Mathématiques des modèles multi-échelles. Frédéric Legoll et Mathieu Lewin



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Transcription:

Mathématiques des modèles multi-échelles Frédéric Legoll et Mathieu Lewin Mars 213

Table des matières Introduction v 1 Rappels et compléments d analyse 1 1.1 Applications linéaires........................... 1 1.1.1 Applications linéaires continues................. 1 1.1.2 Injectivité, surjectivité, bijectivité................ 2 1.2 Compacité................................. 3 1.3 Espaces de Hilbert............................ 4 1.3.1 Théorèmes fondamentaux.................... 4 1.3.2 Bases hilbertiennes........................ 6 1.3.3 Applications définies positives.................. 6 1.3.4 Orthogonal d un sous-espace................... 7 1.3.5 Application adjointe....................... 7 1.4 Espaces de Sobolev............................ 8 1.4.1 Définitions principales...................... 8 1.4.2 Trace................................ 9 1.4.3 Inégalité de Poincaré....................... 1 1.4.4 Injections de Sobolev....................... 11 1.5 Convergence faible............................ 11 1.6 Opérateurs compacts........................... 14 1.7 Problème de l élasticité linéarisée.................... 17 1.7.1 Le modèle............................. 18 1.7.2 Inégalité de Korn......................... 2 1.7.3 Problème aux limites....................... 24 1.7.4 Formulation variationnelle.................... 24 1.7.5 Interprétation des résultats.................... 26 2 Problèmes aux valeurs propres 27 2.1 Motivation................................. 27 2.2 Spectre d un opérateur.......................... 3 2.3 Décomposition spectrale d un opérateur auto-adjoint compact.... 31 2.4 Valeurs propres d un problème elliptique................ 35 2.4.1 Problème variationnel abstrait.................. 35 i

ii TABLE DES MATIÈRES 2.4.2 Première application : valeurs propres du laplacien...... 4 2.4.3 Seconde application : l élasticité linéarisée........... 41 2.5 Méthodes numériques........................... 42 2.5.1 Discrétisation du problème.................... 42 2.5.2 Convergence et estimation d erreur............... 44 2.6 Algorithmes pour le calcul de valeurs et de vecteurs propres..... 48 2.6.1 Méthode de la puissance..................... 49 2.6.2 Méthode de Lanczos....................... 51 3 Equations différentielles ordinaires 57 3.1 Introduction................................ 57 3.1.1 Quelques modèles......................... 57 3.1.2 Problème de Cauchy....................... 59 3.1.3 Quelques exemples de schémas.................. 6 3.1.4 Notions d erreur, ordre d un schéma............... 61 3.2 Méthodes de Runge-Kutta........................ 62 3.2.1 Définition............................. 62 3.2.2 Conditions d ordre........................ 64 3.3 Méthodes de collocation......................... 65 3.3.1 Définition............................. 66 3.3.2 Lien avec les méthodes de Runge-Kutta............. 67 3.3.3 Lien avec les formules de quadrature.............. 71 3.4 Méthodes symétriques.......................... 72 3.5 Systèmes partitionnés et méthodes de Runge-Kutta partitionnées.. 74 3.5.1 Définition............................. 74 3.5.2 Exemples............................. 75 3.5.3 Conditions d ordre........................ 76 4 Systèmes hamiltoniens 77 4.1 Définition et exemples.......................... 79 4.1.1 Les équations de Newton..................... 79 4.1.2 Autres exemples.......................... 82 4.2 Conservation de l énergie et de la mesure................ 83 4.3 Symplecticité............................... 85 4.3.1 Symplecticité et conservation du volume............ 86 4.3.2 Symplecticité et flot d un système hamiltonien......... 87 4.3.3 Changement de variables dans les systèmes hamiltoniens... 9 4.4 Schémas symplectiques.......................... 92 4.4.1 Symplecticité de quelques schémas usuels............ 92 4.4.2 Cas d un hamiltonien séparé................... 94 4.5 Analyse rétrograde............................ 96 4.5.1 Equation modifiée......................... 97 4.5.1.1 Notion d équation modifiée.............. 97

TABLE DES MATIÈRES iii 4.5.1.2 Construction...................... 98 4.5.2 Systèmes hamiltoniens et schémas symplectiques........ 12 4.5.3 Conservation de l énergie..................... 14 4.5.4 Cas d un problème linéaire.................... 16 5 Problèmes d évolution 19 5.1 Exemples d équations d évolution.................... 19 5.2 Préliminaires............................... 112 5.2.1 Lemme de Gronwall....................... 113 5.2.2 Espaces dépendant du temps................... 113 5.3 L équation de transport......................... 116 5.4 L équation de la chaleur......................... 119 5.4.1 L équation de la chaleur dans tout l espace........... 119 5.4.2 L équation de la chaleur sur un ouvert borné........ 122 5.4.2.1 Solutions faibles.................... 122 5.4.2.2 Propriétés qualitatives des solutions faibles...... 129 5.5 L équation des ondes........................... 133 5.5.1 L équation des ondes 1D..................... 133 5.5.2 L équation des ondes dans un ouvert borné......... 136 5.5.2.1 Solutions faibles.................... 137 5.5.2.2 Propriétés qualitatives des solutions faibles...... 144 5.6 Analyse numérique............................ 146 5.6.1 L équation de la chaleur..................... 146 5.6.1.1 Semi-discrétisation en espace............. 146 5.6.1.2 Discrétisation totale en espace-temps......... 15 5.6.2 L équation des ondes....................... 152 5.6.2.1 Semi-discrétisation en espace............. 152 5.6.2.2 Discrétisation totale en espace-temps......... 155 6 Optimisation 157 6.1 Modélisation à différentes échelles des solides.............. 157 6.1.1 Modélisation à l échelle du continuum.............. 157 6.1.2 De l échelle atomique à l échelle élastique............ 159 6.2 Optimisation : théorie générale..................... 164 6.2.1 Existence............................. 164 6.2.2 Convexité............................. 167 6.2.3 Conditions de minimalité..................... 17 6.2.3.1 Différentiabilité..................... 17 6.2.3.2 Cas de contraintes convexes.............. 172 6.2.3.3 Multiplicateurs de Lagrange.............. 172 6.3 Exemples................................. 174 6.3.1 Cas convexes........................... 174 6.3.1.1 Un cadre général.................... 174

iv TABLE DES MATIÈRES 6.3.1.2 Elasticité linéaire.................... 178 6.3.1.3 Le problème de l obstacle............... 178 6.3.2 Cas non convexes, avec ou sans contrainte........... 181 6.3.2.1 Quelques exemples simples en dimension un..... 182 6.3.2.2 Un problème non convexe sans contrainte...... 186 6.3.2.3 Un problème non convexe avec contrainte...... 188 6.3.2.4 Un modèle microscopique : l atome d hydrogène... 19 7 Méthodes multi-échelles 21 7.1 Introduction................................ 21 7.2 Approches couplées discret-continu pour la simulation des matériaux 23 7.3 Energie d un modèle couplé....................... 26 7.3.1 Cas général............................ 26 7.3.2 Un cas particulier en une dimension............... 28 7.4 Analyse mathématique.......................... 211 7.4.1 Existence et unicité........................ 211 7.4.2 Hypothèses sur la partition................... 214 7.4.3 Analyse d erreur......................... 215 8 Introduction à la dynamique moléculaire 221 8.1 Modèles physiques et objectifs...................... 221 8.2 Calcul de la dynamique d un système.................. 223 8.2.1 Exemples............................. 223 8.2.2 Analyse mathématique et numérique.............. 224 8.3 Calcul de moyennes thermodynamiques................. 225 8.3.1 Motivation physique....................... 225 8.3.2 Formalisation........................... 226 8.3.3 Exemples d observables...................... 229 8.3.4 Intégration numérique en grande dimension.......... 23 8.3.5 Dynamique moléculaire : principe................ 232 8.3.5.1 Théorème ergodique.................. 232 8.3.5.2 Utilisation dans le cadre de la dynamique moléculaire 233 8.3.6 L oscillateur harmonique mono-dimensionnel.......... 234 8.3.7 L oscillateur harmonique bi-dimensionnel............ 235 8.3.7.1 Fréquences rationnellement indépendantes...... 237 8.3.7.2 Fréquences rationnellement dépendantes....... 237 8.3.8 Dynamique moléculaire : un premier bilan........... 238

Introduction De nombreux problèmes en physique, mécanique, sciences de l ingénieur,..., font apparaitre plusieurs échelles d espace ou de temps. Le traitement numérique efficace de tels problèmes nécessite une approche spécifique. Ce cours est une introduction à ce domaine. Il vise en premier lieu à mettre en place les outils techniques utiles pour la suite. Des questions simples relevant de problèmes multi-échelles sont ensuite étudiées dans le détail, en mettant l accent sur des questions d ordre numérique. Commençons par un exemple simple issu de la science des matériaux. Les matériaux peuvent être décrits à différentes échelles d espace. L approche traditionnelle est celle du continuum, à l échelle macroscopique. C est le domaine de la mécanique : la déformation de la matière et les contraintes sont modélisées par des champs. Cependant, de nombreux phénomènes ne peuvent être décrits par une telle approche, qui devient discutable lorsqu on cherche à prendre en compte des phénomènes très localisés. Illustrons ceci par deux exemples. Un premier exemple est celui de la propagation de fractures dans des matériaux cristallins (comme les métaux). Dans certaines conditions, un métal peut être correctement modélisé par un ensemble de particules discrètes (les atomes) agencées de façon relativement ordonnée (sur un réseau périodique, pour simplifier). Cette approximation est raisonnable dès lors que le matériau est soumis à des sollicitations faibles. Elle est justifiée par le fait que les dimensions caractéristiques des déformations sont bien supérieures à l échelle atomique, et permet de dériver un modèle macroscopique à partir de l échelle microscopique. Cependant, il en va autrement lorsqu on s intéresse à la propagation de fractures. En effet, au niveau de la pointe de la fracture, des liaisons atomiques se cassent, et sur les lèvres de la fracture, le réseau atomique est fortement distordu. Dans ce cas particulier où la déformation subie par le matériau possède des dimensions caractéristiques proches des dimensions atomiques, une approche purement macroscopique ne décrira pas correctement les phénomènes que l on désire modéliser. Notre deuxième exemple (à une échelle complètement différente) est celui des matériaux granulaires, lorsqu ils sont soumis à des chargements importants. C est le cas du ballast des voies ferrées, soumis au poids d un train : une approche fondée sur une description en terme de continuum donne des résultats très imprécis sur la déformation du matériau dans la zone d application de la charge. Il est donc important de conserver, au moins sous le point d application de la charge, une description v

vi INTRODUCTION en terme de granulats. Dans les deux cas cités ci-dessus, une stratégie numérique possible consiste à utiliser une approche multi-échelle, où deux modèles écrits à des échelles d espace différentes, l un continu et l autre discret, sont couplés. Cette approche est basée sur une décomposition de domaine : dans une zone critique, on décide de faire appel au modèle précis et coûteux (le modèle discret), tandis que dans le reste du domaine de calcul, on utilise le modèle grossier et efficace (le modèle de continuum). Dans d autres situations, l identification même d un modèle à l échelle macroscopique n est pas simple. C est le cas par exemple de matériaux soumis à des conditions extrêmes de température et/ou de pression. On s attend à sortir complètement d un régime de comportement linéaire, et il devient bien difficile de postuler (et de tester expérimentalement!) des lois de comportement à l échelle macroscopique. Une idée consiste alors à utiliser le modèle à l échelle microscopique pour calculer numériquement la loi de comportement macroscopique. Ceci peut être par exemple réalisé en s appuyant sur des méthodes de mécanique et de physique statistiques : en utilisant le fait que le matériau est composé d un très grand nombre de particules, on peut déduire des lois macroscopiques à partir du comportement microscopique. L objectif de ce cours est de former les élèves à la complémentarité des deux approches, continue et discrète. La motivation est double. D une part il s agit d un sujet de recherche très actuel. D autre part, dans certaines industries, il y a un enjeu, à terme, à maîtriser (ou du moins à comprendre) ce genre d approches. Le point de vue sera celui du mathématicien appliqué. Cependant, il apparaîtra au fil du texte qu une approche plus interdisciplinaire est très fructueuse. La première partie du cours sera consacrée à la solidification des connaissances acquises en première année de l Ecole des Ponts, en Analyse et Calcul Scientifique, en nous intéressant aux problèmes variationnels nonlinéaires et aux problèmes d évolution. Il s agit donc de compléter les connaissances des élèves sur des modèles de type continu. Dans un second temps, les notions élémentaires de mécanique discrète seront introduites : le système est alors un ensemble de particules interagissant les unes avec les autres. La troisième partie du cours aborde, de façon très introductive, le couplage d échelle, soit dans une vision décomposition de domaine (les deux échelles sont présentes ensemble et sont simulées dans le modèle), soit dans une version réduction de modèle : des quantités macroscopiques sont alors calculées à partir de modèles microscopiques. Ces notes de cours sont organisées de la façon suivante. Après des rappels et compléments d analyse (Chapitre 1), nous nous intéressons au Chapitre 2 à la résolution de problèmes aux valeurs propres. Cette question a un intérêt en soi (pour le calcul des modes propres de vibration d une structure par exemple), mais elle sera également très utile pour la résolution des problèmes d évolution faisant l objet du Chapitre 5. Le dernier thème abordé dans le monde du continu est celui de l optimisation, au Chapitre 6, dans lequel nous nous intéresserons à des problèmes variationnels nonlinéaires et à la modélisation des matériaux en terme de continuum.

En parallèle aux problèmes d évolution continus, nous étudierons les problèmes d évolution discrets, dans lesquels la variable dépendant du temps n est plus un champ mais un vecteur de dimension finie (possiblement grande). Le Chapitre 3 est consacré à quelques rappels sur les équations différentielles ordinaires, et surtout à la construction de schémas d intégration d ordre élevé. La plupart des systèmes discrets rencontrés dans ce cours sont des systèmes hamiltoniens : les équations d évolution ont alors une structure bien particulière et certaines quantités sont conservées au cours de la trajectoire (par exemple l énergie mécanique totale). Cette structure hamiltonienne et la bonne façon de l utiliser au niveau discret rend l étude des schémas numériques tout à fait spécifique. C est l objet du Chapitre 4. Enfin, les aspects multi-échelles sont abordés dans les deux derniers chapitres. L objectif est d introduire les élèves à ces notions qui font actuellement l objet de recherches actives et sont donc moins figées. La présentation est moins académique, et plus interdisciplinaire. Au Chapitre 7, nous nous intéressons à une méthode de décomposition de domaine avec couplage discret/continu, dans un esprit variationnel proche de celui du Chapitre 6 d optimisation. Le Chapitre 8 est une brève introduction à la dynamique moléculaire, dont l objet est de permettre le calcul de grandeurs macroscopiques, en partant d une description microscopique. Nous ferons alors grandement appel aux schémas d intégration en temps de systèmes hamiltoniens, tels qu étudiés au Chapitre 4. Des problèmes multi-échelles en temps, dans la continuité des modèles décrits au Chapitre 4, seront aussi discutés. vii Frédéric Legoll et Mathieu Lewin, Champs sur Marne, 15 février 213.

viii INTRODUCTION

Chapitre 1 Rappels et compléments d analyse Ce chapitre a un double objectif. Tout d abord, nous rappelons plusieurs notions élémentaires, qui pour la plupart ont été étudiées dans le cours d Analyse de première année. Nous profitons de ces rappels pour faire un certain nombre de remarques, illustrées par plusieurs exercices, et montrant la spécificité de la dimension infinie par rapport à la dimension finie. Le deuxième objectif est d introduire quelques notions nouvelles (en particulier celle d opérateurs compacts), qui seront fondamentales pour la suite de ce cours. La dernière section de ce chapitre est consacrée à l étude du problème de l élasticité linéaire. De même que l équation de Poisson, ce modèle servira de motivation et d illustration dans les chapitres suivants. 1.1 Applications linéaires 1.1.1 Applications linéaires continues Soient E et F deux espaces vectoriels normés. On rappelle la caractérisation suivante des applications linéaires continues de E dans F. Proposition 1.1. Soit A une application linéaire de E dans F. Les 3 propositions suivantes sont équivalentes : A est continue. A est continue en. il existe une constante c telle que u E, Au F c u E. Démonstration. Cf. le cours d Analyse de première année [7]. Définition 1.2. On note L(E, F) l ensemble des applications linéaires continues de E dans F, et L(E) l ensemble des applications linéaires continues de E dans E. On 1

2 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE rappelle que L(E, F) est muni de la norme A L(E,F) = Au F sup. u E,u u E Un cas particulier important est lorsque l espace d arrivée est R. Définition 1.3. L ensemble L(E, R) des applications linéaires continues de E dans R est appelé espace dual de E et est noté E. Un élément de E est appelé forme linéaire continue et son action sur un élément u E est notée à l aide du crochet de dualité : A, u E,E = Au R. L espace E est équipé de la norme A E = sup u E,u On rappelle enfin les notations suivantes : Définition 1.4. La boule unité fermée de E est Au u E. B E = {x E; x E 1}. Définition 1.5. Soit A une application linéaire de E dans F. Le noyau Ker A et l image Im A de A sont définis par Ker A = {x E; Ax = }, Im A = {y F; x E tel que Ax = y}. 1.1.2 Injectivité, surjectivité, bijectivité En dimension finie, on a le résultat classique suivant : Proposition 1.6. Soit E un espace vectoriel de dimension finie et A une application linéaire de E dans E. Alors A est continue, et de plus les 3 propositions suivantes sont équivalentes : A est injective sur E. A est surjective sur E. A est bijective de E dans E. Comme le montrent les deux exercices suivants, la situation en dimension infinie est plus complexe : une application linéaire peut ne pas être continue, et une application linéaire continue peut être injective sans être surjective. Exercice 1.7. On considère les espaces de fonctions C ([, 1]) et C 1 ([, 1]), qu on munit de la norme f = sup f(t). t [,1]

1.2. COMPACITÉ 3 L application A : C 1 ([, 1]) C ([, 1]) f f est linéaire. Montrer qu elle n est pas continue. Remarque 1.8. On a cependant le résultat positif suivant. Soient E et F deux espaces de Banach, et A une application linéaire de E dans F qui est fermée, c està-dire telle que l ensemble u E [u, Au] est fermé dans E F. Alors A est continue (cf. par exemple [5, Théorème II.21 p. 31]). Exercice 1.9. Soit u = (u i ) i N R N une suite de réels. On considère l ensemble l 2 = {u R N ; i u2 i < + } des suites de carré sommable, qu on munit de la norme u = u 2 i. Soit A l opérateur de shift à droite : i A : l 2 l 2 u Au = (, u, u 1,...). Montrer que A est continue et injective mais n est pas surjective. On admet le résultat suivant (cf. [5, Corollaire II.6 p. 19]) : Théorème 1.1. Soient E et F deux espaces de Banach, et soit A L(E, F). On suppose que A est bijectif. Alors A 1 est continue de F dans E. 1.2 Compacité On se place dans un espace vectoriel normé E. On rappelle la définition suivante : Définition 1.11. Un sous-ensemble K E est compact si, de toute suite (u n ) n d éléments de K, on peut extraire une sous-suite convergente dans K. Nous aurons besoin dans la suite de ce cours d une notion plus fine que celle d ensemble compact, et que nous introduisons maintenant : Définition 1.12. Un sous-ensemble K E est relativement compact si, de toute suite (u n ) n d éléments de K, on peut extraire une sous-suite convergente dans E. La différence avec la notion d ensemble compact est donc que la limite de la suite n appartient pas nécessairement à K. La preuve de la proposition suivante est laissée en exercice : Proposition 1.13. Un sous-ensemble K E est relativement compact si et seulement si K est compact.

4 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE 1.3 Espaces de Hilbert Dans cette section, on se place dans un espace de Hilbert V. On rappelle que V est donc un espace vectoriel muni d un produit scalaire, qu on note x, y, que la norme induite par ce produit scalaire est x = x, x, et que V est complet pour cette norme. Le résultat suivant est caractéristique de la dimension infinie : Proposition 1.14. Soit V un espace de Hilbert de dimension infinie. Alors la boule unité fermée de V n est pas compacte. Démonstration. Comme l espace est de dimension infinie, on peut construire une suite orthonormée infinie (e n ) n 1 (en utilisant le procédé de Gram-Schmidt). Cette suite appartient bien à la boule unité fermée. Par ailleurs, pour n p, on a e n e p 2 = e n 2 + e p 2 2 e n, e p = 2. (1.1) Supposons que la boule unité fermée est compacte. Alors on peut extraire de la suite (e n ) n 1 une sous-suite convergente, donc de Cauchy. Or ceci est contradictoire avec (1.1). 1.3.1 Théorèmes fondamentaux On rappelle maintenant quelques théorèmes fondamentaux pour les espaces de Hilbert. Théorème 1.15 (Théorème de projection orthogonale). Soit V un espace de Hilbert et K un sous-espace vectoriel fermé de V. Pour tout u V, il existe un unique v = P K u K, appelé projection orthogonale de u sur K, tel que De plus, P K u est caractérisé par P K u u = inf w u. w K P K u K et w K, u P K u, w =. (1.2) Démonstration. Cf. le cours d Analyse de première année [7]. On peut faire un peu mieux, et simplement supposer que K est un sous-ensemble convexe et fermé de V. Définition 1.16. Soit E un espace vectoriel et C un sous-ensemble de E. L ensemble C est convexe si, pour tout x et y dans C et tout λ [, 1], on a λx+(1 λ)y C.

1.3. ESPACES DE HILBERT 5 Théorème 1.17 (Théorème de projection sur un convexe). Soit V un espace de Hilbert et K un sous-ensemble fermé et convexe de V. Pour tout u V, il existe un unique v = P K u K, appelé projection de u sur K, tel que De plus, P K u est caractérisé par P K u u = inf w u. w K P K u K et w K, u P K u, w P K u. (1.3) Démonstration. La preuve est très similaire à celle du théorème de projection orthogonale donnée dans [7]. Le théorème suivant permet d identifier un espace de Hilbert V avec son dual V = L(V, R) : Théorème 1.18 (Théorème de Riesz). Soit V un espace de Hilbert. Etant donné ϕ V, il existe u V unique tel que w V, ϕ(w) = u, w. De plus, on a u V = ϕ V. En d autres termes, l application de V dans V qui à ϕ associe u permet d identifier l espace de Hilbert V avec son dual. Démonstration. Cf. le cours d Analyse de première année [7]. La notion d application bilinéaire coercive joue un rôle fondamental pour l étude des équations aux dérivées partielles. Définition 1.19. Soit V un espace de Hilbert et soit a une forme bilinéaire sur V. On dit que a est coercive sur V s il existe un réel α > tel que u V, a(u, u) α u 2. Théorème 1.2 (Théorème de Lax-Milgram). Soit V un espace de Hilbert et a une forme bilinéaire sur V, symétrique, continue et coercive. Soit b une forme linéaire continue sur V. Alors le problème { Chercher u V tel que (1.4) w V, a(u, w) = b(w) admet une unique solution. De plus, le problème (1.4) est équivalent au problème de minimisation { Chercher u V tel que J(u) = inf J(w) (1.5) w V où la fonctionnelle d énergie J(w) est définie par J(w) = 1 a(w, w) b(w). 2 Démonstration. Cf. le cours d Analyse de première année [7]. Remarque 1.21. On peut supprimer l hypothèse de symétrie sur la forme bilinéaire a. Alors le problème (1.4) admet encore une unique solution, mais il n y a plus d équivalence de (1.4) avec un problème de minimisation du type (1.5).

6 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE 1.3.2 Bases hilbertiennes La notion de base hilbertienne généralise en dimension infinie la notion de base orthonormée. Définition 1.22. Soit V un espace de Hilbert. On appelle base hilbertienne de V une suite (e n ) n 1 d éléments de V tels que pour tout n, e n = 1 et pour tous m n, e n, e m =. l espace vectoriel engendré par la famille (e n ) n 1 est dense dans V. Proposition 1.23. Soit V un espace de Hilbert admettant une base hilbertienne (e n ) n 1. Soit u V et posons u n = u, e n pour tout n 1. Alors, les séries n 1 u ne n et n 1 u n 2 sont convergentes dans V et R respectivement, et on a u = n 1 u n e n et u 2 = n 1 u n 2. Démonstration. Cf. le cours d Analyse de première année [7]. 1.3.3 Applications définies positives Nous avons introduit à la définition 1.19 la notion d application coercive. On introduit maintenant une notion reliée, qui est celle d application définie positive : Définition 1.24. Soit V un espace de Hilbert, et soit A une application linéaire continue de V dans V. On dit que A est définie positive si u V \ {}, Au, u >. Remarque 1.25. Soit V un espace de Hilbert, et soit A une application linéaire continue de V dans V. On lui associe la forme bilinéaire a définie par a(u, w) = Au, w. En dimension finie, A est définie positive si et seulement si a est coercive. En dimension infinie, ce n est plus le cas, comme le montre l exercice ci-dessous. Exercice 1.26. Soit un ouvert borné de R d. On se place sur l espace de Hilbert L 2 (), muni du produit scalaire usuel sur L 2 () (des rappels sur les espaces de fonctions utilisés dans cet exercice sont donnés à la section 1.4). Pour tout f L 2 (), le problème { Chercher u H 1 u = f () tel que dans D () admet une unique solution. On considère l application (1.6) A : L 2 () L 2 () f u solution du problème (1.6).

1.3. ESPACES DE HILBERT 7 Montrer que A est bien linéaire continue et que A est définie positive. Pour montrer que la forme bilinéaire associée a n est pas coercive, on pourra supposer que est la boule ouverte de centre et de rayon 1, et considérer les fonctions f n (x) = n d/2 χ(nx), où χ est une fonction fixée de D(). 1.3.4 Orthogonal d un sous-espace Définition 1.27. Soit V un espace de Hilbert, et W V un sous-espace vectoriel. On note W = {v V ; w W, v, w = }. Lemme 1.28. Soit V un espace de Hilbert, et W V un sous-espace vectoriel. Alors W est un sous-espace vectoriel fermé de V. Démonstration. Soit (v n ) n 1 une suite d éléments de W qui converge vers v V. Pour tout w W, et tout n 1, on a v n, w =. En passant à la limite, on obtient donc v, w = et par conséquent v W. Lemme 1.29. Soit V un espace de Hilbert, et W V un sous-espace vectoriel. Alors ( W ) = W. Démonstration. Par définition, ( W ) = { v V ; w W, v, w = }. On a immédiatement que W ( W ). D après le lemme 1.28, ( W ) est fermé, donc W ( W ). Soit maintenant x ( W ). Comme W est fermé, on peut appliquer le théorème de projection orthogonale de V sur W et décomposer x selon x = P W x + y, (1.7) avec y (W), et donc y, P W x =. On a aussi y W, et comme x ( W ), ceci implique x, y =. Donc = x, y P W x, y = x P W x, y = y, y, ce qui conduit à y =. La relation (1.7) implique alors que x W. On a donc montré que ( W ) W, ce qui termine la preuve. 1.3.5 Application adjointe On introduit maintenant une notion qui généralise à la dimension infinie la notion de matrice transposée.

8 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE Théorème-Définition 1.3. Soit V un espace de Hilbert, et soit A une application linéaire continue de V dans V. Il existe une unique application linéaire continue A de V dans V, dite adjointe de A, telle que x, y V, Ax, y = x, A y. Démonstration. Soit y V : on considère l application L(x) = Ax, y. Comme A est une application linéaire continue, on voit que L est une forme linéaire continue. D après le théorème de Riesz 1.18, il existe un unique z V tel que L(x) = z, x. On définit alors l application A de V dans V qui associe à chaque y le z correspondant. Cette application est bien linéaire continue. Par définition de A y, on a L(x) = Ax, y = A y, x. Définition 1.31. Soit V un espace de Hilbert, et soit A une application linéaire continue de V dans V. On dit que A est auto-adjointe si elle coïncide avec son adjointe, c est-à-dire que A = A. Remarque 1.32. En dimension finie, les applications linéaires auto-adjointes s identifient aux matrices symétriques. 1.4 Espaces de Sobolev Les espaces de Sobolev jouent un rôle central dans l étude des équations aux dérivées partielles. 1.4.1 Définitions principales Soit un ouvert de R d. On rappelle que, pour tout p 1, l ensemble L p () est l ensemble des fonctions dont la puissance p-ième est intégrable sur. On rappelle qu un multi-indice α = (α 1,...,α d ) est un élément de N d. Sa longueur est α = d i=1 α i et on adopte la notation suivante : pour toute distribution u D (), α u = α u α 1 x 1... α d x d = α1+...+αd u α 1 x 1... α d x d. Définition 1.33. Pour k 1, l espace de Sobolev H k () est l ensemble des fonctions f L 2 () telles que les dérivées de f au sens des distributions, jusqu à l ordre k, s identifient à des fonctions de L 2 (). Autrement dit, H k () = { f L 2 () telles que α N d, α k, α f L 2 () }. Comme l espace L 2 (), les espaces H k () sont des espaces de Hilbert.

1.4. ESPACES DE SOBOLEV 9 Théorème 1.34. Muni du produit scalaire (f, g) H k = f(x) g(x) dx + 1 α k α f(x) α g(x) dx, l espace H k () est un espace de Hilbert. Sa norme est notée H k (). On rappelle maintenant un théorème de densité de l ensemble des fonctions test. Théorème 1.35. Pour tout ouvert de R d, l ensemble D() est dense dans L 2 () pour la norme L 2 (). De plus, pour tout k 1, l ensemble D(R d ) est dense dans H k (R d ) pour la norme H k (R d ). Pour tout k 1, si R d avec R d, alors D() n est pas dense dans H k (). Définition 1.36. Pour k 1, on définit H k () comme la fermeture de D() dans H k () (pour la norme de H k ()). On donne maintenant un résultat propre à la dimension 1. Théorème 1.37. Soit I un intervalle de R et u H 1 (I). Alors u s identifie à une fonction continue et, pour tout x et y dans I, u(x) u(y) = x y u (s)ds. On souligne que ce théorème est faux en dimension plus grande. Démonstration. On esquisse ici la preuve, dont les détails sont laissés au lecteur. Soit x I fixé. Pour u H 1 (I), on définit w(x) = x x u (s)ds. Grâce à l inégalité de Cauchy-Schwarz, cette définition a bien un sens, et on montre que w est une fonction continue sur I. On calcule ensuite la dérivée de w au sens des distributions, en utilisant le théorème de Fubini. On montre ainsi que w = u dans D (I). Par conséquent, w u est une constante, et u s identifie donc bien à une fonction continue. 1.4.2 Trace Pour une fonction définie dans un ouvert, on souhaite définir sa valeur au bord de. Pour les fonctions u L 2 (), cette notion n a pas de sens. Par contre, si u est plus régulière, alors on peut définir rigoureusement cette notion.

1 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE Proposition 1.38. Soit un ouvert borné et régulier. On peut définir une application linéaire et continue γ : H 1 () L 2 ( ) u γ(u), et qui prolonge l application trace pour les fonctions continues sur : pour tout u H 1 () C (), γ(u) = u. L application trace est continue de H 1 () dans L 2 ( ), ce qui signifie qu il existe une constante C telle que u H 1 (), γ(u) L 2 ( ) C u H 1 (). (1.8) Remarque 1.39. L application trace n est pas surjective sur L 2 ( ), mais sur un espace plus petit, qui est H 1/2 ( ). Elle est en fait continue de H 1 () vers H 1/2 ( ), si bien qu il existe C tel que u H 1 (), γ(u) H 1/2 ( ) C u H 1 (). Enfin, pour tout u H 1/2 ( ), on a u L 2 ( ) u H 1/2 ( ). L espace H 1 (), défini comme la fermeture dans H 1 () de D(), s identifie à l espace des fonctions à trace nulle : Proposition 1.4. Soit un ouvert de R d. On a 1.4.3 Inégalité de Poincaré On rappelle la notation suivante : H 1 () = { u H 1 (), γ(u) = }. Définition 1.41. Soit un ouvert de R d. Pour une fonction u à valeur vectorielle u = (u 1,..., u d ) L 2 () d, on note u L 2 () = d u i 2 L 2 (). Proposition 1.42 (Inégalité de Poincaré). Soit un ouvert borné de R d. Alors il existe une constante C telle que i=1 u H 1 (), u L 2 () C u L 2 (). (1.9) Démonstration. Cette inégalité est démontrée dans le cours d Analyse [7]. L exercice 1.68 en propose une autre démonstration. L exercice 2.2 donne une caractérisation de la meilleure constante C en terme de valeur propre du laplacien.

1.5. CONVERGENCE FAIBLE 11 1.4.4 Injections de Sobolev On considère une fonction u H 1 (). Bien sûr, u L 2 (). On peut se demander si u n est pas plus régulière que ceci, du fait que u soit dans L 2 (). Le théorème suivant répond à cette question. Théorème 1.43. Soit un ouvert régulier de R d, et soit k un entier. On a les injections continues suivantes : si d > 2k, alors H k () L p () avec 1/p = 1/2 k/d. si d = 2k, alors H k () L q () pour tout q [2, + [. si d < 2k, alors H k () C (). On rappelle maintenant l inégalité de Hölder. Lemme 1.44 (Inégalité de Hölder). Soient p et q deux réels compris (au sens large) entre 1 et +, avec 1/p+1/q = 1. Soient f L p () et g L q (). Alors le produit f g est dans L 1 () et f g L 1 () f L p () g L q (). On déduit de cette inégalité (le faire en exercice!) le résultat suivant : Lemme 1.45. Soient p et q deux réels compris (au sens large) entre 1 et +, avec p < q. Soit f L p () L q (). Alors, pour tout r [p, q], on a f L r (), avec où α est tel que 1/r = α/p + (1 α)/q. f L r () f α L p () f 1 α L q (), Ainsi, soit un ouvert régulier de R d, et soit k un entier, avec par exemple d > 2k. On a vu que H k () L p () avec 1/p = 1/2 k/d. De plus, H k () L 2 (). Donc H k () L r () pour tout r [2, p ]. 1.5 Convergence faible On rappelle qu une suite d éléments (u n ) n d un espace de Hilbert V converge vers u V si lim n u n u =. On introduit ici une notion de convergence plus faible, la convergence faible. Pour éviter les confusions, on parlera alors de convergence forte pour la convergence usuelle. Avant d introduire cette nouvelle notion, on définit la limite inférieure d une suite de réels. Définition 1.46. Soit u n une suite de réels. On définit sa limite inférieure par ( ) lim inf u n = lim inf u k. n k n

12 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE La suite I n = inf k n u k est une suite croissante de réels, qui admet donc bien une limite (éventuellement infinie). Le lemme suivant montre que la notion de limite inférieure généralise la notion de limite. Lemme 1.47. Soit u n une suite de réels qui converge vers λ. Alors λ = lim inf u n. Dans le cas d une suite quelconque, on a le résultat suivant : Lemme 1.48. Soit u n une suite de réels, et soit λ = lim inf u n. On peut extraire de u n une sous-suite qui converge vers λ. Démonstration. On suppose λ R (le cas λ = + se traite de la même façon). On pose I n = inf k n u k : par définition, λ = lim n I n. Soit ε > et N >. Il existe n > N tel que λ I n λ ε. De plus, il existe k n tel que ε + inf k n u k u k inf k n u k. Donc on a ε + λ u k λ ε, ce qui conclut la preuve. On introduit maintenant la notion de convergence faible. Définition 1.49. Soit V un espace de Hilbert. On dit qu une suite u n de V converge faiblement vers u dans V si u V et w V, lim u n, w = u, w. n + On note u n u. Si V est de dimension finie, alors la convergence au sens faible est équivalente à la convergence au sens fort. En dimension infinie, les deux notions sont différentes. Théorème 1.5. Soit u n une suite de V. si u n converge fortement vers u dans V, alors u n converge faiblement vers u dans V ; si u n converge faiblement vers u dans V, alors la suite u n est bornée dans V et u lim inf n u n. Si u n converge vers u faiblement et w n converge vers w fortement, alors on a lim n u n, w n = u, w. Démonstration. La preuve de la première et de la troisième affirmation sont laissées au lecteur (utiliser l inégalité de Cauchy-Schwarz). La seconde affirmation est plus difficile à démontrer, et sera ici admise. L intérêt de la convergence faible réside dans la proposition suivante, que nous admettrons. Proposition 1.51. Soit V un espace de Hilbert. La boule unité de V est faiblement compacte : de toute suite bornée de V, on peut extraire une sous-suite qui converge faiblement dans V.

1.5. CONVERGENCE FAIBLE 13 Dans un espace de Hilbert, pour montrer qu une suite converge faiblement (à extraction près), il suffit donc de montrer qu elle est bornée. La définition d ensemble fermé pour la topologie faible est naturelle : Définition 1.52. Soit V un espace de Hilbert, et C un sous-ensemble de V. On dit que C est faiblement fermé si, pour toute suite d éléments (u n ) n de C qui converge faiblement vers u dans V, on a u C. Comme la convergence forte implique la convergence faible, un ensemble faiblement fermé (i.e. fermé pour la topologie faible) est fortement fermé (i.e. fermé pour la topologie forte). La réciproque est fausse, sauf si l ensemble est convexe, comme le montre le résultat suivant : Proposition 1.53. Soit V un espace de Hilbert, et C un sous-ensemble de V qui soit convexe et fortement fermé. Alors C est faiblement fermé. Démonstration. Soit u n est une suite de points de C qui converge faiblement vers u V. Comme C est convexe et fortement fermé dans V, on peut considérer la projection de V sur C, qu on note P C. D après le théorème 1.17, on a w C, u P C u, w P C u. On écrit cette inégalité avec w = u n et on passe à la limite n + en utilisant la convergence faible de u n vers u. Donc u P C u, u P C u, ce qui implique que u = P C u et donc u C. Proposition 1.54. Soit V un espace de Hilbert et J : V R une fonction continue (pour la topologie forte de V ) et convexe sur V. Pour toute suite u n qui converge faiblement dans V vers u, on a J(u) lim inf J(u n ). Démonstration. Pour tout λ R, l ensemble C(λ) = {u V ; J(u) λ} est convexe, car J est convexe. Comme J est continue, cet ensemble est fortement fermé. On utilise la proposition 1.53 : C(λ) est faiblement fermé. Soit λ = lim inf J(u n ). Le lemme 1.48 donne l existence d une sous-suite extraite u ϕ(n) telle que lim n J(u ϕ(n) ) = λ. Par conséquent, pour tout ε >, et pour tout n n (ε), on a J(u ϕ(n) ) ε + λ, et donc u ϕ(n) C(ε + λ ). Par ailleurs, la suite u ϕ(n) converge faiblement vers u. Donc u C(ε +λ ), soit J(u) ε +λ, et ce pour tout ε. Donc J(u) λ, ce qui conclut la preuve. On a donc vu que les notions de topologie faible et de convexité sont reliées. En guise d application de ces notions aux espaces de Sobolev, nous donnons la proposition suivante :

14 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE Proposition 1.55. De toute suite bornée de H 1 (), on peut extraire une-suite qui converge faiblement vers u dans H 1 (). De plus, u H(). 1 Démonstration. La proposition 1.51 donne l existence d une sous-suite qui converge faiblement vers u dans H 1 (). L espace H 1 () est fermé dans H1 () et convexe, donc il est faiblement fermé en vertu de la proposition 1.53, et donc u H 1 (). 1.6 Opérateurs compacts Définition 1.56. Soient V et W deux espaces de Hilbert, et soit A une application linéaire continue de V dans W. On dit que A est compacte si l image par A de la boule unité de V est relativement compacte. On note K(V, W) l ensemble des applications compactes de V dans W et K(V ) = K(V, V ). Autrement dit, l image d un ensemble borné de V par l application A est un ensemble de W qui est relativement compact. Théorème 1.57. L ensemble K(V, W) est un sous-espace vectoriel fermé de L(V, W), pour la norme L(V,W). Démonstration. Cf. le cours d Analyse en fréquences [6], ou bien [5, Théorème VI.1 p. 89]. Exercice 1.58. Soit V un espace de Hilbert de dimension infinie. Montrer que l application identité sur V n est pas compacte. Proposition 1.59. Soient U, V et W trois espaces de Hilbert, et soit T 1 L(U, V ) et T 2 L(V, W). Si T 1 est compacte, ou bien si T 2 est compacte, alors l application T 2 T 1 est compacte. Démonstration. On suppose que T 1 L(U, V ) et T 2 K(V, W). Comme T 1 est continue, l image par T 1 de la boule unité de U, qu on note T 1 (B U ), est bornée. Comme T 2 est linéaire compacte, l image par T 2 d un ensemble borné est relativement compacte dans W. Donc T 2 T 1 (B U ) est relativement compacte dans W, et T 2 T 1 est une application compacte. Supposons maintenant que T 1 K(U, V ) et T 2 L(V, W). Soit w n = T 2 T 1 (u n ) une suite d éléments de T 2 T 1 (B U ), avec u n B U. On pose v n = T 1 (u n ) V. Comme T 1 est compacte, on peut extraire de v n une sous-suite convergente dans V, qu on note v ϕ(n), avec lim n v ϕ(n) = v. Par conséquent, comme T 2 est continue, on a lim w ϕ(n) = lim T 2 (v ϕ(n) ) = T 2 (v). n n On peut donc extraire de toute suite de T 2 T 1 (B U ) une sous-suite convergente : donc T 2 T 1 est une application compacte.

1.6. OPÉRATEURS COMPACTS 15 Exercice 1.6. Soit V un espace de Hilbert de dimension infinie. Déduire du théorème 1.1 et de la proposition 1.59 que, si A K(V ), alors A n est pas bijectif. Exercice 1.61. Soit un ouvert de R d, et soit V = L 2 () et K(x, y) L 2 ( ). Soit u L 2 (). Montrer que la fonction v(x) = K(x, y)u(y) dy est dans L 2 (). On considère l application 1 A : L 2 () L 2 () u (Au)(x) = K(x, y)u(y) dy. Montrer que A est une application compacte de L 2 (). On pourra utiliser le fait que, de toute suite bornée de L 2 (), on peut extraire une sous-suite qui converge faiblement dans L 2 () (cf. le théorème 1.51). Exercice 1.62. Soit u = (u i ) i N R N une suite à valeur réelle. On considère l ensemble l 2 = {u R N ; i u2 i < + } des suites de carré sommable, qu on munit du produit scalaire u, v = i u iv i. Soit (a i ) i une suite de réels bornés : a i C < + pour tout i. On définit l application linéaire A sur l 2 par Au = (a i u i ) i. Montrer que Au l 2 et que A est continue. Montrer que A est compacte si et seulement si lim i + a i = (indication : pour montrer que lim i + a i = implique A est compacte, on pourra utiliser un principe d extraction diagonale). Proposition 1.63. Soit A K(V ). Alors Ker (Id A) est de dimension finie. Démonstration. Soit E 1 = Ker (Id A). Montrons que la boule unité fermée de E 1 est compacte. Soit v Ker (Id A) avec v 1 : on a donc v = Av, donc v A(B V ), et ainsi B E1 A(B V ). Comme A est compacte, A(B V ) est relativement compacte, et donc B E1 est relativement compact. Comme B E1 est fermée, on a donc que B E1 est compacte. En application de la proposition 1.14, on a donc que E 1 est de dimension finie. Définition 1.64. Soient V et H deux espaces de Hilbert avec V H. On note respectivement, V et, H leur produit scalaire. On dit que l injection V H est compacte si l application I : V H u u est continue et compacte, autrement dit : il existe C tel que, pour tout u V, on a u H C u V ; 1 Une telle application s appelle un opérateur de Hilbert-Schmidt sur L 2 ().

16 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE de toute suite bornée de V (pour la norme V ), on peut extraire une soussuite convergente dans H (pour la norme H ). On énonce maintenant un résultat d analyse fonctionnelle très important. Théorème 1.65 (de Rellich-Kondrachov). Soit ouvert régulier borné de R d. On a les injections compactes : si d > 2, alors H 1 () L q () pour tout q [1, p [, avec 1/p = 1/2 1/d. si d = 2, alors H 1 () L q () pour tout q [1, + [. si d = 1, alors H 1 () C (). On en déduit en particulier le résultat suivant. Corollaire 1.66. Soit un ouvert régulier borné de R d. Alors l injection H 1 () L 2 () est compacte. Donc, si est un ouvert régulier borné, alors, de toute suite bornée de H 1 (), on peut extraire une sous-suite convergente dans L 2 (). Démonstration. Si d 2, le résultat découle directement du théorème de Rellich. On se place maintenant en dimension 1, et on suppose, pour simplifier la preuve, que est un intervalle. Soit u n une suite bornée de H 1 (). Alors on peut extraire une sous-suite u ϕ(n) qui converge vers u C () au sens de la norme de C () : lim sup u ϕ(n) (t) u(t) =. n t Par conséquent, la suite de fonctions u ϕ(n) (t) converge presque partout vers u(t) pour t. Par ailleurs, avec le théorème 1.37, on a, pour tout x et y dans, x > y : x u n (x) u n (y) = u n (s)ds y x y u n (s) ds x x ds u n(s) 2 ds y u n H 1 () x y. Soit C tel que u n H 1 () C pour tout n, et soit y. Pour tout x, on a u n (x) u n (y ) C x y et par conséquent, x, n, u n (x) u n (y ) + C x y. Comme est borné et que u ϕ(n) (y ) converge, on voit donc qu il existe une constante M telle que, pour tout x et tout n, on a u ϕ(n) (x) M. On peut donc appliquer le théorème de convergence dominée, ce qui montre que u ϕ(n) converge dans L 2 () vers u. y

1.7. PROBLÈME DE L ÉLASTICITÉ LINÉARISÉE 17 Corollaire 1.67. Soit un ouvert régulier borné de R d. Soit u n une suite bornée de H 1 (). On peut extraire de la suite u n une sous-suite qui converge faiblement vers u dans H 1 () et qui converge fortement vers u dans L 2 (). Démonstration. Grâce aux théorèmes 1.51 et 1.66, on peut extraire de u n une soussuite u ϕ(n) qui converge faiblement vers u dans H 1 () et fortement vers v dans L 2 (). Il reste à montrer que u = v. Soit ψ L 2 () : en applicant le théorème de Lax-Milgram, on montre qu il existe une unique fonction ϕ H 1 () tel que w H 1 (), ϕ w + ϕw = ψw. On a donc ( ) lim ψu ϕ(n) = lim ϕ u ϕ(n) + ϕu ϕ(n) n n = ϕ u + ϕu = ψu. Donc u ϕ(n) converge faiblement dans L 2 () vers u. Comme u converge fortement dans L 2 () vers v, on a u = v. Exercice 1.68. En utilisant le corollaire ci-dessus, démontrer l inégalité de Poincaré (1.9) par un raisonnement par l absurde. 1.7 Problème de l élasticité linéarisée Dans le cours de première année, on a étudié l équation de Poisson u = f (avec u H 1 () par exemple). Cette équation modélise par exemple le déplacement vertical d une membrane soumise à des forces verticales f(x) et dont les bords sont maintenus fixes (d où la condition aux limites u = sur ). L équation de Poisson intervient aussi dans d autres domaines, comme l électrostatique (u représente alors un potentiel électrostatique), la thermique (u est alors la température locale dans un solide),... Nous nous intéressons dans cette section au problème de l élasticité linéaire, qui est le modèle le plus simple apparaissant en mécanique des solides déformables. Une différence essentielle avec l équation de Poisson est que l inconnue est une fonction à valeur dans R d, et non pas à valeur scalaire comme dans l équation de Poisson. Commençons par décrire plus précisément le modèle de l élasticité linéarisée.

18 CHAPITRE 1. RAPPELS ET COMPLÉMENTS D ANALYSE 1.7.1 Le modèle En mécanique, l inconnue est le déplacement u(x) R d d un point matériel situé en x dans la configuration de référence. Soit donc un ouvert de R d et u une fonction définie sur et à valeur dans R d. Une quantité importante est le tenseur des déformations, noté e(u) et défini par e(u) = 1 2 ( u + ( u) t ). (1.1) Donc e(u) est une matrice symétrique de taille d d dont les coefficients sont e ij (u) = 1 ( ui + u ) j. (1.11) 2 x j x i On s intéresse à un solide déformable, et on fait l hypothèse que les déplacements u et les déformations e(u) sont petits. Cette hypothèse permet de linéariser les équations générales décrivant un solide élastique. On s intéresse de plus ici aux équations stationnaires, c est-à-dire indépendantes du temps, et qui décrivent l équilibre d un solide (leurs versions instationnaires, qui décrivent au contraire la dynamique du solide, seront étudiées plus loin, au chapitre 5). En plus du tenseur des déformations, la modélisation fait intervenir le tenseur des contraintes σ. Comme e(u), le tenseur σ est une fonction de à valeur dans R d d. Le tenseur des contraintes est relié au tenseur des déformations par la loi constitutive du matériau, qui est ici linéaire. On s intéresse à des matériaux homogènes et isotropes, si bien que cette relation s écrit σ(u) = 2µe(u) + λ(tr e(u)) Id, (1.12) où λ et µ sont les coefficients de Lamé du matériau, qui varient d un matériau à un autre, et où Id est la matrice identité de R d d. La relation (1.12) s appelle loi de Hooke. Pour des raisons thermodynamiques que nous ne détaillons pas ici, les coefficients de Lamé vérifient µ > et 2µ + dλ >, (1.13) où d est la dimension de l espace dans lequel on travaille (en général, d = 3). Le tenseur e(u) étant symétrique, le tenseur σ(u) l est aussi. On définit la divergence d un tenseur symétrique σ comme le vecteur de composante 1 i d, (div σ) i = d j=1 σ ij x j. On montre en mécanique que la relation d équilibre pour un solide déformable soumis à des forces de volume f (fonction de dans R d ) s écrit div σ(u) = f. (1.14)

1.7. PROBLÈME DE L ÉLASTICITÉ LINÉARISÉE 19 Nous préciserons le sens mathématique de (1.14) à la section 1.7.3 ci-dessous. Compte tenu de la loi de Hooke (1.12), on s intéresse donc à l équation aux dérivées partielles (d inconnue u) div [2µe(u) + λ(tr e(u)) Id] = f. On décrit enfin les conditions aux limites. Très souvent, la frontière du solide peut être divisée en deux parties, = D N avec D N =, telles que sur D, on impose le déplacement. Par exemple, le solide est encastré, et on impose donc u = sur D. sur le reste de la frontière N, on impose des forces de surface. Ces forces peuvent être nulles, ce qui correspond à un bord libre. Mathématiquement, cette condition aux limites s écrit σ n = g, où n est le vecteur normal (sortant) au domaine, et g est la force surfacique imposée. En détaillant par composante, on a donc x N, 1 i d, d σ ij (x)n j (x) = g i (x). j=1 Le cas où N = est plus simple mathématiquement, mais moins réaliste du point de vue physique. Il est en effet rare d imposer le déplacement sur l ensemble de la frontière du solide. On introduit ici quelques notations utiles pour la suite. On rappelle déjà la définition (1.41) : pour une fonction à valeur vectorielle u = (u 1,...,u d ) L 2 () d, où un ouvert de R d, on note u L 2 () = d u i 2 L 2 (). Définition 1.69. Pour une fonction u à valeur matricielle u = (u ij ) 1 i,j d L 2 () d d, on note u L 2 () = d d u ij 2 L 2 (). On rappelle aussi le produit scalaire pour les matrices d d : i=1 i=1 j=1 Définition 1.7. Soit A R d d et B R d d. On note A B = d d A ij B ij i=1 j=1 le produit scalaire des deux matrices A et B.