ÉCONOMIE RECHERCHE ÉCONOMIQUE 18 janvier 216 N 64 Politique monétaire de la Chine : une approche normative Nous adoptons ici non pas une approche positive (que vont faire les autorités chinoises?) mais une approche normative (que devraient faire les autorités chinoises?) de la question du choix de la politique de change de la Chine, de plus du point de vue seulement chinois. Les autorités chinoises ont finalement le choix entre trois stratégies : - durcir fortement les contrôles des capitaux pour réduire les sorties de capitaux qui vident les réserves de change ; - continuer la politique présente : interventions de change pour limiter la dépréciation du taux de change du RMB, et obtenir, comme depuis 214, une dépréciation lente et progressive ; - déprécier rapidement et fortement (1%, 2%?) le RMB puis le stabiliser à ce nouveau niveau. La première stratégie (contrôle des capitaux) empêcherait le développement international des entreprises chinoises, ferait reculer la Chine vers une économie encore plus administrée, et est donc difficile à mettre en place. La seconde stratégie est une stratégie de compromis, peu violente, mais elle a un gros inconvénient : elle fait anticiper une dépréciation continuelle du RMB dans le futur, et elle accroît donc les sorties de capitaux, c est-à-dire qu elle vide de plus en plus les réserves de change. La troisième stratégie est probablement la meilleure d un point de vue normatif (à nouveau, il ne s agit pas d une prévision) ; elle rétablit la compétitivité-coût de la Chine ; elle fait sortir l industrie de la déflation ; puisqu elle est suivie d une stabilité du change, elle réduit les sorties de capitaux. Cette stratégie est évidemment très défavorable pour les autres pays. Rédacteur : Patrick ARTUS
Approche normative de la politique de taux de change en Chine : trois stratégies possibles Nous nous interrogeons, d un point de vue normatif, et non prévisionnel, sur les stratégies de change que pourraient mettre en place les autorités chinoises. (1) Stratégie 1 : durcissement des contrôles de capitaux Le problème présent de la Chine est connu : - il y a perte de compétitivité et chute de la rentabilité du capital avec la hausse des coûts salariaux (graphique 1a) et la baisse des prix (graphique 1b), due à l excès de capacité de production ; 11 Graphique 1a Chine : coût salarial unitaire (en % par an) 11 Graphique 1b Chine : prix du PIB et PPI (GA en %) 1 1 1 PPI Prix du PIB 1 9 9 1 1 8 8 7 6 7 6 - - Sources : Datastream, NBS, NATIXIS 4 4 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 Sources : Datastream, NBS, NATIXIS -1 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16-1 - il s ensuit l apparition en 214 de fortes sorties de capitaux (graphique 2) ; 1 1 - -1-1 Graphique 2 Chine : flux de capitaux annualisés* (Mds de $) (*) = 12*(variation sur 1 mois des réserves de changes - balance commerciale du mois) 1 1 - -1-1 Sources : Datastream, FMI, NATIXIS -2 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16-2 - ceci amène la Banque Centrale à intervenir, d où la perte de réserves de change depuis 214 (graphique 3), pour limiter la dépréciation du taux de change du RMB (graphique 4). Flash 216 64-2
4 3 Graphique 3 Chine : réserves de change (Mds de $) Niveau (G) Variation sur 1 mois (D) 3 2 2 8, 8, Graphique 4 Chine : taux de change contre le dollar (1$=...RMB) 8, 8, 2 1 1 1 7, 7, 7, 7, -1 Sources : Datastream, PBoC, NATIXIS -2 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16 - -1-1 6, Sources : Datastream, NATIXIS 6, 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16 6, 6, Le durcissement du contrôle des changes permettrait alors de limiter les sorties de capitaux. Mais il faut rappeler que les sorties de capitaux sont la réaction des entreprises et des investisseurs à la chute de la rentabilité du capital en Chine : ils préfèrent se développer à l étranger plutôt que d investir en Chine (graphique ). Graphique Chine : investissement total (valeur, GA en %) 6 4 3 2 1 Sources : Datastream, NBS, NATIXIS -1 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16 6 4 3 2 1-1 (2) Stratégie 2 : continuer la stratégie mise en place depuis 214 La seconde stratégie est celle mise en place depuis 214 en Chine, limiter et lisser la dépréciation du taux de change du RMB par les interventions de change (graphiques 3 et 4 plus haut), c est-à-dire par la vente de dollars, d euros par la Banque Centrale. (3) Stratégie 3 : mettre en place une dépréciation forte et rapide du RMB, suivie d une stabilisation du taux de change. On sait que malgré la dépréciation du RMB par rapport au dollar, le taux de change effectif pondéré de la Chine reste apprécié (graphique 6a) en raison de la dépréciation du yen et de l euro (graphique 6b), depuis 213 pour le yen et 214 pour l euro. Flash 216 64-3
Graphique 6a Chine : taux de change effectif réel* (déflaté par le PPI, 1 en 22:1) Graphique 6b Taux de change 11 11 (*) Hausse = appréciation réelle de la monnaie 11 11,9 1Yen = RMB (G) 1 = RMB (D) 12 1 1,8 11 1 9 9 1 9 9,7,6 1 9 8 8 8, 7 Sources : Datastream, J.P. Morgan, NATIXIS 8 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16 8 Sources : Datastream, NATIXIS,4 2 3 4 6 7 8 9 1 11 12 13 14 1 16 6 Une dépréciation rapide et forte (1-2%) du RMB suivie d une stabilisation aurait plusieurs avantages : - corriger les problèmes de compétitivité-coût, permettre une hausse des prix, particulièrement dans l industrie, qui sorte la Chine de la déflation ; - puisqu après la dépréciation forte du RMB il y a stabilisation, disparition des anticipations de dépréciation future (visible en comparant les taux de change onshore et offshore, graphique 7), donc réduction des sorties de capitaux. Graphique 7 Chine : taux de change par rapport au dollar (1$ =... RMB) 6,8 6,7 6,6 6, 6,4 6,3 6,2 CNY onshore CNH offshore 6,8 6,7 6,6 6, 6,4 6,3 6,2 6,1 Sources : Datastream, NATIXIS 6, 11 12 13 14 1 16 6,1 6, Flash 216 64-4
Synthèse : le scénario le plus favorable, d un point de vue normatif, est dangereux évidemment pour les autres pays Parmi les trois scénarios : - contrôle des capitaux ; - statu quo ; - dépréciation rapide du RMB suivi d une stabilisation : le premier a le grave inconvénient d empêcher la croissance internationale des entreprises chinoises ; aussi d éloigner la Chine de l objectif d aller vers une économie de marché ; le second a le grave inconvénient de faire anticiper une dépréciation future du RMB, donc d inciter à sortir encore plus de capitaux ; le troisième est donc, du point de vue de la Chine, le plus favorable du point de vue normatif, et du point de vue chinois. Mais une dépréciation rapide et forte du RMB aurait un effet très négatif sur les autres pays : perte de compétitivité, recul de la valeur (en dollars, en euros...) des ventes en Chine. Flash 216 64 -
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