La Télémédecine, un défi sociétal et économique La télémédecine est un défi. Un défi face aux coûts croissants des consultations médicales, à la problématique des déserts médicaux, à la nécessité enfin de réorganiser le système hospitalier. Elle questionne le praticien de cette pratique médicale : doit-il être médecin, infirmier(ère)? Elle pourrait être la solution face à la multiplication des maladies chroniques et au vieillissement de la population. De plus la France, 3 ème pays de l OCDE en matière de dépenses de santé, pourrait tirer un parti fort de la télémédecine pour réduire celles-ci. Enfin, dans un contexte national de décentralisation, la télémédecine pourrait permettre une montée en compétences des conseils régionaux, en pleine collaboration avec les agences régionales de santé, dans le domaine de la santé. Le contexte transversal du développement de la télémédecine en France Le contexte de développement de la télémédecine (TLM) est lié à trois enjeux majeurs du système de santé : la problématique hospitalière et l engagement des établissements hospitaliers dans la réduction de leur coût ; la coordination et la coopération au sein du système de santé, les intérêts économiques des différents acteurs ne s accordant pas nécessairement ; le financement de la médecine de ville, actuellement en scission avec le financement de la médecine hospitalière. Dès les années 1990, plusieurs commissions se sont penchées sur les conditions de mise en œuvre de la télémédecine ; en 1993, le Professeur Louis Lareng convainc le gouvernement d autoriser la mise en place à titre expérimental d un Réseau Régional de Télémédecine, qui deviendra le Groupement d Intérêt Public Réseau Télémédecine et es@nté. Un premier décret en 2004 qui a défini les activités médicales à distance a permis une impulsion pour la mise en place de la télémédecine. Puis, la création en 2006 de l Agence Nationale de Télémédecine (ANTEL), société savante dont l objectif est de soutenir par une démarche de recherche clinique les nouvelles organisations des soins et des pratiques professionnelles structurées par la télémédecine a prolongé la dynamique autour de la télémédecine. L ANTEL est structurée autour de l organisation d un congrès annuel européen sur la télémédecine, la publication d une revue annuelle européenne de recherche clinique sur la télémédecine, la création d une Fédération européenne de télémédecine, le soutien à la création d un réseau d acteurs et le soutien à l évaluation du service médical rendu par les expérimentations de télémédecine. 1
Cependant, ces différentes étapes n ont été qu un premier pas vers une structuration des activités de télémédecine. La loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires marque un tournant dans la structuration, la définition et le développement de la télémédecine en France. Le tournant de la loi HPST La télémédecine a vu se créer sa première ébauche de cadre légal grâce à la loi «Hôpital, Patients, Santé, Territoire» de 2009. L Article 78 de la loi HPST a reconnu l activité de télémédecine comme une activité médicale à part entière en tant que «pratique médicale à distance mobilisant les techniques d information et de communication». Cette définition figure à l article L6316-1 du Code de la Santé Publique (CSP). Dans ce cadre, la télémédecine doit désormais être réalisée dans le respect des règles de déontologie médicale, et pratiquée exclusivement par un professionnel de santé. Il est important de noter ce point car il découle d un consensus des acteurs : la télémédecine ne peut être efficace que dans le cadre d un projet médical cohérent, construit initialement. C est donc le dispositif de télémédecine qui doit s adapter au projet médical et non l inverse. Suite à cela, la loi de financement de la Sécurité Sociale de 2010 a autorisé le remboursement des actes de télémédecine, en supprimant deux freins majeurs l interdiction du partage d honoraire et le principe selon lequel le remboursement est réservé aux actes réalisés en présence physique du patient. L encadrement juridique de la TLM par le décret de 2010 Le décret du 19 octobre 2010 relatif à la Télémédecine, pris en application de l article L6316-1 du CSP procède à la définition des actes de télémédecine et à la condition de leur mise en œuvre. Le décret totalise 5 actes médicaux de télémédecine : la téléconsultation : elle permet une consultation à distance réalisée par un médecin. Un professionnel de santé peut assister le patient dans le cadre de cette consultation, la télé expertise : elle permet à un professionnel de santé de demander l aide d un ou plusieurs professionnels médicaux à partir d éléments du dossier médical du patient, la télésurveillance médicale : elle permet à un professionnel de santé d analyser à distance les données médicales du patient afin de prendre une décision par rapport à sa prise en charge, la téléassistance médicale : elle permet à un professionnel de santé d assister à distance un autre professionnel pour la réalisation d un acte médical, la réponse médicale : celle-ci est apportée dans le cadre de la régulation médicale (SAMU). Il faut noter que ce décret n a cependant pas réglé toutes les questions relatives à l exercice de la télémédecine. En effet, à l exception de certains actes imagerie, IRM et scanner à distance, la prise en charge des actes de télémédecine par l Assurance maladie obligatoire reste à définir. Les débats autour de la télémédecine Le Conseil National de l Ordre des Médecins a souligné dans un rapport datant de janvier 2009, dans le cadre de l instauration de la loi HPST que l activité de télémédecine ne doit pas remplacer «la 2
relation humaine, interpersonnelle et singulière qui doit rester le fondement même de l exercice de la médecine» 1. Le CNOM appelle par ailleurs à une collaboration avec les autres professionnels de santé, les associations de patient ainsi qu à une concertation élargie avec les industries concernées. Le CNOM a également insisté sur la nécessité de protéger la confidentialité absolue des données médicales du patient. Ce Livre blanc de 2009 rédigé par le CNOM montre bien les doutes et appréhensions qui subsistent sur la pratique de la télémédecine. En effet, la relation entre le patient et son médecin, ainsi que la confidentialité des données du patient demandent à être préservés. De son côté, le Syndicat des Infirmières et Infirmiers Libéraux (SNIIL), considère que la définition de la télémédecine telle que présente dans le décret de 2010 indique un retour vers un «tout médecin» 2 à un moment où les coopérations interprofessionnelles sont en plein développement. Le SNIIL souligne également le problème de la rémunération pour les «exécutants» de la télémédecine que sont les infirmiers, contrôles par «l œil de la caméra» A la recherche d un modèle économique Dans l état actuel des choses, la France compte 256 projets de télémédecine, dont 44% opérationnels, selon le Livre Blanc Télémédecine 2020 «Modèles économiques pour le télésuivi des maladies chroniques» 3, rédigé par le SNITEM, syndicat des dispositifs médicaux et Syntec Numérique rendu public le 23 avril 2013. Ce second livre blanc fait suite à leur premier livre blanc publié en avril 2012 4 qui mettait en valeur la nécessité pour la France de se constituer leader d un secteur d e-santé en pleine croissance et soulignait les perspectives d expansion, notamment grâce à la croissance de l emploi chez les Sociétés de service en ingénierie informatique (SSII) et éditeurs de logiciel ainsi que chez les téléopérateurs. Le Livre Blanc 2013 s appuie sur la conviction que la France doit s imposer en tant qu acteur leader du secteur de l e-santé en général et de la télémédecine en particulier d ici 2020. Le SNITEM et Syntec Numérique ont choisi de centrer leur réflexion sur le traitement des Affections de Longue Durée (ALD) par la télémédecine, dans la mesure où les ALD représentent tout à la fois un enjeu sociétal fort -de plus en plus de personnes concernées et un secteur à fort potentiel de croissance où les modèles économiques restent à construire. A ce sujet, le SNITEM et Syntec Numérique rappellent les trajectoires de croissance de la filière numérique en France, allant de 13% à 28% selon les scénarios. Plus spécifiquement, le Livre Blanc souligne des cas internationaux afin de remédier à la principale objection des payeurs publics à financer la télémédecine, à savoir le manque d évaluation des rapports coûts/ bénéfices. 1 http://www.conseil-national.medecin.fr/article/telemedecine-747 2 ftp://ftp2.sniil.fr/sniile/communication_infirmiere_110.pdf 3 http://www.syntec-numerique.fr/sites/default/files/related_docs/livre_blanc_telemedecine_avril2013.pdf 4 http://www.syntec-numerique.fr/sites/default/files/related_docs/20120525-e-sante-livreblanctelemedecine-faire-de-la-france-un-leader-du-secteur.pdf 3
Ces cas internationaux ont pour but de démontrer empiriquement les bénéfices de la télémédecine, non seulement pour les baisses de coûts financiers, comme le démontrent les tableaux suivants. Cette amélioration se poursuit également en termes de confort et de qualité de vie pour le patient. Par ailleurs, le nombre d hospitalisations ou de réadmissions de patients de maladies chroniques est diminué de beaucoup, comme le montre le tableau ci-dessous. Enfin, certains programmes de télémédecine permettent d observer un meilleur respect des protocoles des produits de santé. Les principaux facteurs de déploiement de la télémédecine sont bien évidemment l impulsion politique en ce qui concerne le socle stratégique et la mise en place de parcours de soins en ce qui concerne le socle opérationnel. Des conclusions prospectives de développement Le SNITEM et Syntec Numérique donnent 3 recommandations pour une démarche intégrée et volontariste des parties prenantes pour la mise en œuvre des plans d actions. 4
Tout d abord, il s agit d «obtenir un soutien politique fort au plus haut niveau de l Etat en faveur du déploiement de la filière télémédecine». Est cité comme exemple la prise de position publique de David Cameron de faire de l Angleterre un pays leader dans la compétition mondiale pour les biens et services de télémédecine. La seconde recommandation concerne l intégration «des apports du numérique dans les projets pilotés par la CNAMTS». En effet, le recours aux hautes technologies permettrait d améliorer la performance des futurs programmes de services aux assurés, afin d optimiser le recours aux ressources humaines rares et onéreuses. La troisième recommandation appuie la nécessité de lancer des «projets champions dans plusieurs domaines thérapeutiques, sur une échelle inter-régionale ou nationale, en intégrant des nouveaux modes de rémunération et un cadre d évaluation multidimensionnelle». Cette recommandation est particulièrement importante puisque cela implique une veille forte et continue dans le but de repérer les projets innovants afin de les accompagner et de soutenir les projets ayant traits aux maladies chroniques les plus lourdes (BPCO, diabète, hypertension artérielle et insuffisance cardiaque). Il s agit également d offrir la possibilité aux parties prenantes de définir ensemble les territoires et les scénarios opérationnels et de financement choisis, de lancer le déploiement de ces projets et de procéder à leur évaluation. Enfin, le SNITEM et Syntec Numérique souhaitent la mise en œuvre par les décideurs publics de nouveaux modes de prise en charge, ce dès 2014. Il s agit d appuyer fortement l avancée et la mise en œuvre de la Stratégie Nationale de Santé pour permettre une avancée majeure dans le déploiement effectif de solutions innovantes pour le télésuivi des patients chroniques et dépendant, en accord avec les industriels, prêts de leur côté à participer à la mise en place d une filière d excellence en France. 5