toutefois important de se rappeler que le traitement des symptômes d hyperactivité vésicale par agent antimuscarinique a été étudié tant chez les hommes que chez les femmes, et que son efficacité et son innocuité se sont avérées similaires entre les deux sexes 40-43. Conclusions L hyperactivité vésicale devrait toucher environ 546 millions de personnes dans le monde d ici 2018 44. Il est donc important que les généralistes dépistent, évaluent et traitent cette affection, de manière à ce qu elle ne passe pas inaperçue et que les patients ne continuent pas à vivre avec ses symptômes incommodants 45. Dans la plupart des cas, les généralistes peuvent assurer la prise en charge initiale de l HV chez les patients des deux sexes. Le diagnostic d HV peut s établir avec confiance et sans difficulté à partir d une anamnèse orientée, d un examen physique et d analyses d urines permettant d exclure les autres diagnostics. En utilisant la méthode proposée, il est possible d entreprendre la prise en charge de l HV sans adresser le patient à un urologue si on juge qu une telle approche est justifiée, et de l intégrer facilement et simplement à ses visites de routine. L élaboration de cet article a été financée par une subvention éducative d Astellas Pharma Canada, Inc. Les auteurs bénéficiaient d une indépendance éditoriale complète pour le développement de cet article et sont responsables de son exactitude. Le commanditaire n a exercé aucune influence sur la sélection du contenu ou du matériel publié. Références : 1. Corcos J, Gajewski J, Heritz D, et al. Can J Urol. 2006;13(3):3127-38. 2. Abrams P, Cardozo L, Fall M, et al. Neurourol Urodyn. 2002;21(2):167-78. 3. Chapple CR, Artibani W, Cardozo LD, et al. BJU Int. 2005;95(3) :335-40. 4. Kirby M. Int J Clin Pract. 2006;60(2):184-9. 5. Corcos J, Schick E. Can J Urol. 2004;11(3):2278-2284. 6. Herschorn S, Gajewski J, Schulz J, et al. BJU Int. 2008;101(1):52-8. 7. Irwin DE, Milsom I, Hunskaar S, et al. Eur Urol. 2006;50(6):1306-14. 8. Elstad EA, Taubenberger SP, Botelho EM, et al. J Adv Nurs. 2010;66(11):2460-70. 9. Welch LC, Taubenberger SP, Tennstedt SL, et al. Res Nurs Health. 2011;34(6):496-507. 10. Nitti V, Taneja S. Int J Clin Pract. 2005;59:825-830. 11. Nicolle LE. Chapter 127, In: Hazzard s Geriatric Medicine and Gerontology, 2011. 12. Cornett PA, Dea TO. Chapter 39, In: CURRENT Medical Diagnosis & Treatment 2012, 2011. 13. Réseau Cancer de la prostate Canada : symptômes du cancer de la prostate. Disponible à l adresse http://www.prostatecancer.ca/pccn/prostate- Cancer/What-is-Prostate-Cancer-/symptoms?lang=fr- FR. [Site consulté en mars 2012]. 14. Cancer de la prostate Canada, États non cancéreux : hyperplasie bégnine de la prostate. Disponible à l adresse http://www.prostatecancer.ca/prostate-cancer/about- the-prostate/non-cancerous-prostate- Conditions?lang=fr-FR. [Site consulté en mars 2012]. 15. MacDiarmid SA, Sand PK. Rev Urol. 2007;9(1):9-16. 16. Chapple C, et al. National Clinical Guideline Centre. The management of lower urinary tract symptoms in men. 2010. 17. Morant SV, Reilly K, Bloomfield GA, et al. Int J Clin Pract. 2008;62(5):688-94. 18. Helfand BT, Evans RM, McVary KT. Eur Urol. 2010;57(4):586-91. 19. Oelke M, Burger M, Castro-Diaz D, et al. BJU Int. 2011 Dec 7. [Cyberimpression avant publication]. 20. Shaw C, Atwell C, Wood F, et al. Fam Pract. 2007;24(5):461-7. 21. Smith AL, Nissim HA, Le TX, et al. Urology. 2011;77(1) :55-9. 22. Wagner TH, Subak LL. JAMA. 2010;303(21):2184-5. 23. Botelho EM, Elstad EA, Taubenberger SP, et al. Qual Health Res. 2011;21(9):1229-38. 24. Robert M, Ross S, et al. JOGC. 2006;186:1113-8. 25. Wyman JF, Burgio KL, Newman DK. Int J Clin Pract. 2009;63(8):1177-91. 26. Monographie d Oxybutynin, Valeant Canada Limitée, 2004. 27. Monographie de Ditropan XL, Janssen Inc., 2011. 28. Monographie d Uromax, Purdue Pharma, 2010. 29. Monographie de Gelnique, Watson Laboratories, Inc., 2011. 30. Monographie d Oxytrol, Watson Laboratories, Inc., 2004. 31. Monographie de Detrol LA, Pfizer Canada Inc., 2011. 32. Monographie de Vesicare, Astellas Canada Inc., 2011. 33. Monographie de Trosec, Sunovion Pharmaceuticals Canada Inc., 2011. 34. Monographie d Enablex, Novartis Pharma Canada Inc., 2011. 35. Monographie de Toviaz, Pfizer Canada Inc., 2012. 36. Schabert VF, Bavendam T, Goldberg EL, et al. Am J Manag Care. 2009;15(4 Suppl):S118-22. 37. Epstein BJ, Gums JG, Molina E. Am Fam Physician. 2006;74(12):2061-8. 38. Chapple C. Can Urol Assoc J. 2011;5(5 Suppl 2): S143-5. 39. Chapple CR, Khullar V, Gabriel Z, et al. Eur Urol. 2008;54(3):543-62. 40. Chapple C, et al. SIU 2007. Poster MP-10.15 41. Elinoff V, et al. Int J Clin Pract 2006; 60(6):745-751. 42. Kaplan S, et al. Urol 2006; 68:328-332. 43. Kaplan S, et al. The Aging Male 2010;13(2):100-107. 44. Irwin DE, Kopp ZS, Agatep B, et al. BJU Int. 2011;108(7):1132-8. 45. Vaughan CP, Johnson TM 2nd, Ala-Lipasti MA, et al. Eur Urol. 2011;59(4):629-36. 38 Clinicien plus juin 2012