Document EDD Juillet-2009

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2 Document EDD Juillet

3 Docteur David Elia SANTÉ SEXUALITE Bien dans sa sexualité, bien dans sa tête, bien dans son corps 3

4 INTRODUCTION J ai tenté dans ce livre de faire comprendre le lien nécessaire qui existe entre ce que j appelle le «capital santé» et le «capital sexuel». Il fallait mettre en évidence leur relation. Par ailleurs, j ai voulu insister sur les notions de désir et de communication. En effet, tout au long de notre vie, nous connaissons des périodes où l on n a plus goût à rien, et où les aléas du quotidien pèsent. Inévitablement, ces phases sont à l origine de frustrations. Donc, à l origine d un mauvais état de santé. Ces limites du corps et de l esprit me semblent venir naturellement s inscrire dans la continuité des propos tenus précédemment. Le désir retrouvé, notre «capital santé» et notre «capital sexuel» connus, il est temps de franchir les barrières qui nous inhibent. Il en va de notre avenir corporel et psychique. Puisse le lecteur me suivre et mieux comprendre son corps à la fin de ce livre. 4

5 AVANT -PROPOS Être médecin ne signifie pas seulement soigner. Il faut savoir écouter. Et je l avoue, je n ai pas toujours réponse aux questions de mes patientes. Quand Charlotte, vingt-cinq ans, est venue me voir en me demandant si son capital santé était lié à sa sexualité, je n ai pas su répliquer tout de suite. Cette patiente, une jolie jeune femme brune, voulait un enfant. Elle s inquiétait : «Pendant qu elle était enceinte, ma mère prenait du Distilbène Vous croyez que je pourrais mener une grossesse normalement?». Le cas de Charlotte n avait rien d inhabituel. Combien de fois par mois ne suis-je pas confronté à l angoisse de ces jeunes femmes qui ont peur de ce médicament. Leur mère favorisait leur grossesse par ce moyen et je comprends les inquiétudes qu il a suscitées chez leurs filles. J ai pu rassurer Charlotte. Elle est repartie en me remerciant, sourire aux lèvres 5

6 Néanmoins, la porte du cabinet fermée, j étais perplexe. J avais écouté ma patiente, elle s était sentie comprise mais lui avais-je tout dit? Son angoisse dépassait une simple inquiétude liée à un médicament. Capital santé et sexualité : quel rapport? Ce n était pas la première fois qu on me posait la question. D où lui vient cette terreur de ne plus être bien dans son corps? De la crainte de ne pas vivre correctement sa sexualité? De ne pas ou de ne plus avoir de plaisir? Tout s entremêlait. Peut-on garder la santé sans avoir une bonne (même si le mot est réducteur) «sexualité»? Comment la vivre pleinement en assumant ses maladies psychiques ou psychiques? Ou, plus couramment, son passé, sa constitution et ses différences? Santé et sexualité : comment séparer ces deux nécessités? Je ne remercierai jamais assez Charlotte. Lors de cette consultation, elle a soulevé la question essentielle : comment vivre son corps en l acceptant totalement? Sans le savoir, elle donnait naissance à ce livre avant d avoir enfanté! 6

7 CHAPITRE 1 LE CAPITAL SEXUEL Je définirai la sexualité comme un système mis au point pour chaque espèce, dans l intérêt de sa pérennité. Mais c est ne parler que de finalité. Chacun et chacune vit un état sexuel propre. Il possède un «capital sexuel». Comme nous avons précédemment invoqué un «compte santé» qu il s agit de bien gérer, il existe un «compte sexualité», tantôt alimenté par le désir et le plaisir, tantôt dépensé. Pour optimiser notre vie, apprenons la vérité sur le passé et le futur de notre sexualité. La puberté C est une période délicate, où le corps se modifie ; une période de changement métabolique et hormonale qui va transformer l enfant en un homme ou 7

8 une femme apte à la procréation et à la sexualité. La puberté est différente chez la fille et le garçon. La petite fille sera pubère entre dix et quatorze ans). On peut parler de pré puberté avant dix ans, et de puberté tardive après quatorze ans : ces deux cas sont tout aussi inquiétants. Elle voit ses poils pubiens pousser, ses seins se développer puis ses règles apparaître. Ses ovaires sont matures et donnent les premiers ovules. Ses menstruations sont une réponse à la production et à la libération d hormones féminines (œstrogène et progestérone). L utérus se modifie en grossissant au fur et à mesure de l augmentation des organes génitaux (vulve et poitrine). Le jeune garçon, quant à lui, voit son corps changer tout aussi radicalement à partir de douze-treize ans. Avant la puberté, les testicules ne sécrétaient de la testostérone qu à faible dose. L enfant se touchait sans réellement se masturber : son désir sexuel n étant lié à aucune récompense puisqu il n y a pas d éjaculation. Pour désirer et ressentir du plaisir, «l usine à testostérone» passe à la vitesse supérieure. L hormone mâle 8

9 investit son corps, son pénis se développe, ainsi que le scrotum et les testicules, sa voix mue, et les poils poussent, et la prostate, présente dès la naissance se développe. De la taille d une châtaigne, placée sous la vessie, elle assure la sécrétion du liquide nutritif des spermatozoïdes et participe à la constitution du sperme. Prêt pour l orgasme, le jeune pubère expulse pour la première fois du sperme en quelques saccades. Il faut savoir qu une éjaculation ne représente que trois centimètres cube de liquide, soit soixante millions de spermatozoïdes. L organisme humain est fait de telle manière que le vieillissement sexuel atteint tout autant l homme que la femme. On parle alors d andropause et de ménopause. L Andropause On peut définir celle-ci comme une chute du taux de testostérone. Le mystère entourant cette étape de la vie 9

10 s explique parfaitement : on parle plus souvent du corps de la femme quand celui atteint l âge de la ménopause car les problèmes féminins sont plus complexes. Le corps masculin fonctionne un peu comme son plaisir : il est plus «rustique». Tandis qu une femme donne la vie avec ses œufs, l homme, lui ne fait que semer. On le sait bien : plus un être vivant est sophistiqué, plus il sera soumis à nombre de problématiques. C'est comme une machine. Et l'homme, lui, ne connaîtra généralement pas de misères particulières jusqu'aux gros pépins : dans la majorité des cas, des ennuis cardiovasculaires et des cancers. La plupart d entre eux, jusqu'à cinquante / soixante ans, n'ont pas besoin de médecins. D ailleurs, qui est le médecin de l homme? Le généraliste? L'urologue? Le sexologue? Le gynécologue de sa compagne? L'andrologue? Il n'a pas de médecin autant qu il les a tous. Lors de l andropause, la baisse de la testostérone entraîne une baisse progressive de la libido, la machine pénienne est moins performante. 10

11 Certains hommes sont soudain déprimés, ils grossissent, n ont plus d énergie, d élan, ils ont des difficultés de concentration dans leur travail, voir des amis leur semble une corvée, quant à leur sexualité elle est défaillante voire inexistante. La testostérone, joue un rôle essentiel dans le développement des organes sexuels, elle sert, aussi à consolider les os, à stabiliser l humeur, stimuler la production de globules rouges, et empêcher la masse grasse de l emporter sur la masse maigre. La baisse de celle-ci peut être est invalidante pour l homme, qui pour une fois, est confronté à un problème hormonal voisin-bien que différent-de celui de la femme. La ménopause Chez le gynécologue, les femmes se mettent «à nu». Mentalement et physiquement. Quand elles viennent me voir, elles veulent la vérité, elles sont aussi franches qu elles me demandent de l être, elles n ont pas toujours les 11

12 mots pour exprimer leur peur ou leur malaise, mais elles essayent d être le plus juste possible. Avec l âge, le corps se transforme, la femme après la puberté, des éventuels grossesses et avortements dont je parlerai plus tard arrive à une période vécue par certaines de manière douloureuse. La ménopause a lieu entre cinquante et cinquante-cinq ans. C est l étape de la vie de la femme où les ovaires ne produisent plus d ovules chaque mois et où les règles s arrêtent. Avant cet arrêt définitif des règles, la femme est entrée dans une phase que l on appelle péri ménopause qui dure entre trois et cinq ans. Il faut savoir que la femme naît avec un stock limité d ovocytes. Ces ovocytes, ou «œufs» se constituent pendant la vie foetale. Ce stock varie entre chaque femme et se situe entre et d ovocytes par ovaire. Entre la naissance et la puberté, l ovaire est au repos. A la puberté, comme nous l avons vu précédemment les règles surviennent et un certain nombre de follicules (une vingtaine), chaque mois croit. Ces règles dureront jusqu à la ménopause qui 12

13 correspond à l épuisement du stock des follicules. Nous savons maintenant que la ménopause correspond au moment où le nombre de follicules total atteint un seuil inférieur qui peut être différend d une femme à l autre. Là se situe l inégalité entre l homme et la femme. L homme qui dispose de deux testicules fabrique quant à lui des spermatozoïdes jusqu à la mort. Pourquoi la ménopause? La majorité des femmes, parce qu'elles ne peuvent plus faire d'enfant, est nostalgique de leur pouvoir de fécondité Car la perte d'une faculté, même si on ne voulait pas s'en servir, est une chose sur laquelle il faut faire un deuil. Cela peut paraître paradoxal, mais savoir qu'on pouvait être enceinte ne voulait pas forcément dire que l'on voulait avoir un bébé. Vers quarante/cinquante ans, la plupart des femmes sont paisibles sur leur désir d'enfant. Par contre, elles ne seront pas sereines quand elles envisagent la ménopause. Elles ressentent une peine profonde à perdre l'un de leurs pouvoirs, pour une fois exclusif et spécifique à leur sexe. 13

14 L'arrêt de fabrication des hormones, et en particulier des œstrogènes cause pour quatre vingt pour cents des femmes des symptômes physiques désagréables : bouffées de chaleur, suées nocturnes, douleurs articulaires et musculaires, dépressions, pertes de libido, sécheresse vaginale, les insomnies Nathalie, cinquante et un ans, me rend visite. Depuis un an, elle n a plus ses règles. Je perçois une nostalgie dans son regard. Après tant de temps où tout allait bien, où la vie était simple, elle me dit : «Ecoutez, je me suis faite aux bouffées de chaleur, aux symptômes de la ménopause. De toute façon, on n a pas le choix. Ce qui me fait de la peine, c est que j ai perdu mes capacités sexuelles.» En tant que médecin, je cherche les causes de cette apathie. A-telle des soucis familiaux? A-t-elle eu un choc moral? Son mari continue-t-il de la désirer? Rien d extérieur n est venu la contrarier, alors je lui demande très simplement : «Quel est le problème?» J essaie de savoir si la cause de son manque de désir est due ou non à sa déperdition d hormones. Nathalie, ne 14

15 se laissant pas abattre par son émotion, me répond : «Avant, la ménopause, j éprouvais du désir, du plaisir, des orgasmes. Maintenant c est terrible, je n ai plus envie de faire l amour, je n ai plus de lubrification, cela me fait mal.» J écoute sa détresse et décide de lui prescrire des hormones. Nathalie reviendra me voir dans quelques temps, et je sais qu elle ira mieux. Mais quand je reçois Stéphanie qui a trente-cinq ans, et qu elle me dit : «Ecoutez docteur, je ne comprends pas, je n ai pas mes règles depuis trois mois; j ai fait des tests de grossesse et je ne suis pas enceinte. Je suis fatiguée et j ai des bouffées de chaleurs. Son ton devient plus aigu, et elle me pose cette question tout en plaisantant, mais en ayant une angoisse dans la voix : «Ce ne serait pas la ménopause déjà?» Quand elle revient avec son bilan hormonal, je vois que son taux de FSH indique une ménopause précoce. J envisage avec elle, alors qu elle se met à pleurer, toutes les possibilités pour pallier ses malaises physiques. Je suis, en revanche, obligé de lui faire comprendre que malheureusement elle 15

16 n aura plus d enfant parce qu il n existe pas de traitement pour faire ovuler une femme ménopausée. Notre métabolisme de base nous rend malheureusement inégaux face aux problèmes hormonaux. Heureusement, la ménopause précoce reste rare, et grâce à l hormonothérapie de remplacement qui aide à réintroduire les hormones sexuelles permet aux femmes de récupérer une lubrification vaginale correcte et surtout évite l ostéoporose du à la diminution du niveau d estrogènes qui peut lourdement handicaper les femmes âgées, et qui est responsables de nombreuses factures, dont celle bien connue du fémur. La crise de la cinquantaine La cinquantaine est parfois une crise aussi violente que celle de la puberté. Généralement, les enfants sont partis, ou s ils sont encore là, cela sous-entend qu il y a des enfants de plus de vingt ans à la maison. On ne peut s empêcher de penser au film Tangui. On a souvent tendance à penser, que, de nos jours les 16

17 premières grossesses sont plus tardives qu autrefois, et qu elles surviennent entre trente-cinq et quarante ans, mais ce n est, en rien, un fait établi. En effet, aujourd hui, et dans la grande majorité des cas, les enfants d un couple de cinquante/cinquante cinq ans ont entre vingt et trente ans. Ces adultes qui vivent encore avec leurs parents ont déjà leur vie avec leurs petits ou petites amies et leur indépendance mentale mais rarement financière. Leur présence quotidienne pose des problèmes de promiscuité, les cinquantenaires se retrouvent avec une espèce d ambiguïté vis à vis de la liberté à laquelle ils aspirent, et les exigences de ces enfants-adultes qu il faut combler. À cinquante ans, il est temps de passer à une autre vie, de retrouver son couple. La femme se sent prisonnière des enfants, dans son travail ; tout comme les hommes, elle est en crise. L horizon de la retraite se profile. La femme de cinquante ans qui vient d aborder la ménopause est en questionnement existentiel. Son corps la déçoit, l inquiète. 17

18 Dans mon cabinet, je perçois l angoisse et les interrogations de ces femmes : elles ont peur de ne plus séduire, de ne plus être aimées, de ne plus être désirées, voire même d être quittées par leur conjoint. Elle le regarde, lui aussi son compagnon, qui aussi a vieilli. Il a également, dans une moindre mesure ses problématiques de vie. Il se demande ce qu il a fait, de son existence. Il n est plus tout jeune, mais il n est pas encore vieux. Et là est tout le paradoxe : il sait qu il a devant lui un centimètre de couturière raccourci. Que lui reste-t-il? dix, quinze, vingt ans? S il a de la chance, et qu il ne tombe pas malade, il a encore un champ de liberté. Comme la femme, il voit l horizon ; celuici est déterminé. Il suffit de regarder les parents de vingt-cinq ans plus âgés. La lucidité permet de se poser les vraies questions : Qu est ce que j ai fait? Qu est ce que je n ai pas encore fait.? Que me reste-t-il? Que puis-je faire? Les deux êtres, femme et homme, traversent une crise existentielle difficile, une période de laquelle, on se sort comme on peut. Certains passeront ce 18

19 cap, d autres auront des difficultés, et s en sortiront au prix d une profonde tristesse voire dans les cas extrêmes d une dépression nerveuse. C est donc, le rôle du médecin que je suis à ce moment là de gommer par des traitements efficaces toute la problématique de la ménopause et de l andropause et d enrayer les symptômes suivants : l insomnie, la fatigue, la déprime, l inappétence sexuelle, et de leur rendre les «outils du corps» dont nous parlerons plus loin. 19

20 CHAPITRE 2 LE CERVEAU SEXUÉ Être au monde, c est s ouvrir au désir. On le voit chez le nourrisson qui tête goulûment sein ou biberon, on le devine chez l enfant qui dès ses premiers apprentissages est à la recherche de la compréhension des choses, puis, il s affirme dans la sexualité dès la puberté et prend une place essentielle chez l adulte. Le désir est le moteur de l existence, sans lui, qui et que serions-nous? XX ou XY? On naît avec la capacité de désirer, et de ressentir du plaisir. Sommes nous tous égaux face à cette capacité? Cette question détermine l idée même du capital sexuel. J ai découvert que ce capital est sexué. En effet, l être humain n est pas une fougère, cette plante ni mâle, ni femelle. Même si les deux 20

21 sexes ne vivent ni n expriment leurs désirs de façon identique. Les hommes et les femmes éprouventils les mêmes émotions, les mêmes envies, les mêmes plaisirs sexuels? Biologiquement, les chromosomes que nous portons déterminent notre sexe : XX pour les filles, XY pour les garçons. On naît avec un cerveau masculin ou féminin, j en suis persuadé ; ce cerveau est probablement déterminé par l évolution du fœtus, puis par la culture et l éducation qui complètent et confirment la donne chromosomique du départ. Et, sans doute, aussi n en doutons pas d autres facteurs de la vie intra-utérine que nous ne connaissons pas encore. La sexualité, on le sait, au sens animal du terme, est en dormance jusqu à la puberté. Les hormones sont encore en hibernation et n ont pas commencé leur mission de métamorphose définitive des corps masculins et féminins. Le corps de la fillette ressemble, à peu de choses près, à celui du garçon : pas de hanches, pas de seins, pilosité, musculature et voix identiques. Les sexes ne «fonctionnent» pas il n y a 21

22 pas d érection (ou, alors celle-ci survient de façon éphémère et sans notion de désir à la clé), ni d éjaculation, ni de règles. Les corps attendent le «grand signal hormonal», celui qui va définitivement marquer la différence de ceux-ci et des cerveaux. Celui qui va transforme le garçon en homme avec sa voix, ses muscles, ses fesses sans graisse, sa verge développée, ses premières éjaculations et la fille en femme avec la distribution préférentielle de la masse grasse dans le bas du corps, sa musculature bien plus discrète, la pousse des seins, la venue des règles Il est néanmoins très difficile de déterminer la proportion de l éducation, de la culture, de la biologie et d en faire le lien avec le capital sexuel. Les transsexuels démontrent notre sexualité génétique par le contraire : leur cerveau n a pas été programmé dans le même sens que leur corps. Le transsexualisme 22

23 Le transsexuel est dans une souffrance totale. Il se dit qu il n est pas comme les autres. Malgré cela, il donne un exemple très important. Il montre comment notre identité sexuelle est innée. Ce sont des êtres qui ont une sexualité pauvre. Un désert. Leur problème n est pas la sexualité, mais d exister et de réparer l erreur avec un grand E. Leur bonheur est de faire l amour comme une femme, et inversement. Ils ne sont pas homosexuels pour autant. J ai rendez-vous avec une femme que je n ai jamais vue, Marie. Elle entre, je ne remarque rien de particulier. Elle me regarde, je lui pose les questions habituelles, le pourquoi de sa présence et lui fait remplir un questionnaire médical ; et je sens une gêne, et elle finit par me dire, hésitante : «Voilà, de toutes façons, je sais que je suis un homme. Je le sais depuis toujours. Depuis toujours quelque chose ne va pas, c est l enfer, ça a toujours été l enfer». Professionnalisme oblige, je me montre particulièrement attentif. Marie a vu ses seins pousser, à la puberté, et son corps de garçon s est transformé en corps de femme. En tant 23

24 que transsexuelle, elle a su très tôt qu il y avait une erreur. Elle sait, elle s est toujours sentie homme mais elle a un corps de femme. La dichotomie est insupportable : le cerveau ne va pas de pair avec la chair. Marie vit dans un corps qui n est pas le sien. L histoire ne m est pas étrangère. Je me rappelle le cas d Alain, que j avais reçu quelques années auparavant. Alain, dès son enfance, se sentait une fille. À la puberté, il a vécu une horreur : quand son corps de garçon s est révélé, que ses poils ont poussé, que son pénis et ses testicules se sont développés, que sa voix est devenue rauque, il a cru en mourir. Alain est venu pour me parler de sa souffrance lui aussi. Il voulait, et son discours était poignant, j en ai eu les larmes aux yeux, avoir des seins, qu on l émascule pour lui fabriquer un vagin, qu on lui donne des hormones féminines afin que ses poils disparaissent, que sa voix devienne plus aigue et plus douce ; il voulait changer d identité, être luimême : une femme. Lorsque je lui ai dit : «Mais écoutez, on va vous enlever votre verge et vos 24

25 testicules, est ce que vous n avez pas peur de cette opération, est-ce que vous êtes sur?» Il m a répondu cette chose effroyable :«Je sais que cette opération est douloureuse physiquement et psychiquement, je sais qu elle est irrémédiable, mais je ne peux plus vivre ainsi. Et si je ne me suis pas suicidé dans les six mois qui suivent l intervention, c est que j ai enfin l apaisement et que je suis en conformité avec ma tête.» Je l ai orienté vers des médecins plus spécialisés, tout en restant son interlocuteur. Un transsexuel a besoin d être suivi par plusieurs intervenants. Jusque là, on ne leur a pas facilité la tâche. Car leur problématique la plus profonde, c est de mettre leur corps en conformité avec leur tête. Alain s est fait opérer, il est revenu me voir. J avoue, que lorsque Claire est rentrée dans mon bureau, grande, avec une poitrine opulente, les cheveux noués en chignon, je me suis dit : «Une nouvelle patiente?» Quand ses yeux bleus se sont posés sur moi, ils étaient pleins de larmes. Lorsqu elle m a dit en souriant : «Docteur Elia, cela fait deux 25

26 ans que nous ne nous sommes pas vus, j aime et je suis aimé. Je vis avec un homme, et je vous remercie.» J ai reconnu Alain, le regard seul, était le même, mais il n y avait plus dans ses yeux que l espace soulevé par la transformation. Il m a expliqué qu il avait pu changer de prénom, que d Alain, il était devenu Claire et que sa famille avait accepté sa nouvelle identité). La seule chose qui le rendait amère, mais cette amertume était légère, était qu il ne pouvait se marier avec son compagnon car même si sur tous ses papiers, il s appelle désormais Claire, il resterait à tout jamais Alain pour l état civil. Bien que Claire puisse se pacser, elle accorde une valeur fondamentale au mariage. De même, les patientes homosexuelles que je vois, dans mon cabinet, me disent la même chose. Nous sommes loin, et nous l avons vu récemment avec le mariage célébré par Noël Mamère de l acceptation de cette union. L homosexualité 26

27 L'homosexualité masculine ou féminine, dans nos sociétés est encore un tabou. Pour beaucoup, c est encore vécu comme une anomalie, une maladie. Sexualité minoritaire, l homosexualité est loin d'être passée dans les mœurs. On tolère un fils ou une fille homosexuels pourvu qu ils ne soient pas les siens. Cela reste encore une catastrophe, même si nous sommes en train d évoluer. Une de mes patientes, Isabelle était venue, me voir, il y a quelque temps. Elle venait de s installer en couple avec son amie Sabine. Elle m a parlé du désarroi de ses parents qui lui avait dit : «Nous n aurons jamais de petits - enfants, tu ne peux pas nous faire ça, tu es hors norme, tu vas souffrir.» Elle était malheureuse parce qu ils n acceptaient pas ses sentiments et son choix de vie. L affirmation de son homosexualité avait été une décision qui n avait pas été sans questionnement. Elle ne voulait ni être en marge, ni en ghetto, elle voulait juste qu on accepte ses désirs les plus profonds. L'homosexualité est une chose extrêmement compliquée. Pourquoi un 27

28 homme est-il attiré par un corps d'homme? Une femme par une autre femme? Nous sommes aux limites de la compréhension de ce phénomène. Je ne peux bien sur être formel sur le sujet. Par rapport à l'ordre général, celui dont la finalité est la reproduction, le cerveau d un (e) homosexuel (le) est attiré de façon paradoxale vers un être qui lui ressemble. Ce n est qu un constat. Si je milite pour qu on les accepte, qu ils soient intégrés à notre société, je n explique pas pourtant médicalement cette forme de sexualité. Elle n est ni chromosomiquement déterminée, ni génétique, ni induite par l éducation. Si l on peut éclaircir l essence du désir hétérosexuel, l homosexualité ne provient pas d une maldonne hormonale : les homosexuels ont des hormones mâles tout à fait comparables à celles des hétérosexuels, et les femmes que je reçois ont des ovulations, des règles et des seins qui gonflent et dégonflent comme les autres. Pour avoir lu beaucoup de choses, et pour avoir écouté beaucoup de patientes homosexuelles, je me dis qu il doit bien 28

29 exister une raison à ces dix pour cent d individus. Contrairement à d autres médecins, je ne pense pas que l enfance soit en jeu. Il doit se passer quelque chose dans le cerveau, mais voilà où nous en sommes : comment expliquer l homosexualité dont la fin n est pas la reproduction? 29

30 CHAPITRE 3 LE DÉSIR «Nous n avons pas laissé s éteindre des ardeurs naturelles de notre désir passionné.» ( Kuttni Mahatmayan) Je n ai aucun doute là-dessus : le désir est lié, non pas à nos sentiments humains, mais à notre détermination biologique. L absence de testostérone ou d œstrogènes, respectivement chez l homme ou chez la femme, conduit au manque de désir. Je suis désolé de l apprendre aussi brutalement à celles et ceux qui ne le savaient pas : le désir est une histoire de chimie. La chimie du désir Le désir semble pour tout individu être la sensation la plus évidente qui soit. Nous sommes des êtres de désir puisque nous sommes des êtres de besoin: nous avons faim, nous avons soif, et nous 30

31 répondons, et ce de manière logique à nos demandes physiques. L envie sexuelle est un besoin équivalent à ceux que je viens de citer. Jusqu à la ménopause et l andropause, les désirs féminins et masculins s ils sont bien vécus et acceptés débouchent sur une sexualité épanouie (qu elle soit liée au coït ou à la masturbation) Mais, quand le corps vieilli les envies sexuelles ne sont plus aussi simples à éprouver, donc à réaliser. Philippe, cinquante-cinq ans, qui est l exmari d une de mes patientes est venu me voir par ce qu il n a plus d érection. Il m a dit : «J étais un cavaleur. Les femmes, c était toute ma vie. Je ne pensais qu à ça, faire l amour était mon grand plaisir Mais là, depuis six mois, je n y arrive plus, je ne me reconnais plus. L autre jour, à un dîner chez des amis, j étais assis à côté d une femme charmante avec qui j ai discuté toute la soirée. En temps normal j aurais eu envie d elle. Mais là, le contenu de mon assiette me paraissait plus intéressant. C est en rentrant chez moi que j ai pris conscience de mon absence de désir. Cela fait plus de six mois que le sexe ne 31

32 m intéresse plus, c est pour cette raison que je me suis décidé à venir vous voir.» Je lui ai, alors, expliqué qu il n avait plus sans doute assez d hormones. En effet, c est généralement vers cet âge, cinquante-cinq, soixante-cinq ans que des hommes sont effrayés par leur manque soudain d appétence qui s accompagne généralement d une diminution de masse musculaire et d apparition de graisse dans le bas du corps. La plus belle femme du monde n arriverait pas à les exciter! Et tout ceci n a rien d étonnant : tout n est que chimie! La colère, la passion, la tendresse ou la peine, ne sont que le résultat d interactions et de corrélations nerveuses. Le corps fonctionne comme une vaste usine, le cerveau est en effet directement relié aux organes sexuels. À l exemple de la sérotonine, notre cerveau échange avec le reste du corps de multiples molécules et inversement. Il est intéressant de constater que les recherches hormonales sur le cerveau sont en pleine évolution, et nous ne connaissons sans doute pas le quart du rôle des hormones sur le fonctionnement 32

33 cérébral. En revanche, le mécanisme du désir est relativement bien identifié. Le taux de testostérone de Philippe a, à ce point, diminué qu il n est plus capable d éprouver du désir. Après avoir fait des tests sanguins, il est revenu me voir. Les résultats démontraient que son niveau de testostérone dans le sang avait baissé de trente pour cent. Il était en dessous du seuil d excitabilité. On ne rappellera jamais assez l importance des hormones rapidement qualifiées «d hormones mâles» : la testostérone, aussi bien chez l homme que chez la femme, étant déterminante. Quand Catherine entre dans mon bureau je la trouve avenante et désirable. Elle a plus de cinquante ans et comme Philippe elle m explique qu elle ne ressent plus de désir. Je lui prescris des examens sanguins et, de la même façon, que mon patient ceux-ci montrent une baisse de testostérone. La pensée commune est que les hormones féminines donnent le plaisir et le désir à la femme. Ce qui est faux : chez la femme, les hormones mâles nécessaires au désir, sont fabriquées par les ovaires et les glandes surrénales. 33

34 Et, la baisse de la qualité des récepteurs de testostérone peut aussi participer à la chute du désir. En effet, il y a toujours un moment de la vie où le système qui assure la finalité de l espèce nous dépasse. Catherine n éprouvait plus de plaisir. Son vagin n était plus capable de se lubrifier et sa sexualité était au point mort. Mais, je ne tiens pas à tenir un discours histe dans lequel, d ailleurs, je ne me reconnaîtrai pas, en effet, jusqu à la fin de sa vie, l être humain reste un être de désir. L alchimie du désir Connaît-on vraiment l appétit sexuel féminin?, Et pourquoi parle t-on plus facilement du désir masculin? Sans doute parce que dans nos sociétés la sexualité féminine, son désir, et son plaisir restent encore tabous. Le plaisir féminin est un monde à part que nous aimerions tous pouvoir décrire et expliquer. Son importance est capitale pour l épanouissement mental et physique de la femme. Comment, en 34

35 effet, peut-on encore dire qu une femme qui n éprouve pas de plaisir est heureuse? Mais encore faut-il savoir ce qu on entend par «plaisir». Entre l homme et la femme, il existe un décalage entre une sensation définitivement acquise depuis l adolescence chez les jeunes garçons et un plaisir que la jeune fille apprivoise en découvrant son corps (par la masturbation ou avec un partenaire). Pour cette raison notamment, on admet généralement que les deux sexes vivent et expriment leurs envies de manière différente. Lorsque l on y pense, est-ce si vrai? Homme ou femme, avons-nous les mêmes émotions, les mêmes appétences ou les mêmes satisfactions? Je conçois différemment la sexualité masculine dite «naturelle» et féminine, et je soupçonne notre culture d avoir induit ce manichéisme qu il est temps d abroger. La femme et l homme sont égaux face au désir. La femme est capable d éprouver les mêmes ressentis, et de les vivre et de 35

36 les exprimer comme son homologue masculin. Si elle ne se le permet pas, c est parce qu elle est historiquement enfermée dans la subsistance de stéréotypes. Auparavant, une femme devait être une bonne épouse, une bonne mère. On excluait volontairement la notion de femme désirante. Quand au plaisir, quoiqu on puisse expliquer ainsi l excision, il n en était même pas question! Mais, les femmes d aujourd hui, celles que je reçois quotidiennement, aspirent sans complexe au plaisir. Les progrès du discours sont indéniables, même si je regrette parfois que cette revendication soit encore faible. Je n accuse personne. Au contraire, comprenons-le : on n efface pas d un trait des siècles de pensée fermée. Et quand certaines jeunes filles de dix-huit ans restent sur des schémas ancestraux, il faut garder à l esprit que ce n est pas de leur faute. Les éducations sont parfois à refaire A l opposé de la timidité de ces femmes en devenir, le comportement féminin tend à se rapprocher de celui des hommes. Par réaction, il est même 36

37 parfois plus abusif. La cigarette est un bon exemple de cette nécessité d affranchissement. En effet, les femmes, voulant se libérer, fument, de tous nos jours, tout autant que les hommes si ce n est plus. Après leur avoir interdit pendant longtemps ce «plaisir», ce geste de soi-disant «autonomie», elles se vengent de leur passé prohibé, quitte à tomber dans l addiction ou l autodestruction. Il est fini le temps, dans nos sociétés dites évoluées, où les femmes passaient au salon pendant que les hommes buvaient leur cognac en dégustant leur cigare au fumoir. Et, cette révolte est toute légitime : on ne peut pas avoir étouffé la nature même des femmes pendant des millénaires, sans que leur désir, leur personnalité, leur sensibilité ne deviennent exacerbées. La femme évolue afin de trouver sa propre identité et acquiert ainsi sa reconnaissance en tant qu être humain à part entière. Mais, je suis frappé de penser que les hommes sont extrêmement angoissés de voir la femme à leur image (éprouvant pulsions et désir brutal). 37

38 Et même si beaucoup de femmes expliquent encore qu elles ne peuvent avoir de rapport sexuel avec un homme avec qui elles n ont pas encore pris les premiers contacts, il me semble que c est tout à fait faux! Certes, toutes ne vont pas jusqu au bout de leur idée, mais de plus en plus de femmes sont prêtes à vivre un plaisir éphémère et soudain. Dans mon cabinet, j entends souvent les interrogations de ces femmes qui se demandent si elles ont eu une réaction «normale» en assouvissant leur désir avec un inconnu ; leurs envies sexuelles les inquiètent encore même si elles s autorisent à vivre les fantasmes dignes d Emmanuelle faisant l amour dans un avion pour Bangkok, cela les trouble, elles s en horrifient. Il ne faut pas que les femmes aient honte leurs désirs et vivent ceux-ci comme une culpabilité. Nos sexualité, masculine et féminine repose sur le désir. Nous appréhendons peu à peu son fonctionnement, nous en connaissons la nécessité et il est temps d admettre qu un désir bien vécu donnera un être en bonne santé physique et mental. : 38

39 CHAPITRE 4 LES PLAISIRS «La jouissance et les désirs sont ce que l âme a de plus rare» (Jean de La Fontaine, Contes et Nouvelles, 1665) Nous ne devons pas confondre désir et plaisir. Le désir est, en effet, un souhait. Le plaisir est une sensation qui nous envahit. L orgasme L orgasme est la manifestation physique du plaisir qui emporte à la fois corps, tête et cœur. Il semble beaucoup plus simple à atteindre chez l homme que chez la femme. Selon le rapport Alfred Spira, seulement trente-cinq pour cent des femmes déclarent avoir un orgasme au cours d un rapport sexuel. En effet, les difficultés orgasmiques dépendent de facteurs différents. Une mauvaise connaissance de leur corps, des traumatismes psychiques ou la peur 39

40 d une dépendance amoureuse peuvent empêcher les femmes de se lâcher. Entre les deux sexes, le rapport au désir diverge : les hommes penchent vers une attitude pulsionnelle tandis que le désir féminin est généralement plus cérébral, moins spontané. Si l on sait que les femmes ne sont heureuses qu en éprouvant un orgasme, pour leur partenaire masculin, donner du plaisir sera une fin en soi. Un homme ne se sentira bien dans son corps que s il comble sa partenaire. Il n hésitera pas alors à retarder son éjaculation et à prolonger la durée du coït. Ce que ressent une femme ne se mesure pas. Ses émois dépendent à la fois de la qualité de l échange et de l excitation. Je dois rappeler qu une femme atteint l orgasme trois à dix fois plus lentement qu un homme. Et que chaque femme est unique. Une position adéquate, des caresses, ou au contraire des paroles brutales, une certaine forme de violence la conduit-selon les cas- au plaisir. Les hommes qui pensent connaître les recettes se trompent. La femme n est pas un livre de cuisine, encore moins un 40

41 bœuf bourguignon qu on réussit. Et j entends en consultation des femmes me raconter que leur compagnon, parce qu il a eu un grand nombre de partenaires, pense être un amant formidable. Il croit avoir trouvé la technique miracle. «Il me dit qu il a fait jouir toutes ses autres partenaires, même une prostituée. Il en avait la preuve : elle le lui avait dit!» Définir l orgasme féminin est un vrai défi. Séverine, trente-cinq ans, vient d en éprouver un pour la première fois de sa vie. Elle me raconte : «J ai eu le sentiment que tout mon corps était soulevé par une houle qui m envahissait progressivement. J avais l impression de perdre tout contrôle. Toute mon attention était concentrée sur ce plaisir qui me submergeait. J ai crié. J ai tremblé tant l orgasme était intense et quand j ai repris conscience, j étais une autre. Je voyais le monde autrement.» Jusqu alors, elle n avait connu qu un garçon : son mari Jean. Le vibromasseur qu elle s était achetée sur les conseils d une amie lui avait permis d en apprendre sur son corps. Séverine en 41

42 avait parlé à son mari qui avait accepté cet outil comme un nouveau jeu sexuel. Beaucoup de mes patientes se posent cette question : le vrai orgasme est-il clitoridien ou vaginal? Les zones érogènes Notre corps est un «outil». Le connaître est le seul et le meilleur moyen d atteindre l extase. L orgasme féminin peut résulter de stimulations de zones différentes. Le clitoris est une des parties les plus sensitives. Il a un rôle exclusivement sexuel. Les petites et grandes lèvres, elles aussi caressées ou léchées, ainsi que d autres zones du vagin participent au plaisir. L entrée vaginale et ce qu on appelle le point G sont primordiales. Les distinctions que l on entend régulièrement, comme quoi il y aurait des femmes «clitoridiennes» et d autres «vaginales» ne sont que sornettes. Masculin ou féminin, le corps entier est érogène. L anus, les oreilles, les fesses, les pieds, la bouche Chaque zone réceptive prédomine à un moment ou l autre d une vie. Tour à tour, elles 42

43 perdent de leur intérêt tandis qu elles se découvrent, selon le partenaire ou les pratiques temporaires. En effet, chez certaines femmes, les morsures légères sur les seins peuvent aboutir à l orgasme encore faut-il un peu d imagination et que les fantasmes soient suffisamment puissants et intenses. Certaines zones sont incontournables, certes, mais d autres se créent, au fil de l histoire de chacun. Les zones «secondaires» génèrent l envie pourvu qu on les accepte et que l on tente des choses inattendues : si un homme stimule les lobes d oreille d une femme alors qu on le lui a jamais fait, elle peut d un coup se rendre compte que c est très agréable : elle découvre un nouveau plaisir. Elle maximise son capital sexuel. Elle progresse. Les hommes, quant à eux, concentrent la plus grande partie de leur sensibilité au niveau du gland quoiqu elle soit changeante. Lorsque que la verge est en érection, les capteurs s éveillent pour éprouver des sensations. Les zones du plaisir les plus sensibles sont le tour du gland, là où la muqueuse se transforme en peau. Les testicules et toute de la 43

44 partie allant de celles-ci à l anus sont éminemment érogènes pour l homme, mais ils peuvent aussi bien être excités par des caresses dans le dos, le cou, les oreilles, etc. Les positions sexuelles les plus fréquentes La position du missionnaire est la position sexuelle la plus pratiquée : la femme est allongée sur le dos, les cuisses sont écartées, son amant est sur elle, face à face, et la pénètre ainsi. Elle peut avoir quelques variantes : les jambes sur les épaules de l homme, en équerre, l homme peut se mettre à genoux face à sa partenaire pour la pénétrer. L homme peut ainsi caresser les seins et stimuler le clitoris de sa compagne. La levrette, ou baiser à ventre contre cul levé, est la position sexuelle dans laquelle elle se présente de dos, et s appuie sur ses genoux et ses coudes, tandis que l homme la pénètre par derrière. Cette position connaît aussi des aménagements : debout ou sur le côté. La position du chevauchement 44

45 : la femme chevauche l homme, qui est lui allongé sur le dos. Et pour finir, la position dite du soixanteneuf où les deux partenaires ont la bouche sur le sexe de leur partenaire pour leur embrasser les parties génitales. Le plaisir à tout prix Notre sexualité ne se limite pas à la pénétration et donc à la reproduction. Notre capacité à désirer, aimer, jouir nous amène à explorer notre corps, à le solliciter et le découvrir toujours plus. Cette recherche du plaisir n est pas propre à l homme. La femme, elle aussi, revendique ce besoin, cette nécessité. Désirer, aimer, jouir sont des sensations que les sociétés ont longtemps refusé de reconnaître aux femmes, lesquelles devaient limiter leur sexualité à la pérennisation de l espèce, ou alors afin de répondre à une certaine demande : celle de son mari ; l influence des religions, la représentation de la femme en étaient pour partie responsables. 45

46 Maintenant, je pense qu avec l évolution de la femme (elle travaille, elle s assume, elle vit seule), elle est l égale de l homme, et comme lui revendique son besoin de plaisir. Je pense que l un et l autre pouvant maintenant dire ce qu ils veulent faire ou non leur permet de se réaliser sexuellement seul ou en couple, et découvrir, que ce soit ou non avec leur propre corps, de nouvelles sensations : le baiser et la pénétration ne leur suffisent plus, et certaines pratiques qui autrefois étaient pour ainsi dire tabous, ne le sont plus, alors que d autres pratiques se généralisent. Aussi, je me demande parfois si cette recherche de plaisir tant féminine que masculine aurait pour conséquences des déviations - même si l on ne peut définir ce qu est une bonne sexualité, ou tout du moins classique? Une jeune patiente, Jeanne, m avait posé la question de savoir si elle pouvait tout accepter, si telle ou telle pratique était courante. Elle n avait que 18 ans, et connaissait sa première histoire d amour. Elle était venue me voir pour que je lui prescrive la pilule : son désir était né de son amour, et elle voulait que 46

47 son flirt qu elle avait entamé depuis plus de trois mois avec Grégoire, son petit copain, se transforme en vrai épanouissement amoureux. En effet, son désir pour lui et le désir qu il éprouvait pour elle les mettait tous deux dans un fort état de tension. Elle ne voulait pas seulement utiliser de préservatif de peur que Grégoire ne le mette mal ou qu il explose. Elle souhaitait prendre une contraception orale en complément. Depuis quelques semaines, ils avaient dépassé le simple stade des baisers et des caresses. Elle m expliquait que Grégoire souhaitait un partage de baisers génitaux. Je lui répondis, touché, que tout était possible si on le souhaite. La fellation ou le cunnilingus ne sont pas des pratiques «atypiques». Jeanne ne devait donc pas se sentir coupable d essayer. Ce qui m étonne toujours un peu avec ces jeunes femmes, c est quelles ne me posent jamais la question de savoir si une position sexuelle induisant la pénétration est tabou ou non? C est sans doute le fait que la pénétration, comme le baiser, est une pratique universellement admise, et qui vit le 47

48 moins d interdits possibles, à la différence des baisers génitaux. 48

49 CHAPITRE 5..ET LES CORPS «Mettez vos outils en œuvre : vite s échauffe qui bien opère.» (Jean de Meun, Roman de la Rose, tome II, fin XIII siècle) Les baisers génitaux La fellation, le cunnilingus et l anulingus sont des termes que je n aime pas. Pourquoi le terme de cunnilingus se cache-t-il derrière une origine latine (cunnus, con ; lingerer, lécher)? À vrai dire je ne sais pas, mais il a au moins le mérite d être clair : le cunnilingus est la pratique sexuelle mettant une bouche masculine ou féminine au contact des parties génitales d une femme. La fellation ou «pipe» est une stimulation buccale et linguale du pénis et des testicules. Ce terme ne doit pas satisfaire grand monde dans la mesure où l on préfère souvent utiliser une expression argotique, imagée ou vulgaire pour en 49

50 parler ou en rire, telle que «tailler une pipe, sucer le poireau ou le gourdin, faire une turlutte», etc. L anulingus ou «feuille de rose», est un baiser sexuel qui consiste à lécher le pourtour de l anus. Car maintenant, ces pratiques font partie du quotidien sexuel de nombreuses personnes, et l on pourrait penser que les baisers génitaux sont maintenant communément admis. Par conséquent, beaucoup de films, j aurais presque envie de dire «grand public» laisse souvent supposer lorsqu il y a une scène d amour, un baiser génital. Mais il n en est rien à l écran, et sans pour autant que ce soit un tabou, certaines personnes s y refusent. Je veux dire qu elles ne veulent pas qu on leur «embrasse» le sexe, de la même façon quelles peuvent refuser de le faire à leur partenaire : nombre d hommes s interdisent d embrasser la vulve et le vagin de leur partenaire, et dans le même temps, d autres femmes ne sont pas du tout disposées à laisser leur partenaire leur faire ça. Pour la fellation, c est probablement plus un interdit féminin que masculin : les hommes sont 50

51 généralement prêts à subir cette caresse. Lorsque le couple est en accord pour pratiquer ou non les baisers vaginaux, il n y a pas de problèmes, mais il peut arriver que l un des partenaires ne soit pas en accord avec les désirs de son partenaire, et l on rentre alors dans un système de frustration et de fantasmes. En effet, beaucoup de personnes estiment que cette pratique n est pas hygiénique, ou tout simplement pas naturelle : cela les choque. En consultation, lorsque les femmes évoquent ce décalage, certaines le prennent directement pour elles. À ce sujet, je pense tout particulièrement à Bénédicte qui souhaiterait que son petit ami lui embrasse le sexe, mais qui refuse. Il ne veut pas, et semble ne même pas vouloir le faire pour son plaisir à elle, et je n ai pas été étonné lorsque je l ai entendu me dire : «Sil m aime, pourquoi n essaye-t-il pas?» ou encore «Docteur, croyez-vous que je dégoûte mon mari?». Répondre à Bénédicte n a pas été évident, et je savais que ma réponse ne conviendrait de toute façon pas. L amour dans un 51

52 couple, le dialogue ne suffisent pas toujours à briser certaines appréhensions Mais ce qui est maintenant assez surprenant, est que les jeunes sont beaucoup plus ouverts à cette pratique que leurs aînés, et je rencontre aussi de jeunes femmes, vierges, qui se sont déjà faites embrasser le sexe, ou qui n hésitent pas à pratiquer la fellation : ces caresses sont pour ces jeunes de véritables préliminaires, et surtout pour ces jeunes femmes qui sacralisent leur premier rapport sexuel ; c est un peu une «mise en bouche»! C est un peu hypocrite, mais certaines donc préfèrent commencer ainsi leur vie sexuelle ; et si a priori, la bouche n est pas faîte pour recevoir un sexe, elles savent bien que ce ne sera pas douloureux contrairement à la sodomie. Les baisers vaginaux et sécrétions corporelles Les parties génitales tant féminines que masculines, particulièrement lors d une excitation sexuelle secrètent un liquide : on parle alors de liquide séminal pour 52

53 l homme, et de lubrification vaginale pour la femme. Cette manifestation du désir et du plaisir peut parfois rebuter lors des baisers vaginaux, à l image de l homme qui en embrassant le sexe de sa partenaire, n a de cesse de s arrêter, puis continuer évitant ainsi d avoir à goûter ce liquide. La femme ne ressentira pourtant une satisfaction totale que si l homme lui embrasse, jusqu au paroxysme du plaisir, le clitoris, les lèvres, petites et grandes, et la vulve. Elle sait qu elle n est pas sale. Les femmes, lors d une fellation, n ont pas toujours envie de recueillir dans leur bouche l éjaculat de leur partenaire. En effet, chez de nombreuses femmes, c est une peur traduite par le dégoût. Mais quand elle accepte d avaler le liquide spermatique de son compagnon, le couple atteint un degré de plus dans la fellation. Curiosité ou preuve d amour, certaines femmes acceptent, mais je crois que c est un fantasme en priorité masculin, comme la sodomie. 53

54 La sodomie La sodomie fait peur, car l acceptation mentale ne suffit pas à ce que cette pratique soit possible : le corps doit pouvoir suivre, et l anus n est pas un orifice calibré pour recevoir une verge. Donc même si l idée que nous nous faisons de la sodomie semble avoir parcouru un long chemin, il n en demeure pas moins quelle gêne encore. Et lorsqu elle est pratiquée, jamais une femme ne m a dit : «Vous savez, je suis très heureuse, pour la première fois j ai accepté d offrir mon derrière, et j ai découvert des sensations que je pouvais soupçonner.», alors que quelle ne se sente pas gênée pour me dire que d autres caresses leur ont fait très plaisir. Est-ce par ce quelles n aiment pas ou alors quelles n osent pas dire qu elles aiment? Toutes les situations existent, mais globalement, je ne crois pas que les femmes soient dans une telle demande et généralement finissent par accepter comme preuve d amour pour leur partenaire, et ce n est pas, je veux dire dans la majorité des cas une chose 54

55 qu elles souhaitent connaître absolument. Souvent, elles y viennent, beaucoup plus tard vers la quarantaine, alors qu elles ont toujours une sexualité épanouie, elles sont heureuses dans leur couple, mais ont envie de découvrir ce que cette pratique pourrait apporter de plus. Il existe ici souvent une connotation négative car l association est encore souvent faite avec les prostitué(e)s, les homosexuels, et plus encore avec les films pornographiques. La conséquence, par ailleurs logique, est la crainte de nombre de femmes : «Estce que cela fait mal» ou encore plus étrange : «Est-ce que c est mauvais pour la santé?» ou encore «l anulingus est-il un prémice nécessaire à la réalisation de cette pratique?» Je leur explique que l anus est un muscle, qu il se «travaille» si je puis dire, mais que notre corps n a pas prévu ici,comme pour le vagin, un système de lubrification pour la pénétration anale. Néanmoins, si elles étaient amenées à la pratiquer, je pourrai leur conseiller des produits (ou leur en déconseiller 55

56 d autres), en plus de leur lubrification vaginale ou de leur salive et qu elles ne devaient pas pour autant se sentir coupables. J insiste : la femme le fait souvent pour faire plaisir à l homme : la sodomie n est pas un fantasme de femme! La femme assume maintenant ses fantasmes, et recherche le plaisir, sans pour autant se sentir coupable, et c est souvent un nouveau souffle dans l équilibre sexuel tant de la femme que du couple. Toutefois, si la masturbation du garçon semble acceptée, celle de la fille l est moins. La masturbation féminine La masturbation féminine est surtout la stimulation du clitoris qu une femme pratique manuellement. La position la plus fréquemment utilisée est celle où elle est allongée sur le dos, mais d autres préfèrent serrer leurs cuisses l une contre l autre pour stimuler leur clitoris, ou encore utilisent un vibromasseur ou un jet d eau contre celui-ci. 56