Remplir les coffres de l État. Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes

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Transcription:

Remplir les coffres de l État Mémoire au Comité permanent des finances de la Chambre des communes Rédigé par : Milt Isaacs, Scott Chamberlain et Joe Boughner Association canadienne des agents financiers Le 6 août 2014

Sommaire Le grand livre du Canada accuse un déséquilibre. Pour tenter de se rétablir de la crise économique mondiale, le gouvernement se contente depuis 2007 de mettre l accent exclusivement sur les dépenses. Bien que les budgets d austérité puissent faire partie d une démarche à court terme pour équilibrer le grand livre, ils se révèlent inefficaces et peut-être même dangereux à moyen et à long terme. Le véritable leadership exige que l on envisage toutes les solutions possibles. Il est donc impératif que nos dirigeants portent à présent leur attention sur la nécessité pour le gouvernement d établir une assiette fiscale équitable. En sa qualité de représentante des agents financiers du secteur public du Canada, l Association canadienne des agents financiers (ACAF) possède une perspective éclairée de la politique fiscale canadienne. L ACAF formule deux recommandations interreliées relatives au budget de 2014 : une réforme modérée et ciblée du droit fiscal du Canada en vue d éliminer la manipulation des prix de transfert et la déduction pour options d achat d actions et d établir une taxe sur les transactions financières; et un engagement à utiliser les fonds provenant de ces réformes pour équilibrer le budget et réinvestir dans des services publics de qualité afin de garantir la viabilité budgétaire et sociale pour tous et toutes. Trois des plus graves problèmes que pose le régime fiscal canadien sont la déduction pour options d achat d actions lessiveuse de recettes fiscales, le recours généralisé à la manipulation des prix de transfert et l absence d une taxe modique sur les transactions financières. On estime que la déduction pour options d achat d actions coûte aux gouvernements canadiens huit milliards de dollars par année et que 90 % des avantages de cette déduction vont à la tranche de 1 % des personnes les mieux nanties 1. Le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux perdent environ 7,8 milliards de dollars par année au total à cause de stratagèmes d évitement fiscal mettant en cause la manipulation des prix de transfert et les paradis fiscaux. Dix paradis fiscaux ont, à eux seuls, abrité plus de 170 milliards de dollars en 2013 soit une hausse de 15 milliards de dollars par rapport à 2012 2. Une taxe sur les transactions financières juste et raisonnable, établie à 0,5 % des actions transigées à la Bourse de Toronto, produirait des recettes estimatives de 3,5 milliards de dollars par 1 Statistique Canada (via Canadiens pour une fiscalité équitable) 2 Idem 2

année, en supposant qu elle entraînerait une baisse de 50 % du volume et de la valeur des transactions 3. Cela équivaudrait à une taxe de 5 $ sur une transaction d une valeur de 1000 $. Les recettes provenant de ces améliorations fiscales produiraient une source de revenu durable pour le budget du Canada tout en éliminant toute justification de mesures d austérité et de compressions à la fonction publique qui touchent tous les Canadiens et toutes les Canadiennes. 3 Sanger, Toby, Fair Shares, How Banks, Brokers and the Financial Industry Can Pay Fair Taxes, Centre canadien de politiques alternatives, avril 2011. 3

Introduction En sa qualité de représentante des gestionnaires financiers du secteur public du Canada, l Association canadienne des agents financiers (ACAF) mettra l accent sur deux thèmes interreliés aux fins de recommandations relatives au budget de 2014 : améliorer le régime fiscal du Canada; et équilibrer le budget fédéral de manière à garantir la viabilité budgétaire. Nous croyons que, si les réformes fiscales justes et raisonnables proposées sont mises en œuvre, on pourra équilibrer le budget et réinvestir fortement dans l innovation et les services publics sans devoir recourir à d autres mesures d austérité. Les mesures d austérité et les compressions dans les programmes publics qui en résultent deviennent de plus en plus intenables et cette tendance ne pourrait que s accentuer : Statistique Canada prévoit que, d ici 2051, 25 % de la population sera âgée de plus de 65 ans. Et notre population vieillissante commencera à dépendre lourdement des services publics dès la prochaine décennie. Pour être équilibré, un budget doit tenir compte des deux colonnes du grand livre. Jusqu ici, on a mis l accent sur les dépenses les mesures d austérité et les compressions dans les services publics qui en résultent. Ces compressions touchent la plupart des Canadiens et des Canadiennes par la perte de services et, dans bien des cas, d emplois. Cependant, pour équilibrer un budget, il ne suffit pas de sabrer dans les dépenses; il faut aussi percevoir les recettes qui sont exigibles. En améliorant le droit fiscal, en éliminant les stratagèmes d évitement et en enquêtant sur les fraudeurs de l impôt et en les obligeant à rendre compte de leurs actes, on obtiendra une source importante, durable et jusqu ici inexploitée de revenus pour les fonds publics canadiens. Il en résultera un budget vraiment équilibré qui soutient également les services publics solides dont les Canadiens et les Canadiennes ont besoin et qu ils méritent. 4

Recommandation n o 1 : éliminer les déductions pour options d achat d actions Contexte En matière de fiscalité, l un des problèmes les plus graves est la persistance de déductions d impôt injustes et intenables qui avantagent exagérément les mieux nantis tout en ne valant rien pour la majorité des Canadiens et des Canadiennes. Les mieux nantis ayant un revenu de 135 000 $ ou plus sont, en théorie, imposés à un taux de 29 %, la moyenne pour un pays industrialisé. Toutefois, grâce à la persistance des déductions dans le système fiscal canadien, ces personnes sont effectivement imposées à un taux de 19,7 %. De fait, la tranche de 1 % des Canadiens et des Canadiennes les plus riches paie moins d impôts que toute autre personne, y compris la tranche de 10 % des plus pauvres 4. L ACAF estime que le Canada ne saurait espérer en arriver à un budget vraiment équilibré sans que ces déductions injustes et intenables ne soient éliminées. Une des dispositions fiscales les plus importantes qui contribuent à ce phénomène, c est la déduction pour options d achat d actions. La déduction pour options d achat d actions permet au personnel de direction et aux premiers dirigeants dont la rémunération se compose en partie d options d achat d actions d être imposés sur seulement 50 % de leur revenu provenant de l encaissement de ces actions d entreprises. Pour sa part, le Canadien moyen ou la Canadienne moyenne est imposé sur la totalité de ses revenus après l exemption habituelle de 11 000 $. Il ne s agit pas là d une disposition fiscale de portée générale : plus de 95 % de l avantage de cette échappatoire va à la tranche de 2 % des personnes les mieux nanties. En outre, bien que la déduction pour options d achat d actions n ait aucune valeur pour la majorité des Canadiens et des Canadiennes, elle leur coûte certes fort cher : cette déduction coûte au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux ensemble une somme estimative de huit milliards de dollars par année en recettes. Non seulement la déduction pour options d achat d actions est-elle dispendieuse et de peu de valeur pour la plupart des Canadiens et des Canadiennes, mais elle est aussi dangereuse sur le plan économique. Les meilleurs économistes du Canada ont carrément déclaré qu il faudrait éliminer la déduction pour options d achat d actions. Ils ont ajouté qu elle encourage le raisonnement à court terme et le comportement aventureux et spéculatif comportement que l ancien gouverneur de la 4 Canadiens pour une fiscalité équitable 5

Banque du Canada, Mark Carney, a cerné comme l une des causes des marchés financiers instables. Recommandation L ACAF recommande fortement l élimination de la déduction pour options d achat d actions; il faudrait considérer les options d achat d actions acquises en rémunération d un emploi comme étant une rémunération d emploi ordinaire et l imposer en conséquence. Valeur L élimination de la déduction pour options d achat d actions vaudrait à elle seule une somme additionnelle de huit milliards de dollars en fonds publics combinés. 6

Recommandation n o 2 : éliminer la manipulation des prix de transfert Contexte Une autre source importante de fonds publics reste latente chaque année, à savoir, des milliards de dollars perdus par suite du recours à des stratagèmes d évitement fiscal mettant en cause le transfert théorique de biens, de propriété intellectuelle et de services à des filiales résidant dans des paradis fiscaux. L évitement fiscal prend diverses formes, mais les plus courantes et les plus coûteuses comportent habituellement le recours à des filiales ou à des sociétés fictives comptant peu d employés, voire aucun, dont les fonds sont basés dans des pays à faible ou sans fiscalité comme la Suisse, l Irlande ou les Bahamas. La manipulation des prix de transfert fonctionne comme suit : essentiellement, les sociétés mères ou sœurs canadiennes affectent théoriquement les biens, la propriété intellectuelle et/ou les services à leurs filiales. Les redevances et/ou les bénéfices de la vente de ces biens à un tiers sont réalisés fictivement dans le paradis fiscal et imposés à un taux moindre. Les biens et services ne sont jamais vraiment transférés, et le Canada est privé de la totalité ou d une partie des recettes fiscales provenant de biens et services produits au Canada. Il s agit d un jeu de gobelets corporatif qui persiste parce que le régime fiscal n interdit pas clairement le comportement et que le Canada choisit de ne pas investir dans l exécution du droit fiscal établi. D après des données de Statistique Canada, Canadiens pour une fiscalité équitable estime qu en 2013, 10 paradis fiscaux ont, à eux seuls, abrité plus de 170 milliards de dollars. L organisme estime également que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ont, ensemble, perdu environ 7,8 milliards de dollars par suite du recours à des stratagèmes d évitement fiscal et d évasion fiscale dans des paradis fiscaux en 2013. Ce qui est encore plus inquiétant que ces chiffres, c est leur rythme de croissance. Le chiffre de 170 milliards de dollars ci-dessus représente une hausse de 15 milliards de dollars par rapport à 2012. Environ 60 % du commerce international se produit au sein de multinationales plutôt qu entre elles : autrement dit, au-delà des frontières nationales, mais à l intérieur du même groupe de sociétés 5. On a avancé que ce chiffre pourrait même s approcher de 70 %. 5 http://www.taxjustice.net/topics/corporate-tax/transfer-pricing/ 7

Ces bénéfices qui trouvent injustement refuge outre-mer sont le résultat d exploitation dans un marché canadien, grâce à des ressources financées par les contribuables. Il n y aurait pas de bénéfices sans l utilisation de l infrastructure canadienne et d effectifs canadiens dont les soins de santé et l éducation sont, à l heure actuelle, exagérément défrayés par des citoyens et des citoyennes qui paient leur juste part d impôt sur le revenu. De fait, ces sociétés et particuliers drainent l économie en utilisant des ressources financées par les contribuables, mais en refusant de contribuer leur part. C est tout simplement de la mauvaise gestion financière. Il faut régler le problème de la manipulation des prix de transfert de manière décisive par une réforme législative et l investissement dans les organismes d État chargés d exécuter les lois pertinentes et d obtenir pour le Canada sa juste part de recettes. Le gouvernement fédéral devrait adopter un système exigeant que les sociétés mères et leurs filiales présentent l information regroupée et la ventilation sur formulaire. Les transactions intrafiliales ne seraient pas prises en compte et les revenus provenant de l attribution de licences seraient répartis entre les compétences fiscales où la PI est utilisée. Le groupe de sociétés ne pourrait pas adopter pour position que les revenus provenant de l attribution de licences appartiennent à une société de portefeuille basée dans un paradis fiscal. Une déclaration regroupée obligatoire empêcherait les multinationales de se livrer au jeu de gobelets actuel qui draine huit milliards de dollars de recettes fiscales légitimes et justes chaque année. Recommandation L ACAF recommande fortement au gouvernement de s engager à réformer le droit fiscal et à mettre fin à la manipulation des prix de transfert et, encore une fois, à affecter les fonds perçus des enquêtes afférentes au renforcement de services publics avantageux pour tous les Canadiens et les Canadiennes. Valeur Tel qu il en est question ci-dessus, l évitement fiscal par suite du recours à des paradis fiscaux coûte au gouvernement fédéral et aux gouvernements provinciaux environ 7,8 milliards de dollars par année. C est là une autre somme de 7,8 milliards de dollars qui pourrait se trouver dans les fonds publics. 8

Recommandation n o 3 : établir une taxe sur les transactions financières Contexte Une taxe sur les transactions financières (TTF) modelée sur celle de l UE qui doit être mise en œuvre le 1 er janvier 2016 produirait des recettes de plus de 3,5 milliards de dollars sans pour autant nuire de façon appréciable à la croissance de l économie. Une TTF s appliquerait aux transactions entre les institutions financières exigeant 0,1 % pour l échange d actions et d obligations et 0,01 % pour les contrats dérivés. Pour éviter des incidences négatives non désirées sur l économie réelle, une telle taxe ne s appliquerait pas aux activités financières normales des citoyens et des entreprises (par exemple, emprunts personnels, paiements, assurances et dépôts bancaires); aux activités bancaires d investissement aux fins de capitalisation; aux transactions relatives à des opérations de restructuration; ou aux transactions de refinancement avec des banques centrales. En plus de produire des recettes fiscales, une TTF aurait pour avantage supplémentaire de servir de frein efficace aux échanges à grand volume automatisés et aux dérivés à degré d endettement élevé qui contribuent à la manipulation et à l instabilité des marchés. Recommandation L ACAF recommande au Canada d emboiter le pas à ses partenaires commerciaux de l UE et d adopter une TTF modelée sur la taxe de l UE qui sera mise en œuvre le 1 er janvier 2016. Valeur L établissement d une TTF pourrait produire 3,5 milliards de dollars par année, en supposant qu une telle taxe entraînerait une baisse de 50 % du volume et de la valeur des transactions 6. Cela équivaudrait à une taxe de 5 $ sur une transaction d une valeur de 1000 $. 6 Sanger, Toby, Fair Shares, How Banks, Brokers and the Financial Industry Can Pay Fair Taxes, Centre canadien de politiques alternatives, avril 2011. 9

Conclusion Le régime fiscal actuel permet aux multinationales et aux très bien nantis de mettre à l abri leurs revenus et leurs bénéfices sans justification, tout en ayant pleinement accès au capital humain et à l infrastructure soutenus par les recettes fiscales. En mettant en œuvre les recommandations ci-dessus, on pourrait percevoir des recettes fiscales supplémentaires de 19,5 milliards de dollars par année et utiliser cette somme pour équilibrer le budget, investir dans des services publics, de l innovation, des infrastructures, de l éducation et des soins de santé de qualité. Nous n avons pas les moyens de subventionner les multinationales et les très bien nantis. Il n est que juste qu ensemble, nous payions tous et toutes notre part. Certains feront valoir que ces avantages consentis aux multinationales et aux bien nantis s imposent pour stimuler les investissements et la création d emplois, mais, de fait, notre expérience au Canada révèle que, depuis 2007, les multinationales ont engrangé la grande majorité des bénéfices accrus en vue de financer des fusions et des acquisitions et d investir du capital manufacturier dans d autres pays dont les coûts de main-d œuvre se situent au seuil de la pauvreté. Le Canada doit d abord servir les Canadiens et les Canadiennes. Et quiconque a l avantage de vivre ou de faire affaires dans ce grand pays doit payer une part juste et égale. 10