Droits des femmes : points de repères pour la Belgique Françoise Hecq 1830 n est pas une date à retenir pour les femmes La constitution organise une démocratie libérale bourgeoise exclusivement masculine. Même les riches bourgeoises n ont aucun droit politique. Droits civils? Nuls puisque le Code Civil rend la femme mariée civilement incapable. Au point de vue économique : production textile en Flandre, quasi monopole industriel. Crise (1841-48) : transformation de la technique de filature artisanale en technique mécanisée. Travailleuses sans emploi. Partout dans la vie syndicale ou politique, les femmes sont obligées de s organiser «à part». Droits attribués, droits acquis. Ce sont des hommes bourgeois : médecins, intellectuels qui s inquiètent les premiers de la souffrance des femmes salariées. Ce qui les inquiète c est la menace qui pèse sur le «moyen de reproduction». Pour les hommes de la bourgeoisie, la place naturelle de la femme est au foyer. D où leur volonté de restreindre son droit au travail. - 1889 et 1911, interdiction du travail souterrain pour les femmes de moins de 21 ans puis pour toutes les femmes. - 1889 et 1905, 1 jour de repos hebdomadaire à tous les jeunes de moins de 16 ans et aux femmes de 21, et puis à tous les travailleurs 1889, 1892, 1906, 1908, interdiction du travail de nuit (jeunes de moins de 16 ans, femmes de moins de 21 ans puis tous les travailleurs (avec de nombreuses exceptions, surtout pour les hommes). -1889, 1909, 1921, limitation de la durée journalière du travail (jeunes de moins de 16 ans, femmes de moins de 21 ans, ensuite pour les travailleurs de moins de 21 ans, ensuite pour les travailleurs des mines et puis pour tous). -1889, 1945, 1948, 1975 : autorisation de prendre un repos d accouchement de 4 semaines mais sans solde, puis octroi d un revenu de remplacement pendant celuici et enfin, obligation du repos d accouchement. Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 1
Quelles furent les réactions des femmes travailleuses à ces mesures : Une certaine hostilité (Emilie Claeys, Clara Zetkin) qui donna lieu à des affrontements lors du Congrès International de Zurich, 1893. En Belgique, comme en France, les féministes s opposent à l instauration de législations protectrices. En 1897, au Congrès de la Ligue du Droit des Femmes ; une participante s écrie : «Les hommes jugent généralement immorales et dangereuses pour les femmes, les professions qui sont les mieux rétribuées». La recherche de la paternité. Avec le Code Civil, les femmes avaient perdu le droit de la «recherche de paternité» (article 340). Bref, hors mariage, impossibilité d obliger le père à subvenir aux besoins de son enfant. - En 1906 est votée une loi vidée de contenu. Pour la femme mariée, droit au salaire, droit à l épargne. La constitution avait posé le principe du droit souverain de la propriété privée, droit bafoué par le Code Civil en ce qui concerne les femmes. 1892 et 1893 : campagne pour la protection du salaire et de l épargne de la femme mariée ; une des premières activités entreprises par la Ligue belge des Droits des Femmes, fondée en 1892 par Louis Frank et Marie Popelin. 1900 : deux lois octroient aux femmes mariées le droit de faire des dépôts à la Caisse d Epargne et de les retirer sans l autorisation du mari et ce, jusqu à concurrence de cent francs par mois, ainsi que le droit de percevoir elles-mêmes leur salaire (s il ne dépasse pas 3000 francs par an). Le droit au suffrage. «Tous les pouvoirs émanent de la nation» (1830). - 1 % de la population électeur De 1830 à 1893, les progressistes ne s occupent pas du vote des femmes. Poussé par Emilie Claeys, présidente de la «Vrouwenvereniging» (Ligue des Femmes socialistes gantoises), le congrès du P.O.B. de 1893, adopte le texte suivant : «le congrès déclare que le P.O.B. poursuivra par tous les moyens en son pouvoir la suppression de toutes les dispositions légales qui consacrent l infériorité civile, politique et économique de la femme ; il réclame, pour elle, le droit de vote». - Une alliance libéraux-socialistes annulera les effets de ce texte. Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 2
- 1900. Vandervelde prit encore position en faveur du vote des femmes à la Province et à la Commune. - 1901. La femme de Vandervelde, Lolla, qui deviendra présidente des FPS, déclare : «La Fédération des F.S. s inspirant de l intérêt supérieur du P.O. propose aux délégués de suspendre le mouvement en faveur du suffrage universel des femmes, jusqu à la victoire du suffrage universel des hommes». Au cours de ces années (1901-1910), création des mouvements de femmes de tendance chrétienne qui s engagent pour le suffrage des femmes. - Guerre 14-18. 1919, instauration du suffrage masculin Y participent les femmes prisonnières politiques, veuves et mères de guerre (9300 femmes). 1920 Droit des femmes aux élections communales. 1921 révision de la Constitution qui prévoit la «possibilité» du droit de vote des femmes. 1921 élections communales : 75 conseillères communales. Les femmes mariées doivent fournir l autorisation du mari pour occuper une fonction de bourgmestre, échevin, etc 1948 suffrage universel. Les droits culturels Isabelle Gatti de Gamond : création d un enseignement secondaire pour les filles de la Ville de Bruxelles : 1864. Marie Popelin : première avocate (ULB) 1880 et 1888 : «Affaire Popelin». Limitation des naissances - 1831-35, le taux de natalité en Belgique est de 33/1000. Taux supérieur à celui de la France. Et pourtant à partir de 1875, il ne cesse de baisser. Pourquoi? Comment? Moyens traditionnels : continence, «coïtus interruptus», contraceptifs, avortements En 1911 un médecin liégeois signale qu on soigne dans la province plus de femmes avortées qu accouchées. S opposent alors les néo-malthusiens et les anti-malthusiens. Les premiers (en gros une extrême gauche) disent aux femmes «ne faites plus d enfants, créez Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 3
ainsi une rareté de la main-d œuvre, ainsi vous allez promouvoir le relèvement des salaires». Face à cette propagande, les socialistes sont prudents et puis tièdement antinéomalthusiens. «Je suis pour les familles nombreuses» (1922. E. Vandervelde). - L Eglise, elle, est franchement nataliste. Le droit au travail Dans la 2 ème moitié du XIXème siècle, on peut considérer que la grande majorité des femmes est active (à opposer avec cette affirmation : «maintenant que les femmes travaillent!). Ce droit est contesté par l Eglise et les libéraux. Du côté socialiste et du côté féministe (la Ligue du Droit des Femmes, du syndicalisme socialiste), on revendique le droit au travail et à l égalité dans le travail. Certaines femmes socialistes revendiquent un travail spécifique pour les femmes. Au début du XXème siècle : les femmes sociales-chrétiennes considèrent que les femmes mariées sont idéalement au foyer et les hommes au travail, ramenant salaire. Le travail à domicile. Dans cette perspective, les organisations sociales chrétiennes ont pris une part importante dans la lutte pour l amélioration des conditions atroces du travail à domicile. Après 1914-18 Après 14-18, le contexte socio-politique est extrêmement défavorable aux femmes. Accroissement du travail ménager Pas question de «partage des tâches». Isabelle Blum fait une grande enquête sur le sujet qui démontre que l entente dans les couples est loin d être réalisée. Mouvement socialiste social et féministe. La guerre 14-18 a eu un effet négatif sur le mouvement féministe La grande crise 1933 et 36. Coalition catho-libéral. Elle prend des mesures : - réduction de 25% du traitement des femmes fonctionnaires mariées à un agent de l Etat. - Diminution du traitement des agents de l Etat féminin, annulation de toute augmentation pour les années 1935-36 ; Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 4
- Suppression des allocations de chômage aux femmes mariées ; - Arrêt du recrutement du personnel féminin dans la fonction publique (sauf pour le nettoyage des bureaux) ; - Enfin, la goutte, la proposition de loi du 13 février 1934 par le sénateur catholique, le Père Rutten «tendant à limiter le travail de la femme mariée dans les usines, dans les ateliers, sur les chantiers et dans les bureaux». Proposition soigneusement préparée après une consultation des syndicats opposition du patronat! La limitation du travail féminin entraînerait une hausse du coût de la main d œuvre. Après la deuxième guerre Dès la rentrée de 1945, la chambre saisie par 2 propositions de loi accordant le droit de vote aux femmes. Le gouvernement (le plus à gauche de notre histoire) retarde la discussion et le vote jusque 1949 (les traités internationaux imposaient à la Belgique, cette obligation). Renvoi au foyer 1949. Femmes Prévoyantes, Ligue des Familles Nombreuses, Ligues Ouvrières Féminines Chrétiennes se prononcent pour l allocation à la «mère au foyer». 1951, retenue forfaitaire de 10% sur le salaire de la femme mariée. Quelques points positifs 1948 les femmes avocates peuvent dorénavant exercer toutes les fonctions de la magistrature. 1953 elles peuvent devenir «notaires». L égalité dans le droit au travail 1952 La Belgique ratifie la convention internationale du Travail de 1951 affirmant le «principe» de l égalité de rémunération». 1957, article 119 du Traité de Rome. 1966, grève de la F.N. qui mobilise 4000 travailleuses. 1967 les travailleuses peuvent aller devant les tribunaux pour faire appliquer le principe de l égalité de traitement. 1968 aucune convention collective comportant des discriminations ne peut être ratifiée par A.R. Néanmoins des discriminations directes sont remplacées par des discriminations indirectes 1975 Une Directive de la CEE contraint les Etats membres à mettre sur pied une législation, dans un délai d un an, susceptible de faire disparaître les inégalités de salaires. 1976 nouvelle pression de la CEE. Directive qui concerne l égalité totale des hommes et des femmes dans tous les aspects de la vie professionnelle. Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 5
Le taux d activité des femmes qui, depuis 1830 a atteint son point le plus bas vers 1947, remonte partir de 1960. L égalité dans le droit civil. En ce qui concerne le statut juridique des femmes, il a fallu aussi 30 années de luttes pour arriver à une protection du revenu propre de la femme mariée. 1900 droit à son salaire 1922 toute rétribution 1928 sa propre pension 1932- la liberté de disposer, d administration et de jouir des «biens réservés» et cela indépendamment du régime matrimonial. Il faut cependant attendre la réforme du Code Civil de 1958 pour que soit supprimée la notion de puissance maritale. Il faut attendre la loi de 1974 pour que les régimes matrimoniaux soient modifiés ; désormais c est le régime de la «séparation des biens propres et communauté des acquits» qui devient le régime matrimonial légal (en l absence de contrat de mariage). Françoise Hecq, «Droits des femmes : points de repère pour la Belgique» 6