Le point sur la fiscalité



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Transcription:

Dans ce numéro «Gains» des sociétés à responsabilité limitée à membre unique : où en est-on?...2 La non-discrimination et la convention fiscale entre le Canada et le Royaume-Uni...5 Bulletin sur les nouveautés transfrontalières en droit fiscal canadien / Mars 2011

2 «Gains» des sociétés à responsabilité limitée à membre unique : où en est-on? Par Robert W. Nearing et Bernice P. Wong Le Règlement de la Loi de l impôt sur le revenu (Canada) (la «Loi») établit des règles à l égard du calcul des gains d une société étrangère affiliée d un contribuable résidant au Canada servant à établir les comptes de surplus de la société étrangère affiliée. Habituellement, l Agence du revenu du Canada («ARC») considère que les gains d une société à responsabilité limitée («LLC») à membre unique devraient être calculés conformément aux règles fiscales canadiennes 1. Or, dans le cadre d au moins une vérification, la Division de la vérification internationale de l ARC a jugé qu une LLC à membre unique qui réside aux États-Unis et qui y exploite activement une entreprise devrait calculer ses gains conformément aux règles fiscales américaines. La récente prise de position de l ARC en matière de vérification semble témoigner d une inquiétude quant à l éventuelle augmentation des comptes de surplus des LLC à membre unique. Cette prise de position apparaît cependant incompatible avec la définition de «gains» aux sens du paragraphe 5907(1) du Règlement de l impôt sur le revenu (le «Règlement»). Les gains et le paragraphe 5907(1) du Règlement Le paragraphe 5907(1) du Règlement définit les gains tirés d une entreprise exploitée activement par une société étrangère affiliée pour les besoins du calcul des comptes de surplus et de déficit de cette société étrangère affiliée. Plus particulièrement, aux termes de l alinéa 5907(1)a) du Règlement, les «gains tirés d une entreprise exploitée activement» s entend, quant à une société étrangère affiliée : (i) du revenu ou du bénéfice tiré de l entreprise pour l année calculé, selon la législation concernant l impôt sur le revenu du pays de résidence de la société affiliée, dans le cas où celle-ci est tenue par cette législation de calculer ce revenu ou ce bénéfice, (ii) du revenu ou du bénéfice tiré de l entreprise pour l année calculé, selon la législation concernant l impôt sur le revenu du pays où l entreprise est exploitée, dans le cas, non prévu au sous-alinéa (i), où la société affiliée est tenue par cette législation de calculer ce revenu ou ce bénéfice, (iii) dans les autres cas, du montant qui représenterait le revenu tiré de l entreprise pour l année en vertu de la partie I de la Loi si la société affiliée résidait au Canada et y exploitait l entreprise et s il n était pas tenu compte de certains paragraphes ou articles de la Loi. D après ce qui précède, une société étrangère affiliée qui exploite activement une entreprise et qui n est pas tenue de calculer son revenu ou son bénéfice selon la législation concernant l impôt sur le revenu de son pays de résidence ou du pays où elle exploite l entreprise devrait calculer ses gains conformément à la partie I de la Loi. Statut fiscal des LLC à membre unique aux États-Unis Il est admis que les LLC à membre unique constituent des entités transparentes aux fins de l impôt américain et, à ce titre, elles ne sont pas tenues de calculer leur revenu ou leur bénéfice selon les lois fiscales américaines 2. Ainsi, puisque les LLC à membre unique n ont pas à calculer leurs gains selon les lois fiscales américaines, ces LLC sont tenues de calculer leurs gains selon le sous-alinéa 5907(1) a)(iii) du Règlement. 1 Document de l ARC n 9511405 (23 octobre 1995). 2 Les lecteurs devraient consulter leur conseiller aux É.-U. en ce qui concerne les lois américaines.

3 Position de l ARC Dans le cadre d une vérification effectuée récemment, l ARC a jugé que les gains d une LLC à membre unique qui réside aux États-Unis et qui y exploite activement une entreprise devraient être calculés selon le sous-alinéa 5907(1)a)(i) du Règlement. L ARC fonde cette décision sur le fait que le revenu de la LLC à membre unique doit être calculé selon les lois fiscales américaines pour établir le revenu imposable de son membre aux fins de l impôt américain et que, par conséquent, les gains de la LLC devraient également être calculés conformément aux lois fiscales américaines. L ARC a également ajouté que l intention du sous-alinéa 5907(1)a)(i) du Règlement est d éviter le recalcul intégral des gains tirés d une entreprise exploitée activement par une société étrangère affiliée, conformément à la partie I de la Loi, s ils ont déjà été calculés selon les lois fiscales d un autre pays. Cette position semble être incompatible avec une interprétation textuelle, contextuelle et téléologique du paragraphe 5907(1) du Règlement. Du point de vue textuel, la définition du terme «gains» est sans équivoque dans son application : chaque société étrangère affiliée d un contribuable résidant au Canada doit calculer son revenu ou son bénéfice conformément aux règles prescrites, selon l assujettissement de la société étrangère affiliée aux lois fiscales d un autre pays. Du point de vue contextuel, la Loi traite clairement chaque contribuable de façon distincte. Aux termes du paragraphe 96(1) de la Loi, même une société de personnes, qui n est pas assujettie à l impôt (exception faite des sociétés de personnes intermédiaires de placement déterminées), est tenue de calculer son revenu comme si elle était une personne distincte de ses membres. Aucune disposition de la Loi n oblige ni n autorise un contribuable à faire abstraction d une entité dans le calcul de son revenu ou de son bénéfice. Qui plus est, en vertu des lois fiscales canadiennes, chaque société étrangère affiliée détermine ses comptes de surplus sur une base non consolidée. Des problèmes surviennent parfois lorsqu un groupe de sociétés étrangères affiliées détermine son assujettissement à l impôt sur le revenu d un pays étranger sur une base consolidée. C est le cas notamment des sociétés étrangères affiliées qui résident aux États-Unis et qui y exploitent une entreprise. Dans ces situations, le paragraphe 5907(1.1) du Règlement prévoit expressément des rajustements du solde des surplus de chaque membre du groupe de sociétés étrangères affiliées lorsque l assujettissement à l impôt sur le revenu ou les bénéfices est calculé sur une base consolidée et que l une des sociétés affiliées est responsable du paiement ou des demandes de remboursement de cet impôt au nom d un membre du groupe. Par exemple, si une seule société étrangère affiliée a versé le montant global de l impôt à payer par le groupe consolidé, l alinéa 5907 (1.1)a) du Règlement prévoit un ajustement du solde des surplus de la société étrangère affiliée qui effectue le paiement ou qui reçoit le remboursement uniquement. Si un membre du groupe consolidé paie à la société étrangère affiliée un montant à l égard de l impôt payé par cette dernière, l alinéa 5907(1.1)b) prévoit le rajustement du solde des surplus de tous les membres. Aux termes du paragraphe 5907(1.1) du Règlement, chaque société étrangère affiliée est traitée comme une entité juridique distincte pour le calcul de ses comptes de surplus (qui sont fondés sur ses «gains»), et ce, même si elle est membre d un groupe consolidé aux fins de l impôt d un autre pays. Dans le cas d une LLC à membre unique, cette règle serait superflue si ses revenus d entreprise pouvaient être attribués au membre. Du point de vue téléologique, la définition du terme «gains» contenue au paragraphe 5907(1) du Règlement fournit un point de référence clair aux sociétés étrangères affiliées qui doivent déterminer leurs gains en vue de calculer leurs comptes de surplus. Ce but est servi par un ensemble de règles par défaut en vertu desquelles chaque société étrangère affiliée doit calculer ses gains si elle n est pas

4 tenue de calculer son revenu selon les lois fiscales de son pays de résidence ou du pays où elle exploite une entreprise. En toutes circonstances, une société étrangère affiliée peut calculer son revenu avec exactitude. Enfin, la position de l ARC semble également incompatible avec ses pratiques d imposition de longue date, qui tiennent compte des LLC à membre unique. Ainsi, avant l adoption du cinquième protocole à la Convention fiscale de 1980 entre le Canada et les États-Unis (la «Convention»), l ARC refusait d accorder les avantages de la Convention à une LLC parce qu elle n était pas assujettie à l impôt aux États-Unis. Aussi, bien qu en raison de la personnalité juridique distincte de la LLC, le membre de cette dernière n était pas réputé avoir exploité l entreprise de la LLC et ne pouvait pas se prévaloir des avantages de la Convention sur une base intermédiaire 3. L ARC s est également prononcée sur la question de savoir si l impôt payé aux États-Unis par une société étrangère affiliée américaine, lorsque celle-ci est le membre unique d une LLC qui gagne un revenu étranger accumulé, tiré de biens, constitue de l impôt étranger accumulé et un montant intrinsèque d impôt étranger. L ARC a indiqué : 1. que la déduction au titre des impôts étrangers accumulés sera accordée conformément au paragraphe 91(4) de la Loi, l année où la LLC verse le dividende à son membre unique, en l occurrence la société étrangère affiliée américaine; 2. que l impôt sera réputé constituer un «montant intrinsèque d impôt étranger» l année où la LLC verse des dividendes 4. L ARC a publié des décisions administratives analogues à l égard de la participation directe d une société canadienne dans une LLC 5. 3 Documents de l ARC n 9729780 (14 novembre 1997) et 2003-0049781E5 (8 janvier 2004). 4 Document de l ARC n 9822835 (27 novembre 1998). 5 Document de l ARC n 9703535 (10 mars 1998).

5 La non-discrimination et la convention fiscale entre le Canada et le Royaume-Uni Par Lindsay Hollinger Saipem UK Limited c. La Reine 1 est la première affaire où la Cour canadienne de l impôt (la «Cour») a statué sur les dispositions de non-discrimination contenues dans une convention fiscale canadienne, en l occurrence l article 22 de la Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d Irlande du Nord 2 (la «Convention»). Les faits Saipem UK Limited (l appelante) et une société liée à celle-ci, Saipem Energy International Limited (SEI), étaient toutes deux constituées au Royaume-Uni et ne résidaient pas au Canada. SEI avait exploité une entreprise au Canada par l entremise d un établissement stable au cours de ses années d imposition 2001, 2002 et 2003. Dans le cadre de ses activités, SEI avait accumulé des pertes autres qu en capital se chiffrant à 7 033 957 $. Le 21 novembre 2003, le conseil d administration de l appelante a décidé d acquérir la totalité des actions en circulation de SEI et de liquider cette dernière. Le 16 décembre 2003, la totalité des actions de SEI furent transférées à l appelante et le 13 octobre 2006, SEI fut liquidée et rayée du registre de la UK Companies House. L appelante avait également exploité une entreprise au Canada par l entremise d un établissement stable en 2004, 2005 et 2006. Pour ces années d imposition, l appelante avait déduit de son revenu imposable au Canada des montants de 592 697 $, 839 799 $ et 5 601 461 $, respectivement, au titre des pertes subies par SEI. Le ministre du Revenu national (le «ministre») a établi une nouvelle cotisation à l égard des années d imposition 2004, 2005 et 2006 de l appelante et lui refusa la déduction des pertes de SEI au motif que ni l appelante ni SEI n étaient des «sociétés canadiennes» au sens du paragraphe 89(1) de la Loi de l impôt sur le revenu (Canada) 3 (la «Loi») tel que l exigeait le paragraphe 88(1.1) de la Loi. Contexte Le paragraphe 88(1.1) de la Loi autorise une société mère à déduire les pertes autres qu en capital d une filiale ayant été liquidée si au moins 90 % des actions émises de la filiale appartenaient, immédiatement avant la liquidation, à la société mère. Toutefois, le paragraphe 88(1.1) de la Loi ne s applique, notamment, que si la société mère et la filiale sont des «sociétés canadiennes». Le paragraphe 89(1) de la Loi définit une «société canadienne» comme une société qui, à un moment donné, réside au Canada et qui, soit a été constituée au Canada, soit a résidé au Canada tout au long de la période qui a commencé le 18 juin 1971 et se termine à ce moment. Position de l appelante L appelante prétendait que le refus par le ministre de la déduction des pertes de SEI allait à l encontre du paragraphe 22(1) de la Convention, que nous reproduisons ci-dessous : Les nationaux d un État contractant ne sont soumis dans l autre État contractant à aucune 1 2011 CarswellNat 32, 2011 CCI 25 (CCI) (Saipem). 2 Convention entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d Irlande du Nord, signée le 8 septembre 1978 et modifiée par le Protocole signé le 15 avril 1980 et le Protocole signé le 16 octobre 1985. 3 1985, ch. 1 (5 e suppl.).

6 imposition ou obligation y relative, qui est autre ou plus lourde que celle à laquelle sont ou pourront être assujettis les nationaux de cet autre État se trouvant dans la même situation. (Mise en relief ajoutée). L appelante faisait valoir notamment que les conditions concernant la résidence et la constitution contenues au paragraphe 89(1) de la Loi signifiaient que seuls les nationaux canadiens pouvaient bénéficier des dispositions du paragraphe 88(1.1) de la Loi. L appelante affirmait que le passage «se trouvant dans la même situation» contenu dans le paragraphe 22(1) de la Convention n établissait pas la résidence comme condition pour déterminer si l appelante et une société canadienne exploitant une entreprise analogue se trouvaient dans la même situation, même si l une était résidente et l autre pas. L appelante prétendait également que, selon le paragraphe 22(2) de la Convention, qui prévoit que «l imposition d un établissement stable qu une entreprise d un État contractant a dans l autre État contractant n est pas établie dans cet autre État d une façon moins favorable que l imposition des entreprises de cet autre État qui exercent la même activité», les sociétés non résidentes bénéficient des dispositions des articles 111 et 115 de la Loi et que, conformément au paragraphe 22(2) de la Convention, elles devraient également bénéficier de celles du paragraphe 88(1.1) de la Loi. Analyse Étant donné qu aucun tribunal canadien ne s était jusqu ici prononcé sur les dispositions de non discrimination contenues dans les conventions fiscales canadiennes, la Cour a examiné une décision de la Cour d appel de Nouvelle-Zélande dans laquelle cette dernière a dû interpréter une disposition de non-discrimination formulée de façon analogue. Dans cette affaire, la Cour d appel de Nouvelle-Zélande a statué que, pour l application des dispositions de non discrimination contenues dans la convention intitulée Double Taxation Relief Agreement between the UK and New Zealand 4, dont le libellé ressemble à celui de l article 22 de la Convention, la discrimination fondée sur la résidence ne constituait pas une discrimination fondée sur la nationalité. La Cour a examiné le premier argument de l appelante portant sur l application du paragraphe 22(1) de la Convention et a conclu que l alinéa a) de la définition de «société canadienne» impose la nationalité comme critère, mais que l alinéa b) ne le fait pas. En fait, les paragraphes 250(4) et 250(5) prévoient qu une société qui n a pas été constituée au Canada peut être réputée y résider et qu une société constituée au Canada peut être réputée ne pas y résider. Ainsi, pour l application du paragraphe 88(1.1) de la Loi, la nationalité d une société ne constitue pas un critère pour déterminer si celle-ci est une société canadienne. En ce qui concerne le deuxième argument de l appelante voulant que l expression «se trouvant dans la même situation» n englobait pas la résidence, la Cour a considéré que la résidence est pertinente pour établir si des parties se trouvent dans la même situation. La Cour a conclu que, pour l application du paragraphe 22(1) de la Convention, la comparaison devrait être faite entre l appelant et un national canadien qui ne résiderait pas au Canada et qui aurait liquidé une filiale. Si on se fonde sur cette comparaison, le paragraphe 22(1) de la Convention ne s applique pas puisqu un national canadien comparable qui ne résiderait pas au Canada ne serait pas réputé être une société canadienne et ne pourrait pas se prévaloir des dispositions du paragraphe 88(1.1) de la Loi. 4 Double Taxation Relief Agreement between the UK and New Zealand, convention signée le 4 novembre 2003 et entrée en vigueur le 23 juillet 2004.

7 Enfin, en se fondant sur l article 7 de la Convention (Bénéfices des entreprises) et sur les commentaires sur les articles du Modèle de Convention fiscale de l OCDE, la Cour a conclu qu un établissement stable ne pouvait reporter, sur les exercices postérieurs ou antérieurs, que les pertes découlant de ses propres activités. Les pertes que l appelante avait voulu déduire n étant pas liées à son établissement stable, la déduction n était pas autorisée aux termes de l article 7 de la Convention. Par conséquent, la Cour a jugé que le refus par le ministre de la déduction des pertes de SEI ne violait pas le paragraphe 22(2) de la convention. Commentaire Comme nous le mentionnons plus haut, il s agissait de la première décision rendue au Canada sur les dispositions de non-discrimination contenues dans une convention fiscale canadienne, ce qui, en soi, est remarquable étant donné que la plupart des conventions fiscales canadiennes renferment de telles dispositions. Cette décision s inscrit dans la lignée du jugement rendu par la Cour suprême du Canada dans Crown Forest Industries Ltd. c. R. 5 et de celui de la Cour d appel fédérale dans Prévost Car Inc. c. R. 6 en ce que la Cour s est servie du commentaire sur les articles du Modèle de Convention fiscale de l OCDE dans l interprétation d une convention fiscale canadienne. Bien qu elle n étonne guère, cette décision confirme que le lieu de résidence, plutôt que la nationalité, constitue un critère clé pour établir si une société est une «société canadienne». Plus important encore, la décision dans Saipem confirme également qu une distinction fondée sur le lieu de résidence d un contribuable n est pas discriminatoire au sens de l article 22 de la Convention. 5 1995 CarswellNat 384, [1995] 2 C.T.C. 64, 95 D.T.C. 5389, 125 D.L.R. (4th) 485, [1995] 2 R.C.S. 802, 183 N.R. 124, 97 F.T.R. 159 (CSC) inf. Crown Forest Industries Ltd. c. Canada, 1993 CarswellNat 1181, [1994] 1 C.T.C. 174, 94 D.T.C. 6107, 164 N.R. 222, 74 F.T.R. 270 (CAF) conf. Crown Forest Industries Ltd. c. R., 1992 CarswellNat 297, [1992] 2 C.T.C. 1, 53 F.T.R. 291, 92 D.T.C. 6305 (Cour féd. sect. 1re inst.). 6 2009 CarswellNat 480, 2009 CAF 57, 2009 D.T.C. 5053 (Eng.), [2009] 3 C.T.C. 160, 387 N.R. 161, [2010] 2 F.C.R. 65 (CAF) conf. Prévost Car Inc. c. R., 2008 CarswellNat 1114, 2008 CCI 231, 2008 D.T.C. 3080 (Eng.), [2008] 5 C.T.C. 2306 (CCI).

8 Personnes-ressources du groupe de droit fiscal de McCarthy Tétrault Leader national du groupe de pratique et personne-ressource pour la région de l Ontario Douglas Cannon 416-601-7815 dcannon@ Personne-ressource, Colombie-Britannique Rosemarie Wertschek, c.r. 604-643-7918 rwertschek@ Personne-ressource, Alberta Doug S. Ewens, c.r. 403-260-3616 dewens@ Personne-ressource, Québec Frédéric Harvey 514-397-2325 fharvey@