Mémoire de Master 2 Recherche. Compactification d espaces de configurations

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Mémoire de Master 2 Recherche Compactification d espaces de configurations Nicolas Martin 14 juin 2013 Encadré par Claude Sabbah Centre de mathématiques Laurent Schwartz École Polytechnique 1

Sommaire Introduction 3 1 Théorie des graphes 4 1.1 Généralités.............................. 4 1.2 Biconnexité.............................. 6 2 Éclatements et arrangements simples 8 2.1 Applications rationnelles....................... 8 2.2 Éclatement d un point........................ 8 2.3 Modification de l espace affine.................... 10 2.4 Éclatement d une sous-variété.................... 11 2.5 Intersections transversales et propres................ 12 2.6 Arrangements simples........................ 13 3 Espaces de configurations 14 3.1 Diagonales............................... 14 3.2 Résultats de transversalité...................... 15 3.3 Ensembles de construction...................... 16 3.4 Espace de configurations....................... 18 3.5 Compactification magnifique..................... 19 3.6 Exemples illustratifs......................... 20 3.7 Emboîtements............................. 22 3.8 Stratification............................. 24 4 Anneaux de Grothendieck 26 4.1 Introduction.............................. 26 4.2 Anneau de Grothendieck des variétés algébriques......... 26 4.3 Motifs d espaces de configuration.................. 27 Conclusion 31 Références 31 2

Introduction Dans le cadre de ce mémoire, nous étudierons des variétés appelées espaces de configurations, que nous chercherons à compactifier afin d obtenir des formules de classes dans l anneau de Grothendieck. Ce travail s appuie sur un article d Özgür Ceyhan et Matilde Marcolli [CM12] intitulé «Feynman Integrals and Motives of Configuration Spaces». Il s agit de géométrie algébrique complexe où l on construit des variétés à partir de données combinatoires fournies par des graphes, avec pour motivation la théorie des intégrales de Feynman en physique. Pour commencer, nous ferons quelques rappels de théorie des graphes où la notion de biconnexité sera détaillée. Ensuite, nous nous intéresserons au procédé général qu est l éclatement, puis nous rappelerons les définitions usuelles de transversalité afin de pouvoir définir les arrangements simples de sous-variétés ainsi que les ensembles de construction. Tout sera alors en place pour introduire les espaces de configuration, que nous compactifierons par un procédé appelé «compactification magnifique». Nous étudierons ensuite la stratification de cette compactification, c est-à-dire ce que l on a rajouté en compactifiant, où la notion d emboîtement jouera un rôle-clé. Enfin, après avoir défini l anneau de Grothendieck des variétés algébriques, nous expliciterons une formule de classe que nous regarderons sur des exemples bien précis de graphes. Remerciements Tout d abord, je tiens à remercier Claude Sabbah pour avoir encadré ce mémoire avec une disponibilité et une gentillesse absolument remarquables, en m apportant de très nombreuses pistes de réflexion et des solutions aux problèmes parfois inextricables que j ai pu rencontrer tout au long de la réalisation de ce travail. Plus généralement, je tiens à remercier le Centre de Mathématiques Laurent Schwartz pour le très bon accueil dont j ai pu bénéficier, et en particulier Jean-Baptiste Teyssier avec qui j ai pu avoir de très intéressantes discussions lors de mes séjours à Palaiseau. Enfin, je ne saurais terminer ce paragraphe sans remercier Michel Merle qui a mis beaucoup de cœur à me transmettre certaines idées déterminantes dans la compréhension de l article. 3

1 Théorie des graphes 1.1 Généralités Notations. Soit Γ = (V Γ, E Γ ) un graphe non orienté, où V Γ désigne l ensemble de ses sommets (V pour vertices) et E Γ l ensemble de ses arêtes (E pour edges). Dans toute la suite, on supposera que V Γ est fini et que Γ ne possède ni boucle ni arête multiple : on dit que Γ est un graphe simple. Ainsi, nous pouvons noter Γ : E Γ P 2 (V Γ ) l application qui à une arête fait correspondre ses extrémités. Définition 1.1.1 (Sous-graphe, sous-graphe induit). On appelle γ = (V γ, E γ ) un sous-graphe de Γ si V γ V Γ et E γ 1 Γ (P 2(V γ )). Il s agit d un sous-graphe induit de Γ si E γ = 1 Γ (P 2(V γ )), autrement dit si les arêtes de E γ sont exactement les arêtes de E Γ reliant des sommets de V γ. Remarques. 1) Tout sous-graphe γ de Γ peut être complété (en ajoutant les arêtes manquantes) en un sous-graphe induit de Γ, que l on notera ι(γ). 2) Un sous-graphe γ de Γ étant également un graphe simple, il est possible de parler de sous-graphe et de sous-graphe induit de γ. 3) Soit γ un sous-graphe de Γ. Il faut faire attention : un sous-graphe induit de γ n est pas nécessairement un sous-graphe induit de Γ. Bien évidemment, cela devient vrai si γ est un sous-graphe induit de Γ. 4) Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ. On dit que γ 1 est inclus dans γ 2 (et on note γ 1 γ 2 ) si γ 1 est un sous-graphe de γ 2. Définition 1.1.2 (Union et intersection de sous-graphes). Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ. On définit le sous-graphe γ 1 γ 2 en posant V γ1 γ 2 = V γ1 V γ2 et E γ1 γ 2 = E γ1 E γ2 ainsi que le sous-graphe γ 1 γ 2 en posant V γ1 γ 2 = V γ1 V γ2 et E γ1 γ 2 = E γ1 E γ2. Remarques. 1) On vérifie bien que γ 1 γ 2 et γ 1 γ 2 sont des sous-graphes. 2) L intersection de deux sous-graphes induits est encore un sous-graphe induit. 3) L union de deux sous-graphes induits n est cependant pas nécessairement induite, pour la bonne raison que l on oublie d éventuelles arêtes entre γ 1 et γ 2. Définition 1.1.3 (Sous-graphe connexe). Soit γ un sous-graphe de Γ. On dit que γ est connexe lorsqu il existe une chaîne reliant deux sommets quelconques de γ. Définition 1.1.4 (Composantes connexes d un sous-graphe). Soit γ un sous-graphe de Γ. Les composantes connexes de γ sont les sous-graphes induits connexes de γ maximaux pour l inclusion. Remarques. 1) Bien noter que les composantes connexes de γ n ont rien à voir avec celles de Γ (si ce n est qu une composante connexe de γ est toujours incluse dans une composante connexe de Γ). 2) L intersection de deux sous-graphes connexes est encore connexe. 4

Définition 1.1.5. On note ŜG(Γ) l ensemble des sous-graphes de Γ qui s écrivent comme union disjointe de sous-graphes induits connexes de Γ. Remarques. 1) Tout sous-graphe induit de Γ est un élément de ŜG(Γ) (il suffit pour cela de considérer ses composantes connexes), mais la réciproque est fausse. Prenons Γ = K 3 le graphe triangle, γ 1 et γ 2 deux arêtes du triangle (qui sont bien des sous-graphes induits connexes) : le sous-graphe γ 1 γ 2 n est pas induit. 2) Les sous-graphes induits connexes qui apparaissent dans la décomposition de tout élément de ŜG(Γ) sont exactement ses composantes connexes. Définition 1.1.6. Soit γ un sous-graphe de Γ. On construit Γ/γ en identifiant les sommets de V γ en un seul sommet v. Les arêtes de E Γ reliant des sommets de V γ entre eux sont supprimées (pour éviter la présence de boucles) et toute arête de E Γ reliant un sommet de V γ et un sommet v de V Γ \ V γ est remplacée par une arête reliant v et v. Les éventuelles arêtes multiples créées de cette façon sont rendues simples. On construit Γ//γ de la même façon, sauf qu au lieu d identifier tous les sommets de V γ en un seul sommet, on identifie seulement les sommets de V γ d une même composante connexe de γ. Remarque. Soit γ un sous-graphe de Γ. Si l on note b 0 (γ) le nombre de composantes connexes de γ, on a alors les cardinaux suivants : Γ/γ = Γ γ + 1 et Γ//γ = Γ γ + b 0 (γ) Lemme 1.1.7. Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ. Alors b 0 (γ 1 γ 2 ) b 0 (γ 1 ) + b 0 (γ 2 ) b 0 (γ 1 γ 2 ) ( ) Preuve. Si γ 1 ou γ 2 est vide, l inégalité est triviale, supposons donc le contraire. Montrons le résultat pour γ 1 γ 2 connexe. Notons (γ1) i 1 i r et (γ j 2 ) 1 j s les composantes connexes respectives de γ 1 et γ 2 et faisons une récurrence sur r +s. Si r +s = 2, alors b 0 (γ 1 γ 2 ) = r = s = 1, on a donc égalité dans ( ). Supposons l hypothèse de récurrence vérifiée au rang r + s et ajoutons une composante connexe γ1 r+1 à γ 1 afin d obtenir γ 1 = γ 1 γ1 r+1. L hypothèse de connexité de γ 1 γ 2 implique que γ1 r+1 γ 2. On peut alors conclure en écrivant : b 0 (γ 1 γ 2 )=b 0 (γ 1 γ 2 )+b 0 (γ r+1 1 γ 2 ) b 0 (γ 1 γ 2 )+1 b 0 (γ 1 )+b 0 (γ 2 )=b 0 (γ 1)+b 0 (γ 2 ) 1 Montrons maintenant le cas général. On conserve les notations précédentes et on note (γ k ) 1 k n les composantes connexes de γ 1 γ 2. Posons les ensembles I k = {i {1,..., r} γ1 i γ k } et J k = {j {1,..., s} γ j 2 γk }, et définissons γ k,1 = i I k γ1 i et γ k,2 = j J k γ j 2. On a γ 1 γ 2 = n k=1 (γk,1 γ k,2 ), d où l on tire b 0 (γ 1 γ 2 ) = n k=1 b 0(γ k,1 γ k,2 ). Comme γ k = γ k,1 γ k,2 est connexe, on peut lui appliquer le point précédent, ce qui donne : 1 + b 0 (γ k,1 γ k,2 ) I k + J k Il suffit alors de sommer pour obtenir le résultat attendu. 5

Remarque. L inégalité ( ) peut être stricte, et ce même si l on se restreint aux sous-graphes induits. Par exemple, si l on considère Γ = C 4 le graphe cycle carré, γ 1 deux arêtes adjacentes du carré et γ 2 les deux arêtes opposées : on a b 0 (γ 1 γ 2 ) = 1 et b 0 (γ 1 ) + b 0 (γ 2 ) b 0 (γ 1 γ 2 ) = 1 + 1 2 = 0. 1.2 Biconnexité Définition 1.2.1 (Points d articulation, sous-graphe biconnexe). Soit γ un sous-graphe connexe de Γ. On dit que v V γ est un point d articulation si le sous-graphe induit γ de γ tel que V γ = V γ \ {v} n est plus connexe. Le sous-graphe γ est dit biconnexe s il n admet pas de point d articulation. Remarques. 1) Par définition, un sous-graphe biconnexe est toujours connexe. 2) Par convention, le sous-graphe à un seul sommet n est pas biconnexe. 3) Dans un arbre, tous les sommets de degré supérieur ou égal à 2 sont des points d articulation. Définition 1.2.2 (Composantes biconnexes d un sous-graphe). Soit γ un sous-graphe de Γ. Les composantes biconnexes de γ sont les sousgraphes induits biconnexes de γ maximaux pour l inclusion. Remarque. Les composantes biconnexes d un sous-graphe sont exactement les composantes biconnexes de ses composantes connexes. Lemme 1.2.3. Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes biconnexes de Γ vérifiant γ 1 γ 2 2. Alors γ 1 γ 2 est encore biconnexe. Preuve. Il suffit de montrer qu en supprimant un sommet de γ 1 γ 2, ce dernier reste connexe. Cela est évident si le sommet n appartient pas à γ 1 γ 2. Supprimons un sommet v γ 1 γ 2 et montrons qu il existe une chaîne dans γ 1 γ 2 \{v} entre v 1 γ 1 \ {v} et v 2 γ 2 \ {v}. Par hypothèse, γ 1 γ 2 \ {v} ainsi il existe un sommet v γ 1 γ 2. Comme γ 1 \ {v} (resp. γ 2 \ {v}) est connexe, il existe une chaîne dans γ 1 \ {v} (resp. γ 2 \ {v}) reliant v 1 à v (resp. v 2 à v ), ce qui montre qu il existe une chaîne dans γ 1 γ 2 \ {v} reliant v 1 à v 2. Ce dernier point est encore vérifié si v 1 et v 2 appartiennent tous deux à γ 1 (ou γ 2 ). Ainsi, γ 1 γ 2 \ {v} est connexe. Il en résulte que γ 1 γ 2 est biconnexe. Proposition 1.2.4. Soit γ un sous-graphe de Γ. Deux composantes biconnexes distinctes de γ sont disjointes ou s intersectent en un point d articulation. Preuve. Quitte à considérer les composantes connexes de γ, on peut supposer sans perte de généralité que γ est connexe. Considérons γ 1 et γ 2 deux composantes biconnexes distinctes de γ qui ne sont pas disjointes. Si γ 1 γ 2 2, alors le lemme précédent nous assure que γ 1 γ 2 est biconnexe, ce qui contredit la définition des composantes biconnexes. On en conclut donc que γ 1 γ 2 = 1. 6

Notons γ 1 γ 2 = {v} et supposons par l absurde que v n est pas un point d articulation de γ. Notons v 1 (resp. v 2 ) un sommet de γ 1 (resp. γ 2 ) relié par une arête à v. Comme γ \ {v} est connexe, on peut relier v 1 et v 2 par une chaîne ne passant pas par v. Cela nous permet de construire un cycle passant par v, que l on notera c. Ce cycle est un sous-graphe biconnexe qui intersecte γ 1 en au moins deux sommets : v 1 et v. Le lemme précédent donne alors que γ 1 c est un sous-graphe biconnexe de Γ. Or ce dernier contient strictement γ 1 (car v 2 c et v 2 / γ 1 ), ce qui contredit la définition des composantes biconnexes. Remarque. Les seuls cycles d un sous-graphe connexe se trouvent dans ses composantes biconnexes. Ainsi, on peut réaliser tout sous-graphe connexe comme un arbre «par blocs», où les nœuds sont ses composantes biconnexes et où les «arêtes» sont les points d articulation. Figure 1 Graphe connexe réalisé comme un arbre Lemme 1.2.5. Soit γ un sous-graphe connexe de Γ. Notons (γ j ) 1 j r ses composantes biconnexes. Alors r j=1 ( γ j 1) = γ 1. Preuve. On raisonne par récurrence sur r, le cas r = 1 étant trivial. On vient de voir que l on pouvait interpréter γ comme un arbre par blocs, donc quitte à réindexer les γ j, on peut supposer que γ r est une feuille de cet arbre. Cela nous permet de dire que (γ j ) 1 j r 1 sont les composantes biconnexes du sous-graphe connexe γ = r 1 j=1 γ j. Ainsi, l hypothèse de récurrence appliquée au rang r 1 nous donne r 1 j=1 ( γ j 1) = γ 1. Il en résulte que : r ( γ j 1) = γ + γ r 2 = γ + γ γ r 2 j=1 Comme γ r est une feuille, on a γ γ r = 1, ce qui achève la récurrence. Lemme 1.2.6. Si γ est un sous-graphe biconnexe de Γ alors ι(γ) est biconnexe. Preuve. C est évident puisque l on rajoute des arêtes à γ pour obtenir ι(γ). 7

2 Éclatements et arrangements simples 2.1 Applications rationnelles Définition 2.1.1 (Application rationnelle). Soient X et Y deux variétés quasi-projectives avec X irréductible. On considère les couples (U, ϕ) où U est un ouvert non vide de X et ϕ : U Y une application régulière, et on introduit la relation d équivalence : (U, ϕ) (V, ψ) si ϕ U V = ψ U V. Une application rationnelle est une classe d équivalence pour cette relation, on la note ϕ : X Y. Remarque. 1) Il s agit d applications non partout définies, et il existe un plus grand ouvert U sur lequel ϕ est définie, appelé domaine de définition de ϕ. 2) Quitte à raisonner sur les composantes irréductibles de X, on peut se placer sur une variété quasi-projective X quelconque. Définition 2.1.2 (Graphe d une application rationnelle). Soit X une variété quasi-projective et ϕ : X P n une application rationnelle. Sur un ouvert U sur lequel ϕ est définie, le graphe de ϕ U est donné par Γ ϕ U = {(x, ϕ(x)) U P n x U}. On définit le graphe de ϕ en posant Γ ϕ = Γ ϕ U, où l adhérence est prise dans X P n. Remarque. On vérifie bien que cette définition est indépendante du choix de l ouvert U. En outre, si ϕ est régulière, on retrouve son graphe classique. 2.2 Éclatement d un point Considérons l application rationnelle : ϕ : P n P n 1 [x 0 :... : x n ] [x 0 :... : x n 1 ] Il s agit de la projection sur P n 1 depuis P = [0 :... : 0 : 1]. Le domaine de définition de ϕ est donné par U = P n \ {P }, et on a Γ ϕ = {(x, ϕ(x)) x P } = {(x, ϕ(x)) x P } ({P } P n 1 ) La première projection π : Γ ϕ P n est appelée éclatement de P dans P n. Au-dessus d un point x différent de P, la fibre π 1 (x) est égale à (x, ϕ(x)). Au dessus de P, la fibre est isomorphe à P n 1. Définition 2.2.1 (Éclatement d un point). Soit X P n une variété quasi-projective et P X. Notons ϕ l application rationnelle de projection de X sur P n 1 depuis P (définie sur X \ {P }). La première projection π : Γ ϕ X est appelée éclatement de P dans X. La fibre π 1 (P ) Γ ϕ est appelée diviseur exceptionnel de l éclatement. 8

Exemple. (Éclatement d un point double dans le plan) Considérons la courbe C = V (X 3 +Y 2 X 2 ) k 2 avec un point double en P = (0, 0). L idée de l éclatement consiste à séparer les deux branches de la courbe qui passent par P, en remplaçant P par deux points dans k 3 correspondant aux directions des droites passant par P. Pour cela, posons : B = {(x, y, t) k 3 y = tx} L éclatement du plan au point P correspond à la première projection π : B k 2. On a alors π 1 (C) = {x = y = 0} {(x, y, t) k 3 y = tx et x + t 2 1 = 0} } {{ } C. Figure 2 Tracés de C et de C La droite π 1 (P ) = {x = y = 0} est ici le diviseur exceptionnel de l éclatement. On note qu au-dessus de P, on a deux points de C correspondants aux deux tangentes à C en P : (0, 0, 1) et (0, 0, 1). Figure 3 Le diviseur exceptionnel ici en bleu 9

2.3 Modification de l espace affine On considère l application ϕ : A 2 A 2 qui à (x, t) associe (x, y) = (x, xt). Il s agit d une application régulière, d image U {P }, où U = {x 0} et P = (0, 0), qui est un isomorphisme de ϕ 1 (U) dans U : on dit que ϕ est un morphisme birationnel. La fibre L = ϕ 1 (P ) est donnée par la droite d équation x = 0 dans le plan des (x, t). On a en quelque sorte éclaté l origine dans A 2. Regardons alors C une courbe dans le plan des (x, y) et notons C = ϕ 1 (C U). Pour simplifier, supposons que C = V (F ) où F k[x, Y ] est irréductible. On peut écrire F comme somme de ses composantes homogènes : F = F r + + F n où µ P (C) = r n = deg F. Posons F (X, T ) = F r (1, T ) + XF r+1 (1, T ) + + X n r F n (1, T ) On remarque que F (X, XT ) = X r F r (1, T ) + + X n F n (1, T ) = X r F (X, T ). On en déduit que ϕ 1 (C U) V (F ), et donc aussi C V (F ). Comme F est irréductible, F l est aussi et on a C = V (F ). Remarquons par ailleurs que ϕ C est un morphisme birationnel de C dans C qui induit un isomorphisme de ϕ 1 (C U) dans C U. Remarques. 1) Si k est un corps algébriquement clos, que la droite X = 0 n est pas tangente à C en P et que P est un point multiple ordinaire, alors on peut écrire F r = r i=1 (Y λ ix) avec les λ i distincts. Les points au-dessus de P sont donc les (0, λ i ). De cette façon, on a remplacé un point multiple ordinaire d ordre r dans C par r points réguliers dans C. 2) Attention cependant à bien voir que l on perd le contrôle des points de C vérifiant x = 0. Pour pallier cette difficulté, on peut voir que A 2 \ {P } est recouvert par les cartes x 0 et y 0. On peut donc être amené à regarder l éclatement dans l autre carte : la transformation pertinente sera (x, t) (xt, t). 3) En fait, on peut plonger A 2 dans P 2 et regarder l application de projection sur P 1 par rapport à [0 : 0 : 1], correspondant exactement au cadre de la définition 2.2.1. Si l on note Ã2 l éclaté de A 2, on aura naturellement Ã2 A 2 P 1. Figure 4 Tracé des deux composantes de ϕ 1 (V (X 3 + Y 2 X 2 )) On généralise aisément cette construction au cas de l espace affine A n, en considérant les n cartes qui recouvrent A n \ {P }. Cela permet de mieux visualiser l éclaté Ãn A n P n 1. 10

2.4 Éclatement d une sous-variété Définition 2.4.1 (Éclatement d une sous-variété). Soit X P n une variété quasi-projective et Y une sous-variété de X. On a I(Y ) = (F 0,..., F r ) où les F i sont des polynômes homogènes. Notons ψ l application rationnelle qui à x associe [F 0 (x) : : F r (x)], bien définie sur l ouvert X \ Y, et posons Bl Y X = Γ ψ X P r. La première projection π : Bl Y X X est appelée éclatement de Y dans X. Là encore, la fibre π 1 (Y ) Bl Y X est appelée diviseur exceptionnel de l éclatement. Remarques. 1) Il ne faut pas confondre l éclatement, qui désigne la projection π, et l espace éclaté (ou simplement l éclaté) donné par Bl Y X. 2) La notation «Bl» provient du terme anglais correspondant : «blow-up». 3) Éclater une sous-variété lisse Y dans une variété lisse X revient à remplacer chaque point de Y par l ensemble des directions normales à Y en ce point. Ainsi, au-dessus de chaque point de Y se trouve un P r, où r = codim(y, X) 1. Il en résulte que le diviseur exceptionnel π 1 (Y ) correspond au projectivisé du fibré normal N Y X = T X Y /T Y, que l on note P(N Y X). Définition 2.4.2 (Transformé strict, transformé dominant). Soient X une variété quasi-projective et Y une sous-variété de X. Considérons l éclatement π : Bl Y X X. Le transformé strict d une sous-variété irréductible V X par rapport à Y est donné par : St(V, Y, X) = π 1 (V (X \ Y )) On définit maintenant le transformé dominant d une sous-variété irréductible V X par rapport à Y par : { St(V, Y, X) si V Y Dt(V, Y, X) = π 1 (V ) sinon Lorsqu il n y aura pas d ambiguïté sur X et Y, on les notera St(V ) et Dt(V ). Remarques. 1) Le transformé strict peut être vide. 2) Si la sous-variété V n est pas irréductible, on peut regarder les transformés strict et dominant de ses composantes irréductibles. Exemple. Reprenons l exemple précédent : X = A 2, Y = {P } et Bl Y X = Ã2. Soit C une courbe irréductible ne passant pas par P. Alors : St(C) = Dt(C) = π 1 (C) Soit C une courbe irréductible passant par P. Alors : St(C) = Dt(C) = π 1 (C \ {P }) Si C = {P }, alors St(C) = et Dt(C) = π 1 (P ). 11

2.5 Intersections transversales et propres Définition 2.5.1 (Espace tangent, dimension et codimension généralisés). Soit X une variété lisse. Pour toute sous-variété lisse Y de X, on note : { Ty Y si y Y T y Y = T y X sinon { dim Y si y Y dim y Y = dim X sinon { codim(y, X) si y Y codim y (Y, X) = 0 sinon Définition 2.5.2 (Intersection transversale). Soit X une variété lisse. On dit que deux sous-variétés lisses A et B s intersectent transversalement dans X si : x X, T x A + T x B = T x X Ou de manière équivalente avec la formule de Grassmann : x X, dim x (A) + dim x (B) = dim(x) + dim(t x A T x B) Ce qui peut également s écrire : x X, codim x (A, X) + codim x (B, X) = codim(t x A T x B, T x X) Cela nous permet de généraliser pour plus de deux sous-variétés : on dit que des sous-variétés lisses A 1,..., A n s intersectent transversalement dans X si : ( n n ) x X, codim x (A i, X) = codim T x A i, T x X ( ) i=1 Ce qui est encore équivalent à : I {1,..., n}, x i I A i, i=1 ( ) codim(a i, X) = codim T x A i, T x X i I Remarque. La définition ( ) assure que l intersection est transversale lorsque l ensemble d indices est réduit à un seul élément. Définition 2.5.3 (Intersection propre). Soit X une variété lisse. On dit que des sous-variétés lisses A 1,..., A n s intersectent proprement si n i=1 A i est une sous-variété lisse et : ( n n ) n x A i, T x A i = T x A i i=1 i=1 i=1 i I Proposition 2.5.4. Soit X une variété lisse. On considère deux sous-variétés lisses A et B qui s intersectent transversalement dans X. Alors elles s intersectent proprement. 12

Preuve. Pour simplifier, on va se placer dans le cas de sous-variétés différentielles de R n. Soit x A B, il existe U et V des voisinages de x tels que A U = a 1 ({0}) et B V = b 1 ({0}) avec a : U R n dim A et b : U R n dim B des submersions en x de classe C. Posons c : U V R 2n dim A dim B définie par c(x) = (a(x), b(x)). Cette application est de classe C et vérifie bien (A B) (U V ) = c 1 ({0}). On a alors : T x (A B) = Ker(d x c) = Ker(d x a) Ker(d x b) = T x A T x B Il reste à montrer que l application c est une submersion en x. Comme A et B s intersectent transversalement dans R n, on peut écrire que : dim(ker(d x c)) = dim A + dim B n Ainsi, on a rg(d x c) = 2n dim A dim B, ce qui achève la preuve. Remarque. La notion de propreté ne dépend pas de l espace ambiant : si deux sous-variétés A et B s intersectent proprement en tant que sous-variétés de Y X, alors elles s intersectent proprement en tant que sous-variétés de X. En particulier, si elles s intersectent transversalement dans Y alors elles s intersectent proprement en tant que sous-variétés de X. Lemme 2.5.5. Soit X une variété quasi-projective lisse. On considère des sousvariétés lisses Y 1,..., Y n de X qui s intersectent proprement avec intersection Y, et π : Bl Y X X l éclatement de Y dans X. Alors : π 1 (Y ) n St(Y i, Y, X) = i=1 Preuve. Pour y Y, π 1 (y) St(Y i, Y, X) est formé des directions dans T y Y i normales à T y Y, c est-à-dire des directions dans T y Y i /T y Y. Comme les Y i s intersectent proprement avec intersection Y, on a n i=1 (T yy i /T y Y ) = {0}, et donc π 1 (y) n i=1 St(Y i, Y, X) =, ce qui conclut. 2.6 Arrangements simples Définition 2.6.1 (Arrangement simple de sous-variétés). Soit X une variété quasi-projective lisse. On appelle arrangement simple de sous-variétés de X toute famille finie S de sous-variétés lisses de X telle que pour tous A et B dans S : (i) A B = ou A B S (ii) A et B s intersectent proprement Remarque. Les propriétés (i) et (ii) étant trivialement vérifiées pour A = B, il suffit de les vérifier pour A et B distincts. Exemple. Toute famille finie d hyperplans de A n à laquelle on a rajouté toutes les intersections possibles est un arrangement simple de sous-variétés de A n. 13

3 Espaces de configurations 3.1 Diagonales Notation. Dans toute la suite, X désignera une variété quasi-projective lisse. Définition 3.1.1 (Diagonales d un sous-graphe). On définit la diagonale d un sous-graphe γ de Γ comme : et sa polydiagonale comme : γ = {(x v ) v VΓ X V Γ v, v V γ, x v = x v } γ = {(x v ) v VΓ X V Γ e E γ avec Γ (e) = {v, v }, x v = x v } Remarques. 1) Soit γ un sous-graphe de Γ. De manière immédiate, γ γ. De plus, γ et γ sont des sous-variétés lisses irréductibles de X V Γ. 2) Si γ 1 γ 2 sont deux sous-graphes de Γ, alors γ1 γ2 ainsi que γ1 γ2. 3) On dira que x X V Γ est constant sur γ si pour tout v, v V γ, on a x v = x v. Lemme 3.1.2. Soit γ un sous-graphe de Γ. (i) γ X V Γ/γ et γ X V Γ//γ. (ii) Si (γ i ) 1 i b0(γ) sont les composantes connexes de γ, alors γ = b 0(γ) i=1 γ i. On a également γ = b 0(γ) i=1 ι(γ i). (iii) γ = γ si et seulement si γ est connexe. Preuve. (i) Par définition, γ = {x X V Γ x constant sur γ}. Cela revient donc à identifier γ à X V Γ/γ. Dans γ, on a x v = x v s il existe une arête de E γ reliant v et v, autrement dit si x est constant sur chacune des composantes connexes de γ. Ainsi, cela revient à identifier γ à X V Γ//γ. (ii) On a γ = {x X V Γ i {1,..., b 0 (γ)}, x constant sur γ i } = b 0(γ) i=1 γ i. Le fait que γ i et ι(γ i ) aient les mêmes sommets donne γi = ι(γi). (iii) Il résulte du point (i) que : { dim( γ ) = dim(x V Γ/γ ) = dim(x)( Γ γ + 1) dim( γ ) = dim(x V Γ//γ ) = dim(x)( Γ γ + b0 (γ)) Ainsi, puisque γ γ et que γ est irréductible, on a γ = γ si et seulement si b 0 (γ) = 1, c est-à-dire γ connexe. Remarque. Il faut bien noter que les composantes connexes γ i sont des sousgraphes induits de γ mais pas nécessairement de Γ. Ce n est donc pas inutile de compléter γ i en ι(γ i ), et ce afin d obtenir des sous-graphes induits de Γ. 14

3.2 Résultats de transversalité Nous allons dans cette partie montrer plusieurs résultats de transversalité sur les diagonales et polydiagonales de sous-graphes qui nous seront particulièrement utiles par la suite. Lemme 3.2.1. Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ. Leurs polydiagonales vérifient la propriété γ1 γ 2 = γ1 γ2. Preuve. Posons γ = γ 1 γ 2. Il est clair que γ = γ1 γ2 si γ 1 γ 2 =. Si γ 1 et γ 2 ont un sommet v en commun, il suffit de remarquer qu être constant sur les composantes connexes de γ 1 et de γ 2 contenant v est équivalent à être constant sur la composante connexe de γ contenant v. Lemme 3.2.2. Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ tels que γ 1 γ 2 1. Alors γ1 et γ2 s intersectent transversalement dans γ1 γ 2 = X V Γ. Preuve. Posons γ = γ 1 γ 2. D après le lemme précédent, on a γ = γ1 γ2. Pour montrer la transversalité, on regarde dim( γ1 ) + dim( γ2 ) dim( γ ) = dim(x)[( Γ γ 1 + b 0 (γ 1 )) + ( Γ γ 2 + b 0 (γ 2 )) ( Γ γ + b 0 (γ))] = dim(x)[ Γ + ( γ γ 1 γ 2 ) (b 0 (γ) b 0 (γ 1 ) b 0 (γ 2 ))]. Si γ 1 γ 2 =, alors γ γ 1 γ 2 = b 0 (γ) b 0 (γ 1 ) b 0 (γ 2 ) = 0. Si γ 1 γ 2 = {v}, alors γ γ 1 γ 2 = b 0 (γ) b 0 (γ 1 ) b 0 (γ 2 ) = 1. Dans les deux cas, on trouve dim( γ1 ) + dim( γ2 ) dim( γ ) = dim(x) Γ = dim(x V Γ ), ce qui conclut. Lemme 3.2.3. (i) Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ tels que γ 1 γ 2. Alors : γ1 et γ2 s intersectent transversalement dans γ1 γ 2 et γ1 γ2 = γ1 γ 2. (ii) Soient γ 1 et γ 2 deux sous-graphes de Γ, avec égalité dans ( ). Alors : γ1 et γ2 s intersectent transversalement dans γ1 γ 2 et γ1 γ2 = γ1 γ 2. Preuve. (i) Posons γ = γ 1 γ 2. Il est aisé de remarquer que γ γ1 γ2. Si x γ1 γ2 alors x est constant sur γ 1 et γ 2, mais comme γ 1 γ 2, il en résulte que x est constant sur γ, ce qui donne γ = γ1 γ2. De plus, on déduit de γ 1 γ 2 γ i que γi γ1 γ 2. Pour montrer la transversalité, il ne nous reste plus qu à regarder dim( γ1 ) + dim( γ2 ) dim( γ ) = dim(x)[( Γ γ 1 +1) + ( Γ γ 2 +1) ( Γ γ +1)] = dim(x)[ Γ ( γ 1 + γ 2 γ )+1] = dim(x)( Γ γ 1 γ 2 + 1) = dim( γ1 γ 2 ). (ii) Posons γ = γ 1 γ 2. Le lemme 3.2.1 nous donne γ = γ1 γ2. On déduit de γ 1 γ 2 γ i que γi γ1 γ 2. Regardons dim( γ1 )+dim( γ2 ) dim( γ ) = dim(x)[ Γ + ( γ γ 1 γ 2 ) (b 0 (γ) b 0 (γ 1 ) b 0 (γ 2 ))] = dim(x)[ Γ γ 1 γ 2 +b 0 (γ 1 γ 2 )], car on a égalité dans ( ) par hypothèse. On en conclut que dim( γ1 )+dim( γ2 ) dim( γ ) = dim( γ1 γ 2 ), ainsi γ1 et γ2 s intersectent transversalement dans γ1 γ 2. 15

Remarque. Si γ 1 γ 2 = alors γ1 et γ2 s intersectent toujours transversalement dans γ1 γ 2 = X V Γ, mais γ1 γ 2 γ1 γ2. Lemme 3.2.4. Soit γ un sous-graphe de Γ. Notons (γ i ) 1 i b0(γ) ses composantes connexes et (γ i,j ) 1 j ri les composantes biconnexes des γ i. Alors les γi,j s intersectent transversalement dans X V Γ. Preuve. Nous allons montrer que pour tout A {1 i b 0 (γ), 1 j r i } : x γi,j =, ( ) codim( (i,j) A γi,j γi,j ) = codim (i,j) A γi,j (i,j) A (i,j) A On peut remarquer que les (γ i,j ) (i,j) A sont les composantes biconnexes des composantes connexes de (i,j) A γ i,j, ce qui nous permet sans perte de généralité de ne traiter que le cas A = {1 i b 0 (γ), 1 j r i }. Ainsi, (i,j) A codim( γi,j ) = dim(x) b 0(γ) i=1 r i j=1 ( γ i,j 1) b 0(γ) = dim(x) ( γ i 1) (lemme 1.2.5) i=1 = dim(x)( γ b 0 (γ)) = codim( γ ) ( ) = codim (i,j) A γi,j Il en résulte que les γi,j s intersectent transversalement dans X V Γ. 3.3 Ensembles de construction Définition 3.3.1 (G-facteurs, ensemble de construction). Soit Y une variété quasi-projective lisse. (i) Considérons S un arrangement simple de sous-variétés de Y, ainsi qu un sous-ensemble G S. Pour S S, les éléments minimaux de l ensemble G S = {G G S G} sont appelés les G-facteurs de S. On dit que G est un ensemble de construction de S si pour tout S S, les G-facteurs de S s intersectent transversalement dans Y et leur intersection est S. (ii) Soit G une famille finie de sous-variétés lisses de Y. On dit que G est un ensemble de construction si l ensemble de toutes les intersections finies possibles d éléments de G forme un arrangement simple de sous-variétés de Y (appelé arrangement simple induit par G) pour lequel G est un ensemble de construction. Remarque. Un élément G G S est minimal si : H G S, (H G H = G) 16

Exemples. Considérons Γ = K 3 le graphe triangle et Y = X 3. On note 12, 13 et 23 les diagonales associées aux trois arêtes de Γ. 1) L ensemble G 1 = { 12, 13, 23, Γ } est un ensemble de construction dont l arrangement simple induit S 1 est G 1 lui-même. 2) L ensemble G 2 = { 12, 13 } est un ensemble de construction dont l arrangement simple induit est S 2 = { 12, 13, Γ }. En outre, G 2 n est pas un ensemble de construction de S 1, car 23 n admet pas de G 2 -facteurs. 3) L ensemble G 3 = { 12, 13, 23 } n est pas un ensemble de construction car les G 3 -facteurs de Γ qui sont 12, 13 et 23 ne s intersectent pas transversalement dans Y. Lemme 3.3.2. L ensemble S Γ = { γ γ ŜG(Γ)} est un arrangement simple de sous-variétés de X V Γ. Preuve. Tout d abord, S Γ est une famille finie de sous-variétés lisses de X V Γ. Ensuite, montrons que pour γ 1, γ 2 ŜG(Γ) distincts, on a γ1 γ2 S Γ : Si γ 1 γ 2 =, alors comme γ 1 et γ 2 sont des réunions disjointes de sousgraphes induits connexes, il en de même pour γ = γ 1 γ 2. On en déduit donc que γ1 γ2 = γ S Γ. Si γ 1 γ 2, on peut considérer les composantes connexes (γ i ) 1 i b0(γ) de γ = γ 1 γ 2. La partie (ii) du lemme 3.1.2 nous donne γ = b 0(γ) i=1 ι(γi ) (on a ι(γ i ) = ι(γ i ) par connexité des γ i ). D après le premier point, on a stabilité par intersection lorsque les sous-graphes sont disjoints, ainsi γ S Γ. Il en résulte que γ1 γ2 = γ S Γ. Enfin, montrons que l intersection est propre. Supposons X = A 1, alors I( γ ) est l idéal engendré par les X v2 X v1 avec v 1 et v 2 deux sommets reliés par une arête de γ. D après le lemme 5.1 de [Li09], il suffit de montrer que : I( γ1 γ2 ) = I( γ1 γ 2 ) = I( γ1 ) + I( γ2 ) L inclusion réciproque est triviale car γ 1 et γ 2 sont inclus dans γ 1 γ 2. Pour l inclusion directe, il suffit de remarquer que si deux sommets v 1 γ 1 et v 2 γ 2 sont reliés dans γ 1 γ 2 alors il existe un sommet v γ 1 γ 2 tel que v 1 et v soient reliés dans γ 1 et v 2 et v soient reliés dans γ 2. Le cas X = A n se traite de la même façon avec n composantes, le cas X A n se déduit par restriction, et le cas général par considération de cartes affines. Théorème 3.3.3. L ensemble G Γ = { γ γ sous-graphe induit biconnexe de Γ} est un ensemble de construction dont l arrangement simple induit est S Γ. En outre, les diagonales associées aux composantes biconnexes d un sous-graphe γ ŜG(Γ) sont les G Γ-facteurs de γ. Preuve. Considérons γ ŜG(Γ). Par définition, le sous-graphe γ est réunion disjointe de sous-graphes induits connexes γ i de Γ. Chacun de ces sous-graphes admet une décomposition en composantes biconnexes γ i,j. Ainsi, l ensemble de toutes les intersections finies possibles d éléments de G Γ est égal à S Γ, qui est bien un arrangement simple de sous-variétés de X V Γ d après le lemme précédent. 17

Il est donc légitime de s intéresser aux G Γ -facteurs de γ S Γ, où γ ŜG(Γ). Par définition des composantes biconnexes, les (γ i,j ) j sont les sous-graphes induits biconnexes de γ i maximaux pour l inclusion. Comme les γ i sont des sousgraphes induits de Γ, il vient que les γ i,j sont les sous-graphes induits (en tant que sous-graphes de Γ) biconnexes de γ maximaux pour l inclusion. On en déduit que les γi,j sont les G Γ -facteurs de γ. D après le lemme 3.2.4, les γi,j s intersectent transversalement dans X V Γ, et leur intersection est bien γ, ce qui permet finalement de dire que G Γ est un ensemble de construction de S Γ. 3.4 Espace de configurations Définition 3.4.1 (Espace de configurations). On définit l espace de configurations de Γ dans X comme : Conf Γ (X) = X V Γ \ e E Γ e où e est la diagonale du sous-graphe associé à l arête e. Exemple. Si le graphe Γ est complet (c est-à-dire tel que Γ soit surjective), alors Conf Γ (X) est constitué des Γ -uplets d éléments distincts de X. Remarques. 1) On peut identifier X V Γ aux applications de V Γ dans X. L espace de configurations correspond alors aux applications vérifiant f(v) f(v ) dès lors que v et v sont reliés par une arête de Γ. 2) Si le graphe Γ contenait une boucle l alors l = X V Γ et donc Conf Γ (X) =. Supposer que Γ ne possède pas de boucle permet d éviter ce cas dégénéré. Lemme 3.4.2. L espace de configurations peut s exprimer comme Conf Γ (X) = X V Γ \ γ G Γ γ Preuve. Toute arête e de E Γ peut être vue comme un sous-graphe induit de Γ (à deux sommets), qui est bien sûr biconnexe. Ainsi, on a e G Γ, d où e e E Γ γ G Γ γ Réciproquement, considérons un sous-graphe induit biconnexe γ de Γ. Il contient nécessairement une arête e E Γ et comme e γ, on peut en déduire que γ e, ainsi γ e γ G Γ e E Γ En passant aux complémentaires, on obtient bien la formule annoncée. 18

3.5 Compactification magnifique Définition 3.5.1 (Compactification magnifique). Soient Y une variété quasi-projective lisse et G un ensemble de construction. Posons Y o = Y \ G G G On appelle compactification magnifique de Y o, que l on note Y G ou encore Y o, l adhérence de l image de Y o par l inclusion : Y o G G Bl G Y Théorème 3.5.2 (Construction par éclatements itérés). Soient Y une variété quasi-projective lisse, S un arrangement simple de sousvariétés de Y et G un ensemble de construction de S. Supposons que l on puisse partionner G sous la forme N k=1 G k avec, pour tout r {1,..., N}, la propriété que r k=1 G k soit encore un ensemble de construction. Notons G 1 = ( ) G et Gj = Dt G pour j {2,..., N} G G 1 G G j On a alors : Y G Bl GN Bl G2 Bl G1 Y Preuve. Il s agit d une version raffinée de la partie (ii) du théorème 1.3 de [Li09], où l on a regroupé des éléments de G. Remarque. Le transformé dominant est à prendre selon la composée des éclatements considérés : Y Y Y. Par exemple, Bl GN Bl G2 Bl G1 Bl G1 ( ) ( ( ) ) G 2 = Dt G, G 1, Y et G3 = Dt Dt G, G 1, Y, G 2, Y Bl G1 G G 2 G G 3 Lemme 3.5.3. Posons G Γ,k = { γ γ sous-graphe induit biconnexe de Γ tel que γ = Γ k + 1}. L ensemble r k=1 G Γ,k est un ensemble de construction pour tout r {1,..., Γ 1}. Preuve. Regardons tout d abord l ensemble S r des intersections possibles d éléments de G (r) = r k=1 G Γ,k. Par le lemme 3.2.1, il s agit d un γ où γ est réunion de sous-graphes induits biconnexes de taille supérieure à Γ r + 1. Une preuve en tous points similaire à celle du lemme 3.3.2 montre que S r est un arrangement simple de sous-variétés de Y. En outre, il est clair que les composantes biconnexes des composantes connexes de γ sont de taille supérieure à Γ r +1, donc les diagonales correspondant à ces sous-graphes sont bien dans G (r). On en déduit que les G (r) -facteurs de γ appartiennent à G (r), et le lemme 3.2.4 nous assure que l intersection est transversale. Il en résulte que G (r) est un ensemble de construction. 19

Proposition 3.5.4. Posons Y 0 = X V Γ et, de manière récursive, Y j l éclatement de Dt( γ G Γ,j γ ) dans Y j 1. Alors Conf Γ (X) Y Γ 1 Preuve. On a G Γ = Γ 1 k=1 G Γ,k et l hypothèse du théorème 3.5.2 est bien vérifiée d après le lemme précédent. D après le lemme 3.4.2, (X V Γ ) o = Conf Γ (X) Ainsi, le théorème 3.5.2 nous donne que Conf Γ (X) = (X V Γ ) GΓ Y Γ 1. Remarque. Les composantes irréductibles de γ G Γ,j γ sont les γ, et pour tout sous-graphe γ tel que γ γ on a γ γ, et donc γ \ γ. Ainsi, les transformés dominants apparaissant dans la proposition précédente seront toujours des transformés stricts. 3.6 Exemples illustratifs Nous allons étudier la compactification magnifique dans le cadre de petits graphes, avec X = A 1. Exemple 1. Prenons pour Γ le graphe ligne à trois sommets, on a Y = A 3 et { GΓ,1 = G Γ,2 = { 12, 23 } Figure 5 Graphe ligne à trois sommets Notons G 2 = 12 23, défini par l unique équation (x 1 x 2 )(x 2 x 3 ) = 0. On en déduit que Conf Γ (X) Bl G2 A 3 A 3 (l éclatement est trivial). Exemple 2. Prenons pour Γ le graphe ligne à quatre sommets, on a Y = A 4 et G Γ,1 = G Γ,2 = G Γ,3 = { 12, 23, 34 } Figure 6 Graphe ligne à quatre sommets Notons G 3 = 12 23 34, défini par l unique équation (x 1 x 2 )(x 2 x 3 )(x 3 x 4 ) = 0 Il en résulte que Conf Γ (X) Bl G3 A 4 A 4. Remarque. Pour tout graphe ligne Γ, on a Conf Γ (A 1 ) A Γ. 20

Exemple 3. Prenons pour Γ le graphe triangle, on a Y = A 3 et { GΓ,1 = { Γ } G Γ,2 = { 12, 23, 13 } Figure 7 Graphe triangle Notons G 1 = Γ et G 2 = 12 23 13. Pour simplifier les calculs, on procède à un changement de coordonnées : y 1 = x 1 y 2 = x 1 x 2 y 3 = x 1 x 3 L algorithme de la proposition 3.5.4 va ici avoir deux étapes : Premièrement, on regarde Y 1 = Bl G1 A 3. Les équations de G 1 sont données par x 1 = x 2 = x 3 ou encore y 2 = y 3 = 0. Si l on fait abstraction de y 1, cela revient donc à éclater l origine dans le plan. Ainsi, Y 1 A 1 Ã2. Ensuite, on regarde G 2 = Dt(G 2, G 1, A 3 ) = St(G 2, G 1, A 3 ) = π 1 (G 2 \ G 1 ), où π : A 1 Ã2 A 3 est l éclatement. On a G 2 = {y 2 = 0} {y 3 = 0} {y 2 = y 3 }. Figure 8 Représentation de 12, 23 et 13 dans le plan (y 2, y 3 ) Au-dessus de l origine se trouve donc un P 1. On peut noter C Ã2 le transformé strict de G 2 à y 1 fixé, on a alors G 2 A 1 C. En outre, d après ce que l on a pu faire au paragraphe 2.3, C est donné dans une carte par une seule équation. On en déduit que Conf Γ (X) Bl G2 (A 1 Ã2 ) A 1 Bl C Ã 2 A 1 Ã2. 21

3.7 Emboîtements Définition 3.7.1 (Drapeaux, G-emboîtements). Soient Y une variété quasi-projective lisse, S un arrangement simple de sousvariétés de Y et G un ensemble de construction de S. Un drapeau F de S est un sous-ensemble {S 1,..., S r } de S tel que S 1 S r. Le G-emboîtement induit par F est donné par l ensemble de tous les G-facteurs des S i. Enfin, un sous-ensemble N G est un G-emboîtement s il existe un drapeau F de S tel que N soit le G-emboîtement induit par F. Exemples. Considérons Γ = K 4 le graphe tétraédrique complet et Y = X 4. Prenons G l ensemble de construction constitué de toutes les diagonales de Y, alors l arrangement simple induit S est G lui-même. 1) L ensemble N 1 = { 12, 123 } est un G-emboîtement, car il est induit par le drapeau F 1 : 123 12. Plus généralement, tout drapeau d éléments de G est un G-emboîtement. 2) L ensemble N 2 = { 12, 34, 1234 } est un G-emboîtement, car il est induit par le drapeau F 2 : 1234 12 34. 3) L ensemble N 3 = { 12, 13 } n est clairement pas un G-emboîtement. Définition 3.7.2 (Forêts de sous-graphes emboîtés). Une forêt de sous-graphes emboîtés de Γ est une famille finie d arbres finis, dont les sommets sont étiquetés par des sous-graphes induits connexes de Γ vérifiant : (i) Si γ i est fils de γ j alors γ i γ j. (ii) Deux sous-graphes étiquetant deux sommets présents sur des branches différentes ou sur des arbres différents sont disjoints. Proposition 3.7.3. Les drapeaux de S Γ sont en correspondance bijective avec les forêts de sous-graphes emboîtés de Γ. Preuve. Un drapeau F de S Γ est une famille γ1 γr avec γ 1,..., γ r unions disjointes de sous-graphes induits connexes de Γ. On a γ r γ 1, ainsi on en déduit qu une composante connexe de γ i+1 est toujours incluse dans l une des composantes connexe de γ i. On peut donc poser comme racine des arbres les composantes connexes de γ 1, ayant chacune pour fils les composantes connexes de γ 2 qui sont contenues dans ces dernières, et ainsi de suite. Il est clair que l on obtient une forêt de sous-graphes emboîtés de Γ. Réciproquement, il suffit de poser pour γ i l union des sous-graphes de même hauteur dans l arbre et de considérer les polydiagonales correspondantes. Proposition 3.7.4. Soient γ et γ deux sous-graphes induits biconnexes de Γ. Alors N = { γ, γ } est un G Γ -emboîtement si et seulement si l une des conditions suivantes est vérifiée : (i) γ γ ou γ γ (ii) γ γ = (iii) ι(γ γ ) non biconnexe 22

Preuve. Un G Γ -emboîtement N est donné par l ensemble des G Γ -facteurs d un drapeau γ1 γr, où γ i ŜG(Γ). Comme N = 2, il n y a que deux cas : soit r = 2 et on a γ γ ou γ γ, soit r = 1 et les sous-graphes γ et γ sont les composantes biconnexes de γ 1. Dans ce cas, on a γ γ et γ γ. Supposons que γ γ, ainsi γ 1 est un sous-graphe induit connexe de Γ. On en déduit que ι(γ γ ), qui contient strictement γ et qui est contenu dans γ 1, ne peut pas être biconnexe (sinon cela contredirait la maximalité de γ). Réciproquement, montrons que si N = { γ, γ } vérifie les conditions demandées alors il s agit bien d un G Γ -emboîtement. Si γ γ, on pose comme drapeau γ γ. Idem si γ γ. Si γ γ =, alors on pose comme drapeau γ γ, où l on a bien γ γ ŜG(Γ). Supposons maintenant γ γ, γ γ, γ γ et ι(γ γ ) non biconnexe. Comme γ et γ sont deux sous-graphes biconnexes inclus dans ι(γ γ ), ils sont inclus dans deux composantes biconnexes γ 0 et γ 0 de ι(γ γ ), distinctes puisque ce dernier sous-graphe n est pas biconnexe. Comme γ γ, on a γ 0 γ 0. La proposition 1.2.4 donne alors γ 0 γ 0 = 1, donc nécessairement γ γ = 1. On a alors : γ 0 + γ 0 = γ 0 γ 0 + 1 ι(γ γ ) + 1 = γ γ + 1 = γ + γ On en déduit que γ 0 = γ et γ 0 = γ. Or γ et γ sont induits, donc γ = γ 0 et γ = γ 0. Ainsi, γ et γ sont les composantes biconnexes de ι(γ γ ). On pose donc comme drapeau ι(γ γ ), où l on a bien ι(γ γ ) ŜG(Γ). Remarque. Il n est pas possible de remplacer les conditions (ii) et (iii) par γ γ = 1, comme le montre l exemple de l ensemble { 12, 13 } avec Γ = K 3 le graphe triangle. Cet ensemble n est pas un G Γ -emboîtement alors que les deux sous-graphes s intersectent en un seul sommet. Si N est un G Γ -emboîtement alors deux éléments γ et γ de N vérifient toujours l une des trois conditions de la proposition 3.7.4. Essayons maintenant d esquisser une condition suffisante pour avoir un G Γ -emboîtement. Posons N = { γ i} i I et I max = {i I γ i maximal}. Considérons alors γ 1 = i I max γ i et notons γ 1,k ses composantes connexes. Il est naturel de poser : γ 1 = k ι(γ 1,k ) ŜG(Γ) Si les (γ i ) i Imax étaient les composantes biconnexes de γ 1, alors on aurait le parfait candidat pour commencer notre drapeau et on pourrait faire une induction. Ainsi, on en déduit que si N n est pas un G Γ -emboîtement alors il existe une étape de l induction ou cet argument est mis en défaut. Supposons sans perte de généralité que c est à la première étape. En notant Imax k = {i I max γ i γ 1,k }, cela signifie qu il existe k et j Imax k tels que γ j ne soit pas une composante biconnexe de ι(γ 1,k ). Notons γ j 0 la composante biconnexe de ι(γ 1,k) qui contient γ j : on a alors γ j γ j 0. Montrons maintenant le résultat suivant : 23

Lemme 3.7.5. Il existe J I k max avec j J et J 2 tel que ι( l J γl ) = γ j 0. Preuve. Il suffit de montrer qu il existe p j tel que γ p γ j 0. On a vu que γ j γ j 0 : les deux sous-graphes étant induits, il existe un sommet v 1 γ j 0 \ γj. Posons v 2 un sommet de γ j. Comme γ j 0 est connexe, il existe une chaîne dans γ j 0 reliant v 1 et v 2. Il est possible de trouver dans cette chaîne deux sommets consécutifs v et w tels que v γ j 0 \ γj et w γ j. On note e γ j 0 \ γj l arête qui relie v et w. Il y a deux cas à distinguer : Il existe p tel que e γ p. Nécessairement, v et w appartiennent à γ p. Ainsi, γ j 0 intersecte γp en au moins deux sommets, d où γ p γ j 0. On a e / γ 1,k. Les sommets v et w étant reliés dans γ 1,k, ils appartiennent à un cycle dans ι(γ 1,k ), noté c. Notons x le voisin de v dans le cycle autre que w. L arête reliant v et x appartient à un certain γ p, et donc v et x appartiennent à γ p. Le cycle c intersecte γ j 0 en au moins deux points (v et w), donc c γj 0. Maintenant, γ p intersecte c en au moins deux points (v et x), donc γ p intersecte γ j 0 en au moins deux points, ainsi γp γ j 0. 3.8 Stratification Notations. Nous ferons désormais l abus d utiliser le signe = en lieu et place du signe. Posons n = Γ 1 et reprenons les notations de la proposition 3.5.4 : Conf Γ (X) = Y n π n π n 1 π Yn 1 2 π 1 Y1 Y0 = X V Γ Soit γ un sous-graphe induit biconnexe de Γ. On pose E (0) γ E (j) γ = Dt(E (j 1) γ, G Γ,j, Y j 1 ) pour j {1,..., n} = γ, puis où les G Γ,j sont définis de la même façon qu au théorème 3.5.2. Le diviseur de l éclatement associé à γ sera donné par E γ = E γ (n). Il est important d observer que tous les transformés dominants, sauf exactement un, correspondant à l étape où se trouve γ, seront des transformés stricts. Si l on note π = π 1 π n l itération d éclatements, on peut remarquer que : ( ) π(e γ ) = γ et π 1 = γ G Γ γ mais, attention, on n a pas nécessairement E γ = π 1 ( γ ). γ G Γ E γ Proposition 3.8.1 (Stratification). La stratification de la compactification magnifique est donnée par : Conf Γ (X) \ Conf Γ (X) = γ G Γ E γ En outre, les diviseurs E γ possèdent la propriété suivante : r { γ1,..., γr } est un G Γ -emboîtement j=1 E γj 24

Preuve. Par propriété de l éclatement, l application π induit un isomorphisme de Conf Γ (X) \ γ G Γ E γ dans X V Γ \ γ G Γ γ = Conf Γ (X), ce qui donne le premier résultat. Supposons maintenant que { γ1,..., γr } soit un G Γ -emboîtement. La proposition 2.8 de [Li09] nous dit que l éclatement préserve les emboîtements, ainsi à chaque étape on a r j=1 E(k) γ j. On en déduit que r j=1 E γ j. Montrons l autre sens par la contraposée, supposons que { γ1,..., γr } ne soit pas un G Γ -emboîtement. Le lemme 3.7.5 nous dit qu il existe J {1,..., r} avec J 2 tel que les (γ j ) j J ne soient pas inclus les uns dans les autres et tels que γ = ι( j J γ j) soit biconnexe. Ce dernier sous-graphe contient strictement les (γ j ) j J, ainsi la diagonale γ = j J γ j est éclatée avant les ( γj ) j J. Si l on prend x γ et w un sommet de γ, en notant F = T xw X il vient que : T x γj = F Vγ j T xv X = F Vγ T xv X = T x γ j J j J v Γ\γ j v Γ\γ On peut donc appliquer le lemme 2.5.5 lors de l étape où l on éclate le transformé strict de γ. On note St( γ ) et St( γj ) les transformés stricts avant cet éclatement. Ainsi, l intersection des transformés stricts des St( γj ) avec le transformé dominant de St( γ ) est vide. L intersection des E γj se projetant sur cette dernière intersection, il en résulte que j J E γ j =, ce qui conclut. Définition 3.8.2. Considérons N un G Γ -emboîtement. On définit la sousvariété X N de Conf Γ (X) par : X N = γ N E γ Remarque. Les sous-variétés X N sont non vides d après la proposition 3.8.1. Lemme 3.8.3. On a X N1 X N2 si et seulement si N = N 1 N 2 est encore un G Γ -emboîtement. Dans ce cas, si l on note T, T 1 et T 2 des forêts de sousgraphes emboîtés respectivement associées à N, N 1 et N 2, alors T = T 1 T 2. Preuve. La première assertion est une conséquence directe de la proposition 3.8.1. On construit la forêt de sous-graphes emboîtés T comme à la proposition 3.7.3, il est alors clair que l on obtient T = T 1 T 2. Proposition 3.8.4. La stratification est également donnée par : Conf Γ (X) \ Conf Γ (X) = N G Γ -emboîtements où, si l on note T une forêt de sous-graphes emboîtés associée à N, l on a : XN o = X N \ T t.q. T =T /e avec e arête X N (T ) X o N 25

Preuve. Tout d abord, en considérant des G Γ -emboîtements constitués d une seule diagonale, on obtient que : E γ = X N γ G Γ N G Γ -emboîtements Pour pouvoir écrire une union disjointe, l idéal serait de considérer les éléments de X N qui ne sont dans aucun autre X N : montrons qu il s agit de XN o. Tout sous-graphe induit biconnexe γ non déjà présent dans la forêt de sousgraphes emboîtés T peut être rajouté de façon à ce que cela reste une forêt de sous-graphes emboîtés, que l on note T. On retrouve alors T en contractant une arête de T. Pour simplifier, on va supposer que γ étiquette une feuille de T. On note γ1 γr le drapeau associé à T, le père de γ sera donc une composante connexe d un γ k avec k {1,..., r}. Deux cas se présentent alors : Si k = r, alors un drapeau associé à T sera γ1 γr γ. Si k < r, alors γ k+1 sera remplacé par γ k+1 γ et par conséquent un drapeau associé à T sera γ1 γk γk+1 γ γr. Dans les deux cas, on a X N (T ) = X N E γ. Notons que dans le cas où γ n étiquette pas une feuille de T, cette assertion reste vraie (mais le drapeau est plus compliqué puisque l ajout de γ va modifier tous les sous-graphes obtenus avec des composantes connexes descendant de γ). Les X N (T ) sont donc les plus grandes sous-variétés de X N qui sont de la forme X N, ce qui conclut. Remarque. Les XN o offrent une description pertinente de la stratification de la compactification universelle. On dit qu elles en sont les strates. 4 Anneaux de Grothendieck 4.1 Introduction Notons P l ensemble des polygones du plan à isométrie près. On note [A] la classe d équivalence d un polygone A, et on s intéresse aux applications ϕ de P dans Z qui vérifient ϕ([a B]) = ϕ([a]) + ϕ([b]), dites additives. Le premier exemple qui nous vient à l esprit est l aire des polygones. On peut alors imaginer un groupe universel dans lequel on identifie [A B] et [A] + [B], il s agit du groupe abélien libre engendré par toutes les relations [A B] = [A] + [B], que l on note K 0 (P) et que l on appelle groupe de Grothendieck. L intérêt étant que toute application additive se factorise de manière unique en un morphisme de groupes de K 0 (P) dans Z. 4.2 Anneau de Grothendieck des variétés algébriques Nous allons généraliser ce que l on vient de voir à la catégorie V des variétés quasi-projectives, que l on regarde à isomorphisme près. 26