Un moment historique La bulle des actifs prescrits Mars 2013 Sommaire La bulle historique des prix des obligations a entraîné, en raison de la réglementation, une hausse du financement exigé des caisses de retraite. Bien que les prestations de retraite prévues aient très peu changé au cours des cinq dernières années, les mesures de solvabilité prescrites ont obligé à constituer des réserves d actifs plus importantes pour garantir leur paiement. Le fait de bloquer les rendements des placements à 2,5 % pendant 30 ans au lieu d opter pour une approche plus prudente pourrait facilement amputer de plus de 40 % la valeur finale des actifs des caisses de retraite. Un régime de retraite abordable exige une stratégie de placement diversifiée qui assure un équilibre approprié entre les risques et les avantages des placements à revenu fixe et des placements axés sur le rendement sur de longues périodes. La bulle des obligations a entraîné une bulle des actifs exigés par la réglementation gouvernementale Les taux des obligations à long terme au Canada sont au plus bas niveau de leur histoire, qui remonte à 1872. L anémie de la croissance économique explique que les taux d intérêt soient relativement faibles et pourrait persister pendant un certain temps. Cependant, depuis le début 2011, la conjugaison de facteurs plus techniques, notamment la manipulation des marchés par les principaux banquiers centraux, s est traduite par des taux d intérêt exceptionnellement bas. À l heure actuelle, les taux obligataires réels sont négatifs dans la plupart des échéances, ce qui s est rarement produit par le passé, et seulement durant de courtes périodes. Les taux des obligations à long terme étant bien inférieurs aux rendements à long terme que l on peut raisonnablement attendre d un portefeuille équilibré, le test de solvabilité réglementaire effectué en actualisant les flux de trésorerie futurs aux taux obligataires actuels est devenu le test clé pour évaluer la situation de capitalisation d un régime. L actif minimum de retraite exigé par la réglementation pour garantir le paiement des prestations futures a considérablement augmenté, ce qui oblige au versement de cotisations supplémentaires. La faiblesse des marchés boursiers au cours des cinq dernières années n a fait qu aggraver le problème. Les promoteurs sont tentés d augmenter le poids des obligations et d allonger les durées dans une perspective d appariement de l actif et du passif. Ils espèrent atteindre un équilibre magique, dans lequel la valeur des actifs évoluerait au même rythme que les actifs prescrits, peu importe les changements dans le taux d actualisation. Une situation idéale dans laquelle la prévisibilité des cotisations serait la panacée. Ce raisonnement souffre toutefois de failles importantes.
Comment évaluer le passif? Examinons les décaissements futurs requis pour payer les retraités dans un régime de retraite type. En supposant des versements annuels de 5,50 $ qui augmentent au taux de 1 % pendant 33 ans, les versements totaliseront 217 $ et ces flux de trésorerie dureront environ 13,6 ans, compte tenu d un taux d actualisation de 5 %. $10.00 $9.00 $8.00 Décaissements requis pour payer les retraités Versements annuels de 5,50 $ au taux de 1 % Versements totaux : 217 $ $7.00 $6.00 $5.00 $4.00 $3.00 $2.00 $1.00 $0.00 Années 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27 28 29 30 31 32 33 Versements Paiements 5.50 5.56 5.61 5.67 5.72 5.78 5.84 5.90 5.96 6.02 6.08 6.14 6.20 6.26 6.32 6.39 6.45 6.51 6.58 6.64 6.71 6.78 6.85 6.91 6.98 7.05 7.12 7.20 7.27 7.34 7.41 7.49 7.56 Il suffirait de placer aujourd hui 100 $ à un taux de 5 % par an pour honorer ces obligations. La solvabilité du régime est donc de 100 % si le taux de rendement est de 5 %. Si toutefois le gouvernement prescrivait un taux d actualisation de 3 %, le montant devant être mis de côté aujourd hui pour garantir les versements futurs serait de 132 $. Mais qu est-ce que cela signifie exactement? Le fait d imposer un taux d actualisation de 3 % ne signifie pas que le régime doit rapporter seulement 3 %. On ne précise pas non plus le type de placement à utiliser pour l obtenir. Ce taux sert uniquement à calculer le montant que le gouvernement exige de mettre de côté pour garantir les versements. Les décaissements futurs réels au profit des retraités, qui représentent l obligation véritable du régime, ne dépendent absolument pas du choix du taux d actualisation. Supposons maintenant que l actif de 132 $ à mettre de côté si le taux d actualisation est de 3 % puisse être investi de manière à rapporter 5 %. Non seulement la caisse récupérera les cotisations superflues de 32 $, mais elle engrangera aussi le rendement dégagé sur ces 32 $, pour un total de 56,60 $ sur cette période de 33 ans. Autrement dit, si elle ne se contente pas du rendement bloqué de 3 % (ou moins) produit par les obligations à long terme et parvient à dégager un rendement plus raisonnable de 5 %, la caisse obtiendra un montant supplémentaire égal à 43 % du placement initial (56,60 $/132 $). Comme l actif des régimes de retraite représente souvent un pourcentage important de l actif d une société, les sommes ainsi épargnées pourraient bien se traduire par un avantage concurrentiel durable tout comme un manque à gagner pourrait se traduire par un désavantage concurrentiel considérable. Page 2 de 5
Montant récupéré si le régime dégage un rendement de 5 % $250.00 $200.00 $150.00 $100.00 $50.00 Régime de retraite dégageant un rendement de 5 % Solvabilité réputée de 100 % pour un rendement de 5 % $- Taux d actualisation prescrit 0% 1% 2% 3% 4% 5% Cotisations Excédent excédentaires ensilé à verser $117.10 $82.10 $54.40 $32.25 $14.45 $0.00 $- Retraits Excédents excédentaires retirés $196.98 $140.17 $94.19 $56.60 $25.69 $0.00 $- % des cotisations Profits retirés versées $79.88 91 % $58.07 77 % $39.79 61 % $24.35 43 % $11.24 22 % 0 $- % Risque de mesure et risque d investissement De nombreuses stratégies visent à réduire le risque à court terme lié à l augmentation des cotisations nécessaires pour compléter la caisse de retraite, laquelle peut être douloureuse. À long terme, toutefois, les cotisations excédentaires seront remboursées avec intérêts si elles s avèrent non nécessaires pour acquitter les paiements futurs. En fait, la seule façon de perdre cet argent serait d investir à un taux inférieur à celui qu on peut raisonnablement obtenir. Sur la période de placement, un rendement excédentaire créera rapidement un coussin permettant de surmonter le risque lié aux cotisations futures, et même le risque de volatilité des marchés boursiers. C est particulièrement vrai aujourd hui, compte tenu de l écart énorme entre les rendements attendus des actions et ceux des obligations à long terme. Au bout du compte, le coût lié aux prestations de retraite est purement fonction du rendement réellement dégagé par les placements. Si l actif rapporte moins, la promesse de prestations sera beaucoup plus coûteuse à tenir et, surtout, les fonds ne seront peut-être pas suffisants pour l honorer. Comptabilisation des obligations à long terme Le niveau élevé des prix des obligations complique encore la donne. Les bulles causées par les excès du marché finissent par éclater, habituellement au moment où on s y attend le moins. Même dans un scénario banal où le taux des obligations à 30 ans grimperait à 4,5 %, soit le niveau moyen de 2003 à 2008, les obligations à long terme plongeraient de plus de 40 %. Lors des bulles boursières, il y a au moins la possibilité que les ventes des entreprises, les flux de trésorerie, les profits et les dividendes suivent la hausse exagérée des cours. Avec les obligations, en revanche, les versements d intérêts et de principal sont contractuels et n augmentent jamais. Les rendements élevés récents des obligations à long terme résultent simplement d une accélération de la comptabilisation des rendements futurs dans les périodes rapprochées au détriment des périodes subséquentes. Si elle est conservée jusqu à l échéance, le rendement global obtenu sur la durée de vie de l obligation reste inchangé, peu importe la façon dont on aura choisi de comptabiliser le rendement au cours d une année quelconque. Aux prix élevés actuels, les rendements anémiques sont bloqués jusqu en 2040. Page 3 de 5
Rendement d une obligation du gouvernement du Canada à 30 ans de 4 % Rendement comptabilisé Versements (total : 220 $) Rendement comptabilisé au début de 2011 (3,4 % par an pendant 30 ans) Rendement comptabilisé à la fin de 2011 (28 % en 2011, 2,5 % par an par la suite) Versements annuels reçus À la fin de 2011, les taux du marché descendent à 2,5 %. Nous comptabilisons un rendement plus élevé en 2011 et un rendement moindre au cours des années futures. Les flux de trésorerie produits par l obligation n ont toutefois pas changé. Le rendement global à l échéance demeure de 3,4 %, peu importe sa répartition dans le temps. En outre, les ajustements de salaire, les taux de mortalité, les formules de calcul des prestations, etc., influeront immanquablement et très probablement à la hausse sur les versements réels qui auront lieu dans plusieurs décennies. Certaines mesures, telle la fermeture du régime aux nouveaux arrivants, peuvent permettre de mieux prédire les obligations du régime, mais l argument de placement fondamental demeure : plus le rendement est élevé, moindre est le coût final. Politique gouvernementale Afin de promouvoir un système de retraite sain, la réglementation doit être moins stricte et plus prévisible. En liant la solvabilité aux taux volatils des obligations à long terme, en particulier lorsque ceux-ci sont ouvertement manipulés par les banques centrales, on désavantage tant les promoteurs que les bénéficiaires. L obligation de verser d importantes cotisations en espèces dans les régimes de retraite pour qu elles servent ensuite à l achat d obligations d État à long terme revient à détourner ces fonds des investissements productifs et témoigne d une politique économique médiocre. Il existe de meilleures façons de faire. Certains pays comme le Danemark et la Suède ont assoupli leurs règles afin de permettre des taux d actualisation plus élevés et plus stables. Aux États-Unis, le projet de loi sur la réforme des retraites adopté en 2012 applique un corridor autour de la moyenne sur 25 ans du rendement de l indice des obligations de sociétés. Dans ces deux exemples, les obligations futures peuvent maintenant être actualisées à des taux qui reflètent mieux les perspectives de croissance et d inflation à long terme. La politique gouvernementale actuelle pourrait bien nous laisser en héritage la destruction du système de retraite. À mesure que les sociétés abandonnent les régimes à prestations déterminées au profit des régimes à cotisations déterminées comme mécanisme d immunisation, la sécurité financière des générations futures continuera de se détériorer. Page 4 de 5
Pouvons-nous obtenir un meilleur rendement que celui des obligations à long terme de 2,5 %? Nous maximisons la possibilité de disposer de sommes suffisantes pour acquitter l obligation véritable du régime (les prestations de retraite) en maximisant les rendements. Cet objectif ne sera jamais atteint en bloquant les rendements à 2,5 %, 3,5 % ou même 4,5 % pour les 30 prochaines années. Contrairement aux obligations à long terme, les actions permettent de prendre part aux gains de productivité. Même les obligations à court et à moyen terme ont l avantage de s ajuster plus facilement à l inflation et, sur de longues périodes, les obligations à moyen terme produisent des rendements semblables à ceux des obligations à long terme. La hausse des cours boursiers est tirée par la création de valeur grâce à l augmentation des bénéfices, des ventes, des flux de trésorerie, des dividendes, etc. Entre 1926 et 2011, le rendement cumulatif de l indice S&P 500 a dépassé d environ 27 fois le rendement des obligations à long terme. Les rendements en dividendes des sociétés canadiennes, américaines et européennes sont actuellement très supérieurs aux taux des obligations d État à 10 ans, et leurs ratios cours/bénéfice sont attrayants. Sur le moyen terme, nous sommes persuadés que des portefeuilles d actions triées sur le volet procureront de meilleurs rendements que les liquidités et les obligations, en particulier les obligations à long terme. Conclusion Nous vivons un moment historique. Les taux actuels des obligations à long terme déterminent le montant des actifs exigé par la réglementation pour garantir le versement des prestations de retraite futures, mais le rendement dégagé sur ces actifs détermine au bout du compte le coût du régime. Les fiduciaires qui cherchent des stratégies pour réduire le risque en abaissant la volatilité du niveau de capitalisation ou des cotisations livrent la dernière bataille, mettant ainsi en péril les actifs dont ils ont la garde et payant le prix fort pour obtenir une fausse sécurité. Il est dangereux de présumer que les valorisations anormalement élevées des obligations dureront éternellement. Les prix des obligations finiront par redescendre et les investisseurs, en tant que groupe, ne pourront espérer vendre une fois que le sommet aura été atteint. Les régimes qui exploitent de meilleures possibilités de placement seront considérablement avantagés par rapport à leurs concurrents. Le succès des efforts en matière de retraite n est connu qu une fois le dernier chèque émis. Un système de retraite sain et abordable dépend d une approche bien diversifiée, qui met en équilibre la stabilité des actifs à revenu fixe avec les gains tirés des actifs de croissance. À l heure actuelle, les taux des obligations à long terme sont anormalement faibles, et les rendements futurs que l on peut espérer tirer des actions sont meilleurs, voire bien meilleurs. Aujourd hui, comme toujours, le monde offre d innombrables opportunités. Les présents renseignements ont été obtenus de sources que nous croyons fiables mais ne sont pas garantis par nous et pourraient être incomplets. Les opinions exprimées sont basées sur notre analyse et notre interprétation de ces renseignements. L analyse de Letko, Brosseau et Associés Inc. comprend des prévisions explicites ou implicites qui pourraient ne pas se réaliser et même différer sensiblement de la réalité future. Il va de soi que, de par sa nature même, tout énoncé prévisionnel est incertain et comporte des risques inhérents. Page 5 de 5