Intervention de Monsieur Clément DUHAIME Administrateur de l OIF

Transcription

1 Journée internationale de la langue maternelle à l UNESCO Paris, le 21 février 2014 Intervention de Monsieur Clément DUHAIME Administrateur de l OIF Seul le texte prononcé fait foi

2 Intervention de M. Clément Duhaime, Administrateur de l OIF à l occasion de la célébration de la Journée internationale de la langue maternelle UNESCO, le 21 février 2014 Monsieur le Sous-Directeur général pour la culture de l UNESCO, M. Francesco Bandarin, Madame la Directrice pour les sciences exactes et naturelles de l UNESCO, Mme Brito, Monsieur l Ambassadeur, Délégué permanent du Bangladesh auprès de l UNESCO, Madame l Ambassadrice, Déléguée permanente du Sénégal auprès de l UNESCO et présidente du Groupe francophone, chère Fatim Gueye, Excellences, Mesdames et Messieurs, Pour la première fois aujourd hui, l UNESCO et l Organisation internationale de la Francophonie célèbrent ensemble la Journée internationale de la langue maternelle. Cette Journée est l occasion de rappeler notre attachement commun à la diversité des langues et des cultures. La Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle les États et gouvernements membres de la Francophonie sont très attachés, rappelle dans son préambule que «la diversité linguistique est un élément fondamental de la diversité culturelle». Cette diversité linguistique est également l un des piliers de l action de l Organisation internationale de la Francophonie. La Politique intégrée de promotion de la langue française, adoptée par les chefs d État et de gouvernement lors du dernier Sommet de Kinshasa en 2012, nous invite à «relever le défi politique du multilinguisme» puisque l usage d une langue unique n est pas adaptée au monde multipolaire, au respect des identités et à la démocratisation des relations internationales. Notre action en faveur du français prend de plus en plus en compte, non seulement les nouveaux rapports qui s installent entre les langues internationales, mais aussi les relations, que celles-ci entretiennent avec les langues nationales et locales, que nous appelons en Francophonie les langues partenaires. 2

3 En célébrant la langue maternelle, nous réaffirmons l idée que toutes les langues, qu elles soient de communication internationale, régionale ou locale, constituent un élément important de l identité des individus et des peuples et qu elles sont égales en dignité. Nous rendons aussi hommage à toutes celles et ceux qui sont allés jusqu à payer de leur vie pour la défense de leur langue opprimée. Excellences, Mesdames et messieurs, Les langues nationales sont le fondement premier de l identité et de la personnalité des individus : elles doivent permettre l accès à l éducation pour un plus grand nombre d enfants en réduisant les échecs scolaires dus à l apprentissage précoce et difficile d une langue d enseignement étrangère. L OIF a toujours été à l avant-garde pour accompagner les pays francophones souhaitant introduire les langues maternelles des enfants dans les systèmes éducatifs. Comme l a dit le Secrétaire général de la Francophonie, le Président Diouf, dès 2003 lors des Etats généraux du français à Libreville : «sur le sol d Afrique, langues africaines et langue française expriment, à la fois, l identité, qui est «enracinement» et l aptitude au progrès qui est «ouverture». Pour atteindre ce double objectif, il est donc indispensable, dans un premier temps, «d installer confortablement l enfant dans sa langue maternelle» pour l ouvrir, ensuite, sur une langue française désormais «partenaire» des langues-cultures avec lesquelles elle est en contact». C est pourquoi, depuis plus de 30 ans, la Francophonie anime divers réseaux multilatéraux qui ont mobilisé plus de six cents chercheurs du Sud. C est pourquoi, elle produit, en concertation étroite avec ses États et gouvernements membres, des outils de référence : comme les lexiques thématiques de l Afrique Centrale, les lexiques mandingue et peul, des dictionnaires monolingues et le dictionnaire trilingue français-lingala-sango que nous allons présenter cet après-midi au siège de l OIF. À cela s ajoutent les actions entreprises dans le domaine de l enseignement bilingue au niveau des outils de didactique convergente et de bi-grammaires. L aboutissement de ces travaux se 3

4 concrétise à travers l Initiative École et langues nationales en Afrique, ELAN-Afrique, qui favorise les apprentissages dans la langue maternelle des enfants. A la faveur d un partenariat avec l Agence française de développement (AFD), le Ministère français des Affaires étrangères (MAE) et l Agence universitaire de la Francophonie (AUF), nous soutenons 8 pays d Afrique subsaharienne à mettre en place un enseignement véritablement bilingue (français- langue nationale) dans l éducation de base. Dans ce cadre, un projet pilote centré sur l apprentissage de la lecture et de l écriture est financé par le Partenariat mondial pour l éducation, preuve supplémentaire de la reconnaissance du lien entre apprentissage précoce du plurilinguisme et amélioration des performances éducatives. L Initiative ELAN-Afrique accorde une place importante à la néologie et à la terminologie dans les disciplines scientifiques enseignées à l école, ce qui me ramène au thème de la journée de cette année «langues locales et citoyenneté mondiale : zoom sur la science». Nous constatons tous une réduction drastique de la diversité des langues dans le champ scientifique au profit d une langue unique. Ce monolinguisme de la science appauvrit de façon dangereuse le monde. Trop souvent, les langues locales sont considérées, à tort, comme incapables de véhiculer des concepts scientifiques. Sans des efforts de terminologie et de néologie, beaucoup de langues risquent de ne plus avoir les mots pour désigner les nouvelles réalités issues de la recherche. Il n y a pas une «langue des sciences». Il y a des langues plus ou moins équipées en termes d outils. Celles qui ont le plus d outils sont mieux préparées pour véhiculer la science. C est aussi pour cela que notre engagement commun pour la diversité linguistique et culturelle doit se poursuivre, aux côtés de l Unesco et de nos partenaires «naturels» hispanophones, lusophones, arabophones Il doit se traduire dans nos États et gouvernements par une réelle volonté des décideurs de promouvoir les langues locales à travers la mise en œuvre de politiques audacieuses d aménagement linguistique qui organiseront au mieux des relations complémentaires, fonctionnelles et conviviales entre langues locales et langues internationale. 4

5 C est pour ces idéaux, ces idées et ensemble que nous bâtirons ce monde plus «juste, pacifique, tolérant, inclusif, sûr et durable» que Mme Irina Bokova, directrice générale de l UNESCO appelle de ses vœux dans le message de cette Journée internationale de la langue maternelle. Je vous remercie. 5