2006-04 LA REFORME DU REGIME DES SÛRETES La loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l économie a habilité le gouvernement à réformer le régime des sûretés et les procédures d exécution immobilière par voie d ordonnances. Ainsi, c est par l ordonnance du 23 mars 2006 (JO du 24 mars 2006) qu est opérée une réforme du régime des sûretés. Toutes les dispositions sur les sûretés étant regroupées au sein du livre IV nouveau du Code civil afin d en améliorer la lisibilité, des changements de numérotation interviennent pour bon nombre de règles de principe relatives aux privilèges et hypothèques en matière immobilière. Si la plupart de ces numérotations ne s accompagnent pas d un changement de contenu, on peut retenir les modifications de fonds suivantes pour les garanties se rencontrant dans le secteur du logement : - l assouplissement des formalités au moment de la main-levée de l hypothèque, - la modification de la durée maximale de l inscription des privilèges et hypothèques, - l institution de l hypothèque rechargeable et les mesures destinées à permettre la mise en place du prêt viager hypothécaire, - les mesures de protection rendues nécessaires par la consécration de la garantie autonome. Les modifications qui auraient dû toucher les privilèges immobiliers et notamment celui du syndicat des copropriétaires n ont pas été reprises dans la version finale de l ordonnance, le Conseil d Etat ayant jugé que la loi d habilitation n autorisait pas le gouvernement à prendre les dites mesures. L assouplissement des formalités de main-levée de l hypothèque L ordonnance prévoit un allègement des formalités nécessaires pour procéder à la main-levée de l hypothèque conventionnelle et la diminution du contrôle du conservateur des hypothèques au moment de cette main-levée.
Pour mémoire, en pratique, en matière de crédit immobilier, l hypothèque conventionnelle est souvent désignée sous le terme «hypothèque» par opposition à «privilège du prêteur de deniers». Le privilège du prêteur de deniers est la sûreté réelle utilisée pour garantir des prêts contractés pour l acquisition d un bien existant alors que l hypothèque sert à garantir des prêts finançant des opérations de construction ou des ventes en l état futur d achèvement. L hypothèque conventionnelle signifie que le débiteur doit consentir à cette hypothèque par opposition au privilège qui lui est automatique bien que l un et l autre doivent pour être opposables aux tiers être inscrits à la conservation des hypothèques et supposent pour cela la rédaction d un acte notarié d emprunt. Jusqu à présent, la mainlevée de l hypothèque conventionnelle impliquait nécessairement la rédaction d un acte devant notaire entre le débiteur et le créancier. Au vu de cet acte, le conservateur des hypothèques procédait alors à la radiation de l inscription correspondante. Désormais le conservateur pourra procéder à la radiation de l inscription hypothécaire sur simple présentation d un certificat attestant que le créancier, à la demande du débiteur, a donné son accord à la radiation de l inscription. Néanmoins, il s agira toujours d un acte rédigé par le notaire. Si le conservateur procède à la radiation sur présentation de ce certificat, son contrôle se limite aux conditions de forme de l acte et ne s étend pas comme pour un acte de main-levée traditionnel à sa validité au fonds. Ces mesures sont destinées à en diminuer le coût mais les incidences sur le coût ne seront connues qu une fois les textes réglementaires correspondants modifiés. En effet, le coût de la main-levée d hypothèque est constitué principalement de la rémunération du notaire pour la rédaction de l acte de main-levée notarié et de celle du conservateur des hypothèques, exigible au moment de la publication de cet acte. La diminution du coût de l hypothèque suppose donc la modification du décret du 8 mars 1978 portant tarification des notaires et/ou du Code général des impôts dans lequel figure la rémunération du conservateur. La radiation de l inscription du privilège du prêteur de deniers n est pas concernée par ces assouplissements. La durée maximale de l inscription Pour être opposable au tiers, l hypothèque ou le privilège doit en principe être inscrit à la conservation des hypothèques (le privilège du syndicat des copropriétaires en est, par exemple, dispensé).
L inscription est prise pour une certaine durée fixée par le créancier dans les limites fixées par la loi qui sont modifiées par la présente ordonnance : - pour un prêt dont la durée de remboursement est déterminée, la durée maximale de l inscription est égale à la durée du prêt plus un an (au lieu de deux jusqu à présent) sans pouvoir dépasser 50 ans (au lieu de 35 ans auparavant). En pratique, sont assimilés aux prêts à durée déterminée, les prêts variables ou modulables qui ont une durée maximum. - pour un prêt dont l échéance est indéterminée, la durée maximale de l inscription passe de 10 à 50 ans, notamment pour permettre la mise en place du prêt viager hypothécaire. Si l hypothèque est assortie d une clause de rechargement, la durée maximale de l inscription est également de 50 ans. L'introduction de l'hypothèque rechargeable dans le droit français de l'hypothèque conventionnelle Cette hypothèque permet à un débiteur, qui a déjà constitué une hypothèque de ne pas avoir à en constituer une nouvelle pour garantir des crédits successifs dans la limite du montant maximal prévu lors de l'hypothèque initiale. Pour mémoire, l hypothèque est toujours consentie, pour le capital, à hauteur d une somme déterminée que l acte notarié mentionne à peine de nullité. Cette règle n est pas modifiée. Il est à noter que dans les pays où l extraction hypothécaire est de pratique courante, comme aux Etats-Unis, au Canada, au Royaume-Uni, aux Pays-Bas ou encore au Danemark, cette disposition n existe pas. C est même la possibilité de réévaluation qui fait que la hausse des prix de l immobilier peut se traduire par un accroissement des dépenses de consommation. L acte initial constitutif de l hypothèque doit prévoir qu elle puisse être réaffectée à la garantie de créances autres que celles mentionnées à l origine. Le débiteur peut ensuite «réutiliser» l hypothèque en garantie de nouveaux emprunts auprès du même créancier ou d un autre. Une convention de rechargement notariée doit être établie et publiée à la conservation des hypothèques sous forme de mention en marge des inscriptions existantes. Les créanciers qui bénéficient d une convention de rechargement prennent rang à la date de l inscription initiale. Le débiteur peut procéder à ce rechargement avant même que le créancier originaire ait été remboursé.
Lorsqu un crédit est garanti par une hypothèque rechargeable (que ce soit le crédit initial ou les crédits ultérieurs), un document intitulé «situation hypothécaire» doit être annexé à l offre de prêt. Il comporte des mentions informatives obligatoires, telles que : - la durée de l inscription hypothécaire ; - l identification du bien immobilier objet de la garantie ; - la valeur estimée du bien immobilier à la date de la convention constitutive d hypothèque ; - le montant de l emprunt initial souscrit, le cas échéant le montant du ou des emprunts ultérieurement souscrits ; - le montant maximal garanti ; - une évaluation par le prêteur du coût du rechargement de l hypothèque et du coût total de l hypothèque ; - la mention selon laquelle la défaillance de l emprunteur peut entraîner la vente forcée de l immeuble hypothéqué. A défaut de respecter ces exigences, le prêteur s expose à des sanctions pénales et à la déchéance du droit aux intérêts. La dernière hypothèque consentie avant la date d entrée en vigueur de l ordonnance peut être transformée en hypothèque rechargeable sous réserve de la rédaction d un avenant prévoyant que l hypothèque pourra être affectée ultérieurement à la garantie d autres créances. L avenant doit être rédigé devant notaire et publié. L hypothèque rechargeable suppose une hypothèque conventionnelle et ne peut concerner les débiteurs dont le crédit immobilier est garanti par un privilège de prêteur de deniers. Les mesures visant à la mise en place du prêt viager hypothécaire Le prêt viager hypothécaire est défini par l ordonnance comme le contrat par lequel un établissement de crédit consent à une personne physique un prêt, garanti par une hypothèque constituée sur un bien immobilier de l emprunteur à usage exclusif d habitation et dont le remboursement ne peut être exigé qu au décès de l emprunteur ou lors de l aliénation du bien. La somme à rembourser est plafonnée à la valeur de l immeuble au moment du décès ou de la vente du bien, le cas échéant estimée par un expert.
Le bien donné en garantie pourra être la résidence principale du débiteur ou une résidence secondaire. Le prêt peut financer tout type de projet, seul le financement des besoins d une activité professionnelle étant exclu. Le prêt viager hypothécaire pourra notamment financer des travaux d entretien ou d amélioration de la résidence de l emprunteur. Au décès de l emprunteur, sa succession devra rembourser le prêt soit à l aide de liquidités propres, gardant ainsi la propriété du bien, soit avec le produit de la vente de l immeuble. A défaut, le créancier peut procéder à la saisie immobilière ou demander l attribution de la propriété de l immeuble en justice. Si une vente ou un démembrement de propriété intervient avant le décès, le prêt devra être remboursé à ce moment-là. La mise en place du prêt viager hypothécaire est rendue possible par les aménagements concernant les durées d inscription et facilitée par l assouplissement des conditions de main-levée. L ordonnance prévoit également l insertion dans le Code de la consommation de mesures visant à protéger l emprunteur. Ces dispositions prévoient : - l encadrement de la publicité portant sur le prêt viager hypothécaire, - l interdiction du démarchage, - un contenu réglementé pour toute offre de prêt viager hypothécaire, - un délai de réflexion basé sur le même modèle que pour toute offre de crédit immobilier, - la rédaction d un acte de prêt notarié. - la possibilité pour le débiteur de rembourser le prêt de façon anticipée, sachant que dans ce cas, le prêteur peut exiger une indemnité de remboursement anticipé. Un décret en conseil d Etat fixera les conditions d application de l ensemble de ces mesures. On peut noter que ce prêt étant garanti par une hypothèque, sa souscription sera accompagnée des formalités habituelles à la constitution d une hypothèque et des coûts correspondants : convention d hypothèque (insérée en
pratique dans l acte d emprunt notarié), inscription à la conservation des hypothèques, main-levée au moment de la vente Les conditions dans lesquelles le prêt sera proposé par les banques (pour quel montant, à quel taux, à quels emprunteurs? ) relèvent de la pratique bancaire et non de la réglementation. Du fait de son caractère viager, le prêt ne s adressera de fait qu aux personnes âgées. Le taux sera vraisemblablement plus élevé que pour un prêt immobilier classique pour tenir compte de l incertitude quant au moment du remboursement et donc du risque de voir la dette dépasser la valeur de l immeuble (en raison de la production des intérêts) ou encore de celui de la baisse de la valeur de l immeuble. En tout état de cause la mise en place du prêt viager est subordonnée à la parution du décret insérant les dispositions réglementaires du Code de la consommation nécessaires et à une modification du décret de 1955 relatif à la publicité foncière. La garantie autonome L ordonnance consacre une sûreté personnelle développée par la pratique et jusque là uniquement régie par le droit des contrats, en instituant dans le Code civil la "garantie autonome". Il s agit d un engagement par lequel le garant s oblige, en considération d une obligation souscrite par un tiers, à verser une somme soit à première demande, soit suivant des modalités convenues et cela sans pouvoir opposer aucune exception à l obligation garantie. Le garant autonome, contrairement à la caution, s engage à payer une somme d argent et non à exécuter l obligation du débiteur principal. Elle ne peut toutefois pas être demandée à l occasion d un crédit à la consommation ou d un crédit immobilier. En outre, dans la mesure où cette garantie aurait vocation à s appliquer en matière de baux d habitation, l ordonnance prévoit aussitôt une limite importante puisqu elle précise qu elle ne peut s ajouter aux garanties aujourd hui exigibles du locataire pour les baux soumis à la loi du 6 juillet 1989 (location de droit commun, location HLM, location conventionnée). En effet, la garantie autonome ne peut être prise qu en lieu et place du dépôt
de garantie prévu à l'article 22 de la loi du 6 juillet 1989 et uniquement pour le même montant. Elle ne peut donc ni s ajouter au dépôt de garantie, ni remplacer le cautionnement. Adaptations pour l Alsace- Moselle L article 52 de l ordonnance introduit dans la loi du 1 er juin 1924 mettant en vigueur la législation française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut- Rhin et de la Moselle les dispositions nécessaires pour prendre en compte les particularités de l hypothèque rechargeable et celles du système local de publicité foncière ainsi que les dispositions relatives à la simplification en matière de main-levée hypothécaire.