Lumière sur le jardin

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1 Lumière sur le jardin Un dossier réalisé par Jérémie Guicheney Arrivé des États-Unis il y a une petite dizaine d années, le matériel d éclairage fonctionnant en très basse tension de sécurité (12 Volts) connaît depuis deux ans une formidable progression sur le marché français. Sa relative simplicité de pose et surtout l absence totale de risque d électrocution au niveau des spots ont encouragé les entrepreneurs paysagistes à se lancer dans la mise en lumière des jardins, un domaine qu ils n abordaient que très rarement. Le nombre de fabricants ne cesse d ailleurs d augmenter et la très basse tension se retrouve aujourd hui un peu partout, même dans la grande distribution. Au sein de la filière traditionnelle d approvisionnement des paysagistes, on remarque que de nombreux spécialistes de l arrosage ont élargi leur activité avec de l éclairage (voir Soisy Arrosage ci-contre et Irrivert page 30). La similarité des techniques de pose et le besoin de diversification qu imposent les récentes prises de conscience sur l état des ressources naturelles expliquent en grande partie cette stratégie. Bien qu il soit porté par la tendance, l éclairage 12 Volts a tout de même des limites techniques et esthétiques. Il peut difficilement mettre en valeur un arbre de 25 mètres de haut et les chutes de tension limitent les longueurs de câble. La plupart des professionnels interrogés pour ce dossier s accordent d ailleurs sur le fait que la basse tension (230 Volts) offre des rendus incomparables (Le Jardin Électrique page 28). Alors, qui de l électricien ou du paysagiste est le plus à même à réaliser un éclairage de jardin? Difficile de trancher. Toujours estil qu aujourd hui, de plus en plus d entrepreneurs d espaces verts effectuent des stages d initiation à la basse tension. Attention toutefois à ne pas se perdre dans le relatif flou juridique qui entoure la question de «qui a le droit de faire quoi?». Le stage d habilitation électrique, qui dure deux jours, n est qu une session théorique de sensibilisation aux risques. Pour 600 euros, non imputables à la formation professionnelle, il ne donne pas le droit à un salarié d effectuer un branchement sur une installation domestique. Ce genre d intervention est réservé aux électriciens de formation ou aux paysagistes qui ont passé la formation «1 re intervention». Elle dure cinq jours, coûte environ euros imputables à la formation professionnelle, et ne dispense cependant pas de l habilitation qui dans tous les cas est obligatoire. Jardin Création-Le Jardin Électrique 26 Matériel & Paysage n 41 Juin-Juillet 2007

2 Led, ampoules à incandescences ou encore halogènes de différentes couleurs et intensités, le choix est large pour le paysagiste novice en matière d éclairage. Soisy Arrosage propose donc des stages d initiation ainsi qu un kit de démonstration temporaire. SOISY ARROSAGE L arroseur éclairé Spécialiste de l arrosage automatique, l entreprise Soisy Arrosage s est diversifiée il y a trois ans dans l éclairage de jardin. Elle propose aujourd hui à ses clients entrepreneurs tout le matériel très basse tension nécessaire à l illumination extérieure, ainsi que l expertise nécessaire à la réussite de leurs premiers projets. Installée à Soisy-sous-Montmorency (Val-d Oise), l entreprise Soisy Arrosage (qui s appelait Soisy Jardins jusqu en décembre dernier) pose et distribue, comme son nom le laisse deviner, du matériel d arrosage. Une spécialité qu elle pratique depuis 1979 mais qui n est plus aujourd hui strictement exclusive. Il y a trois ans en effet, l actuel dirigeant Pierre-Alain Madelaine a décidé d élargir ses compétences à l éclairage de jardin. «Cela s est fait à la demande de nos clients paysagistes, explique-t-il. Ils nous sollicitaient pour poser l éclairage en même temps que l arrosage. Au début nous avons refusé tout mélange des genres puis sur leur insistance nous avons accepté de passer les fourreaux électriques en même temps que les conduites d eau. Et de fil en aiguille» L éclairage représente aujourd hui 10 % du chiffre d affaires de l entreprise. Comme pour l activité irrigation, Soisy Arrosage propose à ses clients entrepreneurs la réalisation de l étude préalable et du schéma d implantation puis la fourniture et la pose du matériel d éclairage. «Le plus souvent, les paysagistes font eux-mêmes la mise en œuvre, précise Nicolas Chevalier. Nous raccordons ensuite le circuit au secteur.» Salarié de l entreprise depuis un an, il s est très rapidement spécialisé dans l éclairage. Titulaire d un diplôme en aménagements paysagers, il a ainsi effectué une formation théorique de sensibilisation aux règles et aux équipements de sécurité. Les risques sont cependant réduits car Soisy Arrosage ne vend et ne pose que du matériel fonctionnant en très basse tension de sécurité (TBTS), en l occurrence du 12 Volts. «C est plus simple, plus sûr et plus économique tout en apportant un excellent rendu, estime Nicolas Chevalier. Le seul inconvénient c est la longueur de câble qui est limitée. Et plus on branche de spots sur un même transformateur, plus cette longueur diminue.» En effet, si l installateur prévoit 8 spots de 50 watts, le câblage cumulé entre les sources lumineuses et le transformateur ne peut pas dépasser 15 mètres. Au-delà, les chutes de tension sont trop importantes pour que les lampes fonctionnent correctement. Cette contrainte impose donc de placer les transformateurs dans le jardin, à l abri de regards semblables à ceux utilisés en arrosage, et de les alimenter en 220 Volts depuis le tableau électrique de l habitation. Pour le dirigeant de Soisy Arrosage, l éclairage de jardin est un vrai travail de paysagiste, une discipline réservée aux spécialistes des travaux extérieurs. Pour tout ce qui est lampes, ampoules, transformateurs et câblage, Soisy Arrosage se fournit chez Lufa France Éclairage, un fabricant et importateur spécialiste de la TBTS implanté en Ille-et-Vilaine. Le reste de l équipement nécessaire : tableaux, commandes, interrupteurs, est acheté chez des grossistes en matériel électrique et assemblé par Matériel & Paysage n Juin-Juillet

3 lumière sur le jardin Pierre-Alain Madelaine, le dirigeant de Soisy Arrosage explique s être mis à l éclairage à la demande de ses clients. Paysagiste de formation, Nicolas Chevalier s est spécialisé dans l éclairage, grâce à des stages. Il monte lui-même les tableaux, commandes et interrupteurs. les salariés de Soisy Arrosage. «Pour nos clients paysagistes, nous avons par ailleurs conçu un kit de démonstration temporaire, rajoute le dirigeant de la société. Il comprend plusieurs lampes, de différentes natures, de différentes intensités et de différentes couleurs. L entrepreneur le pose dans le jardin de son client qui peut alors lui indiquer ses préférences.» Entre les Led monochromes, les halogènes dichroïques et les plus traditionnelles ampoules à incandescence le choix est en effet large. Certaines lampes et lumières sont plus efficaces pour le balisage, d autres sont plutôt recommandées pour mettre en valeur des éléments minéraux ou des végétaux remarquables. «En matière d éclairage, la théorie s acquiert rapidement, explique Pierre-Alain Madelaine. Mais il s agit essentiellement d un travail d idées. Contrairement à l arrosage, tout se joue au moment de la conception. C est sa qualité qui fait la différence entre un bon et un mauvais projet. Et là, la pratique et l expérience sont précieuses.» D ailleurs, dans 90 % des cas, les entrepreneurs paysagistes qui pénètrent dans la boutique de Soisy Arrosage ont à la main un plan brut et sont demandeurs de conseils pour le choix des sources lumineuses comme pour leur implantation. Pierre-Alain Madelaine propose donc à ses clients des formations courtes. «L éclairage de jardin, même s il est en pleine progression, reste encore méconnu des paysagistes et des particuliers, analyse-t-il. Ils ont du mal à se faire une idée précise du rendu. Et puis il est vrai que les produits sont chers et donnent à cette discipline une connotation luxueuse. Pourtant, à mon sens, il s agit d un vrai travail de paysagiste. Un peu à part, mais tout de même réservé à des spécialistes des chantiers en extérieurs. Ce que les électriciens ne sont souvent pas.» à ses clients entrepreneurs Soisy Arrosage propose, au choix, la fourniture, la pose mais aussi la conception du circuit d éclairage. Le Jardin Électrique Un spécialiste au service des paysagistes Électricien de formation, Jean-Michel Le Morvan s est fait une spécialité de la mise en lumière des jardins et des terrasses. Défenseur de sa discipline et de son savoir-faire, qu il sous-traite aux entrepreneurs du paysage, il juge les capacités de la très basse tension trop limitée. Dirigeant de la société Le Jardin Électrique, implantée à Achères-la-Forêt (Seine-et- Marne), Jean-Michel Le Morvan s est spécialisé dans l éclairage des jardins au milieu des années 90. Il réalise une vingtaine de mises en lumière par an, dont une bonne partie pour le compte de Jean-Claude Jardin, entrepreneur paysagiste à Créteil (Val-de-Marne) avec qui il collabore depuis bientôt dix ans. Celui-ci aime intégrer, dès les premières ébauches, les éléments qui permettront au futur aménagement de s illuminer la nuit venue. Mais contrairement à nombre de ses confrères, qui se lancent aujourd hui dans la mise en œuvre complète d installations en très basse tension, il a choisi de ne faire ni la conception ni la pose. En matière d éclairage, il préfère faire confiance à un spécialiste. Pour Jean-Claude Jardin, l éclairage est en effet un métier à part qui, si l on souhaite une qualité irréprochable, demande un savoir-faire que les paysagistes n ont pas. Électricien de formation, Jean-Michel Le Morvan avoue défendre sa discipline et ne jure que par le 230 Volts. «Le 12 Volts c est bon pour les sonnettes, plaisante-t-il. Plus sérieusement, il y a des ambiances, des rendus, que l on ne peut vraiment pas atteindre avec de la très basse tension.» L électricien paysagiste voit d ailleurs 28 Matériel & Paysage n 41 Juin-Juillet 2007

4 électricien de formation, Jean-Michel Le Morvan s est spécialisé dans l éclairage des jardins. Il a même créé un modèle de spot doté d un innovant système d étanchéité. Pour Jean-Michel Le Morvan un éclairage de jardin réussi s admire avant tout depuis l intérieur de la maison. La conception doit être pensée dans ce sens. d un assez mauvais œil, la percée actuelle du 12 Volts chez les entrepreneurs des espaces verts. «à cause de l arrivée de cette nouvelle gamme de produits, explique-t-il, je suis un peu obligé de concentrer mon activité sur les chantiers de très haut de gamme». Ce qui bien sûr réduit la clientèle potentielle. Une vingtaine de mises en lumière de jardins par an Pour le dirigeant du Jardin Électrique, la basse tension (230 Volts) présente l avantage d être beaucoup plus évolutive que le 12 Volts. Lorsque la végétation grandit, il suffit ainsi de remplacer les ampoules par des unités de puissance supérieure, sans avoir à changer le transformateur. Même chose si le client souhaite élargir la portion illuminée de son jardin. Une simple dérivation sur le circuit déjà en place permettra d atteindre n importe quelle zone du terrain. Autant de développements qui sur une installation en très basse tension ne se font pas sans profondes modifications. Le 230 Volts est également un peu plus discret, les boîtiers de dérivation se camouflent aisément dans la maçonnerie et l absence de transformateurs débarrasse le jardin des regards inesthétiques qui les protègent. Lorsqu on lui parle des dangers du 230 Volts, Jean-Michel Le Morvan rassure : «J enterre tous les câbles et leurs fourreaux, ainsi que certaines dérivations, à 60 cm de profondeur. Trancher un Jean-Michel Le Morvan aime donner de la présence aux grands arbres en les éclairant par le bas et par le haut avec différents spectres. fil par inadvertance est donc peu probable. Et puis aujourd hui, les calculateurs des disjoncteurs différentiels sont tellement précis que l on ne risque pratiquement rien. L alimentation saute instantanément si quelqu un touche les fils». En plus de dix ans, l entreprise a acquis une sérieuse expertise en matière d éclairage extérieur. Jean-Michel Le Morvan a même breveté un modèle de spot dont il sous-traite la fabrication. Ce luminaire présente une étanchéité caractéristique, obtenue en vissant la douille par l arrière du corps de la lampe. Le reste des fournitures qu il pose provient de grossistes spécialistes des matériels électriques. En matière de conception notre homme a bien sûr quelques trucs et techniques, qu il dévoile avec parcimonie. «Les clients croient souvent qu ils vont surtout profiter de l éclairage de leur jardin l été autour d un barbecue entre copains, explique-t-il par exemple. Mais en réalité, ils prennent plus de Pour le dirigeant du Jardin Électrique, qui enterre tous ses câbles à 60 cm de profondeur, la basse tension (230 Volts) présente aujourd hui peu de risques. Les disjoncteurs différentiels très précis protègent les personnes en cas de contact avec les conducteurs. plaisir l hiver, depuis l intérieur de la maison. Et c est là une idée prédominante dans le processus créatif, il faut transformer les fenêtres en tableaux.» Jean-Michel Le Morvan insiste également sur l importance de l emplacement et de l orientation des sources de lumière, en particulier aux abords des cheminements. Le promeneur ne doit jamais être ébloui. Quant à ses touches personnelles, l électricien paysagiste avoue aimer éclairer les grands arbres à la fois par le haut et par le bas, parfois avec des spectres de couleurs différentes. Il précise avoir d ailleurs une préférence pour les ampoules halogènes qui selon lui sont celles qui respectent le mieux les teintes naturelles. Aujourd hui, Le Jardin Électrique travaille plusieurs fois par an pour Jean-Claude Jardin. Ce dernier regrette d ailleurs que la mise en lumière soit encore si difficile à vendre, malgré le fait qu elle apporte un plus indéniable à un aménagement de jardin ou de terrasse. Le paysagiste remarque «que souvent, lorsque le devis est lourd, l éclairage saute en premier. Il souffre encore de son côté luxueux inutile, et les gens se disent qu ils pourront toujours rajouter des lampes plus tard». Pourtant la lumière s intègre mieux au jardin, avec discrétion et efficacité, lorsqu elle est pensée dès les premiers temps du projet. Matériel & Paysage n Juin-Juillet

5 lumière sur le jardin IRRIVERT Un négociant dans la lumière Jusqu ici limitée aux produits Noral et Nordlux, l offre en luminaires d Irrivert s élargira cette année avec les modèles d entrée de gamme de l importateur Julien. Négoce de fournitures d arrosage et d irrigation, la société Irrivert propose depuis un an et demi du matériel d éclairage extérieur. Les points communs avec les techniques rencontrées dans l arrosage l ont naturellement poussée vers cette diversification. Pour Philippe Delalle, directeur de l agence Irrivert, la diversification vers l éclairage s est imposée comme une évidence, en partie en raison des similitudes des techniques de pose. Filiale du groupe Irrigaronne, la société Irrivert est implantée à Pontault-Combault (Seine-et-Marne). Spécialisée dans le négoce de fournitures pour l arrosage elle a décidé, il y a un an et demi, de diversifier son offre avec du matériel d éclairage des jardins. «Nous en sommes encore aux balbutiements, juge Philippe Delalle, le directeur d agence. Cette nouvelle activité représente à peine 0,5 % de notre chiffre d affaires.» Aujourd hui, Irrivert vend des spots, de 12, 24 et 230 Volts, ainsi que du câblage et des connexions étanches. Sa clientèle se compose d installateurs, paysagistes pour la plupart, et de particuliers. Le négociant a ainsi choisi de ne pas se limiter à la très basse tension de sécurité (12 Volts) et Philippe Delalle constate d ailleurs que chez lui, les entrepreneurs de jardins se Les vendeurs d Irrivert ont tous reçu une formation théorique sur les circuits d éclairage, basse ou très basse tension. Ils sont ainsi capables de réaliser une étude d implantation. fournissent plutôt en matériel fonctionnant sous 230 Volts. «Lorsque nous avons cherché à élargir notre gamme, l éclairage s est imposé comme un choix évident, raconte le directeur d agence. C est dans l air du temps et pour un paysagiste les techniques de pose sont assez proches.» Souvent, il passe d ailleurs ses fourreaux au fond des tranchées du futur circuit d arrosage. Des similitudes qui expliquent en partie pourquoi les professionnels de l irrigation se lancent aujourd hui en masse sur le marché de la mise en lumière des jardins. Bien qu ils fassent essentiellement de la vente, les huit salariés d Irrivert ont reçu une formation théorique sur les techniques de conception et d installation d un circuit d éclairage extérieur. Comme pour l arrosage, Irrivert propose un peu plus que la simple fourniture du matériel. Le négociant est en effet capable de réaliser une étude d implantation préalable. «Beaucoup de paysagistes savent faire ce travail eux-mêmes, explique Philippe Delalle. Mais parfois, lorsqu ils ont un très gros chantier ils sont à la recherche de conseils. Dans ce cas aussi nous pouvons les aider.» Pour l instant, le directeur d agence avoue limiter volontairement son stock, par manque de recul par rapport à la demande de ses clients. Jusqu à cette année, il n a fait appel qu à un seul fournisseur de luminaires : Noral France, société qui distribue dans l Hexagone les marques Noral et Nordlux. Cette année, Irrivert a cependant décidé d élargir son catalogue vers le bas, avec les produits de l importateur Outre les lampes et les ampoules, Irrivert commercialise du câblage et des connexions étanches. t o u l o u s a i n Julien. Des équipements fonctionnant en très basse tension de sécurité à poser soi-même et destinés aux particuliers. «Les fournitures d éclairage sont encore très chères, analyse le responsable d Irrivert. En particulier à cause des matériaux comme l aluminium et le cuivre. Mais le marché, qui en est à ses débuts, va rapidement évoluer. Il nous faut le suivre.» Philippe Delalle craint d ailleurs que dans un futur proche, la distribution du matériel 12 Volts ne soit récupérée en masse par la grande distribution, ce qui l obligerait alors à se concentrer sur la basse tension et les grandes puissances. 30 Matériel & Paysage n 41 Juin-Juillet 2007