Surveillance des infections du site opératoire. Dr Amélie MORIN, PH hygiène CHU RENNES DIU IOA, 31 janvier 2017

Documents pareils
Présentation générale du Programme

Programme National de Prévention des infections associées aux soins en ES,

Intérêt diagnostic du dosage de la CRP et de la leucocyte-estérase dans le liquide articulaire d une prothèse de genou infectée

Définition de l Infectiologie

Les Infections Associées aux Soins

AUDIT ISO SUR CESARIENNE CH MACON

Stratégies de dépistage des bactéries multirésistantes. Qui? Pourquoi? Comment? Après? L exemple des MRSA

Réflexions sur les possibilités de réponse aux demandes des chirurgiens orthopédistes avant arthroplastie

STACCINI Pascal UFR Médecine Nice Université Nice-Sophia Antipolis

BILAN DE LA DAJ EN QUALITE D AUTO-ASSUREUR SUR LES RECLAMATIONS INDEMNITAIRES. Marjorie OBADIA/DAJ/10 janvier 2012

PSDP et usage des pénicillines - ESAC

Laurence LEGOUT, Michel VALETTE, Henri MIGAUD, Luc DUBREUIL, Yazdan YAZDANPANAH et Eric SENNEVILLE

Traitement des plaies par pression négative (TPN) : des utilisations spécifiques et limitées

SOMMAIRE COMMUNIQUÉ DE PRESSE. p. 3. p. 4 LE CESU. p. 5. Les outils. p. 6. Le centre de simulation. Quelques chiffres

La gestion des risques en hygiène hospitalière

REPOUSSER LES LIMITES DE LA CHIRURGIE BARIATRIQUE DANS LES OBESITES MASSIVES AVEC COMORBIDITES

Prépration cutanée de l opéré

Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins


POLITIQUE D AMELIORATION DE LA QUALITE ET DE LA GESTION DES RISQUES Document validé le. Visa : Visa :

dossier de presse nouvelle activité au CHU de Tours p a r t e n a r i a t T o u r s - P o i t i e r s - O r l é a n s

Cette intervention aura donc été décidée par votre chirurgien pour une indication bien précise.

Comment devenir référent? Comment le rester?

Signalement et gestion des infections respiratoires aiguës (IRA) et des gastroentérites aiguës (GEA) 19 juin 2014

Visite test de certification V2014 Retour du CHU de Rennes GCS CAPPS Vendredi 12 juin 2015

Présentation des intervenants et modérateurs

COMPTE RENDU D ACCREDITATION DE L'HOPITAL ET INSTITUT DE FORMATION EN SOINS INFIRMIERS CROIX-ROUGE FRANÇAISE

ALTO : des outils d information sur les pathologies thromboemboliques veineuses ou artérielles et leur traitement

Surveillance épidémiologique : application à la détection et la prédiction des épidémies

Conduite à tenir devant une morsure de chien (213b) Professeur Jacques LEBEAU Novembre 2003 (Mise à jour mars 2005)

METHODOLOGIE GENERALE DE LA RECHERCHE EPIDEMIOLOGIQUE : LES ENQUETES EPIDEMIOLOGIQUES

PRADO, le programme de retour à domicile

LA PROTHESE TOTALE DE GENOU

Soins infirmiers et gestion des risques

GESTION DES RISQUES Cartographie COVIRISQ

Analyse et modélisation du parcours du patient

SURVEILLANCE DES SALARIES MANIPULANT DES DENREES ALIMENTAIRES

INFORMATION CONCERNANT L OSTEOTOMIE DU GENOU

AUDIT BLOC OPERATOIRE

LE FINANCEMENT DES HOPITAUX EN BELGIQUE. Prof. G. DURANT

EVALUER LA MAITRISE DU RISQUE INFECTIEUX EN EHPAD

Modules optionnels. Passer à l acte en implantologie

MINISTÈRE DU TRAVAIL, DE L EMPLOI ET DE LA SANTÉ MINISTÈRE DES SOLIDARITÉS ET DE LA COHÉSION SOCIALE SOLIDARITÉS

L impact des avis des usagers sur l amélioration de la prise en charge du patient dans un CHU

Synthes ProPlan CMF. Service de planification et produits spécifiques de patient pour la chirurgie craniomaxillo-faciale.

Certificat SSO de formation postgrade en médecine dentaire générale

Ouverture d un pavillon médical : Mesures mises en œuvre pour la mise en eau et suivi bactériologique

Jean-Christophe Richard Véronique Merle CHU de Rouen

*smith&nephew IV3000 Pansement pour cathéters réactif à l'humidité. Le pansement idéal pour cathéters

LE PROJET QUALITE-GESTION DES RISQUES- DEVELOPPEMENT DURABLE

PROTHÈSE TOTALE DE GENOU

Allocution d ouverture de Jean DEBEAUPUIS, Directeur Général de l Offre de soins

Prothèse Totale de Hanche

Docteur José LABARERE

L EXPÉRIENCE POUR L AUTONOMIE

Hygiène personnelle du collaborateur de bloc opératoire et infections nosocomiales

DE QUALITE GESTION DES RISQUES DEVELOPPEMENT DURABLE

CRITERES DE REMPLACEMENT

des banques pour la recherche

27 ème JOURNEE SPORT ET MEDECINE Dr Roukos ABI KHALIL Digne Les Bains 23 novembre 2013

La reprise de la vie active

cursus d implantologie orale Les clés du succès par le compagnonnage

COMMISSION DE LA TRANSPARENCE. Avis. 10 mars 2010

ASSURANCE RESPONSABILITE CIVILE MEDICALE CHIRURGIE PLASTIQUE RECONSTRUCTRICE ET ESTHETIQUE

Ministère de la santé, de la jeunesse et des sports. Comité technique des infections nosocomiales et des infections liées aux soins

Causes d insatisfactions du patient pris en charge en ambulatoire

La raison d être des systèmes d information

PREVENTION DES TRAUMATISMES DENTAIRES LORS DE L ACCES AUX VOIES AERIENNES SUPERIEURES

Direction de la recherche, des études, de l évaluation et des statistiques DREES SERIE ÉTUDES ET RECHERCHES DOCUMENT DE TRAVAIL

La campagne québécoise des soins sécuritaires volet prévention et contrôle des infections

La Liste de Vérification Chirurgicale

La version électronique fait foi

L hôpital de jour ( HDJ ) en Hôpital général Intérêt d une structure polyvalente? Dr O.Ille Centre hospitalier Mantes la Jolie, Yvelines

Danielle D Amour, inf. Ph.D. IUFRS 24 février 2011

Parcours du patient cardiaque

Études épidémiologiques analytiques et biais

Rapport d évaluation technologique. Éléments d appréciation en vue de la prise en charge d un patient

LIGNES DIRECTRICES CLINIQUES TOUT AU LONG DU CONTINUUM DE SOINS : Objectif de ce chapitre. 6.1 Introduction 86

CONTROVERSES en chirurgie de la hanche. C. Schwartz Conflit d intérêt: FH Orthopedics Colmar

Il est bien établi que le réseau d eau hospitalier peut

Item 169 : Évaluation thérapeutique et niveau de preuve

Bulletin N 47 AU SOMMAIRE BLOC-NOTES ERRATUM. Octobre Trimestriel. Bloc-Notes. Erratum. Annuaire web du CCLIN Ouest.

QUE SAVOIR SUR LA CHIRURGIE de FISTULE ANALE A LA CLINIQUE SAINT-PIERRE?

Collection Soins infirmiers

Création d une plateforme mutualisée de soins associée à une offre touristique

LASER DOPPLER. Cependant elle n est pas encore utilisée en routine mais reste du domaine de la recherche et de l évaluation.

Précautions standard et complémentaires : quelles mesures pour quels patients?

Médecin Responsable volet hospitalier - Koulikouro - MALI

La chirurgie dans la PC

E8 - Faire l exercice d entraînement : Surveillance des infections nosocomiales en maternité : Produire les résultats avec des programmes

Luce Landry, DESS sc. infirmières, UQAR. Résumé

4. Base de données des connaissances

N o d organisme. Rendement actuel Cible Justification de la cible

URGENCE HUMANITAIRE LES 10 COMMANDEMENTS

«Actualités et aspects pratiques de l antisepsie»

Guide. Chirurgie d un jour. Enfant (moins de 14 ans) HÔPITAL DE MARIA RÉVISÉ NOVEMBRE 2006

Situation Agent Schéma posologique*

les télésoins à domicile

Streptocoque B :apports des tests en fin de grossesse, nouvelles propositions.

Transcription:

Surveillance des infections du site opératoire Dr Amélie MORIN, PH hygiène CHU RENNES DIU IOA, 31 janvier 2017

Définition de la surveillance «Action d observer attentivement pour mieux contrôler» Par le passé : surveillance des individus souffrant de maladies contagieuses et/ ou mis en quarantaine puis surveillance des maladies transmissibles dans une population Evolution à partir des années 1950 sous l impulsion des CDC (Centers for Diseases Control and Prevention) surveillance de la dynamique des maladies dans les populations par une démarche d épidémiologie analytique recherche des facteurs de risques Nouvelle définition : «processus continu et systématique de collecte, de compilation et d analyse de données de santé ainsi que leur diffusion à tous ceux qui ont contribué à la collecte et à tous ceux qui ont besoin d être informés»

Définition ISO Infection du site opératoire : survient dans le mois suivant l intervention dans les 12 mois suivant l intervention en cas de pose d implant ou de prothèse 3 niveaux d infection : Superficielle (peau et tissu SC) Profonde (fascia et muscles) Organe/espace (infection d organe ou de cavité)

Contexte ISO : source majeure de morbidité et de mortalité pour les patients ; 3 ème IAS en termes de fréquence (ENP 2012) Conséquence : Augmentation de la durée de séjour hospitalier Interventions supplémentaires, traitement antibiotique Séquelles potentielles, diminution de la qualité de vie Coûts supplémentaires (directs et indirects) Fréquence variable en fonction des établissements, des disciplines, des procédures chirurgicales, des facteurs de risque patients Une partie de ces infections est évitable

Projet SENIC Diminution des ISO grâce à la surveillance Etude SENIC SENIC : Study on the Efficacy of Nosocomial Infection Control Conduite par le CDC Intérêt de la surveillance épidémiologique associée à la rétro information des acteurs dans la prévention des infections nosocomiales avec une diminution de 35 % des ISO Haley ; Am J Epidemiol 1985 Détection plus précoce de phénomènes anormaux ou d épidémie Effet Hawthorne : le fait de se savoir surveillé modifie le comportement

Pourquoi surveiller : Connaître ; Évaluer ; Alerter Connaissance des phénomènes infectieux : Estimer les taux d infection Estimer les taux de complications issues de ces infections Estimer des variations de distribution temporo-spatiale Identifier les facteurs de risque d infection Évolution des caractéristiques cliniques, microbiologiques et épidémiologiques Définir les priorités en termes d action de contrôle et de prévention

Pourquoi surveiller : Connaître ; Évaluer ; Alerter Évaluation des politiques et des stratégies de contrôle et de prévention en se basant sur les données recueillies lors de cette surveillance qui permettent de préciser l impact de ces stratégies Mettre en place des investigations pour expliquer ces variations Instaurer des mesures de contrôle et déterminer leur efficacité Mesurer l observance des mesures de prévention Détecter les situations ou les secteurs dans lesquels des déviances existent Evaluer les changements de pratiques et identifier les domaines à étudier en profondeur Alerte par la détection précoce de l émergence de nouvelles pathologies et la survenue de phénomènes épidémiques ou inhabituels

Pourquoi surveiller Fait partie des indicateurs qualité : ICA-LISO «Les chirurgiens sont systématiquement impliqués dans la validation clinique des ISO» «Toutes les disciplines de chirurgie font l objet d une surveillance» : 16 pt/100!! Résultats accessibles au grand public sur le site www.scopesante.fr

Recommandations 2010 : surveiller et prévenir les IAS

PROPIAS AXE 1 - Thème 5 : Renforcement du système de surveillance des IAS tout au long du parcours de santé Objectif 5 - Action 1 : Développer la surveillance automatisée à partir des systèmes d information hospitalière (SIH), notamment pour des actes invasifs ciblés (ex : chirurgie prothétique)

PROPIAS AXE 3 - Thème 2 : Surveiller les infections associées aux actes invasifs dont les dispositifs médicaux implantables tout au long du parcours de santé Objectif 2 : Disposer d outils de surveillance des infections associées aux actes invasifs dans les trois secteurs de l offre de soins Action 2 : En ES, utiliser les entrepôts de données (PMSI, SIH) et développer des méthodes/outils pour surveiller les infections associées à certains actes invasifs (ex : ISO après pose de prothèse articulaire ou autres dispositifs implantés, )

PROPIAS AXE 3 - Thème 3 : Améliorer la surveillance et la prévention des infections du site opératoire tout au long du parcours de santé du patient (ES-EMS-Ville) Action 1 : Améliorer la surveillance et la déclaration des infections graves associées à la chirurgie Généraliser la surveillance des ISO graves (profondes ou nécessitant une reprise chirurgicale) sur des actes ciblés définis en lien avec les professionnels ; utiliser le SIH pour fournir des taux d ISO par acte/procédure, en débutant par la chirurgie orthopédique prothétique (PTH, PTG); Valoriser les données issues des structures de prise en charge des infections ostéo-articulaires (CIOA) pour préciser les facteurs de risque d infection et optimiser leurs prévention et prise en charge ;

Utilisation du SIH Utilisation des données du PMSI pour : la détection des infections de prothèses ostéoarticulaires (hanche / genou) la mise en évidence de facteurs de risque d IPOA

Organisation en France Surveillance par les établissements : Protocole particulier validé par le CLIN ou la CME, ou protocole du CCLIN Surveillance à l échelon inter-régional CCLIN Surveillance nationale RAISIN - Santé publique France Différentes façons de surveiller Protocole de surveillance «agrégée» Protocole de surveillance «prioritaire»

Les chiffres en France Surveillance prioritaire RAISIN incidence 7 millions d interventions en France chaque année

La surveillance en pratique

Comment surveiller L idéal : surveillance continue, prospective, de toutes les interventions, recueil exhaustif, informatisé Demande beaucoup de temps et de moyens humains En pratique : essayer de cibler les interventions à surveiller ou une période de surveillance et être reproductible d une année sur l autre pour permettre la comparaison Existence de protocoles nationaux du réseau ISO- RAISIN comme base de travail

Recueil des données Doit être Simple et reproductible Facilement interprétable Nécessite d avoir Des données complètes, et pertinentes pour les cliniciens Une implication des professionnels Actions d améliorations à la clef

Surveillance agrégée Toutes interventions chirurgicales incluses sur une période de 2 mois consécutifs Recueil de données réduit, uniquement en cas d ISO : Données patient (âge, sexe, état du patient à la sortie) Données séjour (service, date de sortie) Données intervention (date, type d intervention) Données infection (date, type, germes et résistances) Aucune donnée recueillie en l absence d ISO.

Surveillance prioritaire Surveillance d une ou plusieurs interventions considérées comme prioritaires sur l établissement (interventions traceuses) Ex : suivi des prothèses de hanche / de genou Recueil des données patient, séjour, intervention même en l absence d infection Existence de modules optionnels : facteurs de risque individuels patient évaluation de l antibioprophylaxie préparation cutanée de l opéré

Suivi post hospitalisation : - pas toujours simple - en cas d ISO : hospitalisation / reprise dans une autre structure?

Ajustement des données Prise en compte des facteurs de risque liés au patient ou à l intervention Intervention en urgence Comorbidités : immunodépression, diabète, obésité, dénutrition, alcool, tabac Durée d hospitalisation pré-opératoire Complications per opératoire : hémorragie, bas débit + certains facteurs variables en fonction du type de chirurgie Ajustement avec le score NNIS (National Nosocomial Infection Surveillance system)

Le score NNIS Permet d ajuster le risque d infection lié au patient, de la classe de contamination et de la durée de l intervention

Risque infectieux en chirurgie orthopédique EMC-Rhumatologie Orthopédie 2 (2005) 151 172 National Nosocomial Infections Surveillance (NNIS) System Report, data summary from January 1992 through June 2003, issued August 2003 ; Am. J. Infect. Control, 31 (2003), pp. 481 498

Surveillance prioritaire des Infections du site opératoire Résultats interrégion Ouest 2015

Score de BOZIC Utilisé comme facteur prédictif de mortalité et d infection suite à une pose de prothèse totale de hanche 29 comorbidités analysées, et critères démographiques

Validation des ISO, analyse et restitution

Validation des ISO Nécessité d avoir une validation chirurgicale, et idéalement un spécialiste en maladies infectieuses pour une meilleure qualité des données Avoir des critères fiables et reproductibles pour la pose du diagnostic Définitions les plus utilisées : celles du CDC Horan TC et al. CDC definitions of nosocomial surgical site infections, 1992: a modification of CDC definitions of surgical wound infections. Infect Control Hosp Epidemiol 1992;13:606-8.

Analyse et restitution des données Par discipline chirurgicale, et par type de procédure Analyse en fonction des facteurs de risque Intérêt de la surveillance en réseau : permet de se comparer aux autres établissements Les données de surveillances doivent être restituées aux équipes chirurgicales selon une périodicité donnée (en fonction de la surveillance réalisée)

Recommandations NIH (USA) Pour la prévention des ISO Réaliser une surveillance des ISO Augmenter son efficacité en l informatisant Effectuer un retour aux équipes ICHE juin 2014

Proposition de pistes d amélioration Objectif de la surveillance : Dégager des pistes d amélioration des pratiques pour les équipes chirurgicales et d anesthésie Diminuer la part évitable d infections du site opératoire (voire d autres complications en fonction de la surveillance réalisée) en mettant en place des stratégies de prévention Préopératoire Per opératoire Post opératoire Améliorer la prise en charge du patient

QUESTIONS?