Chapitre 1 Introduction PLAN I La définition usuelle du tourisme II L apport de la littérature à cette définition III La définition du tourisme donnée par l Organisation mondiale du tourisme IV Le tourisme définit par le groupe de travail : «mobilité, itinéraire, tourisme» V L intérêt d une définition large 1 Approche conceptuelle du tourisme. Sur le terrain du droit, l approche scientifique du tourisme a été lente et complexe puisqu il s agit par essence d une matière pluridisciplinaire 1. Le tourisme, parce qu il implique le déplacement des personnes hors de leurs lieux de résidence, la consommation de biens et tant d autres choses, touche plusieurs spécialités du droit : le droit public (notamment la liberté d aller et venir, la police administrative), le droit civil (le droit des contrats, le droit de la responsabilité civile et pénale), et enfin le droit du travail (le statut des travailleurs saisonniers, etc.) si bien que certains 2 ont considéré qu il ne formait pas un bloc cohérent nécessitant la création d un droit spécifique. Si François Servoin 3 s était engagé vers la théorie de l autonomie de ce droit et précisait dans son ouvrage : «le droit du tourisme est, dans ce sens, à dégager comme on dégage les monuments enfouis. Et en fin de compte, apparaissent bien des principes cohérents», Pierre Py réfutera cette thèse 4. Pour ce dernier, l existence d un droit autonome paraît devoir être rejetée car le tourisme est une activité régie par différents corps de règles juridiques de droit public ou de droit privé auxquels il emprunte leurs techniques juridiques propres. Au sens où l entendent de nombreux auteurs, il est effectivement difficile de le considérer comme tel 5. Dès lors, pour se forger une opinion, il faut s interroger sur la question de ce que pourrait être le droit du tourisme : un droit lié aux activités touristiques? Définir le tourisme est ainsi un préalable indispensable à la suite de nos développements. (1) PY (P.), Le droit du tourisme, Dalloz, 5 e éd., 2002. (2) LACHIÈZE (C.) et MARKUS (J-P.), «Dix ans de tourisme», Juristourisme, nº 102, octobre 2008. (3) SERVOIN (F.), Institutions touristiques et droit du tourisme, Masson, 1981, p. 12. (4) PY (P.), Le droit du tourisme, Dalloz, 5 e éd., 2002, p. 6. (5) FRIER (P.-L.) et PETIT (J.), Précis de Droit administratif, coll. «Précis Domat», 6 e éd., Montchrestien.
LE DROIT DU TOURISME I - La définition usuelle du tourisme 2 Définition. Le tourisme est défini comme : «le fait de quitter son domicile, pour des raisons personnelles, pour une durée supérieure à 24 heures et qui implique la consommation d une nuitée auprès d un hôtelier et éventuellement la réservation de titres de transport». Initialement rattaché uniquement aux loisirs et à la santé, le tourisme englobe désormais également l ensemble des activités économiques auxquelles la personne fait appel lors d un déplacement inhabituel (transports, hôtels, restaurants, etc.). Il peut s agir par exemple, d un voyage d affaires (on utilise alors le terme de «tourisme d affaires») ou d un pèlerinage religieux (on utilise ici le terme de «tourisme culturel»). On peut également se faire soigner dans un autre pays que celui dans lequel on réside, le terme de «tourisme médical» est alors employé. Pratiquer le tourisme permet en outre de marquer des pauses dans un emploi du temps utilitaire imposé par la nécessité de gagner sa vie. Le touriste s intéresse à la culture ou aux paysages qu il découvre. Cette pratique a été longtemps l apanage des gens fortunés qui pouvaient se permettre de voyager pour voir des constructions remarquables, des œuvres d art ou bien goûter d autres cuisines. Puis, le tourisme a donné naissance à une véritable industrie lorsque les classes moyennes ont pu commencer à voyager. C est l amélioration générale du niveau de vie qui a permis aux gens de se consacrer davantage à leurs loisirs, et notamment au tourisme, sans oublier les progrès considérables en matière de transports (transport maritime, ferroviaire mais surtout aérien) 6. Cette définition a le mérite de faire apparaître le caractère hétérogène du tourisme. En effet, la production et la consommation touristique résultent d un ensemble d éléments dont aucun n est exclusivement touristique. Dès lors, il est très difficile d identifier la part du tourisme dans les activités du transport, de l hébergement, de l alimentation, des loisirs etc. II-L apport de la littérature à cette définition 3 Sources littéraires. La littérature a été l un des moyens permettant de raconter les voyages. Stendhal introduit le terme de tourisme dans la littérature en 1838 dans son ouvrage sur «les Mémoires d un touriste 7». Mais le mot est d abord perçu comme un néologisme et reste peu employé. Prosper Mérimée l utilise également en 1835 en publiant les «Notes de voyage dans le Midi de la France 8». Par ailleurs, le Littré, dans son édition de 1863-1872, donne une définition surprenante des touristes : «voyageurs qui ne parcourent les pays étrangers que par curiosité et par désœuvrement, qui font une espèce de tournée dans les pays habituellement visités par leurs compatriotes. Se dit surtout des voyageurs anglais en France, en Suisse et en Italie». (6) www.wikipedia.org/wiki/tourisme (7) STENDHAL (M.-H.), Mémoires d un touriste, Michel Lévy Frères éditeurs, 1854. (8) MÉRIMÉE (P.), Notes d un voyage dans le midi de la France, Fournier, 1835. 10
Chapitre 1 Introduction Cette définition explique pour partie la légèreté avec laquelle on a si longtemps traité le secteur du tourisme : il est destiné à occuper les personnes désœuvrées! Ainsi, la littérature a permis de développer l envie de voyager mais n a pas beaucoup contribué à donner une définition sérieuse de ce secteur. Mais une autre définition plus scientifique existe. III - La définition du tourisme donnée par l Organisation mondiale du tourisme 4 Définition technique 9. L organisation mondiale du tourisme (OMT) définit le tourisme comme : «les activités déployées par les personnes au cours de leurs voyages et de leurs séjours dans les lieux situés en dehors de leur environnement habituel pour une période consécutive qui ne dépasse pas une année à des fins de loisirs, pour affaires et autres motifs». Le terme «activités» doit être compris ici au sens général d occupations individuelles. Tous les voyageurs intéressant le tourisme sont appelés visiteurs. On distingue deux catégories de visiteurs : les touristes, qui passent au moins une nuit (et moins d un an) hors de leur environnement habituel, et les excursionnistes, qui ne passent pas de nuit hors de leur environnement habituel. Par convention on considère que : les déplacements quotidiens domicile-travail et domicile-étude font partie de l environnement habituel ; les déplacements vers une résidence secondaire sont toujours réalisés hors de l environnement habituel. 5 Environnement habituel. Cette notion fait intervenir plusieurs critères : la durée du déplacement ; la distance entre le domicile et la destination ; la fréquence de réalisation du déplacement. La prise en compte de l ensemble des critères est variable d un pays à l autre, en particulier en fonction de la superficie. Aussi il ne peut y avoir une définition unique de l environnement habituel. 6 Application de cette définition à la France. Pour des raisons pratiques, le système d observation statistique français du tourisme retient les critères suivants : un touriste est un visiteur qui passe au moins une nuit (et moins d un an) hors de son domicile ; un excursionniste est un visiteur qui réalise un aller-retour à la journée à plus de 100 kilomètres de son domicile. Les allers-retours à la journée transfrontaliers sont également comptés, quelle que soit leur distance (sauf les allers-retours pour le travail et les études qui sont exclus du champ du tourisme). Un voyage fait référence à la période comprise entre le départ et le retour au domicile. Chaque voyage peut comprendre un ou plusieurs séjours, un séjour étant défini comme un lieu où le voyageur a passé au moins une nuit. (9) Organisation Mondiale du Tourisme et Mémento du tourisme 2010, DGCIS. 11
LE DROIT DU TOURISME La durée totale et la durée moyenne du voyage sont comptabilisées en nuitées. On distingue les voyages (respectivement séjours) de courte durée (trois nuitées au plus) et les voyages (respectivement séjours) de longue durée (au moins quatre nuitées). Source : Mémento du tourisme 2010. Parmi les motifs de déplacements du visiteur, on distingue : 1 les loisirs, détente et vacances ; 2 les visites à des parents et amis ; 3 la santé (thermalisme, thalassothérapie...) ; 4 les affaires et motifs professionnels ; 5 les missions ou réunions diverses ; 6 les autres (pèlerinages, manifestations sportives, voyages scolaires...). Source : Mémento du tourisme 2010. 7 Tourisme international. Les notions de visiteurs, touristes et excursionnistes s appliquent en particulier aux voyageurs internationaux, c est-à-dire aux voyageurs dont le pays de résidence est différent du pays visité. 12
Chapitre 1 Introduction Si on s intéresse aux personnes résidentes à l étranger qui sont en visite en France, on définit les notions suivantes : les visiteurs internationaux sont les individus non-résidents (touristes et excursionnistes) en visite en France ; les visiteurs internationaux en transit sont les visiteurs non-résidents qui transitent par la France (deux nuits consécutives au plus) uniquement dans le but de se rendre dans un autre pays ou d en revenir ; les excursionnistes internationaux sont les visiteurs non-résidents qui ne passent pas de nuit en France ; les touristes internationaux sont les visiteurs non-résidents passant au moins une nuit (et moins d une année) en France. Il faut dès lors s interroger sur comment réussir à étudier scientifiquement une matière au contenu si variable. IV - Le tourisme définit par le groupe de travail : «mobilité, itinéraire, tourisme» 8 Groupe de travail : «mobilité, itinéraire, tourisme» (MIT). Cette équipe de recherche fondée par le Professeur Rémy Knafou propose une définition qui figure dans le dictionnaire de la géographie et de l espace des sociétés 10. Le tourisme serait un «système d acteurs, de pratiques et d espaces qui participent de la «recréation» des individus par le déplacement et l habiter temporaire hors des lieux du quotidien. Le tourisme n est ni une activité ou une pratique, un acteur ou un espace ou une institution : c est l ensemble mis en système. Les pratiques touristiques sont constituées par : 1. Un déplacement (mais il ne s agit pas d une mobilité contingente à l exercice d une activité, comme dans les déplacements liés au travail ou même aux activités de loisirs : le tourisme est un déplacement, c est-à-dire un changement de place, un changement d habitat) ; 2. Une inscription dans le «hors-quotidien». À la différence de pratiques qui s inscrivent dans le temps et l espace du quotidien, les pratiques touristiques doivent constituer un hors-quotidien, qui suppose l éloignement de l individu de sa demeure et de son espace de vie habituel, lequel varie considérablement d une personne à une autre, en fonction, notamment, des pratiques du groupe social dont ladite personne relève». Cette définition vient s opposer à celle de l organisation mondiale du tourisme, qui pour cette équipe de recherche serait une définition «attrape-tout», un mélange de toutes sortes de mobilités, touristiques et hors touristiques. (10) J. LÉVY et M. LUSSAULT (dir.), Belin, 2003, p. 931-932. 13
LE DROIT DU TOURISME V-L intérêt d une définition large 9 Choix. Face à la complexité de ce débat doctrinal et à la particularité de notre étude, la définition usuelle du tourisme est suffisamment large et commune pour permettre d englober plusieurs domaines qui seront en lien direct avec ce sujet. Ce sera la raison de notre choix : ne pas se limiter aux normes communes. Ce secteur est devenu important en raison de ses incidences sur d autres matières : l économie, les transports, la culture, l agriculture, l industrie, les collectivités territoriales, les affaires étrangères, l éducation nationale, etc. Mais ce sont surtout des raisons d opportunité économique qui expliquent qu il est devenu un sujet de recherches juridiques : le tourisme est l un des rares produits qui ne peut pas être délocalisé, ce qui constitue un atout majeur pour l économie des États à l heure de la mondialisation. La densité de son contenu illustre tous les liens possibles avec les différents domaines du droit. 14