Ismaël Baraud, ingénieur du département clos ISOLATION THERMIQUE ET ÉTANCHÉITÉ DES POINTS SINGULIERS PATHOLOGIE TOITURES

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1 RÉGLEMENTATION PATHOLOGIE TOITURES ISOLATION THERMIQUE ET ÉTANCHÉITÉ DES POINTS SINGULIERS TEXTE : FRANCK GAUTHIER PHOTOS & ILLUSTRATIONS : RAGE Les récentes Recommandations professionnelles RAGE apportent un ensemble de solutions concrètes concernant l isolation thermique et l étanchéité des points singuliers de toitures avec éléments porteurs en maçonnerie. Elles s intéressent notamment aux nouveaux modes de fixation des garde-corps sur les acrotères isolés, à l étanchéité des systèmes de couvertines, aux jonctions entre toiture-terrasse et parois enterrées, au traitement des joints Ismaël Baraud, ingénieur du département clos et couvert (constructions légères et couvertures) du CSTB analyse: «Force est de reconnaître que si les procédés d isolation des façades d un côté, et des toitures de l autre, sont bien documentés et bien réglementés, ce n était pas le cas des liaisons entre les deux. Concrètement, le plus souvent cette partie du chantier n était traitée sérieusement ni par le façadier, ni par l étancheur, faute de directives précises.» En effet, l épaisseur des isolants mis en œuvre, aussi bien au niveau des façades que des toitures, a progressé d année en année pour répondre aux exigences croissantes des réglementations thermiques successives. Mais comme les acrotères, par exemple, n étaient toujours pas isolés, les déperditions thermiques se produisant dans cette zone de faiblesse ont, au fur et à mesure, pris une importance croissante. «Plus les façades et les toitures sont isolées, plus les ponts thermiques sont influents. L augmentation des épaisseurs d isolant en façade et en toiture, si elle se poursuit, ne peut être pertinente que si elle est impérativement liée à l isolation complémentaire des interfaces. Pourquoi? Parce que pour répondre aux exigences des futures réglementations thermiques, l intégralité de l enveloppe du bâtiment, y compris les points singuliers, devra être isolée. Les liaisons façades/toitures peuvent être responsables, dans certains cas, de 40 % des déperditions thermiques totales à travers l enveloppe du bâtiment! (1) Téléchargeable gratuitement sur le site Internet Il faut donc faire naître une réflexion pour répondre de manière efficace à cette problématique», souligne Ismaël Baraud. Apporter des solutions concrètes De cette réflexion sont récemment nées les Recommandations professionnelles RAGE Isolation thermique et étanchéité des points singuliers de toitures avec éléments porteurs en maçonnerie Neuf (mars 2014) (1). Ces dispositions concernent les toitures de bâtiments d usage courant (hormis celles sur les locaux à température contrôlée inférieure à 0 C) réalisées en France métropolitaine en climat de plaine (altitude inférieure ou égale à 900 m), en travaux neufs. Elles ont pour but de définir les bonnes pratiques en matière de conception et de mise en œuvre des complexes d étanchéité et d isolation thermique au niveau des principaux points singuliers des toituresterrasses étanchées (pente au plus égale à 5 %) et des toitures étanchées inclinées (pente supérieure à 5 %) sur support en maçonnerie. Elles s intéressent notamment au traitement des ponts thermiques liés aux ouvrages verticaux rencontrés en toituresterrasses, qu ils soient continus (acrotères, pied de façade, retombées sur parois enterrées ) ou ponctuels (sorties, ressauts, rampes, escaliers, joints, naissances d eaux pluviales, crosses ). Ce document, qui vient utilement compléter les normes NF P (DTU 43.1) et 63

2 PATHOLOGIE RÉGLEMENTATION L idée maîtresse conduisant la conception de ces Recommandations professionnelles RAGE est une approche constructive, sous un angle pratique, avec de nombreux schémas détaillés et conformes à la réalité. Car, pour mémoire, dans l actuel DTU sur l étanchéité [ ], les schémas sont plus ou moins faussés (2) Voir l article «Des recommandations fiables pour les toitures», publié dans le n 137 de Qualité Construction (mars-avril 2013, pages 60 à 64). (3) Les ouvrages bénéficiant d un cuvelage ne sont pas visés. NFP (DTU 20.12), reprend aussi l essentiel des préconisations des Recommandations professionnelles n 4 de la Chambre syndicale française de l étanchéité de la Fédération française du bâtiment (CSFE-FFB) consacrées aux acrotères, Conception de l isolation thermique des toitures-terrasses et des toitures inclinées avec étanchéité (2). Le principe du compartimentage entre l ouvrage en partie courante et les ouvrages singuliers est notamment réaffirmé. «L idée maîtresse conduisant la conception de ces Recommandations professionnelles RAGE est une approche constructive, sous un angle pratique, avec de nombreux schémas détaillés et conformes à la réalité. Car, pour mémoire, dans l actuel DTU sur l étanchéité, qui traite d ailleurs assez peu de la partie isolation, les schémas sont plus ou moins faussés. Ils sont prévus avec de faibles épaisseurs d isolants, logiques à l époque de sa rédaction initiale, alors que maintenant des épaisseurs de cm sont couramment employées. Pour que les dessins soient actualisés à la bonne échelle, l isolant devrait avoir sur ces schémas quasiment la même épaisseur que la dalle béton. Une mise à jour de ces illustrations serait donc nécessaire pour coller à ce qui est rencontré au quotidien sur les chantiers», précise Ismaël Baraud. Parties courantes et points singuliers Ce document rappelle les dispositions générales en partie courante de la toiture: la règle veut que l isolation thermique soit mise en œuvre au-dessus de l élément porteur en maçonnerie. Cette solution assure la meilleure pérennité de l ouvrage car elle présente de nombreux avantages (protection du bâti contre les chocs thermiques, meilleure gestion des phénomènes de condensation, optimisation du traitement thermique, limitation des ponts thermiques ). Conséquence logique : les solutions conduisant à poser l isolant en sous-face de l élément porteur sont proscrites. 64 QUALITÉ CONSTRUCTION N 145 JUILLET / AOÛT 2014

3 L idée directrice de ce document est surtout d apporter des propositions concrètes pour traiter chaque point singulier de manière efficace et pérenne. Ainsi, par exemple, au niveau de la traversée des câbles, il précise que celle-ci doit s effectuer par l intermédiaire d une crosse métallique munie d une platine raccordée au revêtement d étanchéité. La stabilité de cette crosse doit être renforcée par un fourreau PVC rigide solidaire du gros œuvre. L attention de l équipe chargée du gros œuvre est aussi attirée, par exemple, sur la nécessité de prévoir une réservation d une taille suffisante afin de tenir compte de l épaisseur d isolant à mettre ensuite en œuvre sur les parois de chaque chéneau. Les principes énoncés dans la norme NF P (DTU 43.1) sont conservés et complétés par des solutions spécifiques aux escaliers rapportés sur plots solidaires avec emmarchements rapportés sur isolation inversée, au cas des ressauts en toitures-terrasses (inaccessibles ou accessibles aux piétons) La norme NF P (DTU 20.12) prévoit que les costières de joints de dilatation soient revêtues par une isolation thermique sans pour autant décrire de solution. Dorénavant, les présentes Recommandations professionnelles RAGE proposent quelques solutions techniques envisageables aussi bien en isolation inversée qu avec un isolant support d étanchéité. «Des solutions techniques sont prévues dans ce texte pour assurer l étanchéité et l isolation POUR EN SAVOIR PLUS TEXTES DE RÉFÉRENCE NF P (DTU 20.12) Maçonnerie des toitures et d étanchéité Gros œuvre en maçonnerie des toitures destinées à recevoir un revêtement d étanchéité (juillet 2000) et son amendement de novembre NF P (DTU 43.1) Étanchéité des toituresterrasses et toitures inclinées avec éléments porteurs en maçonnerie en climat de plaine (novembre 2004) et son amendement de septembre Recommandations professionnelles de la CSFE-FFB, téléchargeables sur n 4 Conception de l isolation thermique des toitures-terrasses et des toitures inclinées avec étanchéité (juin 2012); n 2 Isolation thermique par l extérieur des parois enterrées avec revêtement d étanchéité (février 2011). thermique des joints courants de gros œuvre (joints saillants courants, joints plats, joints plats surélevés ). En revanche, les joints en croix ou le raccordement des joints sur la façade, par exemple, ne sont volontairement pas décrits dans ce document car ils doivent faire l objet d une attention particulière», souligne Ismaël Baraud. Le cas délicat des parois enterrées Le paragraphe 5.3 de ces Recommandations professionnelles RAGE se consacre au raccordement du relevé d étanchéité isolé en pied de façade isolée par l extérieur (ITE). Il souligne notamment la nécessité d une bonne coordination entre l entreprise d étanchéité et celle chargée des travaux d ITE. L objectif prioritaire est évidemment d éviter que l étanchéité soit percée lors des travaux de mise en œuvre du système d ITE. Le paragraphe suivant s intéresse de près à l étanchéité et à l isolation thermique des retombées sur parois enterrées. Une grande attention est accordée aux jonctions entre une toiture-terrasse en rez-de-chaussée et les parois enterrées bordant des locaux pour lesquels, conformément à la norme NF DTU 20.1, aucune trace d humidité n est acceptée sur la face intérieure de leurs parois (murs de catégorie 1 de locaux habitables en sous-sol) (3). Dans ce cas, la mise en œuvre du complexe d étanchéité et de l isolant de la paroi verticale 65

4 PATHOLOGIE RÉGLEMENTATION est réalisée conformément aux Recommandations professionnelles n 2 de la CSFE-FFB Isolation thermique par l extérieur des parois enterrées avec revêtement d étanchéité. Seules sont visées les parois verticales enterrées avec étanchéité adhérente à la paroi et avec une isolation thermique positionnée entre l étanchéité et le terrain. Selon la nature du terrain, la paroi verticale comporte ou pas un système de drainage et/ou une protection mécanique complémentaire. «Le document RAGE précise, en outre, qu une jupe, de même constitution que la seconde couche du complexe d étanchéité de la partie courante de la terrasse, soudée en plein horizontalement et laissée libre verticalement, doit venir recouvrir la tête de l isolant de la paroi enterrée. Cette précaution permet le maintien de l isolant, assure une continuité mécanique du revêtement et évite ainsi que l eau de la terrasse ne s infiltre et/ou que la protection (terre ou gravillons) ne pénètre derrière l isolant», explique Ismaël Baraud. Garde-corps : une nouvelle approche La fixation des garde-corps sur les acrotères est une opération qui réclame davantage de soin que dans le passé. En effet, l étanchéité et l isolation des acrotères doivent être prises en compte, sans pour autant oublier l exigence réglementaire de fixer les garde-corps directement sur la structure, pour des raisons évidentes de sécurité. CE QU IL FAUT RETENIR : Le principe du compartimentage entre l ouvrage en partie courante et les ouvrages singuliers est réaffirmé. Il faut bien s assurer que l eau de la terrasse ne puisse pas s infiltrer à l arrière de l isolant d une paroi enterrée bordant un local habitable en sous-sol. La fixation des garde-corps s effectue directement sur la maçonnerie, soit sur le dessus de l acrotère, soit en applique (acrotère de plus de 60 cm de haut uniquement). Un acrotère à isolation répartie doit être protégé de la pluie par une couvertine, étanche et suffisamment large. La solution la plus courante est une fixation des garde-corps sur le dessus de l acrotère. Elle présente l intérêt de ne pas créer de ponts thermiques supplémentaires. Le garde-corps est alors fixé sur un sabot de type Z, lui-même fixé mécaniquement directement sur la face supérieure de l acrotère en béton. Afin d assurer une bonne stabilité mécanique du garde-corps, à défaut de justifications particulières, le revêtement d étanchéité sera découpé à la cote précise du sabot et enlevé, pour permettre un contact direct maçonnerie/sabot. La fixation des garde-corps en applique sur la face intérieure de l acrotère n est envisageable que sur la partie haute des acrotères de plus de 60 cm de haut (4) afin d éviter de recréer un pont thermique dans l isolation du relevé. Le rôle essentiel des couvertines Les couvertines abandonnent leur ancien rôle de simple habillage de finition pour devenir un dispositif de protection à part entière, indispensable pour garantir la pérennité des acrotères avec isolation répartie. «En effet, le système de couvertines (4) Comme le précisent les Recommandations professionnelles n 4 de la CSFE-FFB, l isolation de la face intérieure de l acrotère n est utile que jusqu à une hauteur de 60 cm en partant de l isolant de la partie courante en toiture. Si l acrotère fait moins de 60 cm de hauteur, sa face supérieure devra aussi être isolée. 66 QUALITÉ CONSTRUCTION N 145 JUILLET / AOÛT 2014

5 Ces Recommandations professionnelles RAGE, comme tous les autres documents du Programme RAGE d ailleurs, visent à développer de nouveaux réflexes de la part des concepteurs et des entreprises de mise en œuvre. La nécessité pour chaque corps d état d établir un dialogue avec les autres corps d état est, à chaque fois, soulignée assure l étanchéité complète à l eau du dessus de l acrotère, la protection mécanique et vis-à-vis des UV des isolants thermiques (côté extérieur et côté intérieur) et du revêtement d étanchéité, le rabattement de l eau de pluie vers la toiture-terrasse et le respect de la goutte d eau en façade», explique Ismaël Baraud. Autrefois larges d une vingtaine de centimètres, elles mesurent maintenant cm. Leur géométrie doit être adaptée à celle de l acrotère, sans oublier une pente minimale de 5 %, orientée vers la toiture-terrasse. Cette pente peut être obtenue par la géométrie de l acrotère ou par le système de fixation des couvertines. Pour le traitement des jonctions (angle en L, en T, courbe ), l emploi de pièces préfabriquées en usine doit être préféré à un façonnage de tôle sur le chantier, d une moindre fiabilité. En effet, l étanchéité à l eau du système de couvertines est assurée par un dispositif de récupération des eaux pluviales à la jonction entre deux éléments, avec un drainage de l eau vers la toiture-terrasse. Attention : de simples joints mastic ne peuvent assurer durablement cette étanchéité. Ces Recommandations professionnelles RAGE rappellent également que le système de fixation des couvertines sur leur support interdit leur percement sur leur face supérieure. Leur fixation doit donc s effectuer à l aide de vis en retombée ou par clipsage. Le dimensionnement de ces fixations doit évidemment être prévu pour éviter les risques d arrachement du système de couvertines lors de vents violents. Signalons enfin que ces Recommandations professionnelles RAGE, comme tous les autres documents du Programme RAGE d ailleurs, visent à développer de nouveaux réflexes de la part des concepteurs et des entreprises de mise en œuvre. La nécessité pour chaque corps d état d établir un dialogue avec les autres corps d état est, à chaque fois, soulignée. 67