Allocution de Julie Dickson, surintendante des institutions financières Bureau du surintendant des institutions financières Canada (BSIF) à l occasion du Forum sur invitation concernant les services financiers 2013 Cambridge (Ontario) Le 2 mai 2013 Pour obtenir de plus amples renseignements : Brock Kruger Communications et consultations brock.kruger@osfi-bsif.gc.ca www.osfi-bsif.gc.ca 1
Allocution de Julie Dickson, surintendante des institutions financières Bureau du surintendant des institutions financières Canada (BSIF) à l occasion du Forum sur invitation concernant les services financiers 2013 Cambridge (Ontario) Le 2 mai 2013 Introduction Le Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) a récemment publié le document Plan et priorités 2013-2016; ce soir, j aborderai certaines de nos grandes priorités et les raisons pour lesquelles nous les avons choisies. Il s agit plus précisément de notre insistance sur la menace accrue de cyberattaques; des faibles taux d intérêt (y compris le crédit immobilier); ainsi que de la gouvernance et de la propension à prendre des risques. 1 Cybersécurité Au BSIF, le cyber-risque compte maintenant parmi nos préoccupations les plus importantes. Un nombre croissant de banques nord-américaines ont été la cible d attaques de déni de service qui ont parfois entraîné la panne de leur site Web, empêchant ainsi les clients d effectuer leurs opérations bancaires courantes. Les attaques de déni de service sont coûteuses à parer, constituent une forme de harcèlement et sont une source d inconvénients, mais par-dessus tout, elles peuvent laisser présager des formes de cyberattaques encore plus graves. L évolution rapide de ces attaques pour ce qui est de leur fréquence, de leur puissance et des entités qu elles ciblent nous préoccupe de plus en plus. Toutes les institutions doivent donc accorder la plus grande importance à cette menace. Au BSIF, nous avons grandement augmenté les ressources que nous consacrons à la surveillance du risque opérationnel et mis en œuvre plusieurs initiatives, telles que l examen approfondi des pratiques de cybersécurité des institutions. Bon nombre d intervenants participent à ces mesures, et nous avons tous intérêt à accorder la priorité à cette question. Taux d intérêt bas Lorsque les taux d intérêt bas ont fait leur apparition, les régimes de retraite et les sociétés d assurances ont été les plus touchés. En revanche, des taux d intérêt bas et persistants (surtout s ils sont jumelés à une courbe de rendement nul) touchent aussi le secteur bancaire. Les banques sont alors moins en mesure d abaisser les taux d intérêt sur les dépôts des clients, créant ainsi un taux plancher sur les dépôts. Les marges d intérêt nettes sont comprimées, ce qui pèse sur les revenus. Jumelée à une croissance économique hésitante, la demande réduite de prêts a aussi une incidence sur les banques. Cette situation peut inciter les banques à bonifier leurs actifs productifs de bénéfices en cherchant à accroître leur part de marché (un exercice à somme nulle), à accroître leurs activités génératrices de commissions, à réduire leurs dépenses, à pénétrer de nouveaux marchés, et à augmenter la proportion d actifs à rendement plus élevé dans le portefeuille de prêts et dans celui des placements. Les produits et les activités qui misent trop sur de faibles coûts de financement ont tendance à prendre de l ampleur. Et les emprunteurs sont fortement tentés d augmenter l effet de levier. 1 Plan et priorités pour 2013-2016 du BSIF, le 2 avril 2013. Lien : http://www.osfibsif.gc.ca/app/docrepository/1/fra/rapports/bsif/pp_2013_2016_let_f.pdf 2
Pour toutes ces raisons, nous surveillons de très près la réaction des banques à la conjoncture actuelle. Nous savons aussi que, plus les taux d intérêt bas persisteront, plus le risque de taux d intérêt peut être accumulé. Nul ne peut prédire quand ou à quel rythme les taux d intérêt commenceront à grimper (ou s ils baisseront encore). Or, la dépendance à l égard de taux d intérêt bas peut devenir significative, de sorte que la transition à des taux plus élevés pourrait être très pénible. Le BSIF accorde beaucoup d importance au marché du crédit immobilier en raison des généreuses mesures incitant les clients à emprunter et les banques à soutenir leurs revenus, de l ampleur des portefeuilles de crédit hypothécaire, des préoccupations au sujet de la surévaluation de certains marchés, et de la possibilité que les taux d intérêt bas faussent la capacité des consommateurs d assurer le service de leur dette. Nous avons examiné de façon exhaustive les portefeuilles de prêts des banques. Cet exercice est l une des raisons pour lesquelles nous avons émis la ligne directrice B-20. Cette dernière comporte des pratiques exemplaires pour la souscription prudente des prêts hypothécaires résidentiels, quelles que soient les conditions économiques. Notre ligne directrice, ainsi que les mesures de restriction adoptées par le ministre des Finances à l égard de l assurance hypothécaire, a donné lieu à d heureux changements sur le marché : une progression plus lente du crédit des ménages et une situation plus équilibrée dans l ensemble. Nous surveillons le dossier de très près, et il est trop tôt pour dire «mission accomplie». Les modèles employés par certaines banques pour établir le montant de capital qu elles doivent maintenir à l égard des prêts hypothécaires peuvent aussi cacher certains risques. Le BSIF scrute donc cet aspect plus attentivement. Les investisseurs s y intéressent également, et certains d entre eux ont posé des questions à propos du calcul des facteurs de pondération des risques en raison du peu d information que publient les banques à ce sujet. Au Canada, les facteurs de pondération du risque de modèle calculés par les banques à l égard des hypothèques non assurées oscillent autour des 15 % en moyenne. Nous espérons corriger le manque d information au sujet des facteurs de pondération des risques. Les banques d importance systémique nationale divulgueront davantage de renseignements au cours de la prochaine année, conformément aux recommandations du groupe de travail sur la divulgation accrue des renseignements qui a été créé à la demande du Conseil de stabilité financière 2. D autres pays sont aux prises avec un marché immobilier en surchauffe et ont instauré des planchers parfois d environ 15 % pour les facteurs de pondération des risques. Puisque, au Canada, les hypothèques non assurées tendraient généralement à être de plus grande qualité que le portefeuille de prêts moyen à l étranger (parce que le ratio prêt-valeur des prêts non assurés ne peut dépasser 80 % au Canada), nous sommes généralement satisfaits des fonds propres maintenus par les banques qui emploient des modèles. Le BSIF sait aussi que les planchers peuvent devenir des refuges et inciter les banques et les autorités de contrôle à accorder moins d importance aux facteurs «convenables» de pondération des risques, surtout lorsqu ils devraient être nettement supérieurs au plancher pour une banque donnée. Nous continuerons donc de mettre l accent sur l examen des modèles en place à l heure actuelle. 2 Enhancing the Risk Disclosures of Banks, (Conseil de stabilité financière, Bâle), le 29 octobre 2012. Lien : https://www.financialstabilityboard.org/publications/r_121029.pdf 3
Propension à prendre des risques Le BSIF a mis en place une nouvelle ligne directrice sur la gouvernance d entreprise en 2012. En 2013, nous évaluerons sa mise en œuvre en accordant une attention particulière à la propension à prendre des risques. C est dans ces périodes que l autorité de contrôle sait assez bien si la propension de la banque à prendre des risques est vraiment bien encadrée. Je veux dire par là que les institutions sont incitées à prendre davantage de risques en raison d une croissance économique plus graduelle et d une baisse de régime du marché hypothécaire. C est maintenant que l on peut mettre au point des produits pour attirer les investisseurs soucieux du rendement. Le contexte actuel peut aussi donner l impression que les conditions sont plus sûres qu elles ne le sont en réalité les indicateurs de volatilité ont généralement été à de très bas niveaux semblables à ceux qui prévalaient juste avant la crise financière de 2008. Les taux d intérêt bas qui prévalent à l heure actuelle et la psychologie qui les caractérise (un risque faible et la fausse idée que les taux ne peuvent remonter rapidement) peuvent inciter l emprunteur et le prêteur à négliger certains risques. De plus, en raison du calme relatif en Europe à l heure actuelle, malgré la flambée observée à Chypre en mars, certains pourraient devenir complaisants à l égard des risques et des défis qui nous attendent. En effet, les autorités prudentes de contrôle des banques testent l impact d une montée rapide des taux (bien qu il soit possible que les taux baisseront à nouveau, il n y a déjà plus beaucoup de marge avant d atteindre un taux de 0 %). Les autorités de contrôle testent l impact susmentionné non pas parce qu ils croient que cela va se produire, mais parce qu il importe d être prêt à toute éventualité. Ces tests obligent également les autorités de contrôle à réfléchir aux raisons qui sous-tendent ces scénarios. Si les taux augmentent lorsque la croissance reprend, le résultat est habituellement meilleur que si c est à cause d une soudaine aversion pour le risque ou de graves préoccupations à propos de l avenir, augmentant ainsi les primes de risque à l échelle internationale. Le cadre de la propension d une institution à prendre des risques devrait permettre au conseil d administration et à la haute direction de déterminer l ampleur des risques que l institution est disposée à prendre, qu il s agisse des activités comptabilisées, de leur volonté de s approcher des exigences ou des limites réglementaires, ou même de leur tolérance à l égard des comportements pouvant entraîner de lourdes pertes, comme la présence de groupes de gestion des risques mal outillés et le fait de ne pas imposer un modèle efficace à trois lignes de défense. Selon le modèle à trois lignes de défense, la première ligne de défense est la direction, la deuxième est les différents contrôles et les différentes fonctions de supervision (telles que la gestion du risque) et la troisième est l audit interne. Les banques ont parfois naturellement tendance à accorder beaucoup de latitude aux branches d activités et à considérer la gestion des risques et l audit interne comme des obstacles au progrès. Cette attitude traduit le fait que l entreprise est présente là où les activités sont rentables du moins à court terme. Une banque ne peut réaliser continuellement des bénéfices sans égard à une saine gestion du risque. Il lui faut donc des structures et des processus qui font contrepoids à cette tendance et qui l incitent à adopter une optique plus large et à plus long terme. Les énoncés de la propension à prendre des risques font partie des outils conçus pour aider à faire en sorte que les dirigeants et le conseil d administration de la banque soient en parfait accord au sujet de l équilibre des forces au sein de l institution et de la position d ensemble face aux risques. Les énoncés de la propension à prendre des risques joueront un rôle particulièrement important à l avenir lorsque les banques subiront des pertes imprévues et seront confrontées à des surprises. L outil devrait aider à faire en sorte que les dirigeants rendront des comptes et que le conseil d administration aura bel et bien énoncé des attentes et des obligations redditionnelles claires. 4
Conclusion Le plan et les priorités du BSIF visent à présenter notre perspective des questions les plus importantes, et ils indiquent à quoi les autorités de contrôle des banques consacreront une bonne partie de leur temps. Les effets des taux d intérêt bas ont engendré des forces agissant sur le secteur et auxquelles nous devons prêter attention. Le cyber-risque constitue un autre problème; laissé à lui-même, il pourrait avoir d importantes répercussions sur les opérations bancaires. Une gouvernance efficace et les énoncés de la propension à prendre des risques aideront les banques à distinguer les risques acceptables de ceux qui ne le sont pas, et à mettre en place des systèmes et des processus pour les contrôler, assurant ainsi la sûreté et la solidité du système financier canadien. Je vous remercie. 5