I. Sources du droit espagnol des successions internationales. -Droit international (conventions internationales en vigueur):



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Transcription:

LES SUCCESSIONS INTERNATIONALES RAPPORT NATIONAL ESPAGNE Dr. Rafael Arenas García (Universitat Autònoma de Barcelona) Dr. Josep Maria de Dios Marcer (Universitat Autònoma de Barcelona) I. Sources du droit espagnol des successions internationales -Droit interne: Article 9.8 du Code Civil en ce qui concerne la règle de conflit sur la loi applicable à la succession Article 11 du Code Civil sur la loi applicable à la forme des dispositions testamentaires En ce qui concerne la jurisprudence, malgré que en soi même elle n est pas source du droit, la jurisprudence del Tribunal Supremo et des Tribunales Superiores de Justicia des Communautés Autonomes doit être respectée par les tribunaux inferieurs. -Droit international (conventions internationales en vigueur): Convention de La Haye du 5 octobre 1961 sur les conflits des lois en matière de forme des dispositions testamentaires. Convention de Bâle du 16 mai 1972 relative à l établissement d un système d inscription des testaments. L Espagne est partie de nombreuses conventions bilatérales sur la reconnaissance et l exécution des décisions judiciaires et la coopération judiciaire internationale, parmi lesquelles il y en a qui sont applicables à la succession : - Convention entre l Espagne et la Suisse du 10 novembre 1896. - Convention entre l Espagne et Colombie du 30 mai 1908. - Convention entre l Espagne et la France du 28 mai 1969. - Convention entre l Espagne et Italie du 22 mai 1973. - Convention entre l Espagne et l Allemagne du 14 novembre 1983. - Convention entre l Espagne et l Autriche du 17 février 1984. - Convention entre l Espagne et Tchécoslovaquie du 4 du mai 1987 (applicable à les relations de Espagne avec la République Tchèque et avec la Slovaquie). - Convention entre l Espagne et la Chine du 2 de mai 1992. - Convention entre l Espagne et la Bulgarie du 23 mai 1993. - Convention entre l Espagne et l Union de Républiques Socialistes Soviétiques du 26 octobre 1990 (applicable à les relations avec la Fédération Russe). - Convention entre l Espagne et la République Oriental de l Uruguay du 4 novembre 1987. 1

- Convention entre l Espagne et l Algérie du 24 février 2005. - Convention entre l Espagne et la République Islamique du Mauritanie du 12 septembre 2006. II.Conflits de juridictions A/ Compétence juridictionnelle 1. Quels sont les chefs de compétence internationale ordinaire dans votre pays? La compétence judiciaire internationale est prévue à l article 22 de la Ley Orgánica del Poder Judicial. Il faut distinguer entre les critères généraux de compétences (domicile du défendeur en Espagne et prorogation de la compétence en faveur des tribunaux espagnols -22.2-), et les critères spéciaux de compétence, prévus à l article 22.3 de la même loi (dernier domicile du de cujus en Espagne, ou existence de biens immobiliers en Espagne). 2. Des chefs de compétence exorbitants fondés sur la nationalité des héritiers(ou sur un autre critère) existent-ils? Dans l affirmative s appliquent-ils de manière générale ou certaines actions sont-elles soustraites à ces chefs de compétence?. En Espagne il n ya pas des chefs de compétence exorbitants. 3. D autres chefs de compétence sont ils prévus? Urgence, Risque de déni de justice? Dans l affirmative quels en sont les éléments constitutifs? L article 22.5 de la Ley Orgánica del Poder Judicial prévoit aussi la possibilité d adoption de mesures provisoires ou conservatoires sur les biens qui se trouvent en Espagne. 4. Le renvoi de compétence est-il admis? Non. 5. Le fait qu une administration de la succession ait été organisée sur votre territoire constitue-t-il un chef de compétence et quelle en est sa portée? Non. 6. Votre système établit il un lien nécessaire, voire un lien de subordination, entre la compétence juridictionnelle et la compétence législative? Non. 2

B/ Reconnaissance et exécution des jugements et actes étrangers 1. Quels obstacles existent-ils à la reconnaissance des jugements et/ ou actes étrangers en matière successorale? Il faut distinguer entre la reconnaissance des décisions judiciaires et les déclarations d héritiers faites en document public ou autres actes successoraux faites aussi en document public. En ce qui concerne ces derniers, la reconnaissance des déclarations étrangères d héritier, exige uniquement la présentation du document étranger (notarial). A ce propos il sera nécessaire de vérifier en Espagne que l autorité étrangère a vérifié que ceux qui ont été déclarés héritiers en étaient vraiment. D autre part, cette déclaration seulement peut être efficace si les héritiers sont considérés comme tels selon le droit qui aurait régi la succession si une autorité espagnole aurait été compétente (contrôle de la loi applicable). Les autres actes, différents des déclarations d héritier, faits aussi en document public (v.gr. l acceptation héréditaire) peuvent aussi devenir efficaces en Espagne sous les mêmes conditions : équivalence des fonctions entre l autorité étrangère et l autorité espagnole, et contrôle de la loi applicable. En ce qui concerne la reconnaissance des décisions judiciaires étrangères il faut distinguer deux possibilités : la reconnaissance par la voie des conventions bilatérales, et la reconnaissance par la voie du régime général, malgré que les contrôles prévus sont très semblants dans les deux cas. En tout cas il y a toujours un contrôle de compatibilité de la décision étrangère avec l ordre public espagnol. En ce sens, le contrôle verse tant sur le contenu de la décision, que sur les aspects procéduraux. En ce dernier cas il est spécialement important que la notification ait été réalisée personnellement au sujet, parce qu on n accepte pas la validité de la notification au parquet (malgré qu elle soit acceptée dans l Etat de la procédure, et malgré aussi qu elle est normalement prévue dans les procédures qui se déroulent en Espagne). Un autre contrôle qui se réalise en Espagne sur les décisions étrangères est celui de la compétence judiciaire. Dans ce cas il y a trois contrôles : 1) Respect des compétences exclusives espagnoles (dans cette matière, en Espagne, il n y a pas de compétence exclusive) ; 2) Proximité entre le tribunal étranger et l affaire (interdiction des compétences exorbitantes) 3) Contrôle de l abus du droit en l élection du tribunal. Le troisième contrôle verse sur l inexistence d une décision en Espagne incompatible avec la décision étrangère qu on veut reconnaitre, et l inexistence d une procédure en Espagne qui puisse donner comme résultat une décision incompatible avec la décision étrangère. Les contrôles prévues aux conventions internationales bilatérales desquelles l Espagne fait partie sont à peu prés les mêmes que ceux qu on vient de voir. De toute façon il y a quelques nuances qu il faut signaler : 1) dans le contrôle de compétence des tribunaux quelques conventions introduisent un système de liste ; 2) l existence d une procédure en Espagne empêche la reconnaissance seulement quand la procédure étrangère a été commencée plus tard que la procédure espagnole ; 3) il y a des conventions qui introduisent un 3

contrôle sur la loi applicable par le juge étranger. Ce dernier contrôle se traduit par le fait que l autorité espagnole dénie la reconnaissance si le juge étranger a appliqué une loi différente de celle qui aurait appliqué par le juge espagnol s il aurait été compétent. 2. Quelle portée reconnaissez-vous à la reconnaissance et à l exécution des jugements et actes étrangers? En particulier quant à la prise de possession de biens héréditaires et quant à la modification sur les registres fonciers, ou sur d autres points. La déclaration étrangère d héritier a des effets seulement probatoires en Espagne. La prise de possession de biens héréditaires exige, par contre, l acceptation héréditaire. Cette acceptation peut être faite en Espagne, ou devant une autorité étrangère, et dans ce cas elle peut produire des effets en Espagne et être inscrite dans le registre foncier. III. Conflits de lois 1. Détermination de la loi applicable à la succession a) Votre pays suit-il le principe de l unité ou du morcellement de la loi applicable à la succession? Quel est le fondement du principe retenu? Y-a-t-il un lien entre votre droit interne des successions et la solution de principe adoptée en droit international privé? En Espagne coexistent une pluralité de droits civils, chacun desquels a une régulation spécifique et différente en matière successorale (Droit civil de Galicia, Droit civil commun, Droit civil du Pays Basc, Droit Civil de Navarra, Droit civil d Aragon, Droit civil de Catalunya et Droit civil des Islas Baleares). La plupart de ces droits civils maintiennent le principe de l unité de la succession, principe qu est aussi maintenu par la règle de Droit International Privé. b) Quel est le rattachement retenu et quels en sont les éléments constitutifs? Le rattachement retenu est celui de la nationalité du de cujus au moment de la mort, mais la validité des dispositions testamentaires sont régies : a) en ce qui concerne la forme d après les règles de conflit de la Convention de La Haye de 1961, et par l article 11 du Code civil ; b) en ce qui concerne le fond, par la loi de la nationalité de la personne qui fait le testament au moment de le faire. Dans les hypothèses de double nationalité, nous devons distinguer entre les situations de double nationalité prévues dans l ordre juridique espagnol (essentiellement la double nationalité espagnole avec celle d un pays de l Amérique latine), et les doubles nationalités non prévues. Dans les premiers cas, on devra tenir compte de ce qui soit prévu au traité existant entre l Espagne et le pays de l autre nationalité, et en défaut de traité on doit 4

considérer la nationalité coïncidente avec la dernière résidence habituelle, et, en défaut de ce critère, la dernière nationalité acquise. Dans les situations de double nationalité non prévue au droit espagnol, on considère seulement la nationalité espagnole, quand une de ces nationalités est l espagnole. Dans les cas de pluralité de nationalités, quand aucune d elles es l espagnole, on doit appliquer la loi de la résidence habituelle. On applique aussi la loi de la résidence habituelle en relation aux personnes qui n ont pas de nationalité (même pas l espagnole). On doit considérer comme résidence habituelle celle correspondant au lieu ou la personne réside avec une volonté de permanence. Cette considération doit être prise indépendamment des inscriptions administratives ou dans un registre. Il s agit seulement d un concept de fait. c) Mise en œuvre du facteur de rattachement *Qu en est-il si la loi désignée est celle d un système juridique plurilégislatif (ex: Etat fédéral)? *Qu en est-il si la loi désignée est celle d un Etat où la succession relève du statut personnel du défunt? Si la règle de conflit remet à un Etat plurilégislatif, la solution prévue dans l ordre juridique espagnol c est l application de la loi désignée par les règles de solution des conflits internes de cet Etat (art. 12.5 du Code civil). Mais la jurisprudence n utilise pas cet article, et elle résout la détermination du droit applicable dans un Etat plurilégislatif d une façon intuitive ; elle détermine les liens du de cujus avec un des droits dans l Etat plurilégislatif (vid. les décisions de la Cour Suprême (Tribunal Supremo) du 23 octobre 1992 et du 30 avril 2008, vid. J.C. Fernández Rozas/S. Sánchez Lorenzo, Derecho internacional privado, Navarra, Thomson/Civitas, 5ª ed. 2009, p. 140). Jusqu à ce que nous connaissions, il n a jamais été posé le problème de la détermination du droit applicable dans un Etat qui établit des lois différentes selon le statut personnel du défunt. 2. Correctifs pouvant être apportés au rattachement retenu. a) Le principe du renvoi est-il admis? * en matière mobilière comme en matière immobilière? * au premier et au second degré? * en toute hypothèse, ou seulement pour remplir une fonction spécifique (unité de la loi applicable, renvoi in favorem) Le DIPr espagnol accepte seulement le renvoi de premier degré. Dans la pratique il y a eu des cas dans lesquels le de cujus étranger avait des immeubles en Espagne. Il y a d ordres juridiques anglo-saxons qui prévoient des règles différentes pour la succession mobilière et l immobilière. La première est régie par la loi du dernier domicile du défunt et la deuxième par la loi de la situation du bien. Si le défunt avait la nationalité d un de ces systèmes, et il avait des biens immeubles en Espagne, le renvoi de retour (premier degré) c est possible. 5

La jurisprudence espagnole dans cette matière maintient que ce renvoi doit opérer seulement quand il n y a pas de morcellement de la succession. C'est-àdire, il s applique seulement si presque la totalité des biens du défunt sont des biens immeubles placés en Espagne, parce que dans ce cas l acceptation du renvoi ne suppose pas un morcellement de la succession. Par contre, si en Espagne il y a seulement une partie des biens de la succession, malgré qu il s agisse de biens immeubles, dans ce cas on n accepte pas le renvoi, parce qu on ne respecterait pas le principe d unité de la succession (vid. les décisions de la Cour Suprême du 21 mai 1999 et du 23 septembre 2002). b) La volonté du de cujus peut-elle influer sur le facteur de rattachement et dans quelle mesure? *Peut-il choisir la loi applicable à sa succession ( professio juris)? *Ce choix est-il limité à certaines lois? *Ce choix est-il limité par des dispositions de la loi normalement applicable? Que faut-il comprendre le cas échéant par dispositions impératives, mise à part la réserve héréditaire Quelle est l incidence de la nationalité ou du domicile des héritiers? Quelle est l incidence de la volonté des héritiers à l ouverture de la succession? *Peuvent-ils, par exemple, écarter la loi normalement applicable au profit d une autre? *Quelles seraient les modalités concrètes d un tel accord (accord procédural devant un juge, devant un notaire)? *Les héritiers jouissent-ils d une totale liberté ou d une liberté limitée au fond et dans la forme? Le de cujus n a pas le droit d élire la loi applicable à la succession. Mais s il avait accordé testament, sa validité substantielle est régie par la loi nationale de l accordant au moment de le rédiger. En tout cas, il est obligatoire de respecter la réserve héréditaire prévue par la loi nationale du de cujus au moment de sa mort. 3. Effectivité du rattachement retenu a) Comment le principe de l unité est-il sanctionné quand des biens sont situés à l étranger et qu ils sont dévolus en raison du droit étranger de façon différente que ce que prévoit votre droit international privé? * Un prélèvement sur des biens situés dans votre pays est-il possible? * Des aménagements sont-ils apportés au principe de l unité? b) En cas de morcellement de la succession, celui-ci est-il définitif au jour du décès? * La subrogation réelle est-elle admise? Qu en est-il par exemple en cas de vente d un immeuble avant le partage? Qu en est-il si un immeuble appartenant à une masse A est acquis avec des fonds de la masse B soumise à la loi B? * Les fruits et revenus d une masse accroissent-ils à cette masse? 6

* Le morcellement porte-t-il aussi sur le passif et selon quelles modalités? En droit espagnol on ne peut pas méconnaitre le principe d unité de la succession. S il y a une autorité espagnole qui connait de la succession, elle doit appliquer pour tous les biens de la succession le droit national du défunt au moment de la mort, indépendamment d où se trouvent ces biens (avec l exception de l application de la loi national de l accordant au moment de rédiger le testament, et de l application de la loi des effets du mariage, et que nous verrons dans quelques lignes). S il y a des décisions prises par autorités d autres pays, ou procédures ouvertes dans un autre pays, les problèmes qui puissent se produire devront être résolus dans le domaine de la compétence judiciaire internationale, la reconnaissance et l exécutions des décisions étrangères, ou la coopération internationale d autorités. En tout cas, tout ce qu on vient de dire n a aucun effet sur le droit applicable. 4. Domaine de la loi applicable à la succession La loi successorale concerne-t-elle toutes les phases du règlement successoral (dévolution, transmission et gestion de l actif, administration de la succession, partage) ou seulement certaines d entre elles. Lesquelles et pourquoi? La loi qui régit la succession s applique à tous ses aspects, sauf les exceptions que nous avons déjà signalés : validité du testament, et droits du conjoint survivant. La loi personnelle de l héritier régit sa capacité de succession, mais les incapacités spéciales spécifiquement prévues dans la loi qui régit la succession sont régies par celle-ci. A/ Dévolution a) La loi successorale est-elle applicable à toutes les questions qui relèvent de la dévolution : désignation des héritiers, option successorale, représentation, indignité? Oui b) La vocation successorale du conjoint survivant fait-elle l objet de dispositions spécifiques en droit international privé? Comment s effectue l articulation entre le régime matrimonial et la succession s il y a lieu? Une adaptation est-elle possible s il s avère que l articulation de la loi applicable au régime matrimonial et de celle applicable à la succession n accorde pas au conjoint ce que l une ou l autre des lois, appliquée dans son intégralité, lui aurait accordé? Tel qu on disait il y a un instant, les droits successoraux du conjoint survivant ne sont pas régis par la loi successorale. D après l article 9.8 du Code Civil les droits prévus légalement pour le conjoint survivant sont régis 7

par la même loi qui régit les effets du mariage. Cette loi doit respecter en tout cas les réserves héréditaires des descendants, prévues par la loi de la succession. Le problème se pose en ce qui concerne le domaine des «droits prévus par la loi en faveur du conjoint survivant». Le plus raisonnable est d interpréter que ce concept comprend tant les droits du conjoint survivant dans la succession non testamentaire, que les droit de réserve héréditaire en faveur du conjoint survivant (dans les deux cas on doit respecter la réserve héréditaire du descendant de conformité avec la loi nationale du défunt au moment de son décès). De toute façon on a essayé de limiter le domaine de cette rémission a la loi des effets du mariage (Resoluciones de la DGRN de 11 de marzo y de 18 de junio de 2003). L objet de cette régulation spécifique est celui de résoudre les problèmes d adaptation entre le droit de la succession et le droit qui régit les effets du mariage. Ces problèmes pourraient se produire dans le cas que les deux questions étaient régies par des lois différentes. c) La loi successorale régit-elle la liberté testamentaire ou l existence d une réserve au profit de certains héritiers? Dans l affirmative quelle en est la conséquence sur une disposition à cause de mort, un pacte successoral ou une donation entre vifs antérieure dépassant la quotité disponible? Comme on a déjà dit, la validité substantielle des dispositions du testament est régie par la loi nationale du de cujus au moment de faire la disposition. De toute façon il faut respecter les réserves héréditaires prévues par la loi de la succession. Si le testament ne respecte pas ces réserves la loi de la succession détermine les conséquences de cette vulnération. C'est-àdire, cette loi décide si on doit limiter la quotité disposée au testament ou bien s il doit être déclaré nul. La même solution est applicable aux pactes successoraux, et aux donations. d) L éventuelle renonciation anticipée à la réserve héréditaire relève-telle de la loi successorale? Y-aurait-il des limites à son efficacité dans un pays autre que celui de la loi successorale qui la prévoit? La renonciation anticipée à la réserve héréditaire relève de la loi successorale. La question des éventuels limites à son efficacité dans un pays autre que celui de la loi successorale doit être résolue par le système de droit international privé de cet autre pays. e) La loi successorale concerne-t-elle aussi bien l actif que le passif? Oui f) Au regard de l option successorale, quelle est la loi applicable à celleci? Comment sont réglées les difficultés liées à l option et à l obligation aux dettes, si l option se fait masse par masse alors que le passif ne fait pas l objet d un morcellement? 8

Compte tenu que en Espagne il y a le principe de l unité de la succession, malgré que dans quelques hypothèses (rarement) c est possible le morcellement, B/ Administration et Transmission a) Quelle est la loi applicable? La loi applicable est la loi de la succession, mais pour la transmission effective on doit tenir compte de la loi du lieu de situation du bien. b) Les pouvoirs de la personne désignée par la loi successorale étrangère compétente (ci-après dénommée au sens large administrateur étranger) sont-ils reconnus dans votre pays? Oui Selon quelles modalités? Il faut distinguer si la désignation a été faite par une décision judiciaire, ou dans un document public. Sur ceci on fait rémission à ce que nous avons expliqué dans la partie de ce questionnaire relative à l efficacité en Espagne des décisions et documents étrangers. Dans quelles limites? Il n y a pas des limites spécifiques La condition des étrangers peut-elle être une source de complications pour l administrateur étranger? Non. c) Quelle place faite vous à un trust valablement constitué à l étranger et portant sur des biens situés dans votre pays et/ou soumis à la loi interne de votre pays? Une décision de la Cour Suprême espagnole n a pas accepté l efficacité en Espagne d un trust valablement constitué à l étranger, parce qu il s agit d une institution méconnue par l ordre juridique espagnol (Décision de la Cour Suprême (Tribunal Supremo) du 30 d avril du 2008 (Anuario Español de Derecho Internacional Privado, 2008, t. VIII, pp. 1113-1114). De toute façon, et à la pratique, les trusts agissent en Espagne sans problèmes. On doit différencier entre les actions relatives à la vie interne du trust et l activité du trust en Espagne. Cette dernière ne pose pas de problèmes (vid. M. Checa Martínez, Anuario Español de Derecho Internacional Privado, 2008, t. VIII, pp. 1114-1115) ; mais, quand l action est relative à la vie interne du trust, des 9

C/ Partage problèmes peuvent se poser. Ces problèmes sont liés à la question de la qualification du trust et à son adaptation au droit successoral ou au droit espagnol ex lex fori. d) Plus généralement, quelle efficacité est reconnue à des opérations spécifiques susceptibles de remplir une fonction successorale, comme par exemple l assurance vie, voire la tontine? Ces opérations son régies par la loi déterminée par la règle de conflit spécifique pour chaque institution. a) Quelle est la loi applicable au partage? La loi successorale. b) Quelle est la place respective de la loi successorale et de la loi réelle? La loi du lieu du placement du bien (art. 10.1 du Code Civil) détermine si la succession est un titre de transmission du droit réel. Si la réponse est affirmative la succession détermine a qui on transmet le droit réel à cause de la succession. Les exigences de publicité de la transmission doivent être régies par la loi du placement du bien. c) Votre pays admet-il la réalisation d une donation partage internationale, c'est-à-dire comprenant de biens situés dans différents pays. Oui. III. Pour aller plus loin. a) Quelles difficultés majeures rencontrez-vous dans le règlement d une succession internationale? Dans une régulation comme celle-ci il faudrait tenir compte spécialement des aspects concernant la coopération entre autorités nationales (judiciaires et non judiciaires). Cette coopération est très importante pour éviter des décisions contradictoires et claudicantes. Ainsi, il serait intéressant de prévoir une seule autorité principale compétente pour chaque succession. C'est-à-dire explorer les possibilités d appliquer les principes de solution des procédures de faillite à la succession. 10

b) Existent-ils dans votre pays des solutions qui assurent la prise en compte du patrimoine du de cujus dans son ensemble quel que soit le lieu de situation des biens : Soit en parvenant à une unité de compétence législative ou juridictionnelle Soit en coordonnant les différentes masses successorales entre elles par le biais de techniques variées, soit propres au droit international privé, soit par le jeu des règles successorales. Puisqu en Espagne il y a le principe d unité successorale aussi en matière de compétence judiciaire que en droit applicable, on part toujours de la considération de tout l actif et tout le passif de la masse, indépendamment de la loi de situation des biens. c) Voyez- vous des solutions ou des évolutions qui méritent d être portées à la connaissance du rapporteur? Nous pensons qu il faudrait retenir spéciale attention sur les problèmes liés avec l exception d ordre public (en tant que cause de refus de l application du droit étranger). En Espagne, par exemple, dans cette matière, il y a eu une évolution jurisprudentielle dans le domaine de la considération de la réserve héréditaire. Il peut se poser aussi des problèmes intéressants en relation aux limitations pour hériter liées à la condition personnelle de cet héritier (par exemple la religion qu il professe, ou son sexe). IV. Projet de règlement communautaire En l état du projet au jour de votre réponse, voyez -vous : a) Quelles conséquences principales il aurait sur votre droit international privé de successions? Le plus important c est le changement de la loi successorale qui nous fait abandonner le rattachement de la loi nationale en faveur du rattachement de la loi de la résidence habituelle. Ça c est spécialement important pour les conflits internes en Espagne parce que ce changement va limiter l importance du rattachement du «vecindad civil». Il y a aussi des problèmes avec la possibilité d élection de la loi nationale comme loi applicable à la succession parce que l application de cette loi nationale n est pas bien résolue dans les Etats plurilégislatif. Dans le domaine de la reconnaissance des documents et décisions étrangères, le certificat successoral européen aura des conséquences très importantes compte tenu la possibilité qu un certificat étranger soit suffisant pour la transcription ou l inscription de l acquisition successorale dans les registres publics. 11

b) Quelles conséquences il serait susceptible d entraîner sur votre droit interne des successions? La proposition de règlement ne règle pas le droit substantiel des successions. Mais dans le cas espagnol, compte tenu la pluralité de droits civils, le règlement peut changer dans certains cas la délimitation entre les différents droits civils espagnols. 12