Imposition des plus-values immobilières Comment éviter un effet néfaste à court terme sur les prix de l immobilier consécutif à l instauration d un impôt sur la plus-value? Appelons «période transitoire» la période qui sépare le moment où le projet de taxation des plusvalues immobilières est communiqué au public et le jour où la nouvelle loi entre en vigueur. Si on parvient à écourter cette période transitoire, on réduit d autant le risque que les propriétaires voulant profiter d un effet d aubaine participent finalement à la baisse généralisée des prix de l immobilier. Si la nouvelle loi est votée à l automne, elle peut entrer en vigueur le 1 er janvier qui suit. Evidemment, on n a pas toujours la maîtrise de l agenda parlementaire. C est pourquoi, d autres solutions peuvent être envisagées, telle une entrée en vigueur progressive du nouveau dispositif légal. Comment faire? En exonérant une partie de la plus-value les premières années, on éviterait un afflux de biens sur le marché, lequel pousserait inévitablement les prix à la baisse. D année en année, la quote-part de la plus-value exonérée irait en diminuant. Après 5 ans, la totalité de la plus-value serait taxée. Je crois utile de préciser à cet endroit que je recommande une exonération totale de la plus-value immobilière lorsqu il s agit du logement familial occupé depuis plus de 5 ans par le contribuable. Cette disposition devrait aussi contribuer à une certaine stabilisation des prix. Quels sont les pays européens qui taxent les plus-values immobilières? Voyez le tableau comparatif en annexe 1
Comme vous pourrez le constater à la lecture du tableau annexé à la présente note, les plus-values immobilières sont généralement taxées en Europe (sauf aux Pays-Bas). Toutefois, la plus-value relative à la résidence principale du contribuable est généralement exonérée. Quelles sont les conséquences de l imposition des plus-values immobilières sur la mobilité professionnelle? L imposition des plus-values n a pas nécessairement d impact sur la mobilité professionnelle. Ainsi, si la plus-value est taxée quel que soit le nombre d années de détention, le contribuable n a aucun intérêt à postposer le moment où il déménagera pour se rapprocher de son lieu de travail. En revanche, on peut craindre un effet néfaste sur la mobilité professionnelle si on exonère la plus-value après un certain nombre d années de détention (c est ce que je préconise pour le logement familial occupé par le contribuable depuis au moins 5 ans). Le contribuable pourrait dès lors être tenté d attendre l expiration du délai (de 5 ans) pour échapper à l impôt sur la plus-value avant de vendre sa maison d habitation et de se rapprocher de son lieu de travail. Pour neutraliser cet effet néfaste, je vous recommande d exonérer totalement la plus-value portant sur le logement du contribuable (même lorsque la réalisation du bien se fait dans les 5 ans) lorsque la vente est motivée par le désir du contribuable de se rapprocher de son lieu de travail. Il faut toutefois conditionner cette exonération au fait que la distance entre le lieu de travail et le nouveau logement a été réduite de plus de 50 km (par exemple) à moins de 10 km (par exemple). Revenu cadastral Base d imposition des revenus de certains immeubles Comment taxe-t-on les revenus immobiliers dans les autres pays européens? De quelle méthode de calcul de la base imposable notre pays pourrait-il s inspirer? 2
Voyez le tableau comparatif en annexe Dans les autres pays européens, la taxation des revenus immobiliers se fait toujours sur base du loyer réellement perçu, lesquels sont alors globalisés avec les autres revenus. A cet égard, la Belgique et les Pays-Bas font plutôt figure d exception. En ce qui concerne la déductibilité des charges, il n y a pas de tendance générale qui se dessine. Dans certains pays (comme l Allemagne, l Espagne et la France), on applique un système forfaitaire pour la déduction des charges. Dans d autres (comme les Pays-Bas et le Royaume-Uni), on permet au contribuable de déduire ses charges réelles. Le propriétaire occupant est généralement exonéré d impôt sur les revenus. La Belgique, les Pays- Bas et l Espagne font exception. Vu que la grande majorité des Etats européens taxent les loyers réellement perçus, je suis plutôt d avis de nous aligner sur eux. Quid alors de la déductibilité des charges? Afin de faciliter le travail de contrôle des agents du fisc, je suis à priori plutôt favorable à un système de déduction forfaitaire des charges. Il a cependant un grand inconvénient : il favorise l économie souterraine. Une déductibilité des charges réelles (plafonnée à un pourcentage du revenu réellement perçu) pourrait dès lors être un meilleur choix (plus compatible avec le souci légitime du législateur de lutter contre la fraude fiscale). Seules les factures d entretien et de réparation pourraient donner lieu à déduction ; les dépenses d investissement seraient uniquement prises en considération au moment de la réalisation du bien (pour déterminer la base de calcul de la plus-value en cas de revente de l immeuble). Pour taxer efficacement les loyers réellement perçus, je suggère d obliger les contribuables locataires à mentionner dans leur déclaration de revenus annuelle le nom de leur bailleur ainsi que le montant des loyers et des charges versés au cours de la période imposable. Afin d inciter les locataires à communiquer ces informations, on pourrait leur accorder un petit avantage fiscal (ex : réduction d impôt de 50 ). L actualisation du revenu cadastral va provoquer certaines secousses dans le marché de l immobilier d habitation. La valeur de certains biens pourrait grimper/baisser. De quelle manière pourrait-on compenser les effets de l actualisation du revenu cadastral pour les propriétaires existants? 3
Avant de répondre à cette question, je me dois d attirer votre attention sur le fait que la Commission européenne a récemment (fin novembre 2013) invité la Belgique à revoir son système de taxation des revenus immobiliers (basé sur le revenu cadastral pour ce qui concerne les immeubles d habitation loués à des particuliers). Les critiques de la Commission sont motivées par le fait que notre régime fiscal favorise l investissement dans l immobilier belge au détriment de l immobilier étranger. La Commission y voit une atteinte à la libre circulation des capitaux. Dans ce contexte, je crains que l actualisation du revenu cadastral ne soit pas la réponse attendue par l Europe au problème qu elle soulève. A moins bien sûr qu on ne décide de supprimer la réserve de progressivité pour les revenus immobiliers étrangers. Mais cette solution aurait un coût pour l Etat. Pour rappel, les revenus immobiliers étrangers ne sont presque jamais taxés en Belgique car ils sont déjà imposés dans le pays de situation de l immeuble (conformément aux conventions préventives de double imposition conclues par la Belgique). Les contribuables belges sont toutefois tenus de déclarer leurs revenus immobiliers étrangers (valeur locative ou loyers réellement perçus) afin de taxer les revenus d origine belge à un taux d imposition plus élevé. C est ce qu on appelle la réserve de progressivité. Si on supprime cette réserve de progressivité, le problème soulevé par l Europe disparaît de facto. Cette suppression de la réserve de progressivité permettrait dès lors de maintenir le régime de taxation actuel (basé sur le revenu cadastral). Il en résulterait cependant une inégalité entre ceux qui détiennent tous leurs immeubles en Belgique et ceux qui sont propriétaires ou usufruitiers d immeubles en Belgique et à l étranger. Seuls les premiers subiraient les effets de la progressivité de l impôt. Ce problème peut être évité par une taxation des revenus immobiliers à un taux distinct plutôt qu au tarif progressif. Ceci étant précisé, revenons à votre question. Vous m interrogez sur le point de savoir comment on pourrait compenser les effets de la revalorisation du revenu cadastral. La revalorisation du revenu cadastral pourrait entraîner tantôt une augmentation tantôt une diminution du prix de l immeuble. Les immeubles qui se sont dégradés au fil du temps ou qui sont situés dans des quartiers moins prisés devraient plutôt voir leur prix augmenter (ou rester stable) contrairement aux immeubles rénovés ou situés dans des quartiers plus aisés, dont le prix pourrait baisser en raison de l augmentation sensible du revenu cadastral et, par voie de conséquence, du précompte immobilier. A mon sens, l effet prix serait limité dans le temps. Quelques années tout au plus, le temps que le marché trouve un nouvel équilibre. Et comme l investissement immobilier se conçoit plutôt à long terme qu à court terme, les dégâts potentiels me semblent assez limités. La valeur des immeubles pourrait tout au plus stagner quelques années. Quoi de plus normal après une longue période de croissance ininterrompue des prix de l immobilier. 4
Proposer une quelconque compensation pour les propriétaires existants nous semble dès lors peu opportun d autant que cela grèverait inutilement le budget de l Etat fédéral (ou des entités fédérées). Une compensation pourrait consister à réduire temporairement les droits d enregistrement sur les ventes d immeubles. Une telle mesure bénéficierait avant tout à l acheteur mais aussi indirectement au vendeur puisqu il pourrait mettre son immeuble en vente à un meilleur prix. En droits d enregistrement, faut-il maintenir le tarif réduit pour les ventes d immeubles ruraux ou d habitations modestes en cas d actualisation du revenu cadastral? Si on actualise le revenu cadastral, le tarif réduit ne trouvera généralement plus à s appliquer étant donné que les immeubles auront tous ou presque tous un nouveau revenu cadastral supérieur au seuil maximal fixé par arrêté royal pour profiter du tarif réduit de 5% (tarif en vigueur en Région flamande) / 6% (Région wallonne et de Bruxelles-Capitale). Ma recommandation est dès lors de supprimer purement et simplement le tarif réduit pour les immeubles ruraux et les habitations modestes. Mieux vaut aligner notre tarif général (10% en Région flamande, 12,5% à Bruxelles et en Wallonie) sur la moyenne européenne (qui tourne autour de 6%) que maintenir un double tarif (le tarif normal et le tarif réduit). 5