Philanthropie, Fiscalité & OSBL



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Transcription:

Philanthropie, Fiscalité & OSBL Accompagnez vos clients dans leur générosité Aide-mémoire 2O11 1 re édition Association et Fondation reconnues d utilité publique

Les petits frères des Pauvres en chiffres en France en 2010 Plus de 32 000 personnes aidées dont plus de 9 500 accompagnées régulièrement 9 000 bénévoles engagés 510 salariés 11 Fraternités (auxquelles s ajoutent 22 antennes locales) Plus de 30 associations des Amis des petits frères des Pauvres et une vingtaine de groupes en développement Une équipe petits frères des Pauvres présente dans plus de 43 % des agglomérations de plus de 200 000 habitants 28 maisons et établissements des petits frères des Pauvres 443 logements individuels et 111 logements résidentiels 167 644 donateurs 81 % des ressources proviennent de la générosité du public Les petits frères des Pauvres, via des organisations affiliées à la Fédération Internationale des petits frères des Pauvres, sont également présents en Allemagne, Canada, Espagne, États-Unis, Irlande, Pologne et Suisse. CONTRÔLES ET TRANSPARENCE L Association et la Fondation des petits frères des Pauvres sont des organisations reconnues d utilité publique, elles agissent sous le contrôle de l État et en particulier du ministère de l Intérieur. Faisant appel à la générosité du public au plan national, elles peuvent être contrôlées à tout moment par la Cour des comptes ou l Inspection générale des Affaires sociales (IGAS). Nos comptes sont certifiés chaque année par des commissaires aux comptes (le cabinet Deloitte). Nous disposons de services internes de contrôle ; une commission des finances, composée d experts bénévoles et indépendants des instances dirigeantes, présente chaque année un rapport à l Assemblée générale. De plus, agréées par le Comité de la charte du don en confiance, l Association et la Fondation des petits frères des Pauvres se soumettent annuellement au contrôle de cet organisme et s engagent à respecter les principes de transparence définis par celui-ci.

Philanthropie, fiscalité et OSBL Accompagnez vos clients dans leur générosité Aide-mémoire 2O11 1 re édition Association et Fondation reconnues d utilité publique

Avertissement Cette plaquette se veut un aide-mémoire pratique pour vous et vos collaborateurs qui pouvez être amenés à conseiller et à réaliser des actes au profit de vos clients, qu ils soient particuliers, entreprises et organismes sans but lucratif (OSBL). Elle ne vise pas à l exhaustivité! L orientation générale est tournée vers la fiscalité ; les aspects juridiques ne sont abordés qu en tant qu éclairages de la fiscalité et en se limitant, autant que faire se peut, aux spécificités juridiques des actes philanthropiques et des OSBL. Les OSBL constituent une catégorie juridico-fiscale assez large ; nous avons particulièrement concentré notre propos sur ceux qui sont les plus utilisés en tant que vecteurs d actions philanthropiques : les associations et fondations sans caractère religieux ou politique. Bien entendu l intérêt fiscal va de pair avec l intérêt civil, pour le bienfaiteur comme pour l œuvre qui souhaitent l un comme l autre qu il ne puisse pas y avoir remise en cause d une libéralité. Ce souhait de sécurité est aussi votre préoccupation première, vous qui êtes le conseiller privilégié des familles. Toutes les informations sont données sous réserve de l évolution de la législation en vigueur à la date de réalisation du présent document le 25 mai 2011 et n ont pas de valeur contractuelle. Elles ne valent que notes d informations et ne sauraient engager de quelque manière que ce soit Les petits frères des Pauvres. Vous voudrez bien nous excuser par avance de toute erreur ou omission toujours possible en dépit du soin que nous avons apporté à la rédaction et nous les signaler. Nous vous en remercions. À noter Pour faciliter vos recherches et approfondir certains points, nous avons cité précisément les références des textes sur lesquels nous nous appuyons. Concernant les instructions fiscales, celles-ci apparaissent sous la forme «Instruction fiscale 4H-5-06 du 18 décembre 2006» ; la date correspond à celle de publication au Bulletin officiel des impôts. Les instructions fiscales et rescrits mentionnés sont normalement disponibles sur le site de la direction générale des finances publiques : http://doc. impots.gouv.fr. 3

Sommaire Première partie Généralités p. 7-22 1. Associations et fondations : présentation générale 7 1.1. Aspects juridiques généraux 7 1.2. Définition des différentes structures juridiques 7 1.2.1. Associations 7 1.2.2. Fondations 8 1.2.2.1. Différentes catégories de fondations 8 1.2.2.2. Différents modèles financiers des fondations 9 Un outil pour gérer son action philanthropique : la fondation abritée ou sous égide 10 2. Capacité juridique des organismes sans but lucratif à recevoir certaines libéralités 11 2.1. Don manuel 11 2.2. Donations et legs 11 2.2.1. Capacité à recevoir des libéralités (donations et legs) 11 2.2.2. Autorisation administrative et acceptation par les organismes légataires ou donataires 12 2.2.3. Legs reçus en l absence de capacité à recevoir 13 2.2.3.1. Cas des associations 13 2.2.3.2. Cas des fondations et fonds de dotation 13 2.2.4. Renonciation à l action en réduction 14 2.2.5. Démembrement de propriété 14 2.3. Capitaux d assurance-vie 14 2.4. Apports 15 Tableau synthétique des principales caractéristiques de certains organismes sans but lucratif 16 3. Organismes et dons éligibles au régime fiscal du mécénat 17 3.1. Intérêt général au sens fiscal 17 3.2. Territorialité des dons 18 3.3. Qualification des dons et notion de contrepartie 19 3.4. Justification des dons 19 Tableau résumé des déductions fiscales en faveur des dons 20 Tableau de synthèse Éligibilité des dons aux diverses réductions d impôt selon leur nature 22 Deuxième partie Avantages fiscaux pour les donateurs liés à certaines libéralités p. 23-36 1. Avantages fiscaux au titre de l impôt sur le revenu 23 1.1. Modalités de déduction des dons 23 1.2. Contribuables concernés 23 1.3. Dons déductibles 23 1.3.1. Cotisation 24 1.3.2. Abandon exprès de revenus ou de produits 24 1.3.3. Abandon exprès de remboursement de frais pour les bénévoles 24 4

1.3.4. Don en nature 24 1.3.5. Don de titres 24 1.4. Justification 25 1.5. Cas particulier des organismes d aide à des personnes en difficulté 25 2. Avantages fiscaux au titre de l impôt de solidarité sur la fortune 26 2.1. Contribuables concernés 26 2.2. Organismes éligibles 26 2.3. Dons déductibles 26 2.4. Modalités de déduction 27 2.5. Justification 27 Cas particulier des dons de titres 28 3. Don sur succession 30 3.1. Organismes éligibles 30 3.2. Dons déductibles 30 3.3. Modalités de déduction 31 3.4. Justification 31 Cas particulier de la donation temporaire d usufruit 32 4. Mécénat d entreprise pour des organismes d intérêt général 34 4.1. Définition 34 4.2. Organismes éligibles 34 4.3. Dons déductibles 34 4.4. Modalités de déduction 34 4.4.1. Entreprises assujetties à l impôt sur les sociétés 34 4.4.2. Entreprises assujetties à l impôt sur le revenu 35 4.5. Justification 35 Cas particulier des legs universels avec délivrance d un legs particulier net de frais 36 Troisième partie Quelques éléments sur la fiscalité des libéralités reçus par certains OSBL p. 37-40 1. Taxation des dons manuels 37 2. Impôts commerciaux et dons 38 3. Fiscalité des donations et legs 38 4. Taxes sur les assurances-vie 38 5. Taxation des revenus patrimoniaux 39 6. Fiscalité des apports 39 6.1. Biens mobiliers 39 6.2. Biens immobiliers 39 7. Exonération des droits de mutation à titre gratuit pour certains dons et organismes publics, d utilité publique ou d intérêt général 40 Annexes p. 41-42 L Association et la Fondation des petits frères des Pauvres 41 Une équipe à votre service 42 5

Introduction Aux côtés des collectivités publiques (État, collectivités locales, établissements publics ), certains organismes privés à caractère non lucratif (associations, fondations ) concourent au service de l intérêt général de la population, au moins pour certains d entre eux. Il existe entre ces deux catégories (organismes publics/organismes privés) une certaine forme de concurrence pour la collecte de ressources qui a pu se manifester, de manière plus ou moins forte, à certaines périodes de l histoire. Corrélativement, on observe un effet de ciseau entre la socialisation des missions d intérêt général (rôle de l État, part des prélèvements obligatoires) et leur «privatisation» à travers la philanthropie. Là où l État et les collectivités publiques montent en puissance, la philanthropie se retire. Toutefois, même à l apogée de l État providence, celui-ci a reconnu qu il ne pouvait pas tout faire, que les organismes privés non lucratifs pouvaient aussi contribuer à la satisfaction de l intérêt général et qu il y avait lieu d encourager les donateurs à soutenir leur action. C est ainsi que, dès 1954 1, il est admis que les dons faits à certains organismes d intérêt général peuvent venir en déduction du revenu imposable des particuliers ou du bénéfice imposable des entreprises. Au fil des années, le régime fiscal d incitation aux dons s est amélioré et étendu à d autres catégories d organismes. Les contribuables donateurs disposent d avantages fiscaux substantiels pour leurs dons aux organismes d intérêt général. Le régime français est sans doute l un des meilleurs des pays développés. La complexité du dispositif (réductions d impôt différentes selon les catégories, plafonds en valeur absolue ou relative ) nuit largement à sa lisibilité et donc à son efficacité. Si tous les contribuables en mesuraient convenablement la portée, ils seraient certainement plus nombreux à donner et plus généreux encore! Comme nous allons le voir, ces avantages fiscaux ne concernent pas tous les contribuables, ni tous les organismes, ni toutes les formes de dons. Si le principe de l autonomie du droit fiscal lui permet de s affranchir souvent, au nom du réalisme, des formes juridiques, il s y réfère néanmoins. C est pourquoi, nous faisons ici des rappels juridiques simples qui peuvent paraître surabondants à certains, mais pourront en intéresser d autres, moins familiers des spécificités juridiques des associations et autres organismes sans but lucratif. Daniel Bruneau 1. Loi du 14 août 1954. 6

Première partie Généralités 1. Associations et fondations : présentation générale 1.1. Aspects juridiques généraux 2 Les associations et fondations font partie de la famille des organismes sans but lucratif (OSBL) qui inclut également les syndicats professionnels et les mutuelles de santé. Ces autres organismes ne sont évoqués qu à la marge car ils ne sont pas utilisés en tant qu outils de la philanthropie. Nombreuses sont les similitudes entre les associations et les fondations, cependant ces organismes reposent sur des fondamentaux différents : l association est un groupement de personnes d essence contractuelle, créé par au moins deux personnes physiques ou morales ; la fondation est une affectation irrévocable de biens à la réalisation d une œuvre d intérêt général à partir d une décision qui peut être individuelle. 1.2. Définition des différentes structures juridiques 1.2.1. Associations L association est la convention par laquelle deux ou plusieurs personnes mettent en commun, d une façon permanente, leurs connaissances ou leur activité dans un but autre que de partager des bénéfices (art. 1 er loi du 1 er juillet 1901). Pour pouvoir bénéficier de la personnalité juridique, elle doit être déclarée en préfecture et publiée au Journal officiel. Sa constitution est libre et sa capacité juridique est limitée. Elle ne peut notamment posséder que des immeubles strictement nécessaires à son objet et ne peut recevoir des libéralités. 2. Pour plus de précisions sur ce chapitre, on peut se référer utilement au «Guide des libéralités consenties aux associations, fondations et fonds de dotation» édité par le Conseil supérieur du notariat et France générosité ; Paris, avril 2009. 7

Une association simplement déclarée peut être reconnue d utilité publique (RUP) par décret en Conseil d État (art. 10 loi du 1 er juillet 1901). Elle bénéficiera ainsi d une capacité juridique élargie lui permettant de posséder les immeubles nécessaires au but qu elle se propose et de recevoir des libéralités. Sans être reconnues d utilité publique, certaines catégories d associations peuvent néanmoins recevoir des libéralités (voir 2). Les congrégations religieuses constituent une catégorie particulière d associations régies par le titre III de la loi du 1 er juillet 1901. Toute congrégation religieuse peut obtenir la reconnaissance légale qui conditionne sa capacité juridique par décret rendu sur avis conforme du Conseil d État. Elle bénéficie alors d une capacité juridique étendue, comme une association RUP. 1.2.2. Fondations 1.2.2.1. Différentes catégories de fondations Longtemps régies par une doctrine administrative élaborée par le ministère de l Intérieur et le Conseil d État, les fondations ont été consacrées dans le droit positif par la loi du 23 juillet 1987. Différentes catégories de fondations ont été créées par d autres dispositions législatives. Pour avoir la personnalité juridique, la fondation contrairement à l association doit être reconnue par les pouvoirs publics. La fondation est l acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l affectation irrévocable de biens, droits ou ressources en vue de la réalisation d une œuvre d intérêt général et à but non lucratif. Lorsque l acte de fondation a pour but la création d une personne morale, la fondation ne jouit de la capacité juridique qu à compter de la date d entrée en vigueur du décret en Conseil d État accordant la reconnaissance d utilité publique. Elle acquiert alors le statut de fondation reconnue d utilité publique (art. 18 loi du 23 juillet 1987). Sans être reconnues d utilité publique, certaines catégories de fondations récentes se rapprochent de ce statut ; il s agit des fondations de coopération scientifique 3, partenariale 4, universitaire 5 ou hospitalière 6. Ces fondations ont sensiblement la même capacité juridique que les fondations RUP et la plupart de leurs avantages fiscaux, bien que la fondation universitaire n ait pas la personnalité morale et que le modèle de la fondation partenariale soit plutôt celui de la fondation d entreprise. Compte tenu de la rédaction du 2 e alinéa de l article 18 de la loi du 23 juillet 1987, il peut y avoir des fondations sans personnalité juridique qui sont, le plus souvent, «abritées» ou «sous l égide» d une fondation dite «abritante» qui a reçu, par ses statuts approuvés par les pouvoirs publics, une habilitation particulière. À noter que les fondations partenariales peuvent aussi être abritantes. 3. Loi de programme pour la recherche n 2006-450 du 18 avril 2006 créant les fondations de coopération scientifique (Art. L. 344-11 à L. 344-16, C. Recherche). 4. Loi relative aux libertés et responsabilités des universités n 2007-1199 du 11 août 2007 créant les fondations partenariales (Art. L. 719-13, C. Éducation). 5. Loi relative aux libertés et responsabilités des universités n 2007-1199 du 11 août 2007 créant les fondations universitaires (Art. L. 719-12, C. Éducation ; D. n 2008-326 du 7/04/2008). 6. Loi portant réforme de l hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires n 2009-879 du 21 juillet 2009 créant les fondations hospitalières (Art. L. 6141-7-3 du CSP). 8

Par ailleurs, les sociétés civiles ou commerciales, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les coopératives, les institutions de prévoyance ou les mutuelles peuvent créer, en vue de la réalisation d une œuvre d intérêt général, une personne morale, à but non lucratif, dénommée fondation d entreprise. Nouveau venu dans les structures juridiques des OSBL, le fonds de dotation s assimile clairement à une fondation mais il se constitue par simple déclaration en préfecture, comme une association. Il est défini par l article 140-I de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l économie comme étant «une personne morale de droit privé à but non lucratif qui reçoit et gère, en les capitalisant, des biens de toute nature qui lui sont apportés à titre gratuit et irrévocable, et utilise les revenus de la capitalisation en vue de la réalisation d une œuvre ou d une mission d intérêt général ou les redistribue pour assister une personne morale à but non lucratif dans l accomplissement de ses œuvres et de ses missions d intérêt général.» 1.2.2.2. Différents modèles financiers des fondations Jusqu à une période récente, la doctrine administrative considérait que la fondation devait disposer d un capital suffisant pour garantir sa pérennité et lui procurer des revenus suffisants pour assurer sa mission. Ce modèle a été battu en brèche au fil du temps, notamment en raison des évolutions économiques (rentabilité des capitaux en particulier). Il a donc été admis par les pouvoirs publics qu une fondation pouvait être à durée limitée, consommer son capital ou ne vivre quasiment que de flux financiers. De plus en plus, le modèle financier des fondations mixe les différentes options. Type de fondation Fondation à capital Fondation à capital consomptible Fondation de flux Dotation (Capital) Importante et immobilisée Relativement importante Faible ou inexistante Financement des actions Revenus du capital (financier, immobilier ) Consommation du capital Apports réguliers ou ponctuels Subventions Collecte de fonds Ressources diverses 9

Un outil pour gérer son action philanthropique : la fondation abritée ou sous égide La création d une fondation abritée, dite «sous l égide» d une fondation abritante, telle que la Fondation des petits frères des Pauvres, permet au(x) donateur(s) de soutenir une cause qui lui/ leur est chère dans la durée et, éventuellement, d attacher son/leur nom à cette œuvre durable, sans toute la lourdeur qu implique la création d une fondation d utilité publique, ni dotation importante. Cette fondation bénéficie des compétences de la fondation abritante et d un appui dans la durée, au-delà de la disparition de son fondateur ou de celle de ses proches. Définition «Peut-être [ ] dénommée «fondation», l affectation irrévocable, en vue de la réalisation d une œuvre d intérêt général et à but non lucratif, de biens, droits ou ressources à une fondation reconnue d utilité publique [ ] et sans que soit créée à cette fin une personne morale distincte.» (art. 20, loi n 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat). Les fondations abritées n ont donc pas d existence juridique propre ; elles bénéficient de celle étendue de la fondation abritante et de tous les avantages fiscaux afférents. Toutefois, elles ont une existence administrative, comptable et budgétaire autonome. Elles fonctionnent dans le cadre d une relation contractuelle entre le(s) fondateur(s) et la fondation abritante. Les capitaux requis sont généralement bien moins importants que ceux nécessaires à la création d une fondation autonome RUP. Comment créer une fondation abritée? Le fondateur (qui peut être un particulier ou une entreprise) détermine lui-même le nom et l objet de sa fondation, lequel doit s inscrire dans l objet statutaire de la fondation abritante. Le fondateur décide également librement d en affecter soit le capital, soit les revenus. La fondation peut être créée du vivant du donateur ou par voie testamentaire. La décision d accepter la création d une fondation sous son égide revient au conseil d administration de la fondation abritante. Rôle de la fondation abritante Elle assure les gestions juridique, administrative, comptable et financière de la fondation abritée, mais également, si cela est souhaité, la sélection et le suivi des actions financées. La fondation abritante est garante vis-à-vis du public et des pouvoirs publics de la qualité des actions et de leur conformité à l intérêt général. En contrepartie de ses services, la fondation abritante demande généralement à l abritée une contribution aux frais de gestion, dont le montant est fixé dans le cadre des conventions entre les deux entités. Instances de la fondation abritée Les fondations abritées sont souvent dotées d un conseil de gestion constitué de représentants des fondateurs, de la fondation abritante, d experts Elle peut aussi mettre en place un conseil scientifique, un comité financier 10

2. Capacité juridique des organismes sans but lucratif à recevoir certaines libéralités 2.1. Don manuel Le don manuel est défini comme la donation de la main à la main d un meuble corporel ou incorporel. Il se distingue de la libéralité stricto sensu par l existence d une tradition réelle et l absence d écrit. Toute association ou fondation peut en recevoir sans formalité. Le don manuel suppose l intention libérale et l absence de contrepartie, ce qui permet de le distinguer de l apport que tout organisme sans but lucratif peut recevoir mais qui, le cas échéant, peut donner lieu à reprise. Néanmoins, un don manuel peut être assorti d une charge imposée au bénéficiaire, mais qui ne doit pas remettre en cause le caractère libéral du don. Le don manuel peut prendre la forme : de versements en numéraire : espèces, chèques, virements, prélèvements automatiques ou par carte bancaire ; d un abandon de revenus ou de produits (non-perception de loyers, intérêts de placements, de droits d auteur, de redevances de marques et brevets ) ou encore, de valeurs mobilières ; d un don en nature et porter sur des véhicules, des œuvres d art et antiquités, des meubles, des bijoux, des collections Sous réserve de ne pas porter atteinte à la réserve héréditaire, il n est fixé, tant au plan juridique que fiscal 7, aucune limite à la valeur des dons manuels pouvant être reçus par une association ou une fondation. Néanmoins, si le don est important, il peut être enregistré, afin de le sécuriser quant à sa date et sa nature. 2.2. Donations et legs 2.2.1. Capacité à recevoir des libéralités (donations et legs) Tous les organismes à but non lucratif n ont pas la capacité à recevoir des donations et legs. C est le cas des associations simplement déclarées et des fondations d entreprise. Parmi les organismes sans but lucratif, on notera que peuvent recevoir des libéralités entre vifs et testamentaires : les associations reconnues d utilité publique (RUP), les associations de bienfaisance, de recherche médicale ou scientifique 8, les associations cultuelles 9, 7. Les avantages fiscaux pour les donateurs sont généralement plafonnés (cf. Tableau p. 20-21). 8. Visées à l article 6 loi du 1 er juillet 1901. 9. Visées aux articles 18 et 19 loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l État. 11

À noter Les libéralités consenties aux fonds de dotation ne sont pas soumises à déclaration préalable, ni susceptible d opposition a priori de la part du préfet. les congrégations reconnues, les associations et les établissements publics des cultes régis par le droit local en Alsace et Moselle, les associations familiales et leurs unions, les fondations RUP ou assimilées (coopération scientifique, partenariale, universitaire, hospitalière ), les fonds de dotation, les syndicats professionnels et les mutuelles de santé (non traités dans cet aidemémoire). Si certains organismes tiennent leur capacité juridique d un acte de «reconnaissance» explicite, ce n est pas le cas pour d autres pour lesquels la question se pose de savoir s ils entrent bien dans les prévisions du législateur. Ainsi, les associations ayant pour objet exclusif l assistance, la bienfaisance, la recherche scientifique ou médicale et les associations cultuelles qui n ont pas reçu de libéralité depuis cinq ans, peuvent interroger le préfet pour savoir si elles sont en droit de revendiquer le statut dérogatoire leur permettant de recevoir des libéralités (art. 111, V de la loi n 2010-526 du 12 mai 2009). Le décret n 2007-807 du 11 mai 2007, modifié par le décret n 2010-395 du 20 avril 2010, précise la procédure applicable 10. 2.2.2. Autorisation administrative et acceptation par les organismes légataires ou donataires Depuis l ordonnance n 2005-856 du 28 juillet 2005 modifiant l article 910 du Code civil 11, les dons et legs sont acceptés librement par les organismes considérés. La libéralité doit néanmoins être déclarée à l autorité administrative généralement le Préfet du siège de l organisme par le notaire chargé du règlement de la succession en cas de legs, ou par l organisme donataire en cas de donation. Si le représentant de l État dans le département constate que l organisme légataire ou donataire ne satisfait pas aux conditions légales exigées pour avoir la capacité juridique à recevoir des libéralités ou qu il n est pas apte à utiliser la libéralité conformément à son objet statutaire, il peut former opposition à la libéralité, dans des conditions précisées par décret 12, la privant ainsi d effet. L opposition doit être formée dans un délai de 4 mois par l autorité administrative à laquelle la libéralité est déclarée. Toutefois, les groupements considérés comme sectaires visés, à l article 1 er de la loi n 2001-504 du 12 juin 2001, ou ceux ayant leur siège en Guyane restent soumis à l ancienne procédure d autorisation administrative. 10. Celle-ci a été précisée par la circulaire du Ministère de l intérieur, de l outre-mer et des collectivités locales (Bureau des associations et fondations, bureau des cultes) NOR/IOC/16586/C du 23 juin 2010. 11. Modifié depuis par ordonnance n 2010-177 du 23 février 2010 article 27 et loi n 2011-525 (art. 21) du 17 mai 2011. 12. D. n 2007-807 du 11 mai 2007 modifié par D. n 2010-395 du 20 avril 2010. 12

2.2.3. Legs reçus en l absence de capacité à recevoir 2.2.3.1. Cas des associations Une association ne peut en principe pas recevoir de legs avant d exister juridiquement par sa publication au Journal officiel 13. En revanche, si elle n a pas la «grande capacité» (RUP, bienfaisance ), elle peut néanmoins engager dans les plus brefs délais la procédure lui permettant d en bénéficier. Plus simple encore, elle peut demander à une fédération, dont elle serait membre, de la revendiquer à son profit et de lui remettre. En effet, l administration reconnaît de longue date 14 cette solution qui a également été validée par la jurisprudence, considérant qu il ne s agissait pas d une interposition visant à contourner l interdiction de recevoir 15. Ce système de «transit» peut également fonctionner par le biais d une fondation RUP. Le testateur peut prévoir le mécanisme dans son testament gratifiant la fédération ou la fondation à charge pour elle de soutenir l association. 2.2.3.2. Cas des fondations et fonds de dotation Un legs peut être fait au profit d une fondation qui n existe pas au jour de l ouverture de la succession, sous la condition qu elle obtienne, après les formalités de constitution, la reconnaissance d utilité publique. La demande de reconnaissance d utilité publique doit, à peine de nullité du legs, être déposée auprès de l autorité administrative compétente dans l année suivant l ouverture de la succession 16. Un legs peut également être fait au profit d un fonds de dotation qui n existe pas au jour de l ouverture de la succession, à condition qu il acquière la personnalité morale dans l année suivant l ouverture de celle-ci 17. La personnalité morale de la fondation reconnue d utilité publique ou du fonds de dotation rétroagit au jour de l ouverture de la succession. À défaut de désignation par le testateur des personnes chargées de constituer la structure juridique : le représentant de l État dans la région du lieu d ouverture de la succession désigne une fondation reconnue d utilité publique qui se chargera de la création de la fondation et d en demander la reconnaissance d utilité publique ; il est procédé à la constitution d un fonds de dotation par une fondation reconnue d utilité publique, un fonds de dotation ou une association reconnue d utilité publique ; pour l accomplissement des formalités de constitution de la fondation ou du fonds, les personnes physiques ou morales chargées de cette mission ont la saisine sur les meubles et immeubles légués. Ils disposent à leur égard d un pouvoir d administration, à moins que le testateur ne leur ait conféré des pouvoirs plus étendus. 13. Voir CA Pau 16 novembre 2010 n 08-3877, 2 e ch., Association Société protectrice des animaux dite SPA 65 c/ SPA. 14. Avis du Conseil d État du 26 décembre 1923 et réponse à question écrite JO débats parlementaires AN du 23/07/1961, p. 2024, cités par Robert Brichet, «Associations et syndicats», Édition LITEC, 6 ème édition, 1992. 15. CA Versailles 1 er mars 2007 n 06/01416, CA Paris 6 mai 2009 n 08/06701, Cass. Civ. 1 re 16 sept. 2010 n 09-68.221. 16. Art. 18-2, L. n 87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat. 17. Art. 140-IV, L. n 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l économie. 13

2.2.4. Renonciation à l action en réduction Dans tous les cas, les dons manuels et les donations ne doivent pas porter atteinte à la réserve héréditaire. Cependant, depuis la loi du 23 juin 2006 portant réforme du droit des successions et des libéralités (art. 929 et suivants du Code civil), les héritiers peuvent renoncer par anticipation à agir en réduction contre une ou plusieurs personnes déterminées. La renonciation peut porter sur la totalité de la réserve ou sur une fraction seulement. Ce moyen peut être très utile pour sécuriser une donation importante, par exemple dans le cadre de la création d une fondation. 2.2.5. Démembrement de propriété Une libéralité, au profit d un organisme habilité à en recevoir, peut porter sur la totalité des droits de propriété ou sur certains en cas de démembrement : un donateur peut donner la nue-propriété et conserver l usufruit pour lui-même ou l inverse ; donner l usufruit à un organisme et transmettre la nue-propriété à un tiers ou l inverse. À noter toutefois, qu en vertu des dispositions de l article 619 du Code civil, l usufruit consenti à une personne morale est limité à 30 ans comme l a confirmé une jurisprudence récente 18. En revanche, depuis la loi de 2003 sur le mécénat 19, l antique disposition, incluse à l article 11 de la loi de 1901, interdisant aux associations de recevoir des donations mobilières ou immobilières avec réserve d usufruit au profit du donateur, a été supprimée. 2.3. Capitaux d assurance-vie En vertu des dispositions de l article L132-12 du Code des assurances, le capital ou la rente résultant d un contrat d assurance-vie payable par l assureur lors du décès de l assuré à un bénéficiaire déterminé, ne fait pas partie de la succession de l assuré et son bénéfice ne peut être regardé comme un legs. En conséquence, les règles du rapport à la succession et de la réduction pour atteinte à la réserve successorale ne sont pas applicables, sauf lorsque les primes ont été manifestement exagérées, eu égard aux facultés du souscripteur décédé. Par ailleurs, comme il ne s agit ni de legs, ni de donation, toute fondation et association, même simplement déclarée, peut être désignée comme bénéficiaire ou co-bénéficiaire d un contrat d assurance-vie : lors de la souscription de celui-ci, ou ultérieurement pour des contrats déjà souscrits, ou par voie testamentaire ; la procédure d autorisation ou de déclaration des libéralités à l autorité administrative n est pas applicable 20. 18. CA Paris 10 février 2011 n 10-6554, ch. 4-1, La Maison de la Poésie c/ Sté des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). 19. L. n 2003-709 du 1 er août 2003 relative au mécénat, aux associations et aux fondations (art. 16). 20. Avis du Conseil d État du 25 janvier 2005 (rapport public 2006, page 59). 14

2.4. Apports Si tous les OSBL ne peuvent recevoir des libéralités, tous peuvent bénéficier d apports qui peuvent porter tant sur des biens immobiliers que mobiliers, y compris des sommes d argent. En effet, l apport n est pas une libéralité mais un mode de transmission à titre «onéreux» qui doit avoir une contrepartie, certes essentiellement morale, mais suffisamment marquée pour ne pas être requalifiée en donation. La distinction entre libéralité et apport repose beaucoup sur l analyse des intentions de l apporteur et sur la possibilité d une reprise précisée dans l acte d apport (à la dissolution de l organisme, en l absence de réalisation d une charge ). Ainsi, la Cour de cassation a estimé qu il s agissait plutôt d une donation en concluant «que les charges imposées à l association par le traité d apport étaient des plus générales, qu aucune obligation spécifique et concrète n était prescrite, que le bien transmis n était pas affecté à une utilisation préalablement définie [...] que l apporteur n en tirait aucun droit réel et substantiel, la qualité de membre bienfaiteur ne constituant qu une simple gratification [...] que la satisfaction morale qu elle pouvait tirer de voir l association poursuivre sa mission ne pouvait suffire à exclure l intention libérale et que sa renonciation définitive à la reprise de son «apport» constituait un élément supplémentaire révélateur de sa gratuité» 21. L apport n étant pas une libéralité, il n ouvre droit à aucun avantage fiscal pour le donateur. 21. En dernier lieu, Cass. Com. 7 juillet 2009 n 07-21-957, Association «Communauté des Béthélites» c/directeur général des finances publiques. 15

Tableau synthétique des principales caractéristiques de certains organismes sans but lucratif Texte de base Association déclarée Association RUP Fonds de dotation Fondation RUP Loi 1 er juillet 1901 Article 10 de la loi du 1 er juillet 1901 Article 140-I L.4 août 2008 de modernisation de l économie Loi du 23 juillet 1987 Dotation initiale Non concernée Non concernée Pas de minimum 1 million d euros Dotation consomptible Non concernée Non concernée Possible Possible Création et capacité juridique Gouvernance Collecte de fonds Avantages fiscaux donateurs Fiscalité de l organisme Capacité patrimoniale Capacité à recevoir des dons manuels Capacité à recevoir des libéralités (donations et legs) Possibilité de recevoir des subventions Durée Immeuble strictement nécessaire au fonctionnement Immeuble nécessaire au fonctionnement. Pas d immeuble de rapport Totale Totale Oui Oui Oui Oui Non * Oui, avec non-opposition de la préfecture Oui, sans aucune formalité Non, sauf à titre exceptionnel sur autorisation du min. des finances Oui, avec non-opposition de la préfecture Oui Oui Oui Déterminée ou indéterminée En principe indéterminée Déterminée ou indéterminée En principe indéterminée Conseil d administration et AG Défini par les statuts En principe CA et AG 3 membres au moins ; pas d AG Pas d AG Représentants État au CA Non Non Non Oui Appels à la générosité du public ** Libre Libre Sur autorisation préfectorale Libre Contrôle Cour des comptes/igas *** Oui Oui Oui Oui Particuliers : réduction d impôt sur le revenu Oui, si intérêt général Particuliers : réduction d ISF Non Non Non Oui, si intérêt général Pour les entreprises : réduction sur IR ou IS Oui, si intérêt général Revenus du patrimoine Taxation de certains produits Taxation de certains produits Exonération totale (sauf si capital consomptible) Produits de l activité économique Mêmes exonérations et taxations ; primauté du caractère non lucratif et de la gestion désintéressée Exonération totale Donations et legs Non concernée Exonération des droits de mutation à titre gratuit Établir des comptes annuels (bilan, compte de résultat et annexe) Commissaire aux comptes Oui, si activité économique, ou > 153 K dons ou subventions ou disposition statutaire, et cas particuliers Oui, si activité économique, ou > 153 K dons ou subventions ou disposition statutaire, et cas particuliers Oui Oui Oui, à partir de 10 000 ressources annuelles Oui Obligations comptables Publicité des comptes au Journal officiel Oui, si activité économique, ou > 153 K dons ou subventions ou disposition statutaire, et cas particuliers Oui Oui, si activité économique, ou > 153 K dons ou subventions Placement des fonds Libre Clause des statuts types Restriction sur nature + Comité consultatif obligatoire si dotation > 1 M Clause des statuts types * Sauf pour les associations d assistance, de bienfaisance, de recherche médicale ou scientifique, associations cultuelles et congrégations qui suivent le même régime que les associations RUP. ** Si appel au plan national : déclaration préalable à la préfecture ; certaines formes de collectes sont réglementées. *** Si appel à la générosité au plan national ou si plus de 153 000 de dons donnant droit à des avantages fiscaux. 16

3. Organismes et dons éligibles au régime fiscal du mécénat 3.1. Intérêt général au sens fiscal Pour que leurs donateurs puissent bénéficier de certains avantages fiscaux : réduction d impôt sur le revenu ou à l impôt sur les sociétés au titre des versements effectués à des œuvres ou à des organismes d intérêt général, prévue aux articles 200 et 238 bis du CGI ; réduction d impôt de solidarité sur la fortune au titre des dons versés à certains organismes d intérêt général prévue par l article 885-0 V bis A du CGI ; abattement sur les dons consentis au moyen de biens recueillis dans une succession au profit de certaines fondations et associations reconnues d utilité publique, prévu par l article 788 III du CGI. Les organismes bénéficiaires doivent répondre à un tronc commun de critères définis par le CGI et être considérés comme «d intérêt général» par l administration fiscale. Cette notion ne coïncide pas avec les catégories juridiques (association, fondation, reconnaissance d utilité publique ) et illustre la théorie dite de «l autonomie du droit fiscal». Selon la doctrine actuelle, pour être d intérêt général, l organisme doit : avoir une activité entrant dans l énumération de l article 200 du CGI, c est-à-dire avoir un : «caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l environnement naturel ou à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises». Néanmoins, à ce cadre commun, d autres catégories d activités peuvent être ajoutées pour chaque réduction d impôt ; ne pas fonctionner au profit d un cercle restreint de personnes, c est-à-dire assurer uniquement la défense de ses membres. L administration a ainsi considéré que ne présentaient pas un caractère d intérêt général les associations d élèves et d anciens élèves ou d anciens combattants 22 ; avoir un but non lucratif et remplir les conditions d une gestion désintéressée, c est-à-dire être géré à titre bénévole par des personnes n ayant aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l exploitation 23 ; 22. Instruction fiscale 5-B-27-05 du 13 octobre 2005. 23. Article. 261-7-1 -d du CGI. 17

ne pas exercer son activité dans des conditions similaires à celles d une entreprise du secteur concurrentiel par le «produit» qu il propose, le «public» visé, les «prix» pratiqués et la «publicité» opérée (règle dite «des 4 P») 24. Il est toutefois admis que l existence d activités lucratives, dès lors qu elles ne sont pas prépondérantes et ont fait l objet d une sectorisation, ne remet pas en cause la qualification d intérêt général d une association ou d une fondation. Les dons qui lui sont consentis doivent alors être exclusivement affectés au secteur non lucratif. 3.2. Territorialité des dons Une autre restriction est apportée par l administration qui considère que «les dons doivent être effectués en faveur d organismes d intérêt général exerçant leur activité en France. En effet, le principe de territorialité, précisé par la doctrine, s oppose à ce que bénéficient du régime du mécénat les dons effectués au profit d organismes étrangers ou exerçant toute leur activité à l étranger» 25 sauf en cas de catastrophes d une exceptionnelle gravité 26. Il s agit là d une extension curieuse du principe de territorialité de l impôt qui pose de nombreux problèmes d application. Toutefois, sous la poussée de la CJCE 27, la France a été amenée à réviser sa position et à reconnaître au moins pour certains pays européens 28 que les dons faits par des contribuables français à certains organismes ayant des activités en France de même nature que les organismes français sans y avoir leur siège, pouvaient tout de même être éligibles aux réductions d impôts (IR, IS et ISF). Les modalités d application de la procédure d agrément et de justification instituée fin 2009 par le législateur ont été précisées par un décret 29 et un arrêté 30. Il en ressort que soit l organisme est agréé par le ministère des finances en France et la réduction d impôt est alors automatique, soit l organisme n est pas agréé et le contribuable doit apporter la preuve qu il pourrait l être! 24. Instruction fiscale 4H-5-06 du 18 décembre 2006. 25. Réponse Broissia, JO Sénat QE du 20 janvier 2005, n 0538918. 26. Réponses ministérielles Ligot du 26 juin 1975 et Cousté, du 24 juin 1985. 27. Arrêt Hein Persche du 27 janvier 2009, CJCE (Affaire C 318/07). 28. Pays de l Union européenne et de l Espace économique européen ayant signé une convention fiscale de lutte contre la fraude (Islande et Norvège). 29. D. n 2011-225 du 28 février 2011. 30. Arr. du 28 février 2011. 18