Une stratégie structurée de financement des entreprises Partie 2 : La proposition de financement Par MARK EIKELAND, CGA Assembler les pièces du puzzle Utilisation et sources des fonds Garantie proposée Hypothèses financières et flux de trésorerie État des résultats normalisés Résumé Le présent texte est le deuxième d une série de trois articles de Mark Eikeland sur la finance d entreprise (financement stratégique) qui sont présentés sur le site du Reper. Dans le premier article de la série, nous avons mentionné qu aujourd hui le financement d une entreprise s apparente à l assemblage des pièces d un puzzle. Les pièces du jeu du financement sont les multiples options de financement et nouveaux prêteurs qui proposent des solutions nouvelles et novatrices. L évolution du marché du financement a vu naître une stratégie de financement appelée «financement mixte», utilisée actuellement avec succès par de nombreuses entreprises. Dans le premier article, nous avons présenté la stratégie. Nous expliquerons maintenant comment elle est utilisée et appliquée. Le financement mixte est particulièrement bien illustré dans la proposition de financement, une composante clé du plan d affaires. Tout comme on structure et adapte un curriculum vitæ en fonction du poste convoité, on doit aussi structurer et adapter la proposition de financement de façon à tenir compte des préférences des prêteurs visés et de leurs besoins en matière de garantie, et à satisfaire à ces exigences. En ce domaine, il est vraiment préférable de ne pas agir à l aveuglette. En fait, une stratégie structurée sera souvent l élément déterminant de l accueil d une proposition de financement. Assembler les pièces du puzzle Si le financement s apparente à un puzzle composé de nombreuses pièces, il est essentiel pour constituer le puzzle d établir une structure adéquate pour le programme de financement proposé. Tout plan d affaires qui suppose le recours à un financement doit comporter une proposition de financement. Cette proposition peut faire l objet d un document distinct ou être présentée comme une section distincte du plan d affaires. Cette section appelée le plan financier est un résumé des aspects financiers et constitue, habituellement, la dernière section du plan d affaires. Les hypothèses, les objectifs, les stratégies et les ressources disponibles dont il est question dans le plan d affaires y sont résumés et quantifiés. Il arrive trop souvent que la proposition de financement ne soit pas clairement identifiée, qu on considère qu elle est intégrée aux prévisions de trésorerie, ou qu elle soit dissimulée quelque part dans le plan d affaires et difficile à repérer. Un plan financier bien conçu comporte les composantes clés suivantes : 1) l utilisation et les sources des fonds; 2) la garantie proposée; 3) les hypothèses financières et les prévisions de trésorerie; 4) l état des résultats et les flux de trésorerie normalisés.
Utilisation et sources des fonds Utilisation des fonds Dans cette section, les stratégies exposées dans le plan d affaires sont résumées et quantifiées. Le coût des stocks, des biens d équipement, des achats d actifs, des acquisitions, du refinancement, du fonds de roulement et autres éléments additionnels sont identifiés et quantifiés. Dans l exemple présenté ci-après, on indique clairement les éléments clés décrits dans le plan d affaires auxquels les fonds seront affectés, de façon à déterminer le montant total des fonds nécessaires à la mise en œuvre du plan d affaires. Utilisation des fonds : Achat de biens d équipement $ Stocks et comptes clients Fonds de roulement Achat de biens immobiliers Améliorations locatives Total $ Sources des fonds Stratégie axée sur un financement mixte Le temps est révolu où une banque constituait la seule source de fonds et répondait à tous les besoins de financement d une entreprise. Aujourd hui, il existe ce que l on appelle le financement mixte. Une stratégie axée sur un financement mixte suppose le recours à plusieurs prêteurs ou à des prêteurs-créneaux qui comblent le «manque à financer» du programme de financement. Dans le cadre de cette stratégie, il faut déterminer l utilisation qui sera faite des fonds et trouver les produits et les bailleurs de fonds les plus appropriés dans les circonstances. Cette étape est la partie fondamentale du processus d élaboration de la proposition de financement. Les nombreuses sources de financement possibles sont identifiées et évaluées. Comme il arrive souvent à ce stade que les clients s enlisent, c est l occasion pour les comptables d ajouter une valeur réelle au processus de préparation du plan d affaires de leur client. L exemple qui suit n est pas exhaustif; il vise essentiellement à illustrer le point de départ de l application de la stratégie axée sur un financement mixte. Les quatre étapes décrites ci-après consistent à identifier et à rapprocher les éléments suivants : l objet et le produit; le produit et l actif; l actif et le prêteur; le prêteur et le secteur. L objet et le produit Dans cet exemple, les produits les plus appropriés de financement des comptes clients et des stocks peuvent comprendre les sources suivantes : la ligne de crédit d exploitation; l affacturage ponctuel; l affacturage intégral; le financement des commandes. La proposition de financement 2
Les produits suivants figurent parmi les plus appropriés pour le financement de l achat de biens d équipement : contrat de location-exploitation; contrat de location-acquisition; prêt à terme; prêt destiné à l amélioration d entreprise (Loi sur le financement des petites entreprises du Canada); vente avec réserve de propriété. Le produit et l actif Cette étape concerne la garantie et la nécessité de proposer une garantie appropriée. Il est possible d obtenir une ligne de crédit d exploitation assortie d une sûreté constituée sur les comptes clients ou les stocks, ou une ligne de crédit non garantie qui constitue un financement complémentaire. Une facilité d affacturage continue peut être assortie d une sûreté constituée sur la totalité des comptes clients d une société, ou sur une facture ou des clients précis. Le financement d une commande est généralement accordé en fonction de la solvabilité d un client précis. Il arrive très souvent lors des démarrages qu une ligne de crédit d exploitation soit assortie d une garantie additionnelle hors bilan, comme une hypothèque constituée sur d autres biens personnels des actionnaires. Dans le cas des contrats de location de biens d équipement, la sûreté est constituée sur les biens d équipement concernés et une garantie additionnelle peut être exigée si la société désire obtenir un financement intégral. L actif et le prêteur Après avoir identifié le produit de financement le plus approprié et la garantie connexe, l étape suivante consiste à trouver les bailleurs de fonds. Dans le cas d une ligne de crédit, les bailleurs de fonds les plus courants sont les suivants : les banques à charte; les banques étrangères; les coopératives d épargne et de crédit; les quasi-banques comme GE Capital; les fournisseurs (ils constituent souvent une source de financement intéressante et ils peuvent offrir des conditions de paiement généreuses ou des programmes de financement intégral sur stocks (voir la section Le prêteur et le secteur ci-après); les clients (certains sont disposés à offrir des ressources financières pour préserver leur approvisionnement et leurs propres conditions); les sociétés de financement sur stocks comme TransAmerica, GE Capital et Finance CIBC. Ces sociétés se spécialisent dans le financement par des tiers des stocks d articles de gros, numérotés et à prix élevé. On retrouve ce type de financement dans le secteur de l automobile et des biens d équipement et dans le cas du financement accordé aux concessionnaires. Il peut être parfois nécessaire de recourir à plus d un bailleur de fonds. Par exemple, il arrive que la ligne de crédit garantie ne fournisse pas un fonds de roulement qui suffise pour répondre aux besoins croissants de la société. Il faut donc alors faire intervenir un deuxième prêteur, non garanti, qui fournit les fonds complémentaires. Dans ce gendre de situation, deux prêteurs prennent ainsi en charge une ligne de crédit. Le prêteur principal possède une garantie à l égard de la facilité principale, alors que l autre prêteur fournit une facilité d un montant moindre qui n est pas garantie et qui sert à compléter le financement principal. Cette pratique, courante dans les grandes entreprises, est aujourd hui adoptée de plus en plus souvent dans les petites entreprises. La proposition de financement 3
Le prêteur et le secteur Comme les sources de financement sont aujourd hui nombreuses, il se peut qu un prêteurcréneau qui cible un secteur particulier constitue le bailleur de fonds le plus approprié. Voici des exemples de prêteurs-créneaux : les coopératives d épargne de crédit propres à un secteur (pêche, industrie forestière et industrie navale); les sociétés qui accordent du financement interne sur stocks aux concessionnaires (par exemple, les concessionnaires de tracteurs Kubota); les sociétés de crédit-bail propres à un secteur (secteur de l agriculture); les sociétés de crédit propres à un secteur (secteur médical). Ces prêteurs-créneaux peuvent offrir des conditions de crédit plus souples que les bailleurs de fonds traditionnels. Ils connaissent leur secteur et les besoins précis en matière de financement des entreprises du secteur. Le financement sur stocks est un bon exemple du type de financement qu ils accordent. Un fournisseur principal offre son propre programme de financement interne à un concessionnaire, ou s entend avec un prêteur tiers qui participe au programme de financement. On peut aussi prendre le cas de la ligne de crédit type assortie d une sûreté constituée sur des comptes clients de 90 jours ou moins. Ce type de financement ne convient pas à nombre de sociétés de certains secteurs. Par exemple dans le secteur pétrolier et gazier, les paiements s effectuent dans une période de 120 à 180 jours. Ce type de ligne de crédit traditionnelle pourrait donc ne pas être adapté aux sociétés de ce secteur qui n ont pas de comptes clients de 90 jours ou moins à affecter en garantie. Pourtant il s agit de créances de qualité et qui sont réglées conformément aux conditions habituelles qui prévalent dans le secteur. Aujourd hui, même certaines banques à charte commencent à reconnaître la spécificité des secteurs et elles assouplissent leurs exigences en matière de crédit pour les adapter au secteur concerné. Si l on poursuit avec notre exemple, on obtient les données suivantes quant à l utilisation et aux sources des fonds : Utilisation des fonds Sources des fonds Achat de biens d équipement $ Contrat de location-acquisition $ Contrat de location-exploitation Prêt à terme garanti Prêt garanti (LFPE*) Stocks/comptes clients Ligne de crédit garantie Ligne de crédit non garantie Facilité d affacturage Financement des commandes Assurance de la SEE Lettre de crédit Fournisseurs Fonds de roulement Prêt à terme de rang inférieur non garanti Prêt à terme non garanti Ligne de crédit Cession-bail Financement garanti par des actifs Achat de biens immobiliers Hypothèque commerciale Prêt à terme garanti La proposition de financement 4
Améliorations locatives Incitatifs à la location Prêt garanti (LFPE*) Actionnaires Total $ $ * Programme de prêts destinés aux petites entreprises du gouvernement fédéral Cet exemple montre comment on peut rapprocher les préférences et les exigences en matière de garantie de chaque prêteur d une part et l utilisation qui sera faite des fonds d autre part, en prévision de la proposition de financement. Note : Des clients clés peuvent aussi constituer une source de fonds. Garantie proposée Cette question revêt une importance particulière pour le bailleur de fonds et on doit y apporter l attention voulue. La garantie devrait être non pas sous-entendue mais plutôt proposée franchement et elle incitera souvent le prêteur à prendre une décision favorable au sujet de la proposition de financement. Hypothèses financières et flux de trésorerie Sans entrer dans les détails, voici quelques éléments souvent négligés : 1. Prévisions de trésorerie Il importe d associer à l utilisation des fonds toutes les sorties de fonds identifiées. 2. Les prévisions annuelles sommaires doivent couvrir seulement trois ans. Les horizons prévisionnels supérieurs à trois ans n ajoutent aucune valeur. Les prévisions doivent comporter un état des résultats, un bilan et un état des flux de trésorerie. 3. Les prévisions de la première année devraient être présentées sur une base mensuelle. Il n est pas nécessaire de présenter des prévisions mensuelles détaillées au-delà d une période de douze mois. 4. Amortissement et coût du financement proposé Il faut toujours inclure les coûts du programme de financement proposé, en tenant compte à la fois des rentrées et des sorties de fonds. Les prévisions doivent également refléter la base qui a servi à déterminer la facilité proposée et la garantie. État des résultats normalisés Dans cette section, on montre des résultats et des flux de trésorerie retraités et normalisés pour faire ressortir les flux de trésorerie d exploitation qui seraient disponibles dans des circonstances et un contexte normaux. La présentation d un état normalisé dans une proposition de financement est particulièrement importante pour les entreprises qui procèdent à un redressement, à une expansion, ou à une restructuration financière d envergure. Cet état vise à montrer la capacité de la société de générer des flux de trésorerie en situation normale. L état des résultats est ainsi retraité pour montrer les charges exceptionnelles, discrétionnaires, motivées par des considérations fiscales, non récurrentes ou inhabituelles qui ont une incidence négative sur les résultats financiers de la société, mais qui ne devraient pas se reproduire. La proposition de financement 5
Résumé En général, l état des résultats montre les postes de produits et de charges qui donnent le résultat net. À l intérieur d un poste donné, les charges qui ont une incidence négative sur un exercice ne sont pas présentées distinctement. Par exemple, il arrive qu une société montre des flux de trésorerie de 250 000 $, qui comprennent un amortissement de 50 000 $ et un bénéfice net de 200 000 $. Un état des résultats normalisés comme celui qui est présenté ci-après indiquerait toutefois que la société a la capacité de générer à l avenir des flux de trésorerie nettement supérieurs dans des conditions d exploitation normales. État des résultats normalisés Chiffre d affaires net 1 500 000 $ Coût des ventes 750 000 Profit brut 750 000 Frais d exploitation 300 000 Flux de trésorerie d exploitation normalisés 450 000 Amortissement 50 000 Factures arriérées des clients (inhabituel) 40 000 Honoraires professionnels (inhabituel) 30 000 Frais pour retard, pénalités et intérêts 20 000 Frais de déménagement 30 000 Primes versées aux actionnaires 50 000 Perte sur la vente d actifs 30 000 250 000 Bénéfice net 200 000 $ Dans cet exemple, la société a engagé des charges discrétionnaires, inhabituelles, non récurrentes ou motivées par des considérations fiscales qui ont eu une incidence négative sur les résultats. Elle a présenté un bénéfice net de 200 000 $ et des flux de trésorerie de 250 000 $. Cependant, lorsque les charges discrétionnaires et non récurrentes sont clairement identifiées et présentées séparément des activités courantes, on constate que la capacité de la société de générer des flux de trésorerie d exploitation est nettement supérieure (450 000 $) à ce qui avait été présenté initialement (200 000 $). Si l on suppose que ces charges ne sont pas récurrentes, l état des résultats normalisés peut influencer significativement le prêteur éventuel qui s efforce d évaluer la capacité de la société à mettre en œuvre le plan d affaires et à effectuer le service d une nouvelle dette. Si la proposition de financement vise à remplacer un programme de financement existant, il serait possible également de rajouter les intérêts débiteurs. Ainsi, les coûts du nouveau programme de financement seraient intégrés aux résultats réels de la société. Le prêteur pourrait donc voir comment le nouveau programme de financement améliorerait les résultats d exploitation de la société. Dans le contexte actuel des affaires, un programme de financement adéquatement structuré est essentiel à la réussite de toute entreprise. En outre, le programme doit être occasionnellement révisé. Les propriétaires d entreprise et les comptables doivent trouver des façons de réduire le coût du financement à mesure qu une entreprise atteint la maturité et modifier le programme à chaque étape du cycle de vie de l entreprise, du démarrage à l expansion. Lorsque les clients demandent à leur comptable de les aider à obtenir du financement, ils ont souvent besoin d un financement mixte. La proposition de financement est au cœur de la stratégie axée sur un financement mixte, tout comme les étapes du rapprochement de l objectif et du produit, du produit et de l actif, de l actif et du prêteur et enfin du prêteur et du secteur. Les chances de l entreprise d obtenir du financement augmentent considérablement lorsque celle-ci présente une proposition de financement qui La proposition de financement 6
tient compte des exigences du bailleur de fonds. Le praticien qui peut aider ses clients à produire cette proposition de financement contribuera pour beaucoup à l obtention d un financement qui répond à leurs besoins. Mark Eikeland, CGA, est fondateur et président de NetFinance.ca (e-capital Networks Group), une ressource en ligne en matière de finance d entreprise pour les comptables et les cabinets de comptables de Colombie-Britannique et d Alberta. Il a été entrepreneur, conseiller d entreprises à la Banque de développement du Canada, chargé de cours en affaires au niveau collégial, animateur recherché de séminaires, et il a occupé plusieurs postes de cadre au sein de services des finances, y compris le poste d agent principal, Finances, dans le secteur bancaire. Avant de former NetFinance.ca en 2002, Mark Eikeland a exploité avec succès pendant 10 ans un cabinet à titre de comptable professionnel et de consultant en affaires, dont la clientèle provenait de la Colombie- Britannique et de l Alberta. Son champ d activité portait sur la finance d entreprise et, dans le cadre de ses activités, il a aidé des petites et moyennes entreprises à financer leur démarrage, leurs acquisitions et leurs plans de réorganisation et d expansion. Pour obtenir de plus amples renseignements sur NetFinance.ca, consultez le site NetFinance.ca, ou communiquez avec Mark Eikeland à mark@netfinance.ca. Il s agit du deuxième de trois articles de Mark Eikeland sur la finance d entreprise (financement stratégique) qui sont présentés sur le site du Reper. Annexe Financement par emprunt Glossaire La proposition de financement 7