Toxicités des thérapies ciblées en cancérologie digestive Dr Anne-Gaëlle KERVEGANT CHBA 03/02/12
Le principe des thérapies ciblées en quelques mots
Cible des thérapies ciblées : la prolifération tumorale Prolifération tumorale
Les 2 types de thérapies ciblées Bevacizumab
Les 2 grandes voies de prolifération à bloquer La voie de l EGF = les anti-egfr Les Ac : Cetuximab (Erbitux ), Panitumumab (Vectibix ) Les inhibiteurs de tyrosine kinase : Erlotinib La voie du VEGF = les anti-vegf Les Ac : Bevacizumab (Avastin ) Les inhibiteurs de tyrosine kinase : Sunitinib (Sutent ), Sorafenib (Nexavar )
Les anti-egfr Cetuximab (Erbitux ) Panitumumab (Vectibix )
Ras et raf sont des cibles en aval de l EGFR Cetuximab et Panitumumab => seulement si Kras sauvage
Toxicités particulières des anti-egfr Risque allergique Toxicité cutanée
Risque allergique des anti-egfr
Risque allergique des anticorps monoclonaux : lié à la fraction murine Cetuximab Bevacizumab Panitumumab
Cétuximab : 30% murin Risque allergique Pré-médication systématique Polaramine 1 ère perfusion sur 90 minutes, puis si bonne tolérance 60 puis 30 minutes pour les suivantes Panitumumab : Théorie : pas de risque allergique
Toxicité cutanée des anti-egfr
Toxicité cutanée des anti-egfr Extrêmement fréquente Gravité variable Tableau de gradation en 5 stades (NCI 2006) Peut conditionner stratégie thérapeutique Dose-dépendante Témoin de l efficacité du traitement antitumoral
En pratique : 3 types Éruption «acnéiforme» inflammatoire = éruption papulo-pustuleuse Précoce et très fréquente Xérose cutanée et fissures des doigts Retardée et fréquente Paronychies et anomalies pilaires Très retardée et rare
Éruption maculo-papuleuse gradding NCI Grade I Érythème ou macule ou papules non symptomatiques Grade II Érythème ou macule ou papules associées à un prurit ou avec symptomes atteignant moins de 50% de la surface corporelle Grade III Macules, papules, vésicules généralisées et symptomatiques ou desquamation atteignant plus de 50% de la surface corporelle Grade IV Dermatite exfoliative ou ulcération
Eruption papulo-pustuleuse modérée
Eruption papulo-pustuleuse intermédiaire
Eruption papulo-pustuleuse sévère
Xérose cutanée 1/3 des patients Cutanée : intensité variable Peau sèche desquamative Eczéma «craquelé» Atteinte palmo-plantaire prurit Muqueuse : Oculaire Génitale
Fissures des doigts
Paronychies 10% des cas Facilitées par l incarnation des ongles ou les microtraumatismes Bourgeon charnu inflammatoire Douloureux +++ Surtout pouces et 1ers orteils
Paronychies Paronychies doigts Clinical and Experimental Dermatology, 33, 776-794
Paronychies orteils Paronychies
Anomalie de régulation des poils blocage des récepteurs des EGFR-R Perturbation de la différenciation des kératinocytes folliculaires => inflammation folliculaire Perturbation du cycle pilaire et phanèrien Amincissement de la peau
Anomalie de régulation des poils Raréfaction des cheveux Plus fins Parfois ondulés Folliculites du cuir chevelu Diffuses En touffes Trichomégalie Hypertrichose des cils, responsable de gêne oculaire
Expliquer +++ Traitement préventif Hydrater et graisser la peau Dexeryl 2 fois par jour sur tout le corps Ne pas utiliser de savon agressif (Septivon) Photo protection Examen des pieds et si besoin pédicure Si besoin : maquillage Réévaluer et adapter le traitement : En pratique : même dose jusqu à grade II en majorant soins locaux A partir grade III : arrêt anti-egfr jusqu à cicatrisation
Traitement curatif éruption acnéiformes grade I Mesures de prévention Traitement local Cutacnyl 10 1 par jour Eryfluid 1 application/jour Si non supporté : Rosex émulsion 1/jour Sur les fissures : DUOGEL et DUODERM microfilm
Traitement curatif éruption acnéiformes grade II ou III Mesures de prévention Traitement per os Cyclines per os (Mynocine 100mg/jour) jusqu à guérison Traitement local Betnéval crème 1/Jour le soir jusqu à disparition des symptomes fonctionnels Fucidine pommade 2/Jour Puis discuter l arrêt du traitement
Les anti-angiogéniquesangiogéniques
Rôle de l angiogénèse aux différents stades de la croissance tumorale
Activation de l angiogénèse
Inhibiteurs de la voie du VEGF Avastin Sunitinib et Sorafenib Sutent et Nexavar
Toxicités particulières des anti-angiogéniquesangiogéniques Cardio-vasculaires Cardio-vasculaires Rénales Cutanées Autres
1 er signe clinique lié au traitement par Bevacizumab : Épistaxis grade I En particulier matinal Habituellement sans gravité, méchage exceptionnel
Effets secondaires principaux des anti-vegf
Toxicités cardio-vasculaires des anti-angiogéniquesangiogéniques HTA Toxicité cardiaque
Hypertension artérielle Fréquente et précoce (J15) Tous grades Souvent modérée (1% de crise hypertensive grave, risque leucoencéphalopathie postérieure avec HTA, céphalées, confusion, nausées voire troubles visuels, crises convulsives et coma, réversible) Corrélé à l efficacité pour le Sunitinib
HTA Effet de classe Bevacizumab : 22 à 32% (11 à 16% grade III-IV) Sorafenib : 17 à 43% (4 à 31% grade III-IV) Sunitinib : 5 à 24% (5 à 8% grade III-IV) Effet de dose Bevacizumab 10mg/Kg => 28% HTA Bevacizumab 5 mg/kg => 11% HTA Facteurs associés : HTA préalable Protéinurie => risque HTA grade III-IV
Gradation des toxicités de l HTA
Surveillance de l HTA Avant l instauration du traitement Pendant le traitement Auto-mesure ambulatoire Règle des 3 : 3 mesures par jour 3 jours par semaine Au repos, à 5 minutes d intervalle Pendant 2 mois puis espacer si RAS Après le traitement Penser à diminuer le traitement Pendant phase off pour Sunitinib À l arrêt des anti-angiogéniques
Traitement de l HTA sous antiangiogéniques Pas de recommandation propre A traiter comme toute HTA, selon co-morbidités Traiter d emblée (recommandations NCI) Si PA systolique > 150 mmhg Si PA diastolique > 130 mmhg Si élévation > 20 mmhg de la PA Si HTA non contrôlée par bithérapie Consultation cardio échographie cardiaque à recontrôler
Prise en charge de l hypertension sous anti-angiogéniques Examens complémentaires : (recherche micro-angiopathie thrombotique => HTA + insuffisance rénale + protéinurie + anémie hémolytique) ) NFS plaquettes, schizocytes LDH, bilirubine libre, haptoglobine BU : hématurie, protéinurie Écho-doppler des artères rénales Traitement anti-hypertenseur : Déconseillés : Verapamil (Isoptine ) Nifedipine (Adalate ) Nicardipine (Loxen ) Diltiazem (Tildiem ) Potentialisation Sunitinib et Sorafenib Conseillés : IEC Antiangiotensine II Centraux Alphabloquants Diurétiques Béta-bloquants Autres Ica (Félodipine Flodine )
1 ère intention IEC (Triatec 2.5 à 5mg/j) En pratique Ou Antagoniste angiotensine II (Kenzen 8 à 16mg/j, Aprovel 150 à 300mg/j) Si échec : ajout inhibiteur calcique : Amlor 5 à 10 mg/j Si échec : cs cardio, ETT, ajout anti-hypertenseur central : Hyperium 1 mg 1 à 2/j Si échec : Ajout diurétique ou βbloquant après avis cardio Arrêt anti-angiogénique
Toxicité cardiaque des antiangiogéniques Bilan initial Recueil des antécédents personnels ECG Échocardiographie (FEVG) +/- avis cardio Surveillance sous traitement FEVG, ECG selon co-morbidités, +/- avis cardio Quels risques? Syndromes coronariens aigus (3%) Insuffisance cardiaque congestive (Sous Sunitinib) Dyspnée grade 3/4 (Sorafenib : 4 à 7% ; Sunitinib : 8 à 15%) En cas de cardiotoxicité Stop anti-angiogéniques
Toxicité rénale des anti- angiogéniques Protéinurie Syndrome néphrotique = protéinurie > 3g/24h + OMI + hypoalbuminémie <30g/L Insuffisance rénale
Protéinurie sous anti-angiogéniques Complications du syndrome néphrotique: - Rétention hydro-sodée et syndrome oedémateux - Infections, hyperlipidémie - MVTE (10 à 40%, veines rénales++++)
Protéinurie sous anti-angiogéniques En pratique : À chaque cycle : BU : recherche protéinurie Mesure tensionnelle Biologie : urée, créatinine, NFS Si protéinurie +++ BU : Faire Bevacizumab même dose Mais protéinurie des 24h avant cure suivante Pas de recommandation d adaptation de dose Si protéinurie > 3g/24h ou si insuffisance rénale : Albuminémie (<30g/L?), oedèmes? Arrêt Bevacizumab Consultation néphrologie (écho-doppler rénal )
Toxicité cutanée des anti- angiogéniques
Toxicité cutanée (inhibiteurs de tyrosine kinase) Initiale (J10): Rash Grade 2 : 66% Grade 3 : 2%
Toxicité cutanée (inhibiteurs de tyrosine kinase) Après 2 à 4 semaines : Sd mains-pieds Érythème acral douloureux -Avec paresthésies -Aggravé par la chaleur Décollements muqueux et/ou desquamation Hyperkératose aux points de frottement : sévérité aléatoire, gênant la marche
Grade du syndrome mains-pieds (SMP)
Traitement des toxicités cutanées Soins de pédicurie préventifs et hydratation Hyperkératose : Kératolytiques : Xérial 50 ou Akerat Crème émolliente : Dexéril, Avibon Érythème douloureux : Diprosone pommade Sorafenib : - Grade 2 : traitement diminué de moitié 7 à 28 jours - Grade 3 : traitement suspendu jusqu à retour grade 2, reprise ensuite pleine dose ou ½ dose
Autres toxicités cutanées Œdème palpébral Hémorragies sous-unguéales en flammèches 60% patients au 1 er mois traitement Mains > pieds, asymptomatiques Régression malgré poursuite du traitement
Autres toxicités des anti- angiogéniques
Dominée par la diarrhée Toxicité digestive Traitement : Lopéramide (Imodium ), Tiorfan, Cholestyramine (Questran ) (=> diminue absorption Sorafenib!!)
Autres Effets indésirables neurologiques et ORL Enrouement ou dysphonie Neuropathies sensitives Douleurs : articulaires, musculaires, osseuses, céphalées Effets indésirables biologiques Anémie, neutropénie, thrombopénie Déficit en vitamine B12 et en folates Hypothyroïdie Signes généraux Asthénie, anorexie, amaigrissement Nécroses => perforations organes creux (chirurgicales) => fausses progressions en imagerie! Événements thrombo-emboliques Embolie pulmonaire Ischémies mésentériques
Et n oublions pas La fatigue!!! Multi-factorielle => Liée à la progression tumorale => Liée aux traitements anti-cancéreux => Liée à la douleur, au retentissement émotionnel, dépression, troubles du sommeil, dénutrition
Fatigue et thérapies ciblées Causes de fatigue liée aux thérapies ciblées Résorption des nécroses (mécanismes inflammatoires) Hypothyroïdie (élévation TSH) Dysgueusies et stomatites => anorexie, dénutrition
Fatigue et thérapies ciblées Prise en charge de cette fatigue TSH avant traitement puis tous les 2 à 3 mois NFS avant chaque cycle +/- EPO et transfusions Oncopsychologue, +/- antidépresseurs Conseils nutritionnels Compléments alimentaires, cs diététicienne Repas fractionnés Éviter aliments trop salés ou trop épicés Traitement local anti-fongique, IPP, anti acides
Synthèse : principales toxicités des thérapies ciblées essentielles en cancérologie digestive
Conclusion Effets secondaires multiples, parfois sévères Prise en charge complexe => Suivi multi-disciplinaire++++