MODULE IMMUNOLOGIE : TRANSPLANTATION RÉPONSE ALLOGÉNIQUE BASES IMMUNOLOGIQUES DU TRAITEMENT PIERRE MERVILLE CHU BORDEAUX - UNIVERSITÉ BORDEAUX SEGALEN UMR-CNRS 5164
PLAN 1. Particularités de la réponse allo-immune Généralités sur la transplantation Mécanismes de reconnaissance Cellules allo-réactives 2. Les différentes étapes de la réponse allo-immune et leur contrôle Activation de l immunité innée Migration des cellules présentatrices de l antigène Reconnaissance / Activation Migration des lymphocytes Phase Effectrice Bases immunologiques du traitement 3. Les différentes formes de rejet aigu A médiation cellulaire A médiation humorale
PRISE EN CHARGE DE L IRC TERMINALE
SURVIE : DIALYSE VERSUS GREFFE TxR : 23,000 HD : 46,000 NEJM, 1999
SURVIE GLOBALE DU GREFFON RÉNAL 65 % à 10 ans Rapport Agence de Biomédecine
EVOLUTION DU NOMBRE DE PRÉLÈVEMENTS ET DE GREFFES EN FRANCE Les greffons disponibles couvrent 30 % des besoins Rapport Agence de Biomédecine
COÛT DE L INSUFFISANCE RÉNALE CHRONIQUE TERMINALE EN FRANCE Prise en charge de l IRCT en France = 4 milliards d euros par an Répartition : Hémodialyse : 74 % (3 milliards euros) Transplantation : 18 % Dialyse péritonéale : 8 % Taux d inscription faible sur la liste : 18 % seulement Entre 40-59 ans : 53 % seulement des dialysés sont inscrits Varie entre 4 % et 24 % d une région à l autre Blotière P et al. Coût de la prise en charge de l IRCT en France en 2007 et impact potentiel d une augmentation du recours à la dialyse péritonéale et à la greffe. Nephrol Ther. 2010 ;6 : 240-2
QUELQUES DÉFINITIONS Immunologie de transplantation Correspond à la séquence d évènements qui survient après qu une allogreffe ou une xénogreffe a été prélevée chez le donneur puis greffée au receveur Greffe et Transplantation : Transplantation : Rétablissement de la continuité vasculaire Greffe : Tissu sans anastomoses vasculaires Caractéristiques immunologiques de la greffe Syngénique : donneur et receveur génétiquement identiques Allogénique : donneur et receveur génétiquement différents appartenant à la même espèce Xénogénique : donneur et receveur ne sont pas de la même espèce Localisation Orthotopique si l organe est implanté chez le receveur dans la position anatomique de l organe suppléé Hétérotopique en cas contraire
SITE ANATOMIQUE DE LA TRANSPLANTATION Transplantation rénale hétérotopique Transplantation hépatique orthototopique
MÉCANISMES DE RECONNAISSANCE DES ALLO-ANTIGÈNES Directe (Reconnaissance par le LT du receveur d une molécule du CMH intacte présente sur une CPA du donneur ) Indirecte (La molécule CMH du donneur est apprêtée et présentée au LT du receveur par une CPA du receveur) Rejet Aigu Rejet Chronique / Tolérance 10
CELLULES ALLO-RÉACTIVES Fréquence importante des clones allo-réactifs : 1 à 5 % en dehors d une sensibilisation préalable versus 10-5 à 10-6 pour un Ag de l environnement Réaction forte : Fréquence +++ Fortes réponse prolifératives in vitro (réaction mixte lymphocytaire) Difficultés de quantification en pratique clinique
IMPACT DE L ALLO-RÉACTIVITÉ SUR LA FONCTION DU GREFFON Une réponse T mémoire en reconnaissance directe contre le donneur est inversement corrélée à la fonction rénale (mais pas en reconnaissance indirecte stimulation avec des membranes cellulaires du donneur) Poggio E D et al. JASN 2004;15:1952-1960
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO- IMMUNE APC=antigen-presenting cell. Abbas AK, et al. Cellular and Molecular Immunology. 5th ed. Philadelphia, PA: Elsevier Saunders; 2005. 13
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO-IMMUNE * Activation de l immunité innée * Migration des CPAs * Reconnaissance / Activation * Migration des lymphocytes * Phase Effectrice
PLACE DE L IMMUNITÉ INNÉE Le système immunitaire est un réseau de défenses contre les agressions extérieures Trois niveaux de défenses: 1. Barrières naturelles 2. Immunité innée 3. Immunité adaptative Doan T, et al. In: Harvey RA, et al., eds. Lippincott's Illustrated Reviews: Immunology. Philadelphia, PA: Lippincott Williams & Wilkins; 2008:3 11. 15
UNE TRANSPLANTATION D ORGANE DÉBUTE MAL EN GÉNÉRAL ISCHEMIE REPERFUSION
ISCHÉMIE-REPERFUSION ET RÉCEPTEURS TOLL DAMP, danger-associated molecular pattern PAMP, pathogen-associated molecular pattern Endogenous Ligands (DAMPs) Heat shock proteins Hyaluronans Uromodulin HMGB1 Pathogen Products (PAMPs) TLR6 Diacyl lipopeptides TLR2 Triacyl lipopeptides TLR1 TLR2 Bacterial LPS TLR4 MD2 17
ISCHÉMIE-REPERFUSION ET RECEPTEURS TOLL Les TLR (notammenttlr4 au niveau rénal) apparaissent actuellement comme des acteurs importants de la réponse précoce à l agression tissulaire, liant ainsi l immunité innée à l immunité adaptative Leventhal JS and Schröppel B. Kidney Int 2012
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO-IMMUNE * Activation de l immunité innée * Migration des CPAs * Reconnaissance / Activation * Migration des lymphocytes * Phase Effectrice
MIGRATION DES CELLULES PRÉSENTATRICES DE L ANTIGÈNE Halloran PF NEJM 2004;351:2715.
LES DIFFÉRENTES CELLULES PRÉSENTATRICES DES ANTIGÈNES Les différentes CPA ont des propriétés très variables de processing et présentation Lymphocytes B activés Macrophages Cellules dendritiques
LES SOUS-POPULATIONS DE CELLULES DENDRITIQUES Les CD myéloïdes résident dans les tissus, propriétés de capture d antigènes optimales et de présentation minimales, Les CD plasmacytoïdes résident dans les OLS propriétés de capture d antigènes minimales et de présentation optimales,
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO-IMMUNE * Activation de l immunité innée * Migration des CPAs * Reconnaissance / Activation * Migration des lymphocytes * Phase Effectrice
ACTIVATION LYMPHOCYTAIRE T TROIS SIGNAUX Halloran PF NEJM 2004;351:2715.
LE SIGNAL 1 ET SON INHIBITION
LE SIGNAL 2 ET SON INHIBITION T Lymphocyte + Signals - Signals? HSA VLA-4 VCAM-1 LFA-1 TRANCE 4-1BB HVEM OX40 CD40L CD3 LAG-3 CD28 CD2 ICOS? CTLA-4 PD-1 TcR CD4 ou CD8 ICAM -1 RANK 4 - IBBL LIGHT/BTLA 0X40L CD40 CMH I ou II B7.1 B7.2 CD58 ICOS L B7-H3 B7.1 B7.2 PDL-1 PDL-2 Integrins TNF-R Superfamily Dendritic cell Ig Superfamily CTLA4-Ig Abatacept; phase III in Rheumatoid Arthritis (BMS) Belatacept; Phase III in kidney transplantation (BMS) Anti-CD28 humanized anti-cd28; type I diabete, phase I (Diabetogen) Anti-CD40L SLE phase II; MS phase I (IDEC Pharmaceuticals) Allograft rejection phase II (Biogen (Antova) Anti-CD40 Advanced Multiple Myeloma, phase I (Chiron) RANKL Bone loss, phase III (Amgen) ICOS anti-icos in preclinical development (Millenium) 26
LE SIGNAL 3 ET SON INHIBITION
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO-IMMUNE * Activation de l immunité innée * Migration des CPAs * Reconnaissance / Activation * Migration des lymphocytes * Phase Effectrice
EXEMPLE DU FTY 720 FTY, inhibiteur des récepteurs sphingosine (S1R), accélère le homing des lymphocytes vers les OLS et supprime leur recirculation Les études de phase I-II montraient une efficacité dans la prévention du rejet aigu Son développement a été arrêté en transplantation mais poursuivi en auto-immunité (SEP)
LES DIFFÉRENTES ÉTAPES DE LA RÉPONSE ALLO-IMMUNE * Activation de l immunité innée * Migration des CPAs * Reconnaissance / Activation * Migration des lymphocytes * Phase Effectrice
LES CELLULES INFILTRANT L ALLOGREFFE Cellules infiltrant l allogreffe Lymphocytes T CD4 / CD8 ++++ NK Monocytes / Macrophages Lymphocytes B
PHASE EFFECTRICE DU REJET 32
LES CD8 : CELLULES EFFECTRICES DU REJET A MÉDIATION CELLULAIRE La cellule T cytotoxique peut détruire sa cible : Directement via l interaction Fas-Fas ligand qui enclenche la cascade des caspases conduisant à l apoptose Directement via la sécrétion de perforine et granzyme Indirectement via la production d IFNg et de TNF qui stimulent la phagocytose CD95 is also known as the Fas receptor. CTC=cytotoxic T cell; APC=antigen-presenting cell; TCR=T-cell receptor; MHC=major histocompatibility complex; IFN=interferon. Andersen M, et al. J Investig Dermatol 2006;126:32 41.
BASES IMMUNOLOGIQUES DU TRAITEMENT DIMINUER LA RÉACTION ALLOGÉNIQUE Inhiber la migration et/ou activation des cellules dendritiques ou bloquer l activation et la prolifération du lymphocyte T ou Détruire les Lymphocytes T ou Inhiber l infiltration du greffon par les cellules de l inflammation Combinaison des différents produits afin d obtenir une immunosuppression optimale et des effets secondaires aussi faibles que possible
CIBLES DES IMMUNOSUPPRESSEURS Premier signal : inhibition de la transcription de cytokines par les anticalcineurines et les corticoïdes Deuxième signal : interaction du belatacept avec B7 bloquant le signal de costimulation Troisième signal : blocage du signal de prolifération cellulaire par inhibition de l action de l IL2 sur son récepteur par les Ac anti-récepteurs de l IL2 et les inhibiteurs de mtor. Quatrième niveau d action : réduction du nombre de lymphocytes circulants par les Ac anti lymphocytaires et inhibition de leur prolifération par les inhibiteurs de la synthèse d acides nucléiques
LES DIFFÉRENTES FORMES DE REJET AIGU Rejet aigu cellulaire Rejet aigu humoral
PHASE EFFECTRICE: LES DIFFÉRENTS TYPES CLASSIQUES DE REJETS Rejet hyperaigu (<24h) Présence d anticorps avant la transplantation Anti-HLA Anti-ABO (anticorps dirigé contre autres alloantigènes non-hla : p.ex. anticorps antiendothélium) Rares si crossmatch et compatibilité ABO respectés Rejet hyperaigu retardé (>24h et <5jours) Réponse humorale anamnestique Rejet aigu (après 5 jours) Réponse cellulaire Réponse humorale Rejet chronique Réponse cellulaire Réponse humorale Souvent associé à des facteurs non allo-immuns (récidive de la maladie inititiale, toxicité, ) 37
REJET HYPERAIGU Survient dans les heures qui suivent la transplantation, Médié par des anticorps anti-hla préexistants Les Ac activent le complément (voie classique), ce qui entraine des lésions endothéliales responsables d une agrégation plaquettaire et formation de micro-thrombi, Facteurs de risques : grossesses, transfusions multiples, greffes antérieures Symptomes: anurie, douleur du greffon, fièvre La transplantectomie est habituellement nécessaire. Habituellement prévenu par le crossmatch Le rejet hyperaigu est très rare actuellement 38
LE REJET HYPERAIGU : MICRO-THROMBI Accumulation de plaquettes dans un capillaire glomérulaire (ME) Agrégation de GR et de fibrine Womer KL, et al. In: Feehally J et al, eds. Comprehensive Clinical Nephrology. 3rd ed. Philadelphia, PA: Mosby; 2007:1073 1082. 39
LE REJET AIGU Typiquement survient au cours des trois premiers mois, mais peut aussi survenir plus tardivement compliance, pronostic) Il peut être à médiation lymphocytaire T ou à médiation humorale Son incidence varie avec le traitement immunosuppresseur, entre 10 et 15 % Il va entrainer le plus souvent une dégradation aigue mais souvent cliniquement asymptomatique de la fonction rénale Il existe des formes infra-cliniques (biopsies protocolaires) Il est un facteur de risque d évolution vers une dysfonction chronique du greffon
EXEMPLE : REJET AIGU CELLULAIRE DE GRADE I Atteinte tubulo-interstitielle sans lésion vasculaire 41
REJET AIGU MÉDIÉ PAR LES ANTICORPS 20-30% des rejets aigus ont une composante humorale Liée à des DSA (donor-specific antibodies) préformés ou de novo En général survient au cours du premier mois La présence de DSA circulants et/ou du C4d, produit de l activation du complément se déposant au niveau des capillaires péri-tubulaires (CPT), sont nécessaires au diagnostic Les autres caractéristiques comportent : Infiltration par des neutrophiles des CPT Nécrose fibrinoide des vaisseaux 42
HISTOPATHOLOGIE DU REJET AIGU MÉDIÉ PAR LES ANTICORPS Oedème interstitiel, lésions tubulaires, infiltration par des neutrophiles et des cellules mononucléées des capillaires péri-tubulaires (CPT) Colvin RB. J Am Soc Nephrol 2007;18(4):1046 1056. 43
HISTOPATHOLOGIE DU REJET AIGU MÉDIÉ PAR LES ANTICORPS Fixation de C4d au niveau des CPT Colvin RB. J Am Soc Nephrol 2007;18(4):1046 1056. 44
D après A. Loupy DIAGNOSTIC DU REJET HUMORAL
EFFET DOSE ET MÉCANISME D ACTION DES ANTICORPS C1q C5-C9 C4d Bcl-xL Bcl-xL AHR (CDC) Mauiyyedi, JASN 2001 Lefaucheur, Am J Transplant 2007 SubAcute HR CD68 + glomerulitis (ADCC) Fahim, Am J Transplant 2007 Lefaucheur, Am J Transplant 2007 Accomodation Salama, Am J Transplant 2001 46
IMPACT DU REJET AIGU SUR LA SURVIE DU GREFFON N >28,000 patients, le moment du rejet aigu influence la survie du greffon Opelz G, et al. Transplantation 2008;85:661 666.
MAUVAIS PRONOSTIC DES LÉSIONS TARDIVES À MÉDIATION HUMORALE La présence de lésions tardives et de DSA est associée à une très mauvaise survie du greffon (TG : Transplant Glomerulopathy) TG- TG+ Actuellement, il n existe pas de traitement efficace Racusen et al, Kidney Int 1999; 55: 713 723. Cosio et al, Am J Transplant 2008; 8: 492 496
CONCLUSION La réponse allo-immune est une réaction complexe qui fait intervenir toutes les composantes de l immunité innée et adaptative, Peu d outils sont disponibles pour mesurer facilement la réponse immune ou le niveau d immunosuppression. Les meilleurs biomarqueurs actuels sont les DSA. Le diagnostic de rejet est histologique et immunologique Le traitement immunosuppresseur actuel permet un contrôle efficace de la réponse allogénique au prix de lourdes complications liées à l immunodépression induite. L induction d une tolérance spécifique chez l homme reste un objectif à atteindre.