LES BONNES PRATIQUES DE SOINS EN ÉTABLISSEMENTS D H É B E R G E M E N T POUR PERSONNES ÂGÉES DÉPENDANTES Direction Générale de la Santé Direction Générale de l Action Sociale Société Française de Gériatrie et Gérontologie Quelques recommandations OCTOBRE 2007
I ncontinence urinaire Stratégie diagnostique et thérapeutique L incontinence urinaire se définit par une perte involontaire d urine dans un lieu et/ou à un moment inappropriés. Le retentissement social est souvent très important. Sa prévalence est très élevée en EHPAD, dépassant 50%. PRINCIPES FONDAMENTAUX Chaque cas étant particulier, il ne peut être décrit de démarche universelle. La prise en charge doit toujours faire suite à une démarche d évaluation globale et un diagnostic précis. Les incontinences urinaires transitoires sont liées à un facteur déclenchant ou précipitant : iatrogène : diurétiques, anticholinergiques, psychotropes, myorelaxants, alpha-bloquants, antagonistes des canaux calciques, infections urinaires basses, fécalome. Les incontinences urinaires chroniques reconnaissent quatre grands mécanismes, qui peuvent être intriqués : instabilité vésicale, incompétence sphinctérienne (incontinence d effort), rétention chronique d urine, incontinence fonctionnelle. Incontinence de situation : la personne n a pas le temps d aller au toilette ou de se déshabiller du fait de troubles locomoteurs, visuels ou praxiques, d un environnement inadapté ou non connu, d une immobilisation imposée (et d une réponse insuffisamment rapide des soignants). Le personnel soignant a un rôle essentiel à jouer dans la reconnaissance et la prise en charge de ce type d incontinence (Cf. algorithme p. 69). Troubles cognitifs ou psychiatriques (démence, confusion, régression psychomotrice). Troubles métaboliques (polyurie du diabète ou d une hypercalcémie). Ablation d une sonde à demeure. Traitements médicamenteux (Cf. ci-dessus). Un examen clinique est indispensable et reste le pivot de la prise en charge (toucher rectal, examen gynécologique, neurologique et urologique) ; il doit être accompagné d une évaluation minimale des fonctions supérieures (MMS, praxies, critique des histoires absurdes). En cas de doute, ne pas hésiter à appeler le spécialiste compétent. PLACE DES EXAMENS COMPLÉMENTAIRES ECBU Il doit être réalisé de façon systématique chez tout sujet incontinent, avant toute prise en charge. L existence d une infection urinaire impose un traitement spécifique et une prise en charge préventive des récidives. Elle oriente vers la recherche d un résidu postmictionnel (échographie post-mictionnelle ou bladderscan). Échographie pelvienne Elle s impose devant l existence d une rétention urinaire chronique, et est souhaitable la plupart du temps (facile, indolore et peu coûteuse). L échographie prostatique doit être faite par une sonde endorectale sectorielle, complétée par un dosage des PSA. L échographie vésicale et utérine est obtenue par l utilisation d une sonde de surface, nécessitant une bonne réplétion vésicale et une sonde linéaire endovaginale. Une évaluation du résidu post-mictionnel est indispensable. Bilan uro-dynamique Il s impose si les mesures simples décrites plus loin (Cf. algorithme p. 69). ne sont pas efficaces et si l état des fonctions supérieures du sujet le permet (MMS > 10). Il permet d élaborer une rééducation efficace. Sinon, il faut se contenter d une prise en charge symptomatique. 66
Société Française de Gériatrie et Gérontologie MESURES THÉRAPEUTIQUES GÉNÉRALES La correction des facteurs favorisants est la prise en charge la plus opérante : Facteurs écologiques - environnement méconnu, - environnement inadapté, - protection imposée et inutile, - perte de mobilité (douleur, essoufflement, hypotension orthostatique, etc.). Facteurs d irritation vésicale - ablation récente de sonde à demeure, - infection urinaire, lithiase vésicale, - fécalome ou rectum plein. Perte d efficience corticale - délire, confusion, dépression. Médicaments surtout de prescription récente (Cf. ci-dessus) Désordres métaboliques - troubles hydro électrolytiques, - troubles de la glycémie, - hypoxie. Mictions programmées : repérage des horaires de miction dans le catalogue mictionnel : Conduite aux toilettes à intervalles de temps inférieurs à ceux du rythme mictionnel spontané. Élargissement progressif des intervalles inter mictionnels. Traitement concomitant de la constipation. Autres mesures chez le sujet dément : Observation fine du comportement prémictionnel (agitation, déambulation ). Repérage des toilettes. Rééducation comportementale de l habillage et du déshabillage. Une telle démarche guérit ou améliore notablement entre un tiers et la moitié des sujets incontinents selon le degré d altération des fonctions supérieures. 67
I ncontinence urinaire Stratégie diagnostique et thérapeutique TRAITEMENTS ÉTIOLOGIQUES ET SPÉCIFIQUES Certaines étiologies (le plus souvent connues de longue date) appellent des traitements chirurgicaux : Prolapsus important chez la femme (intervention : hystérectomie et restauration de l angle cervico-urétral et rééducation pelvi-périnéale si besoin). Hypertrophie prostatique très dysuriante chez l homme (adénomectomie +/- rééducation pelvipérinéale). Insuffisance sphinctérienne majeure (bandelette TVT - Tension-free Vaginal Tape). D autres étiologies relèvent d un traitement médical et de rééducation : Rétention urinaire chronique Les sondages itératifs sont préférables aux sondages à demeure, qui accroissent le risque infectieux. Instabilité vésicale majeure Rééducation périnéale et vésicale et utilisation de traitements médicamenteux spécifiques. Incontinence urinaire d effort pure Elle résulte le plus souvent d une insuffisance sphinctérienne et réagit bien à une rééducation pelvi-périnéale lorsque celle-ci est faite par un kinésithérapeute compétent, sinon indication de TVT. Incontinence mixte Cependant, le plus souvent, l incontinence urinaire de personnes vivant en institution est liée à la dépendance physique et psychique et se manifeste par une incontinence mixte (incontinence urinaire d effort et urgence mictionnelle). Les indications de ces traitements sont du ressort des gériatres, des urologues, des gynécologues, du médecin traitant, aidés dans leur décision par le médecin coordonnateur pour l estimation du bénéfice et du risque encouru, en l absence de troubles cognitifs graves. POUR EN SAVOIR PLUS Maugourd M.F., Caplain A., Cappelletti MC., Minaire P. La prise en charge de l incontinence urinaire de la personne âgée. Gérontologie Sauramps Medical ed. Montpellier, 1996. Michel-Laaengh N., Maugourd M.F., Dupin C., Caplain A. L incontinence urinaire chez la personne âgée. Soins Gerontol. Juin 1996 (3) : 7-18. Michel-Laaengh N., Abadie M., Ranovona C., Moussa H., Dnafo D., Maugourd M.F. Incontinence en Gériatrie : Quelle prise en charge pour quel patient? La Presse Médicale, février 2001 ; 30, 7 : 308-312. 68
Société Française de Gériatrie et Gérontologie INCONTINENCE URINAIRE : ALGORITHME DÉCISIONNEL POUR L ÉQUIPE SOIGNANTE Histoire clinique évidente (infection urinaire, regorgement, fécalome, médicament ) NON Besoin d aide pour uriner? NON OUI Utilisation appropriée des toilettes Aide à la mobilité / suppression des obstacles, éloignement des toilettes, indication des toilettes (éclairage la nuit), disponibité du personnel. OUI Aider / Accompagner Calendrier mictionnel Persistance incontinence si insuffisant : consultation urodynamique 69