NCECF. Introduction MAI 2014. Catherine Tremblay, DPA, CPA, CA, EEE, ASA Richard M. Wise, FCPA, CA, CA EJC, FEEE, FASA, MCBA, CVA

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MAI 2014 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité à la première application des Normes comptables pour les entreprises à capital fermé point de vue d un expert en évaluation d entreprises NCECF Catherine Tremblay, DPA, CPA, CA, EEE, ASA Richard M. Wise, FCPA, CA, CA EJC, FEEE, FASA, MCBA, CVA Introduction Les Normes comptables pour les entreprises à capital fermé (NCECF) offrent aux préparateurs d états financiers un choix non récurrent, selon lequel une entité peut décider d évaluer une immobilisation corporelle à sa juste valeur à la date de transition des PCGR canadiens aux NCECF 1. Ce choix peut s appliquer à n importe quelle immobilisation corporelle à la date de transition aux NCECF. Faire le choix non récurrent d évaluer des immobilisations corporelles à leur juste valeur aux fins du passage aux NCECF peut aussi avoir d autres utilités, notamment pour le calcul des charges contributives applicables lorsqu on détermine la valeur des immobilisations incorporelles et qu on évalue la dépréciation des écarts d acquisition et des actifs à long terme. Le présent article se penche sur certaines questions d ordre pratique découlant de l évaluation des immobilisations corporelles à la juste valeur, dans le contexte de l application des NCECF. 1 NCECF 1500, paragraphe 12. 1

Définition de la «juste valeur» L annexe du chapitre 3063 des NCECF fournit des indications sur l évaluation à la juste valeur. La juste valeur est définie comme étant le «montant de la contrepartie dont conviendraient des parties compétentes agissant en toute liberté dans des conditions de pleine concurrence 2». Cela signifie que la transaction n est pas une vente forcée ou une liquidation. Cette définition correspond raisonnablement à celle de la «juste valeur de marché» qui est normalement utilisée pour déterminer la valeur de marché théorique (par exemple pour les roulements fiscaux, pour l application de clauses de rachat d actions contenues dans des conventions entre actionnaires, etc.). Toutefois, les normalisateurs en comptabilité voulaient distinguer la «juste valeur» appliquée à des fins comptables de la «juste valeur de marché» qui est issue de la jurisprudence et qui est très souvent liée à des opérations ou à des opérations présumées en vertu de la Loi de l impôt sur le revenu. Approches en matière d évaluation Trois approches générales peuvent être utilisées pour l évaluation d une immobilisation corporelle ou incorporelle, d une entreprise ou d une valeur mobilière : l approche par les coûts; l approche par les résultats; l approche par le marché. Différentes méthodes ou techniques peuvent s appliquer pour chacune de ces approches. Par exemple, pour une immobilisation corporelle, l approche par les coûts peut consister à calculer le coût de remplacement, après amortissement ou non. Selon l approche par les résultats, les techniques d évaluation possibles comprennent l analyse des flux de trésorerie actualisés et la capitalisation des flux de trésorerie ou des bénéfices. Selon l approche par le marché, on peut appliquer une technique qui fait appel à des transactions comparables, si l on dispose de suffisamment d informations sur des opérations qui visaient des biens comparables en substance et qui ont été récemment conclues dans des conditions de concurrence normales. 2 NCECF : chapitre 1582, «Regroupements d entreprises», paragraphe.03(i); chapitre 3063, «Dépréciation d actifs à long terme», paragraphe.03(b). 2 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Il peut convenir d utiliser une seule de ces approches ou de les combiner, selon la nature de l immobilisation et les informations disponibles, comme expliqué ci-après. Hiérarchie des approches L annexe du chapitre 3063 des NCECF établit la hiérarchie suivante entre les approches pour l évaluation de la juste valeur : A2 «Les prix cotés des marchés actifs constituent les éléments probants les plus fiables pour établir la juste valeur et servent de fondement à l évaluation, lorsqu ils existent.» A3 «En l absence de prix cotés, l estimation de la juste valeur est fondée sur les meilleures informations disponibles, y compris les prix d éléments similaires et les résultats de l application d autres techniques d évaluation. Les techniques d évaluation employées sont conformes à l objectif visé : la mesure de la juste valeur.» Les normes comptables préconisent donc l approche par le marché et l utilisation des prix des marchés actifs pour les éléments identiques (par exemple, les titres négociables cotés en bourse). Toutefois, ces informations sont rarement disponibles dans le cas des immobilisations corporelles. L approche par le marché permet également l utilisation du prix d éléments similaires. Par exemple, bien que chaque bien immobilier soit unique, la comparaison avec des biens immobiliers semblables vendus récemment sur un territoire raisonnablement rapproché peut fournir des informations significatives sur la valeur. Certains ajustements peuvent être nécessaires pour tenir compte des différences entre le bien visé et les biens comparables ou ceux des transactions comparables. À l achat d une maison, par exemple, on analyse le prix des autres maisons vendues dans les environs, puis on apporte des ajustements selon les différences de dimensions, le nombre de chambres et de salles de bain, les rénovations récentes, etc. De la même manière, les immobilisations corporelles inscrites au bilan d une entreprise, comme les biens immobiliers commerciaux, doivent faire l objet d ajustements pour que les différences entre les biens en question et les biens comparables soient prises en compte. Ces ajustements sont souvent subjectifs, ce qui entraîne un certain degré d incertitude dans l estimation. Par conséquent, il est souvent nécessaire de faire appel à un évaluateur dont l expérience et l expertise portent sur le type de bien visé, par exemple, un évaluateur spécialisé en biens immobiliers ou en matériel et outillage. MAI 2014 3

Les autres techniques d évaluation sont celles utilisées dans le cadre des approches par les coûts et par les résultats. L annexe du chapitre 3063 des NCECF traite de l application de techniques d évaluation de la valeur actualisée pour estimer la juste valeur d un actif à long terme, ce qui suppose une estimation des flux de trésorerie futurs qui découleraient de l utilisation de l actif. Cette estimation est généralement fondée sur des hypothèses quant au montant et au calendrier des flux de trésorerie futurs, et comporte un certain degré de subjectivité dans l établissement des prévisions de trésorerie et des taux d actualisation correspondants. L incertitude qui en découle entraîne une préférence pour les données de marché observables, comme réitéré à l annexe du chapitre 3063 des NCECF : A25 «Lorsque les prix d un actif ou d un passif ou d un actif ou d un passif essentiellement similaire peuvent être observés sur le marché, il n est pas nécessaire d avoir recours à des évaluations de la valeur actualisée parce que l évaluation que le marché fait de la valeur actualisée est déjà reflétée dans le prix. Toutefois, en l absence de prix observables, les évaluations de la valeur actualisée constituent souvent la meilleure technique pour estimer un prix. Une entreprise sera ordinairement en mesure d estimer les flux de trésorerie prévus d un actif ou d un passif, mais il pourra s avérer difficile de déterminer la prime de risque appropriée compatible avec la juste valeur.» Exigences de l auditeur Lorsqu elle prépare les estimations de la juste valeur, la direction doit tenir compte des exigences de l auditeur afin de s assurer que le résultat net satisfasse aux critères d audit. La Norme canadienne d audit (NCA) 540 3 traite des responsabilités qui incombent à l auditeur en ce qui concerne les estimations comptables, y compris les estimations comptables en juste valeur, et les informations y afférentes à fournir dans les états financiers. La variation de la nature et de la fiabilité des informations sur lesquelles la direction peut s appuyer influe sur le degré d incertitude de mesure inhérent à l évaluation de la juste valeur. L auditeur doit tenir compte du caractère subjectif des hypothèses utilisées par la direction et de l éventualité d un parti pris (volontaire ou involontaire) de la part de la direction dans la préparation des estimations comptables en juste valeur. L auditeur doit ensuite évaluer si les hypothèses importantes retenues par la direction sont raisonnables et déterminer l incidence de tout risque d anomalie significative sur son évaluation. 3 «Audit des estimations comptables, y compris les estimations comptables en juste valeur, et des informations y afférentes à fournir». 4 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Par conséquent, la direction doit chercher à maximiser l utilisation de données observables (comme les taux de location sur le marché) lorsqu elle évalue la juste valeur, puisque ces données sont souvent plus objectives et moins susceptibles d entraîner un parti pris. Les données non observables (par exemple, les projections de la direction à l égard des prix futurs des matières premières dans le cadre d une analyse des flux monétaires actualisés visant à déterminer les flux de trésorerie futurs d une usine) peuvent être plus subjectives, donc plus difficiles à corroborer pour l auditeur. Intervenants du marché et utilisation optimale Lorsqu elle prépare les projections de flux de trésorerie dans le but de réaliser une estimation de la juste valeur, la direction doit se demander ce que feraient les intervenants du marché dans des circonstances similaires, comme il est indiqué à l annexe du chapitre 3063 des NCECF : A7 «Les estimations des flux de trésorerie intègrent les hypothèses que les intervenants du marché utilisent dans leurs estimations de la juste valeur, lorsque ces informations peuvent être obtenues moyennant un coût et un effort raisonnables. Autrement, l entreprise peut utiliser ses propres hypothèses. L utilisation, par une entreprise, de ses propres hypothèses sur les flux de trésorerie futurs est compatible avec une estimation de la juste valeur, à la condition qu aucune donnée contraire n indique que les intervenants du marché utiliseraient des hypothèses différentes. Lorsqu il existe de telles données, l entreprise doit modifier ses hypothèses afin d y intégrer ces informations relatives au marché.» Cela signifie que les estimations de la juste valeur devraient être fondées sur l utilisation optimale de l actif, sans égard à la manière dont la direction compte réellement l utiliser. Par exemple, si une entité exploite un bien immobilier au centre-ville de Montréal, comme un parc de stationnement, mais que les intervenants du marché pourraient vraisemblablement déterminer que l utilisation optimale de ce bien serait d y ériger une tour de bureaux, cette dernière hypothèse devrait être utilisée pour en déterminer la juste valeur. Le concept de l «utilisation optimale» d une propriété immobilière requiert généralement que l utilisation soit raisonnablement probable, physiquement réalisable, conforme aux règlements de zonage et de construction, et financièrement possible, en plus de maximiser la rentabilité de la propriété en question. MAI 2014 5

Pour déterminer la juste valeur d actifs qui ne sont pas utilisés de façon optimale in situ («valeur d utilité» à l emplacement de l actif), l évaluateur doit déterminer si ces actifs auraient une plus grande valeur s ils étaient vendus en pièces détachées («valeur d échange»), dans l éventualité où ils peuvent être déplacés. Par exemple, la machinerie et l outillage d une usine de textile au Canada pourraient avoir une plus grande valeur en Asie, même en tenant compte des coûts de la transaction, du transport et autres coûts liés à leur déplacement vers leur lieu d utilisation. Techniques d actualisation Deux techniques sont décrites à l annexe du chapitre 3063 des NCECF : la technique d actualisation traditionnelle et la technique de la valeur actualisée prévue. Dans le cadre de l approche traditionnelle, on utilise un ensemble unique de flux de trésorerie, qui représente la meilleure estimation que peut faire la direction du montant le plus probable, actualisé à un taux de rendement unique qui reflète le niveau de risque prévu et les attentes concernant les flux de trésorerie futurs. La technique de la valeur actualisée prévue fait quant à elle intervenir différents scénarios qui reflètent la fourchette des résultats possibles. Des taux de probabilité estimatifs sont appliqués à chaque scénario, et un taux d actualisation approprié est établi. Celui-ci tient compte du risque inhérent à l actif évalué, mais non du risque lié à la variabilité des flux de trésorerie, lequel est déjà pris en compte dans les scénarios (et serait autrement compté deux fois). La technique de la valeur actualisée prévue est utilisée lorsqu il y a une fourchette de résultats possibles et lorsqu un ensemble unique de flux de trésorerie ne peut raisonnablement être estimé. Constat de la valeur Lorsqu il fait le constat de la valeur, l évaluateur se penche sur les forces et les faiblesses des chiffres obtenus au moyen de l application des différentes approches. Tout en exerçant son jugement professionnel, l évaluateur doit se fier davantage aux méthodes qui offrent le plus d informations fiables (par exemple, des données observables), en tenant compte de la hiérarchie établie dans les normes comptables. 6 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Exemple bien immobilier Le bien immobilier est un autre actif présenté dans les états financiers et dont la juste valeur peut être très différente de la valeur comptable. La direction peut être tentée de se servir de la valeur qu utilise la municipalité aux fins de la taxe foncière comme estimation de la juste valeur, mais ce «raccourci» peut être inapproprié car il arrive souvent que les évaluations municipales ne reflètent pas les justes valeurs de marché, comme on peut l observer en comparant les prix de vente réels de biens immobiliers aux données municipales sur leur valeur. Ces dernières sont généralement mises à jour aux trois ans et ne reflètent donc pas nécessairement les dernières tendances du marché de l immobilier, qui évoluent parfois très rapidement. Par conséquent, pour l évaluation de tout bien immobilier important, nous recommandons généralement à la direction de retenir les services d un évaluateur spécialisé dans la zone géographique et dans le type d immeuble (par exemple, commercial, industriel ou résidentiel) en cause. En effet, les évaluateurs peuvent consulter des bases de données sur l historique des transactions immobilières qui ne sont pas facilement accessibles au public. Ils possèdent également l expertise nécessaire pour interpréter ces données et pour apporter les ajustements relatifs aux différences entre les transactions comparables et le bien visé, comme mentionné précédemment. L Institut canadien des évaluateurs et l American Institute of Real Estate Appraisers proposent une définition 4 de la «valeur marchande», ou valeur de marché, qui correspond généralement à celle de «juste valeur» selon les normes comptables : La juste valeur marchande représente le prix le plus probable que devrait rapporter un bien à une date donnée dans un marché libre et concurrentiel, dans toutes les conditions nécessaires à une vente équitable, l acheteur et le vendeur agissant avec prudence et de manière avisée, en supposant que le prix n est pas indûment stimulé. Les évaluateurs de biens immobiliers appliquent eux aussi les trois approches générales d évaluation précédemment décrites, soit par le marché («comparaison directe»), par les résultats et par les coûts. 4 La définition à utiliser pour une mission donnée peut varier selon le ressort territorial, par exemple lorsqu une évaluation est fournie dans le contexte d un procès. MAI 2014 7

L approche par comparaison directe repose sur le principe qu un acquéreur éclairé ne paierait pas plus pour un bien immobilier que ce que lui coûterait un autre bien immobilier équivalent. L estimation de la valeur repose sur des ventes ou des inscriptions de biens immobiliers comparables dotés de caractéristiques semblables dans une zone géographique pertinente. L évaluateur peut hausser ou réduire la valeur d un bien immobilier pour combler les écarts de taille, d emplacement, de taux d intérêt et autres entre le bien visé et des biens comparables. L approche par les résultats repose sur le principe que la valeur correspond à la valeur actualisée des flux de trésorerie futurs que le bien immobilier est en mesure de produire s il atteint son utilisation optimale. Selon cette approche, deux méthodes peuvent s appliquer : celle de la capitalisation directe ou celle de l actualisation des flux de trésorerie. Selon la méthode de la capitalisation directe, il s agit de calculer la valeur de location (souvent exprimée en dollars par pied carré) qui correspond au marché pour le bien immobilier en se fondant sur les modalités des contrats de location de biens immobiliers similaires, le taux d inoccupation prévu, les créances irrécouvrables et les frais d exploitation. Le montant théorique du bénéfice d exploitation net annuel qui en découle est capitalisé à un taux de rendement approprié, qui tient compte des conditions probables du financement hypothécaire, pour déterminer la valeur du bien immobilier. La méthode de l actualisation des flux de trésorerie consiste à faire une projection du résultat net le plus probable sur une certaine période et à présupposer que le bien immobilier sera revendu la dernière année de la projection, puis à actualiser les flux de trésorerie connexes selon un taux d actualisation tenant compte du risque. L approche par les coûts consiste à estimer les coûts, aux prix actuels, pour la construction d un nouveau bien immobilier d une utilité équivalente à celle du bien évalué, en en soustrayant une provision pour dépréciation (physique, fonctionnelle et économique) et en y additionnant la valeur estimative du terrain. Exemple immobilisations de production Nous avons participé à la détermination de la juste valeur d une usine en exploitation dans le contexte de l évaluation d une perte de valeur d actifs à long terme (après avoir établi que l usine avait échoué au test de recouvrabilité selon l ancien chapitre 3063 du Manuel de CPA Canada Comptabilité). Toutes les immobilisations corporelles de l usine ont été considérées comme un groupe d actifs, au plus bas niveau de regroupement d actifs et de passifs pour lequel les flux de trésorerie identifiables étaient dans une large mesure indépendants de ceux d autres actifs et passifs 5. 5 NCECF 3063, paragraphe 12. 8 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Puisque la valeur de l usine ne pouvait être observée sur le marché, nous avons dû utiliser d autres techniques d évaluation. Nous avons adopté deux approches d évaluation : i) l approche par les résultats, au moyen de l analyse des flux de trésorerie actualisés et de la technique de la valeur actualisée prévue; ii) l approche par les coûts, au moyen du coût de remplacement après amortissement. Approche par les résultats Nous avons déterminé qu il était nécessaire d appliquer la technique de la valeur actualisée prévue plutôt que la technique d actualisation traditionnelle, puisque la direction a identifié plusieurs scénarios possibles à l égard des coûts futurs des matières premières, qui pourraient varier en fonction de certains événements dans le secteur d activité et du résultat des négociations avec un fournisseur. L application de la technique de la valeur actualisée prévue a nécessité les étapes suivantes : obtention de la direction d une projection des flux de trésorerie prévus selon trois scénarios possibles, fondés sur l estimation par la direction des attentes vraisemblables des intervenants du marché quant aux résultats d exploitation futurs de l entreprise; obtention de la direction de son estimation du taux de probabilité de chacun des trois scénarios; examen des projections et analyse des hypothèses importantes sous - jacentes; discussion avec la direction au sujet des hypothèses et obtention de données justificatives provenant de la direction et de sources indépendantes du secteur d activité (comme des résultats financiers historiques et des tendances de l industrie); multiplication des flux de trésorerie de chaque scénario par le taux de probabilité du scénario en question pour chaque année couverte par la projection des flux de trésorerie, pour en arriver aux flux de trésorerie prévus pour l année; détermination d un taux d actualisation approprié à appliquer aux flux de trésorerie prévus, soit le coût moyen pondéré du capital (CMPC) de l usine; application du CMPC aux flux de trésorerie prévus pour obtenir leur valeur actualisée; regroupement de la valeur actualisée des flux de trésorerie prévus en une seule somme, soit la juste valeur de l usine à la date d évaluation. MAI 2014 9

Pour déterminer le CMPC 6, nous avons calculé le taux de rendement qu un intervenant du marché exigerait des immobilisations de production, en tenant compte du fait que l incertitude liée à la volatilité du prix des matières premières avait été prise en considération dans les trois scénarios élaborés par la direction, mais aussi que cette incertitude entraînait des coûts qui ont été pris en compte au moyen d un facteur de risque. 6 La formule qui sert à déterminer le CMPC est bien établie dans la théorie financière, et se traduit par l équation suivante (pour une entreprise ayant une structure financière simple composée d éléments de capitaux propres et de capitaux empruntés) : Où : CMPC = (KB eb WB eb ) + (KB db WB db ) K eb = Coût des capitaux propres WB eb = Capitaux propres pondérés (valeur des capitaux propres divisée par le capital investi) KB db W db = Coût de la dette après impôts = Dette pondérée (valeur de la dette portant intérêt divisée par le capital investi) 10 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Nous avons utilisé une méthode dite «additive» pour calculer le coût des capitaux propres. Nous avions envisagé d appliquer le modèle d évaluation des actifs financiers 7 (MEDAF), mais nous avons plutôt opté pour la méthode additive en raison du manque de fiabilité du coefficient bêta 8. La méthode additive repose sur le principe qu un taux d actualisation comprend un certain nombre de facteurs de risque identifiables qui, lorsqu on les additionne, représentent le rendement total requis sur un placement dans les actifs en question. Cette méthode comporte plusieurs étapes qui permettent d établir le rendement moyen sur le marché d un placement en titres de capitaux propres. La première étape consiste à déterminer le taux sans risque à la date d évaluation. On y additionne ensuite : a) la prime de risque sur capitaux propres nécessaire pour qu un investisseur en instruments de capitaux propres reçoive le taux de rendement du marché; b) une prime de risque (ou une réduction) propre au placement, liée au risque perçu dans l objet de l évaluation (notamment selon sa taille). Le taux de rendement acceptable changera avec le temps et selon le contexte. Toutefois, les facteurs dont il faut tenir compte pour établir ce taux comprennent un certain nombre d éléments internes et externes ayant une incidence sur l objet de l évaluation. 7 Il s agit d un modèle selon lequel le coût du capital pour toute action ou tout portefeuille d actions correspond à un taux sans risque plus une prime de risque proportionnelle au risque systématique lié à l action ou au portefeuille. Le MEDAF est un élément fondamental de la théorie des marchés financiers, qui partage le risque en deux composantes : le risque systématique et le risque spécifique. Le risque systématique est inhérent à tous les titres qui comportent un risque et ne peut être éliminé par la diversification. Le coefficient de mesure du risque systématique lié aux actions est le coefficient bêta. Le risque spécifique est propre à un titre donné (selon les caractéristiques du secteur d activité ou de l entreprise émettrice), et peut être écarté par la diversification. L hypothèse fondamentale du MEDAF est que le rendement prévu d un titre est fonction du risque systématique lié à ce titre et que le risque spécifique est considéré comme éliminé puisque les investisseurs ont la possibilité de détenir des portefeuilles importants et très diversifiés. 8 Le coefficient bêta est le coefficient de mesure du risque systématique d une action donnée, soit la tendance du cours d une action à fluctuer en fonction des variations d un indice donné. Le coefficient bêta dépend de la relation entre le rendement du titre et celui du marché, évalué selon un indice boursier général comme le S&P/TSX. MAI 2014 11

Facteurs internes Ces facteurs sont liés aux différents actifs évalués et peuvent, par exemple, comprendre les éléments suivants : la stabilité, l expérience et les réalisations de l équipe de direction; la dépendance à l égard du personnel clé; la dépendance à l égard de gros clients; la concurrence, la part de marché et l étendue des services; la diversité de la clientèle; la situation financière, la liquidité et le niveau d endettement; le risque de projection lié au caractère audacieux des prévisions en matière de flux de trésorerie; l état matériel des actifs; la rentabilité ou les déficits historiques. Facteurs externes Ces facteurs sont liés aux forces externes (incontrôlables) qui ont une incidence sur l usine, par exemple : la conjoncture économique générale prévue pour la période de projection; les conditions générales du marché et l activité en matière de regroupements d entreprises; les taux d intérêt; les conditions du secteur d activité; la demande du marché; le caractère cyclique du secteur d activité; l incidence des fluctuations des cours du change; l incidence de la réglementation gouvernementale. Nous n avons pas tenu compte de la variabilité des coûts des matières premières pour l établissement du taux d actualisation applicable, puisque la direction l avait déjà fait lors de l élaboration des trois scénarios possibles en matière de flux de trésorerie. Nous avons appliqué le CMPC, résultant de l examen de tous les facteurs susmentionnés, aux flux de trésorerie prévus pour estimer la juste valeur combinée des immobilisations de production (dans leur ensemble) à la date d évaluation. 12 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Approche par les coûts Pour corroborer nos conclusions issues de l approche par les résultats, nous avons fait appel à une firme d ingénierie spécialisée en projets de développements dans le secteur d activité visé pour obtenir une estimation du coût de remplacement après amortissement des immobilisations de production. Compte tenu du haut degré de spécialisation et de la nature technique du travail que suppose l approche par les coûts, nous avons jugé que celle-ci dépassait le champ de nos compétences de comptables professionnels agréés et d experts en évaluation d entreprises, et nous avons donc retenu les services d un expert compétent en la matière. Selon notre compréhension, le travail de cet expert comprenait ce qui suit : une visite des lieux afin de faire une inspection visuelle des immobilisations corporelles; des discussions avec la direction sur l historique d exploitation des immobilisations de production; une estimation de la valeur de marché actuelle des immobilisations de production, lorsque les prix d immobilisations équivalentes pouvaient être observés sur le marché; lorsqu il était impossible d obtenir la valeur de marché de l immobilisation (en raison de sa nature spécialisée), l obtention du coût historique des immobilisations de production selon les documents comptables de l entreprise et l utilisation de techniques d indexation afin d estimer la valeur équivalente en dollars courants (selon les indices de coûts propres au secteur d activité); l application d un facteur d amortissement pour tenir compte de la condition physique et de l âge des immobilisations de production par rapport à leur durée de vie utile. MAI 2014 13

Les conclusions dégagées au terme des deux approches présentaient des différences significatives. La valeur obtenue au moyen de l approche par les résultats correspondait à environ la moitié de celle obtenue au moyen de l approche par les coûts. Nous en avons conclu que l approche par les résultats permettait d obtenir une valeur plus représentative de celle qu un intervenant du marché assignerait aux immobilisations de production, compte tenu des réalités désavantageuses du marché et de l improbabilité que l intervenant construise une nouvelle usine. (Dans le cas inverse, plus d importance aurait pu être accordée à l approche par le coût de remplacement après amortissement.) Conclusion Faire le choix non récurrent d évaluer des immobilisations corporelles à leur juste valeur, aux fins du passage aux NCECF, peut vraisemblablement entraîner l application de techniques d évaluation spécialisées. La direction pourrait envisager de retenir les services d un expert en évaluation pour déterminer la juste valeur de ces immobilisations, afin de s assurer que les montants présentés au bilan de l entité reflètent les valeurs appropriées et satisfont aux exigences de l auditeur. 14 Juste valeur des immobilisations corporelles d une entité NCECF 3063

Catherine Tremblay est associée au sein des Services de consultation du bureau de Montréal de MNP s.e.n.c.r.l. Mme Tremblay a réalisé de nombreuses missions d évaluation d entreprise dans le contexte de fusions et d acquisitions, de soutien en litige et de restructurations d entreprises. Elle possède également une vaste expérience en évaluation à la juste valeur aux fins de la présentation de l information financière, y compris en évaluation d immobilisations incorporelles pour la répartition du coût d acquisition dans le cadre de regroupements d entreprises et de tests de dépréciation des écarts d acquisition, sujets sur lesquels elle a rédigé des publications et donné des conférences. Elle a agi à titre de conseillère auprès de l Autorité des marchés financiers du Québec en matière de répartition du coût d acquisition et de communication de l information financière. Elle est également reconnue par les tribunaux comme témoin - expert en évaluation d entreprises. Richard M. Wise est associé au sein des Services de consultation du bureau de Montréal de MNP s.e.n.c.r.l. Il occupait le poste de directeur principal chez Wise, Blackman s.e.n.c.r.l. avant la fusion de ce cabinet avec MNP. Il est membre du Business Valuation Standards Committee de l ASA depuis plus de 20 ans et détient le titre de Master Certified Business Appraiser aux États-Unis. M. Wise est l un des premiers récipiendaires du titre de CA EJC. M. Wise est le principal coauteur du Guide to Canadian Business Valuations (Thomson Carswell) et de l outil d aide à la pratique de l ICCA intitulé Introduction to Investigative and Forensic Practice Issues. Il a été témoin-expert en évaluation devant différents tribunaux et dans de nombreuses causes au Canada et aux États-Unis. Il a également agi pour l Agence du revenu du Canada, Justice Canada, le Bureau de la concurrence, le procureur général de l Ontario, le Bureau du Tuteur et curateur public de l Ontario et l Autorité des marchés financiers du Québec, et a été l adjoint spécial du ministre du Revenu national. M. Wise a reçu du Gouverneur général la médaille commémorative du 125 e anniversaire du Canada et a été nommé au College of Fellows of the American Society of Appraisers en 2006. CPA Canada entreprend des initiatives visant à aider les professionnels en exercice et les entreprises. Le présent bulletin s appuie sur les NCECF en vigueur en mai 2014. Il contient des indications de mise en œuvre ne faisant pas autorité et n a pas été adopté, sanctionné, approuvé ou influencé de quelque autre façon que ce soit par le Conseil des normes comptables, ou par tout autre conseil ou comité de CPA Canada, ou par les instances dirigeantes ou les membres de CPA Canada ou d un ordre provincial. Le professionnel en exercice doit exercer son jugement professionnel pour déterminer si les indications contenues dans le présent bulletin sont appropriées et pertinentes compte tenu des circonstances propres à la mission d audit qu il réalise. Copyright 2014 Comptables professionnels agréés du Canada MAI 2014 15