Chirurgie bariatrique



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DOI : 10.4267/2042/54389 349 Chirurgie métabolique : faut-il opérer les diabétiques de type 2 avec IMC < 35 kg/m 2? Metabolic surgery: is surgery recommended for T2DM patients with BMI < 35 kg/m 2? Patrice Darmon Service de Nutrition, Maladies Métaboliques et Endocrinologie, CHU Sainte Marguerite, Marseille pdarmon@ap-hm.fr Résumé La chirurgie bariatrique est normalement réservée aux patients présentant un IMC 40 kg/m 2 ou 35 kg/m 2 avec des comorbidités susceptibles d être améliorées par la perte de poids. Les résultats remarquables sur l évolution du diabète de type 2 (55 % à 95 % de rémission) ont fait progressivement évoluer la vision purement «bariatrique» de cette chirurgie (objectif : perte de poids) vers une vision plus «métabolique» (objectif : rémission du diabète). Il est ainsi légitime de s interroger sur le bien-fondé de proposer une intervention à des patients diabétiques de type 2 présentant une obésité de grade 1 (IMC 30-35 kg/m 2 ) lorsque leur diabète est mal équilibré malgré une observance diététique et thérapeutique satisfaisantes. Le rapport bénéfice/risque de cette chirurgie chez les patients DT2 avec IMC < 35 kg/m 2 reste toutefois à déterminer ; en l absence d études randomisées menées spécifiquement dans cette population, les sociétés savantes restent prudentes sur le sujet, à l exception de la Fédération Internationale du Diabète qui, depuis 2011, reconnaît la chirurgie métabolique comme une option thérapeutique chez les patients présentant un IMC entre 30 et 35 kg/m 2 et restant mal équilibrés (HbA1c > 7,5 %) malgré un traitement médical optimisé. Cette position se base sur l analyse d études d observation illustrant l efficacité du traitement chirurgical de l obésité sur l équilibre glycémique et la rémission du DT2 dans cette population particulière, avec un taux de décès et de complications postopératoires similaires à ceux retrouvés habituellement. Pour autant, seules des études randomisées menées spécifiquement chez ces patients avec un suivi à long terme, versus une prise en charge basée sur des modifications intensives du mode de vie et/ou des traitements «modernes» comme les agonistes des récepteurs du GLP-1, évaluant également le risque de complications, l impact sur la qualité de vie et les conséquences socio-économiques, nous permettront d identifier la place réelle de la chirurgie métabolique dans la stratégie thérapeutique du DT2 chez les patients avec IMC < 35 kg/m 2. Chirurgie bariatrique Mots clés Chirurgie bariatrique ; Chirurgie métabolique ; Diabète de type 2 ; Obésité Abstract Bariatric surgery is usually reserved for patients with a BMI 40 kg/m 2 or 35 kg/m 2 with comorbidities that could be improved by weight loss. Its spectacular results on the evolution of type 2 diabetes (T2DM) - 55% to 95% of remission - have gradually changed the bariatric vision of this surgery (primary objective: weight loss) to a more metabolic vision (primary objective: diabetes remission). Today, it is therefore legitimate to question the merits of such an intervention for T2DM patients with grade 1 obesity (BMI 30-35 kg/m 2 ) when diabetes is poorly controlled despite good dietary and therapeutic observance. However, the benefit/risk ratio of this surgery in T2DM patients with BMI < 35 kg/m 2, remains to be determined. In the absence of randomized studies conducted in this specific population, most of international recommendations remain cautious on this subject, with the exception of those of the International Diabetes Federation, that recognize since 2011 metabolic surgery as

350 Hegel Vol. 4 N 4-2014 a therapeutic option for T2DM patients with a BMI between 30-35 kg/m 2 when diabetes is poorly controlled (HbA1c > 7.5%) despite optimized medical treatment. This position is based on the analysis of observational studies showing the effectiveness of obesity surgery on glycemic control and remission rate of T2DM in this specific population, with a rate of death and post-operative complications similar to those usually observed. Nevertheless, randomized studies conducted specifically in these patients vs intensive lifestyle changes and/or modern therapies as GLP-1 analogues, with long-term monitoring to assess the risk of complications, the impact on quality of life and the socio-economic consequences, are mandatory to identify the actual place of metabolic surgery in the therapeutic strategy for T2D patients with a BMI < 35 kg/m 2. Keywords Bariatric surgery; Metabolic surgery; Type 2 diabetes; Obesity Introduction Depuis 2009, rejoignant la plupart des recommandations internationales, la Haute Autorité de Santé (HAS) stipule que les patients éligibles pour la chirurgie de l obésité doivent avoir un IMC 40 kg/ m 2 ou 35 kg/m 2 avec des comorbidités susceptibles d être améliorées par la perte de poids [1]. Ces dernières années, l évolution progressive d une vision «bariatrique» de cette chirurgie (objectif : réduction de l excès pondéral) à une vision «métabolique» (objectif : amélioration des co-morbidités) a ouvert la voie à un nouveau paradigme dans le traitement du diabète de type 2. Dans cette optique, il semble aujourd hui légitime de s interroger sur le bien-fondé de proposer une intervention à des patients diabétiques de type 2 présentant une obésité de grade 1 (IMC 30-35 kg/m 2 ) voire un simple surpoids, lorsqu ils sont mal équilibrés malgré une observance diététique et thérapeutique satisfaisantes. Le diabète de type 2, une maladie opérable? Au-delà de son efficacité spectaculaire sur la réduction pondérale, la chirurgie bariatrique est un remarquable traitement du diabète de type 2 puisqu elle est associée à une rémission de la maladie - certes définie de manière parfois imprécise ou discutable - chez 55 % à 95 % des patients comme l ont montré de très nombreuses études de cohorte [2, 3], une célèbre étude observationnelle prospective contrôlée - l étude SOS (Swedish Obese Subjects) [4] - ainsi que plusieurs méta-analyses [5, 6]. Il ressort globalement de ces travaux que : l amélioration du contrôle glycémique intervient de façon très précoce (surtout après chirurgie malabsorptive), bien avant l obtention d un amaigrissement significatif, et n est pas prédite par l IMC initial ; la rémission du diabète de type 2 est d autant plus difficile à obtenir que le sujet est âgé, le diabète ancien, l HbA1c préopératoire élevée et le traitement antidiabétique complexe. Le bénéfice glycémique très rapidement observé est lié à la restriction alimentaire et à la perte de poids (diminution de l insulinorésistance, réduction de la gluco- et de la lipotoxicité), mais également à des modifications de sécrétion de certaines hormones digestives (ghréline, GLP-1, neuropeptide YY, oxyntomoduline ) impliquées dans la régulation de la prise alimentaire et/ou dans l homéostasie du glucose; d autres mécanismes pourraient intervenir, comme une augmentation de la néoglucogenèse intestinale après gastric bypass (responsable d une réduction de la prise alimentaire et d une diminution de la production hépatique de glucose) ou comme des modifications de la microflore intestinale [7]. Au cours de ces dernières années, quatre essais randomisés sont venus tout à tour démontrer l impressionnante supériorité à court et moyen terme de la chirurgie bariatrique sur la prise en charge médicale de référence dans la rémission du diabète de type 2, avec un recul variant de 1 à 3 ans [8-12]. En dépit du nombre limité de patients inclus, ces études de qualité viennent renforcer la légitimité de l approche chirurgicale dans le traitement du diabète de type 2, avec par ordre croissant d efficacité : anneau gastrique ajustable, sleeve gastrectomy, gastric bypass et diversion biliopancréatique. Il n en reste pas moins que rémission n est pas synonyme de guérison et le suivi des patients inclus dans ces études permettra de définir dans quelle mesure la rémission peut se maintenir à plus long terme - rappelons que dans l étude SOS, 72 % des diabétiques de type 2 opérés étaient en rémission à 2 ans,

351 mais seulement 36 % à 10 ans et 30 % à 15 ans [4]. Cet échappement est plus volontiers retrouvé chez les patients présentant un diabète ancien avec fonction β-sécrétoire défaillante, et est considérablement influencé par la reprise de poids (ce qui explique une fréquence plus élevée de récidive après anneau ou sleeve gastrectomy qu après gastric bypass) [2, 13]. Quels résultats chez les patients diabétiques de type 2 présentant un IMC < 35 kg/m 2? Le rapport bénéfice/risque de la chirurgie métabolique chez les patients diabétiques de type 2 avec IMC entre 30 et 35 kg/m 2 n est pas clairement établi [14-15]. En l absence de preuves scientifiques validées, la plupart des sociétés savantes internationales restent prudentes sur le sujet. Ainsi, l Association Américaine du Diabète (ADA) précise dans ses recommandations de 2014: Although small trials have shown glycemic benefit of bariatric surgery in patients with type 2 diabetes and BMI 30-35 kg/m 2, there is currently insufficient evidence to generally recommend surgery in patients with BMI <35 kg/m 2 outside of a research protocol [16]. En France, cette position est partagée par les Académies de Médecine et de Chirurgie dans un rapport daté de 2013 [17]. Cependant, depuis 2011, la chirurgie bariatrique est reconnue par la Fédération Internationale du Diabète (IDF) comme une option thérapeutique pouvant être retenue chez les diabétiques de type 2 présentant un IMC entre 30 et 35 kg/m 2 à condition que le diabète reste mal équilibré (HbA1c > 7,5 %) malgré un traitement médical optimisé, en particulier si le poids est en augmentation ou lorsqu il existe des comorbidités liées à l obésité comme l hypertension artérielle, les dyslipidémies ou le syndrome d apnées du sommeil [18]. La position de l IDF que l on pourra juger prématurée, iconoclaste ou avant-gardiste, trouve sa justification dans l analyse de données issues essentiellement d études d observation illustrant l efficacité du traitement chirurgical de l obésité sur l équilibre glycémique et le taux de rémission du diabète dans cette population particulière, et reprises dans différentes méta-analyses portant sur des effectifs allant de 350 à plus de 2 000 patients [19-24]. Globalement, ces méta-analyses concluent à la remarquable efficacité de la chirurgie chez ces patients (diminution de l IMC de plus de 5 kg/m 2, baisse du taux d HbA1c d environ 2,5 %, rémission du diabète dans 55 à 85 % des cas) ; si les résultats pondéraux semblent un peu inférieurs à ceux observés chez les patients avec IMC > 35 kg/m 2, les résultats métaboliques paraissent comparables, et le taux de décès (entre 0,02 et 0,4 %) et de complications postopératoires (3 à 10 %) sont similaires à ceux retrouvés habituellement. La dernière et la plus vaste méta-analyse à ce jour est celle de Ngiam et al. montrant sur 2 258 patients issus de 53 études (IMC entre 28,6 et 34,6 kg/m 2 ), et au terme d un suivi médian de 19,7 mois, une diminution moyenne de 5,5 kg/m 2 de l IMC et de 2,8 % de l HbA1c, avec un taux de rémission (défini par une HbA1c < 6,5 % sans traitement pendant au moins 1 an) de 60,1 %, avec une efficacité un peu inférieure de l anneau gastrique ajustable et du duodenal jejunal bypass par rapport aux autres techniques chirurgicales [24]. Cependant, les études incluses dans toutes ces méta-analyses sont très hétérogènes (critères d inclusion, techniques chirurgicales utilisées, définition de la rémission) et portent sur de faibles effectifs, avec une médiane de suivi assez courte. Pour autant, dans une analyse secondaire récente de l étude SOS, l impact de l intervention a été évalué sur la population des patients qui étaient (n = 3 814) ou non (n = 233) éligibles à la chirurgie bariatrique selon les critères classiques (type «recommandations HAS») : après 10 ans de suivi, le niveau des facteurs de risque cardiovasculaire était amélioré par la chirurgie de la même façon dans les deux groupes, à l exception d une efficacité supérieure sur la glycémie, le rapport T/H et les ALAT dans le groupe «éligible»; concernant l incidence du diabète de type 2, après ajustement pour l âge et le sexe, la réduction du risque était comparable : 67 % dans le groupe «éligible» vs 73 % dans le groupe «non éligible» [25]. Toutes ces données semblent légitimer la position de l IDF et plaider pour l élargissement des indications opératoires pour les diabétiques de type 2 avec IMC < 35 kg/m 2. Pour autant, il n existe pas à ce jour d études randomisées menées spécifiquement dans cette population. Dans les quatre essais randomisés récemment publiés, le nombre de patients présentant une obésité de grade 1 est faible (0/60 patients inclus dans l étude de Mingrone [9] ; 13/60 dans celle de Dixon [8] ; 51/150 dans celle de Schauer [11, 12]), à l exception notable de l étude d Ikkramudin (71/120) pour laquelle on ne dispose pas encore malheureusement de l analyse de ce sous-groupe de patients [10]. Cependant, dans l étude de Schauer et al., l efficacité de la chirurgie bariatrique sur l IMC, l HbA1c et le sevrage en antidiabétiques est similaire chez les sujets ayant un IMC < 35 kg/m² (n= 51) et chez ceux ayant un IMC > 35 kg/m² (n = 99) [12].

352 Hegel Vol. 4 N 4-2014 Un rapport bénéfice/risque encore mal connu Néanmoins, la balance bénéfice/risque de la chirurgie chez ces sujets diabétiques avec obésité de grade 1 reste à déterminer, en particulier pour les patients les plus fragiles ou présentant des complications. En dépit des progrès réalisés au cours de ces dernières années, la chirurgie bariatrique reste une chirurgie à risques, avec un taux de mortalité postopératoire variant entre 0,1 et 0,5 % selon l expertise du centre, l état général du patient et la technique utilisée (jusqu à 1 % pour la diversion biliopancréatique) et un taux de complications péri-opératoires autour de 5 % [7]. La chirurgie bariatrique n est pas dénuée non plus de risques somatiques et psychologiques à moyen et long termes : dénutrition protéique, carences en micronutriments, neuropathies, déminéralisation osseuse, dumping syndrome, hypoglycémies, troubles du comportement alimentaire, suicide le tout dans une population où l expérience nous apprend que le suivi postopératoire à long terme, pourtant essentiel, est loin d être conforme à ce qui est recommandé. On manque cruellement d études randomisées menées spécifiquement chez ces patients avec un suivi à long terme, versus une prise en charge basée sur des modifications intensives du style de vie et/ou des traitements «modernes» susceptibles de faire perdre du poids comme les agonistes des récepteurs du GLP-1. Seules des études de ce type, évaluant également le risque de complications, l impact sur la qualité de vie et les conséquences socio-économiques, nous permettront d identifier la place de la chirurgie métabolique dans la stratégie thérapeutique du diabète de type 2 chez les patients avec IMC < 35 kg/m 2. Conclusions Avant d intégrer définitivement l option «chirurgie métabolique» dans les algorithmes de prise en charge du diabète de type 2, et plus particulièrement chez les patients présentant une obésité de grade 1 ou un simple surpoids, il faudra garder une certaine prudence et trouver des réponses aux nombreuses questions encore en suspens : A partir de quelle valeur d IMC pourra-t-on considérer la chirurgie métabolique comme une option thérapeutique chez le patient diabétique de type 2? Quelle technique chirurgicale devra-t-on privilégier? Au vu de la meilleure compréhension des mécanismes hormonaux sous-jacents, quelle sera la place des techniques chirurgicales innovantes (prothèse endoluminale duodéno-jéjunale, interposition iléale)? La chirurgie métabolique devra-t-elle être envisagée précocement afin de ralentir l évolution du diabète de type 2 (et, on l espère, de ses complications) ou plutôt comme une solution de dernier recours? Quoi qu il en soit, il est évident qu en raison de ses risques potentiels, de son retentissement médicopsychologique potentiel et de la nécessité d un long et rigoureux suivi, les indications de la chirurgie métabolique devront toujours, au-delà des recommandations, rester suspendues à une évaluation individuelle du rapport bénéfice/risque. Références 1. Haute Autorité de Santé (HAS). Chirurgie de l obésité prise en charge pré- et post-opératoire du patient. Juin 2009 : http://www.has-sante.fr. 2. Arterburn DE, Bogart A, Sherwood NE, et al. A multisite study of long-term remission and relapse of type 2 diabetes mellitus following gastric bypass. Obes Surg 2013;23:93-102. 3. Adams TD, Davidson LE, Litwin SE, et al. Health benefits of gastric bypass surgery after 6 years. JAMA 2012;308:1122-31. 4. Sjöstrom L, Peltonen M, Jacobson P et al. Association of bariatric surgery with long-term remission of type 2 diabetes and with microvascular and macrovascular complications. JAMA 2014;311:2297-304. 5. Buchwald H, Estok R, Fahrbach K et al. Weight and type 2 diabetes after bariatric surgery: systematic review and meta- analysis. Am J Med 2009;122:248.e5-256.e5. 6. Ribaric G, Buchwald JN, McGlennon TW. Diabetes and weight in comparative studies of bariatric surgery vs conventional medical therapy: a systematic review and meta-analysis. Obes Surg 2014;24: 437-55. 7. Dixon JB, Le Roux CW, Rubino F, et al. Bariatric surgery for type 2 diabetes. Lancet 2012;379:2300-11. 8. Dixon JB, O'Brien PE, Playfair J et al. Adjustable gastric banding and conventional therapy for type 2 diabetes: a randomized controlled trial. JAMA 2008;299:316-23.

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