Lésions ligamentaires du genou



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Transcription:

Lésions ligamentaires du genou Prof JH Jaeger 1. LES ENTORSES DU GENOU Les entorses du genou regroupent toutes les distensions ou les ruptures des ligaments du genou, altérant de ce fait la stabilité de l'articulation. L'entorse bénigne correspond à une distension simple des formations capsulo-ligamentaires alors que l'entorse grave correspond à leur rupture. Les entorses bénignes sont essentiellement des entorses des ligaments collatéraux, alors que las ligaments croisés sont plus souvent rompus qu'étirés. Le genou est une articulation où les surfaces articulaires sont très peu congruentes. La stabilité de cette articulation dépend donc d'un système passif (système capsulo-ligamentaire et méniscal). complété par les muscles péri-articulaires formant un système actif. Toute atteinte ligamentaire va donc mettre en péril ce système de stabilisation, entraînant alors la mise en évidence de laxités lors de l'examen clinique, voire d'une instabilité ressentie par le patient 1.1 RAPPEL ANATOMIQUE Le ligament croisé antérieur (LCA) s'insère sur la face médiale du condyle laicial et sur la surface préspinale du tibia. Il contrôle la stabilité antérieure du genou en limitant les mouvements de translation vers l'avant du tibia par rapport au fémur. Le ligament croisé postérieur (LCP) s'insère sur la face latérale du condyle médial, en avant de l'échancrure, et il s'insère en arrière sur le tibia, sur ia surface rûtrospinale. Il assure la stabilité postérieure du genou en limitant le recul du tibia par rapport au fémur. Ce pivot central (LCA+LCP) assure également la stabilité rotatoire du genou. Une lésion de ce pivot central pourra être à l'origine d'une instabilité rotatoire, généralement mal tolérée par le patient. Le plan capsulo-ligamentaire médial est constitué des plans profond et superficiel du ligament collatéral médial (LCM), et en arrière de celui-ci du point d'angle postéro-médial (PAPM), qui est un renforcement capsulaire avec des fibres du tendon du semi-membraneux La corne postérieure du ménisque médial est adhérente à ce niveau. Le LCM empêche les mouvements de valgus. Le PAPM empêche la rotation latérale du tibia par rapport au fémur. Le plan capsulo-ligamentaire latéral est constitué par le ligament collatéral latéral (LCL) allant du condyle latéral à la tête de la fibula. En avant du LCL, la bandelette ilio-tibiale de Maissiat (tractus ilio-tibial) s'insère sur le tubercule de Gerdy (tubercule du tractus mo-tibial) et renforce la partie antéro-latérale de la capsule articulaire. En arrière, un renforcement capsulaire où se rejoignent des fibres des tendons du muscle poplité et du muscle biceps fémoral forme le point d'angle postéro-latéral (PAPL), A ce niveau, la corne postérieure du ménisque latéral est liée à la capsule articulaire par deux ligaments (Wrisberg et Humphrey) Le LCL et la bandelette de Maissiat s'opposent aux mouvements de varus. Le PAPL empêche la rotation interne du tibia par rapport au fémur.

1.2 MECANISMES DES ENTORSES La plupart des traumatismes du genou entraînant une lésion capsulo-ligamentaire du genou comprennent une composante de torsion, le membre inférieur étant en appui bloqué au sol. Suivant le traumatisme, cette torsion peut s'accompagner d'un mouvement de valgus ou de varus qui peut lui-même être aggravé par le contact d'un élément extérieur directement sur le genou, comme le poids d'un adversaire, par exemple. Il s'associe alors une lésion des plans capsulo-ligamentaires collatéraux à la lésion du pivot central. Ces traumatismes surviennent essentiellement dans la pratique sportive, lors de sports dits "en pivot" comme le football, le ski, le rugby, les sports de combat 1.2.1 Entorse en valgus-flexion-rotation latérale C'est le mécanisme le plus fréquent (chute skis écartés, tacle). La chronologie des lésions est la suivante en fonction de la violence du traumatisme : PAPM (avec désinsertion du ménisque médial) LCM LCA. Entorse en varus-flexion-rotation médiale La circonstance de survenue typique est la chute de ski, skis croisés. La chronologie des lésions est la suivante en fonction de la violence du traumatisme : PAPL LCL LCA Arrachement du tendon du biceps au niveau de la tête de la fibula Le nerffibulaire commun peut également être lésé par étirement lors des traumatisme s à haute énergie. 1.2.2 Entorse par hyperextension Elle survient dans deux circonstances principales qui donnent des lésions différentes : Shoot dans le vide : entraîne une lésion isolée du LCA par conflit de ce dernier avec le bord antérieur de l'échancrure intercondylienne. Hyperextension par traumatisme appuyé (plaquage antérieur au rugby ; blocage du tibia, jambe en extension avec poursuite du mouvement vers l'avant) : la lésion intéresse d'abord le LCP, puis les coques condyliennes, et éventuellement les points d'angle postérieurs. 1.2.3 Cas particuliers Lors d'un choc au niveau de la face antérieure du tibia, genou fléchi (choc avec le tableau de bord lors d'un accident de voiture), le tibia va brusquement reculer, créant ainsi une lésion du LCP. Les coques condyliennes ne seront pas atteintes car elles sont détendues en flexion. Une luxation complète du genou entraîne obligatoirement une rupture de toutes les structures capsulo-ligamentaires du genou. La gravité extrême de ces lésions réside surtout dans les lésions vasculaires ou nerveuses très fréquemment associées. 1.3 EXAMEN CLINIQUE

Interrogatoire C'est un interrogatoire détaillé. La description précise du mécanisme du traumatisme peut permettre d'avoir une première idée du diagnostic (cf. plus haut). L'interrogatoire va également rechercher des signes de gravité : L'audition ou la sensation d'un craquement lors du traumatisme correspondant à la rupture ligamentaire. La sensation de dérobement voire même de déboîtement du genou lors du traumatisme. La constitution rapide d'un épanchement intra-articulaire. La sensation d'instabilité immédiate après le traumatisme. Cette sensation est liée à la déstabilisation de l'articulation par rupture de l'un ou plusieurs de ses composants capsuloligamentaires, mais également par la perte d'informations proprioceptives recueillies par les récepteurs proprioceptifs des ligaments lésés ou rompus. La douleur n'est pas un signe de gravité. En effet, il n'y a aucun parallélisme entre l'intensité de la douleur et la gravité de l'entorse. Une entorse bénigne peut être extrêmement douloureuse alors qu'une entorse grave peut n'être que relativement peu douloureuse. Des antécédents d'entorse du genou seront rechercher. Ils peuvent orienter vers une laxité chronique préexistante qui aurait pu favoriser la survenue de 1 'épisode actuel. 1.3.1 Inspection On recherche une augmentation de volume de l'articulation ainsi que des hématomes ou des ecchymoses sur les trajets des ligaments collatéraux. L'état cutané est apprécié. 1.3.2 Palpation On commence par évaluer le degré de mobilité du genou. La mobilité normale va de l'extension complète (0 ) à environ 140 de flexion. En cas d'entorse, il existe fréquemment une limitation antalgique de la mobilité. Un épanchement intra-articulaire peut limiter la flexion ; une limitation de l'extension (flexum) orientera vers une lésion méniscale associée. Un épanchement intra-articulaire sera recherché par la mise en évidence d'un choc rotulien. La présence de liquide dans l'articulation va «soulever» la patella au-dessus de la trochlée fémorale. Ainsi, en exerçant une pression sur la face antérieure de la patella, elle va s'enfoncer et venir «cogner» sur la trochlée fémorale, réalisant alors le choc rotulien. En cas d'entorse grave du pivot central, il s'agit d'une hémarthrose, Les interlignes articulaires interne et externe sont palpés a la recherche de points douloureux. On recherche également des points douloureux sur le trajet et au niveau des insertions des ligaments collatéraux, qui peuvent être des signes d'atteinte de ces derniers. Un déficit de sensibilité, notamment dans le territoire du nerffibulaire commun, sera recherchée, surtout en cas de traumatisme en varus. 1.3.3 Recherche de laxités Une laxité est la mise en évidence d'un mouvement anormal au niveau de l'articulation. Elle est recherchée de façon comparative par rapport au côté controlatéral normal, et seule une différence entre les deux côtés sera considérée comme pathologique. En effet, certains patients peuvent présenter une laxité «physiologique», qui si elle n'est pas comparée au côté controlatéral peut apparaître à tort, pathologique.

Dans le plan frontal, on recherche une laxité en varus en imprimant un mouvement de varus au tibia par rapport au fémur. En cas de laxité, il se produit alors un bâillement au niveau de l'interligne articulaire latéral. Inversement pour une laxité en valgus. Dans le plan sagittal, on recherche une laxité antérieure en imprimant un mouvement vers l'avant au tibia par rapport au fémur. Inversement pour une laxité postérieure. Ces laxités peuvent être peu, moyennement ou très importantes. Elles sont souvent quantifiées de + à +++ en fonction de leur intensité. Il faut différencier la laxité qui est un signe clinique objectif trouvé par l'examinateur, de l'instabilité éventuellement décrite par le patient qui est un signe subjectif. Une laxité n'entraîne pas automatiquement une instabilité, par contre une instabilité est presque toujours le reflet d'une laxité. Dans le plan frontal : En extension complète, aucun mouvement n'est théoriquement possible, puisque le genou est verrouillé par les coques condyliennes. La mise en évidence d'une laxité en varus signe une lésion de la coque condylienne latérale. Inversement, une laxité en valgus signe une lésion de la coque condylienne médiale. En sub-extension (10-20 de flexion), les coques condyliennes sont détendues, ce qui permet de tester les ligaments collatéraux. Une laxité en varus signe une lésion du LCL. Inversement, une laxité en valgus signe une lésion du LCM. Dans le plan sagittal : On recherche un signe de Lachmann-Trillat ; il s'agit d'une laxité antérieure ou tiroir antérieur à 10-20 de flexion du genou. Ce signe est pathognomonique d'une rupture du LCA. On recherche ensuite des tiroirs à 90 de flexion du genou. La présence d'un tiroir antérieur à 90 de flexion n'est pas pathognomonique d'une lésion du LCA mais est un signe en faveur. Ce tiroir peut être absent en cas de lésion isolé du LCA. Sa présence implique souvent une lésion associée des points d'angle postérieurs. Si le tiroir antérieur est majoré en rotation médiale du pied, il signe une lésion du LCA associée à une lésion du PAPL. Inversement pour la rotation latérale et le PAPM. La mise en évidence d'un tiroir postérieur signe une lésion du LCP. Piège à éviter : lorsque le patient a le genou fléchi à 90 sur la table d'examen, et qu'il a une rupture du LCP, le poids de la jambe va spontanément mettre le genou en tiroir postérieur. La recherche des tiroirs sera donc modifiée, et ce que l'examinateur risque d'interpréter comme un tiroir antérieur sera en fait la réduction du tiroir postérieur. L'examinateur devra donc être attentif et rechercher un effacement de la tubérosité tibiale par recul du tibia, avant de chercher les tiroirs, signe de tiroir postérieur spontané. On recherche également un recurvatum, signe de rupture du LCP. Recherche d'un ressaut rotatoire Ce ressaut rotatoire antéro-latéral est pathognomonique d'une rupture du LCA. Plusieurs auteurs différents l'ont décrit mais avec des méthodes de réalisation et des dénominations différentes (test de LEMAIRE. Latéral Pivot Shift de MACINTOSH, Jerk Test...). Us décrivent cependant tous le même phénomène lié à l'absence de LCA. Il reproduit également la sensation que le patient éprouve lorsque son genou se dérobe ou se déboîte. Lors du passage de l'extension à la flexion du genou, il se produit une avancée automatique

du tibia par rapport au fémur qui est contrôlée par le LCA, ce qui permet à cette translation du tibia de se faire de façon progressive et harmonieuse. En cas de rupture du LCA, cette avancée n'est plus contrôlée, et il se produit alors un ressaut, à environ 20 de flexion, qui correspond à la subluxation brutale du plateau tibial latéral par rapport au condyle fémoral latéral (avancée brutale du tibia). Cette manœuvre est potentialisée par la mise en contrainte préalable de la jambe en valgus, rotation médiale et antépulsion. Après cet examen clinique, le diagnostic précis, avec l'inventaire des lésions, peut généralement être posé. En cas de doute, surtout à cause de difficultés pour examiner le patient du fait de la douleur, il ne faudra pas hésiter à répéter cet examen sous anesthésie générale, pour éliminer ainsi la douleur et la contracture musculaire. 1.4 EXAMENS COMPLEMENTAIRES Le diagnostic d'une entorse du genou est clinique. Les examens complémentaires ont une place peu importante dans la démarche diagnostique. Des radiographies standards du genou de face et de profil et une incidence fémoro-patellaire sont indispensables et systématiques afin d'éliminer une fracture ou un arrachement d'une insertion ligamentaire (notamment au niveau des épines tibiales). Elles doivent être réalisées avant le début de l'examen clinique, pour éviter que celui-ci n'aggrave ou déplace une fracture. Elles peuvent éventuellement mettre en évidence l'épanchement intra-articulaire. L'arthrographie et le scanner n'ont pas de place dans la démarche diagnostique d'une entorse du genou. Ils peuvent être indiqués en cas de recherche de lésions associées (méniscales et cartilagineuses). L'IRM pourrait avoir un rôle pronostic en visualisant le niveau de la rupture du LCA, et pourrait donc évaluer les chances de cicatrisation spontanée de la rupture. Son autre intérêt serait de fournir un document objectif prouvant la rupture ligamentaire (pour un aspect médico-légal). Son coût et ses délais d'obtention relativement longs réduisent encore ses indications. La ponction articulaire ne doit pas être un geste diagnostique. Un épanchement articulaire de constitution rapide dans les suites d'un traumatisme ne peut être qu'une hémarthrose. Il n'y a donc aucun intérêt à réaliser une ponction à visée diagnostique, qui de plus, peut être une éventuelle porte d'entrée à une infection. Dans de rares cas, une ponction évacuatrice peut être indiquée lors d'épanchements hyperalgiques sous tension. Il s'agit donc d'un geste thérapeutique. Enfin, l'arthroscopie ne doit pas être utilisée comme examen complémentaire pour diagnostiquer une entorse grave du genou. En effet, pour réaliser une arthroscopie, le patient doit être anesthésié, ce qui permet de réaliser un examen sous anesthésie général, et donc de faire le diagnostic de rupture du LCA, ou d'une autre lésion ligamentaire. L'arthroscopie garde par contre une place importante dans l'arsenal thérapeutique des lésions capsulo-ligamentaires et méniscales du genou.

1.5 TRAITEMENT 1.5.1 Le traitement orthopédique II consiste en une immobilisation plâtrée, cruro-pédieuse ou par une genouillère plâtrée, qui doit être maintenue environ 45 jours, afin de permettre la cicatrisation des lésions ligamentaires, en cas de rupture. 1.5.2 Le traitement fonctionnel II consiste en une immobilisation partielle et légci-s associée à une rééducation. On limite ainsi les risques de l'immobilisation stricte et notamment la raideur articulaire et l'amyotrophie. Il permet la cicatrisation des ligaments, qui semble de meilleure qualité que pour le traitement orthopédique. Il permet également au patient de conserver une autonomie relativement satisfaisante et de toute façon, beaucoup plus importante que iors dis traitement orthopédique. 1.5.3 Le traitement chirurgical II peut s'agir de sutures ou de réparations ligamentaires visant à rétablir une continuité anatomique entre les deux fragments, Pour les ligaments croisés, il s'agit avant, tout de ligamentopiasties. Le LCA ou le LCP sont recréer à partir d'autotransplants de natures différentes en fonction de la technique (ligament patellaire, tendons de la patte d'oie, fascia lata.. ) Certaines techniques de ligamentopiasties peuvent être réalisées ou assistées par arthroscopie. On distingue deux groupes différents de ligamentopiasties du LCA : Les ligamentoplasties intra-articulaires : le trajet de l'autotransplant utilisé pour la réfection du LCA est purement intra-articulaire, en lieu et place du LCA initial. La technique de Kenneth-Jones est actuellement la technique de référence de ce groupe de ligamentoplasties. Elle utilise le ligament patellaire comme auto-transplant. Les ligamentoplasties mixtes, intra et extra-articulaires : l'auto-transplant a une portion intraarticulaire qui est renforcée par une portion extra-articulaire au niveau de la face latérale du genou, entre le fémur et le tibia, assurant ainsi une stabilité théorique plus importante. L'une d'entre elles est la technique de Macintosh au fascia lata. Les ligamentoplasties extra-articulaires pures (technique de Lemaire) donnent des résultats insuffisants. Les délais de reprise du sport varient entre 4 et 6 mois après la ligamentoplastie, en fonction des techniques. 1.5.4 La rééducation Elle est un élément essentiel de la réussite du traitement d'une entorse de genou. Elle a pour but de retrouver une mobilité normale de l'articulation, de prévenir ou de guérir une éventuelle amyotrophie, mais également d'obtenir une proprioception optimale, qui pourra, le cas échéant, prévenir la survenue d'une instabilité malgré une laxité persistante.

Indications thérapeutiques Le traitement orthopédique ne garde que de rares indications. Il est de plus en plus remplacé par le traitement fonctionnel, moins enraidissant. Le traitement fonctionnel s'adresse à toutes les entorses bénignes. Il peut également être entrepris dans le cadre d'une entorse grave. Dans ce cas particulier, il peut être un traitement à part entière, mais également être une première étape avant un traitement chirurgical. Le traitement chirurgical n'est indiqué que dans certains cas d'entorses graves du pivot central. En cas d'entorse grave isolée d'un ligament collatéral, il ne semble pas pouvoir obtenir de meilleurs résultats que le traitement orthopédique ou le traitement fonctionnel. Le traitement chirurgical n'est pas discuté en cas d'entorse grave du LCA survenant chez un patient jeune et désireux de reprendre une activité sportive. L'appréciation de la jeunesse peut cependant être différente selon les équipes chirurgicales, mais il peut être délicat d'expliquer à un patient de plus de 40 ans, victime d'une entorse grave du LCA à la suite d'une chute de ski, qu'il n'en refera plus car il est trop âgé pour une chirurgie ligamentaire. Certaines équipes refusent donc de mettre des barrières liées à l'âge des patients et réalisent malgré tout une chirurgie ligamentaire en fonction des activités désirées. L'association d'une rupture du pivot central avec une lésion périphérique est un argument supplémentaire pour la réalisation d'une chirurgie au niveau de ce pivot central. Si le traitement chirurgical est décidé, il peut être réalisé dans les jours suivants le traumatisme ou différé de quelques semaines afin de permettre au genou de retrouver une trophicité normale et d'opérer «à froid». Si l'intervention est réalisée rapidement, elle permet d'associer une réparation et une ligamentoplastie. Cette association semble être plus sécurisante quant à la solidité du montage. Cela permet également d'épargner du temps d'inactivité au patient. Cela semble essentiel chez le sportif de haut niveau, mais moins important en dehors de ce contexte particulier. Les équipes préférant différer l'intervention pensent que le risque de complications postopératoires est moins important en opérant en dehors de la phase aiguë. L'avantage de cette intervention différée est également de pouvoir suivre l'évolution clinique pendant le traitement fonctionnel précédent cette dernière. Ce traitement peu éventuellement être suffisant pour certains patients et vaincre l'instabilité, rendant alors inutile la chirurgie. Par contre, l'intervention différée ne permet pas l'association de la réparation avec la ligamentoplastie. Le LCA rompu aura été résorbé. La rééducation est indiquée systématiquement et quel que soit le traitement. La plupart des techniques chirurgicales actuelles permettent une rééducation post-opératoire précoce, voire immédiate pour certaines. Cas particulier de l'enfant : il existe des techniques de iigamentoplasties permettant d'épargner les cartilages de croissance et donc réalisables chez l'enfant, rendant ainsi possible la reprise d'activités normales à un âge où le sport est souvent omniprésent. Certaines équipes préconisent néanmoins d'attendre la fin de la croissance pour réaliser une ligamentoplastie. Cette attitude paraît discutable.

1.6 COMPLICATIONS 1.6.1 Complications immédiates Cutanées, directement en rapport avec le traumatisme et pouvant interdire un abord chirurgical. Neurologiques, surtout par atteinte du nerffîbulaire commun. Vasculaires, au niveau du creux poplité dans les traumatismes très importants. 1.6.2 Complications précoces Phlébite. Algodystrophie. Raideur du genou. Lésions méniscales et cartilagineuses traumatiques. Arthrite septique post-opératoire. 1.6.3 Complications tardives Laxité chronique du genou. Lésions méniscales traumatiques par instabilité ou dégénératives. Lésions cartilagineuses. Lésions ligamentaires : l'insuffisance du pivot central peut entraîner une distension des formations périphériques. Complications liées au prélèvement de l'autotransplant (douleurs). Arthrose du genou. 2. LES LAXITES CHRONIQUES Les laxités chroniques succèdent aux ruptures ligamentaires non diagnostiquées, non ou mal traitées, ou enfin aux échecs du traitement d'une entorse grave, quel qu'il soit. Elles peuvent être mise en évidence par une instabilité entraînant une gêne fonctionnelle importante ou par la survenue d'une complication, notamment une lésion méniscale. Elles sont diagnostiquées par un examen clinique détaillé et bien conduit et peuvent nécessiter des examens complémentaires afin de dépister certaines complications : lésions méniscales ou lésions arthrosiques (radiographie standard, arthrographie, arthroscanner, IRM). Si l'instabilité entraîne une gêne fonctionnelle importante, le seul traitement réellement efficace est le traitement chirurgical. Les techniques de ligamentoplastie restes les mêmes que pour le traitement des entorses graves. Il semble toutefois acquis que les résultats soient inférieurs, pour une même technique, lorsque la ligamentoplastie est réalisée pour une laxité chronique que pour une entorse fraîche. Si la gêne est modérée, l'intervention chirurgicale peut quand même être proposée afin de prévenir une dégradation et surtout l'évolution arthrosique systématique. S'il n'y a aucune gêne, l'abstention thérapeutique est la règle.