CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS



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CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS 1. Les énoncés Il y a trois théorèmes concernant les sommes de carrés d entiers naturels. Théorème 1.1. Un entier naturel n est la somme de deux carrés si et seulement si quand on l écrit comme un produit de puissances de premiers distincts n = p e 1 1 pe per r, alors pour tout premier de la forme p i = 4k + 3 l exposante e i correspondant est paire. Donc selon le théorème, 810 = 3 4 5 est une somme de deux carrés, car son seul diviseur premier 3 (mod 4) est 3, dont l exposante 4 est paire. (Et on a bien 810 = (3 + 1) 3 4 = 7 + 9.) Mais selon le théorème 97 = 3 3 11 n est pas une somme de deux carrés car 3 et 11 sont 3 (mod 4), mais leurs exposantes sont impaires. Théorème 1.. Un entier naturel n est la somme de trois carrés si et seulement si n n est pas de la forme n = 4 m (8k + 7). Théorème 1.3 (Lagrange). Tout entier naturel n est la somme de quatre carrés.. L anneau Z[i] d entiers de Gauss Regardons maintenant le probléme des sommes de deux carrés. Pour étudier les sommes de deux carrés on travaille avec l ensemble Z[i] = {a + bi a, b Z} C Comme Z[ d] utilisée dans l équation de Pell, c est un anneau commutatif, et plus précisément un sous-anneau commutatif de C. Les membres de cet anneau s appellent les entiers de Gauss (ou entiers gaussiens). Comme Z[ d] il a une conjugaison notée a + bi = a bi, mais qui cette fois est bien la conjugaison complexe, et elle vérifie les propriétés connues z + w = z + w, zw = z w, z = z. La norme d un entier de Gauss z Z[i] est définie comme N(z) = zz = z. Quand on écrit z = a + bi avec a, b Z cela devient N(a + bi) = (a + bi)(a + bi) = (a + bi)(a bi) = a + b N. Les normes des entiers de Gauss sont des entiers naturels. Comme pour Z[ d] on a la propriété suivante : Lemme.1. Pour z, w Z[i] on a N(zw) = N(z)N(w). Preuve. On a N(zw) = zw zw = zwz w = zzww = N(z)N(w). La propriété suivante est évidente. 44

CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS 45 Lemme.. Un entier naturel n est la somme de deux carrés d entiers naturels (ou relatifs) n = a + b si et seulement si n est la norme d un entier de Gauss n = N(a + bi). Corollaire.3. Soit n, m N. Si n et m sont des sommes de deux carrés, alors nm est une somme de deux carrés. Preuve. Si n et m sont des sommes de deux carrés, alors il existe z, w Z[i] avec n = N(z) et m = N(w). On a alors nm = N(zw), d où nm est une somme de deux carrés. Le corollaire peut se démontrer sans évoquer Z[i] par moyen de l identité (a + b )(c + d ) = (ac bd) + (ad + bc), qui se vérifie en développant les deux membres. Néanmoins, cette identité est mieux motivée quand on réalise que ac bd est la partie réelle et ad+bc la partie imaginaire de (a+bi)(c+di). Maintenant on doit étudier assez finement Z[i] par des méthodes de l algèbre abstraite pour répondre à un problème purement arithmétique qui a priori ne s intéressait pas à l algèbre abstraite : quels entiers naturels sont des sommes de deux carrés. La propriété fondamentale de Z[i] que nous allons exploiter est une version pour Z[i] du lemme de Gauss. La raison pour laquelle Z[i] admet ce lemme de Gauss est que Z[i] possède une division euclidienne qu on décrira, et on peut utiliser cette division euclidienne dans un algorithme d Euclide (étendu) pour trouver le pgcd d de deux entiers de Gauss z, w Z[i] et des relations de Bezout d = αz + βw. Mais il se trouve que les deux conditions d admettre le lemme de Bezout (anneau principal à qqch près) et admettre une division euclidienne (anneau euclidien à qqch près) ne sont pas identiques, car certains anneaux dont Z[ 1+ 19 ] (cf. Perrin [9, II.5]) admettent le lemme de Bezout sans admettre une division euclidienne. Donc on commence l étude de Z[i] avec la divisibilité et la division euclidienne, même si c est Bezout et Gauss que nous exploiterons. Définition.4. Un élément u Z[i] est inversible s il existe v Z[i] avec uv = 1. Dans Z les inversibles (vérifiant la même définition) sont 1 et 1. Lemme.5. (a) Un élément u Z[i] est inversible si et seulement si on a N(u) = 1. (b) Les inversibles de Z[i] sont 1, i, 1, i. Preuve. Il est clair que 1, i, 1, i sont inversibles. Réciproquement, si u = a+bi est inversible dans Z[i], il existe v Z[i] avec uv = 1 et donc N(u)N(v) = N(1) = 1 dans N. Donc N(u) = a + b divise 1 dans N, et donc N(u) = a + b = 1. Les seules solutions avec a, b Z sont (a, b) = (±1, 0) et (a, b) = (0, ±1), qui donnent u = ±1 et u = ±i. Définition.6. Soit z, w Z[i]. (a) On dit que w divise z s il existe v Z[i] avec z = wv. (b) On dit que z et w sont associés s il existe un inversible u avec z = uw. Les associés de z sont donc z, iz, z, iz. (c) On dit que d Z[i] est un pgcd de z et w si (i) d divise z et w, et (ii) si e Z[i] divise z et w alors e divise d. Le pgcd est unique à associés près. (d) On dit que z et w sont premiers entre eux, ou z est premier avec w, quand pgcd(z, w) = 1. Dans Z les associés de n sont n, n. Dans Z[i] un nombre z et ses associés z, iz, z, iz divisent les mêmes nombres w et sont divisibles par les mêmes nombres v. La conjugaison complexe est compatible avec les relations de divisibilité.

46 CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS Lemme.7. Soit z, w Z[i] et soient z, w leurs conjuguées complexes respectives. (a) Alors z divise w si et seulement si z divise w. (b) Les associés de z sont les conjugés z, iz, z, iz des associés de z. (c) On a pgcd(z, w) = pgcd(z, w). (d) Les nombres z et w sont premiers entre eux si et seulement si z et w sont premiers entre eux. Le cas particuler où on remplace z par un entier relatif n Z Z[i] est intéressant. Corollaire.8. Soit n Z et w Z[i]. (a) Alors n divise w si et seulement si n divise w. (b) Alors n est premier avec w si et seulement si n est premier avec w. Les démonstrations sont laissées comme exercices. Théorème.9 (Division euclidienne dans Z[i]). Soit z, w Z[i] avec w 0. Alors il existe q, r Z[i] avec z = qw + r et 0 N(r) < N(w). Preuve. Dans ces circomstances, on a un quotient exact z w = α+βi C avec α, β R. Alors α et β ont des arrondis aux plus proches entiers a, b Z satisfaisant à α a 1 et β b 1. Dans C = R, la norme euclidienne donc vérifie z w (a + bi) = (α + βi) (a + bi) = (α a) + (β b)i = α a + β b ( 1 ) + ( 1 ) ) = 1. (1) Donc si on pose q = a + bi et r = z qw = w ( z w (a + bi)), on a q, r Z[i] avec z = wq + r et 0 r 1 w < w et donc 0 N(r) 1 N(w) < N(w). Exemple.10. Pour trouver q, r Z[i] avec (7 + i) = ( + 3i)q + r et N(r) < N( + 3i), on calcule 7 + i (7 + i)( 3i) 14 + 4i 1i + 6 0 17i = = + 3i ( + 3i)( 3i) + 3 = = 0 17 i. On a 1 < 0 0 <, et comme on a = 1 + 7 = 6 0, l entier le plus proche de est, et l entier le plus proche de 17 = 1 4 = + 9 est 1. Donc on pose q = i et r = (7 + i) ( + 3i)( i) = (7 + i) (4 + 6i i + 3) = (7 + i) (7 + 4i) = i. Donc on a 7 + i = ( + 3i)q + r avec q = i et r = i vérifiant N( i) = 0 + ( ) = 4 < N( + 3i) = + 3 =. Théorème.11 (Algorithme d Euclide dans Z[i]). Soit z, w Z[i] avec w 0. Alors il existe des suites finies d entiers de Gauss u 0,..., u n 1 et a 0,..., a n avec z = a 0 w + u 0, w = a 1 u 0 + u 1, u 0 = a u 1 + u,... u n 3 = a n 1 u n + u n 1, u n = a n u n 1.

CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS 47 Preuve. On utilise la division euclidienne du théorème précédent dans l algorithme d Euclide. Les restes successives sont des entiers de Gauss vérifiant N(w) > N(u 0 ) > N(u 1 ) > N(u ) >.... Vu que ces N(u i ) sont dans N, la suite décroissante des N(u i ) doit être finie. Or tant que les N(u i ) sont strictement positifs, on continue, donc l arrêt n arrive que quand on arrive à un u n = 0, et donc u n = a n u n 1. Comme dans Z on peut utiliser l algorithme d Euclide (étendu) pour trouver des relations de Bezout. Théorème.1 (Lemme de Bezout pour Z[i]). Soit z, w Z[i]. Alors il existe d, α, β, γ, δ Z[i] avec d = αz + βw, z = dγ, w = dδ. Par conséquent on a d = pgcd Z[i] (z, w), car z est un diviseur commun de z et w dans Z[i] par les deuxième et troisième équations, et tout diviseur commun de z et w dans Z[i] divise aussi d à cause de la première équation. Mais ce lemme dit non seulement que chaque couple de membres de Z[i] ont un pgcd, mais bien plus fortement que les deux membres et le pgcd vérifient une relation de Bezout. Preuve. Ceci se démontre comme dans Z soit en remontant l algorithme d Euclide soit en passant à l algorithme d Euclide étendu. Le lemme de Gauss pour Z[i] est une conséquence du lemme de Bezout. Théorème. (Lemme de Gauss pour Z[i]). Soit z, u, v Z[i] avec z divisant uv mais pgcd Z[i] (z, u) = 1. Alors z divise v dans Z[i]. Définition.14. Un élément π Z[i] est irréductible s il est non nul et non inversible et dans toute factorisation π = zw un parmi z et w est inversible. Dans Z les irréductibles sont les premiers p et leurs opposés p. Le mot premier est réservé aux irréductibles positifs de Z :, 3, 5, 7, 11,.... Un premier est parfois irréductible dans Z[i] (p = 3, 7, 11, etc.) et parfois non p = = (1 + i)(1 i), p = 5 = ( + i)( i), p = = (3 + i)(3 i), etc. Théorème.15. Tout entier de Gauss u Z[i] différent de 0 est soit un inversible soit un produit d irréductibles. Preuve. Récurrence sur N(u). La factorisation en irréductibles d entier de Gauss est même unique à l ordre des facteurs et associés des facteurs près. On démontre cela comme pour Z en utilisant le lemme de Gauss. Donc les entiers de N qui sont sommes de deux carrés sont les entiers naturels qui sont produits de normes d irréductibles de Z[i]. Théorème.16. (a) Si p = a + b est premier qui est une somme de deux carrés, posons π = a+bi et π = a bi. Alors p = ππ avec π et π irréductibles dans Z[i]. On N(π) = N(π) = p, et π, π et leurs associés sont les seuls membres de Z[i] de norme p. (b) Si q est un premier qui n est pas une somme de deux carrés, alors q est irréductible dans Z[i]. On a N(q) = q, et q et ses associés sont les seuls membres de Z[i] de norme q. (c) Il n y a pas d autres irréductibles dans Z[i].

48 CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS Preuve. (a) On a clairement N(π) = N(a+bi) = a +b = p. Si on a une factorisation π = zw dans Z[i], cela mène à une factorisation N(z)N(w) = N(π) = p dans N par le lemme.1. Comme p est premier, on a soit N(z) = 1 soit N(w) = 1, et donc soit z soit w est inversible dans Z[i] par le lemme.5. Donc par définition π est irréductible. L argument pour π est similaire. Si on a π 1 Z[i] avec N(π 1 ) = p, alors on a ππ = p = π 1 π 1. Comme π est irréductible et divise le produit π 1 π 1 et le lemme de Gauss est vrai dans Z[i], π divise π 1 ou π 1. Si π divise π 1, il existe u Z[i] avec πu = π 1 et on a N(π)N(u) = p N(u) = N(π 1 ) = 1. On a donc N(u) = 1, et donc u est inversible par le lemme.5, et donc π et π 1 sont associés. En revanche si π divise π 1, alors π et π 1 sont associés par un argument similaire. (b) Si q n est pas une somme de deux carrés, alors il n y a pas de membre de Z[i] de norme q. Si on a une factorisation q = zw dans Z[i], on a la factorisation N(q) = q = N(z)N(w) dans N, mais avec N(z) q et N(w) q. Comme q est premier, les seules possibilités qui restent sont soit N(z) = 1 et N(w) = q, soit N(z) = q et N(w) = 1. On en déduit que soit z soit w est inversible dans Z[i], et donc q est irréductible dans Z[i]. Si on a maintenant v Z[i] avec N(v) = vv = q, alors q divise vv, et par le lemme de Gauss, l irréductible q divise soit v soit v. Mais même si q divise v, vu qu on a q Z, q divise aussi v par le corollaire.8. Donc dans les deux cas, il existe u Z[i] avec qu = v. Comme on a N(q)N(u) = q N(u) = N(v) = q, on a N(u) = 1, et q et v sont associés. (c) Supposons que π Z[i] est irréductible. Alors N(π) N vérifie N(π) 0 et N(π) 1 car π n est ni 0 ni inversible. Donc on a N(π), et il existe un premier p N divisant N(π) = ππ. Or p n est pas premier dans Z[i] avec π, car s il l était, alors il serait aussi premier avec π par le corollaire.8, et par le lemme de Gauss p serait premier avec ππ. Mais p divise ππ et n est pas inversible. Contradiction. Donc p n est pas premier dans Z[i] avec π. Or π est irréductible, et donc π divise tout entier de Gauss qui n est pas premier avec π. Par conséquent π divise p dans Z[i]. Par conséquent N(π) divise N(p) = p dans N. Il y a en principe trois possibilités N(π) = 1, N(π) = p, et N(π) = p. La première est exclue car l irréductible π n est pas inversible. Le cas N(π) = p correspond à la partie (a) du lemme, et le cas N(π) = p correspond à la partie (b). Théorème.17. (a) Le premier pair est une somme de deux carrés = 1 + 1. (b) Tout premier p de la forme p = 4k + 1 est une somme de deux carrés. (c) Aucun premier q de la forme q = 4k + 3 n est la somme de deux carrés. Preuve. (a) Evident. (c) On a déjà vu que tout carré a, b est congru à 0 ou 1 (mod 4), donc la somme de deux carrés a + b est 3 (mod 4), donnant (c). (b) On a vu que pour un premier de la forme p = 4k + 1 le nombre 1 est un carré modulo p, i.e. il existe a entier avec a 1 (mod p). On en déduit que p divise a + 1 = (a + i)(a i). Soit π = pgcd Z[i] (p, a + i). Comme π divise p, et on a N(p) = p le carré d un premier, on a N(π) = 1, p ou p. On considère les trois cas. Le cas N(π) = p correspond à π = p (ou p ou ±ip) et donc à p divisant a + i. Mais p ne divise pas a + i car il n existe pas de b + ci Z[i] avec p(b + ci) = pb + pci = a + i vu que cela donnerait pc = 1 et p divisant 1 dans Z, qui est faux. Donc le cas N(π) = p mène à une contradiction.

CHAPITRE 5 : LES THÉORÈMES DE DEUX CARRÉS 49 Le cas N(π) = 1 correspond à ce que p soit premier avec a + i et donc divise a i par le lemme de Gauss. Mais p ne divise pas a i pour les mêmes raisons qu il ne divise pas a + i. Donc le cas N(π) = 1 mène aussi à une contradiction. Donc on a N(π) = p. En écrivant π = u + vi on trouve que p = u + v est la somme de deux carrés. Pour résumer, pour un premier de la forme p = 4k + 1 on a p = u + v avec u + iv = pgcd Z[i] ( p, a + i ) avec a vérifiant a 1 (mod p). On a deux méthodes pour trouver un tel a effectivement : On teste a =, 3, 4,... (jusqu à a = p 1 si nécessaire) jusqu à ce qu on trouve un a avec a 1 (mod 4). On arrête le boucle quand on trouve cet a. On prend a ( p 1)! (mod p), que l on calcule comme 3 4 p 1, en réduisant le résultat modulo p après chaque multiplication pour réduire la taille des nombres. Cela marche à cause du lemme.18 ci-dessous. La première méthode est plus rapide en moyenne, parce que si on trouve le a et arrête les tests avant d arriver à la possibilité maximale a = p 1, on fait moins de multiplications que dans le produit itéré 3 4 p 1. Preuve du théorème 1.1. Les sommes de deux carrés n = a +b sont les entiers n qui sont des normes n = N(a + bi) d entiers de Gauss, et donc des produits de normes d entiers de Gauss irréductibles. Par le théorème précédent, ces normes d irréductibles sont soit = N(1 + i), soit p = N(π) avec p 1 (mod 4), soit q = N(q) pour q un premier avec q 3 (mod 4). On en déduit le théorème des deux carrés. Le lemme suivant se déduit du théorème de Wilson, qui dit (p 1)! 1 (mod p). Lemme.18. Soit p 3 un premier, et soit a ( p 1)! (mod p). Alors on a { a 1 (mod p) si p 1 (mod 4), 1 (mod p) si p 1 (mod 4). Références [1] M. Demazure. Cours d algèbre : Primalité. Divisibilité. Codes. Nouvelle Bibliothèque Mathématique, 1. Cassini, Paris, 1997. [] G. Hardy and E. Wright. Introduction à la théorie des nombres. Paris : Vuibert ; Paris : Springer., 007. Traduit de l anglais par François Sauvageot. [3] A. Y. Khinchin. Continued fractions. Dover Publications Inc., Mineola, NY, 1997. Traduit du russe. Réédition de la traduction américaine de 1964 [University of Chicago Press, Chicago]. [4] D. E. Knuth. The Art of Computer Programming. Vol. : Seminumerical Algorithms. Boston : Addison- Wesley, 3rd edition, 1998. [5] H. W. Lenstra, Jr. Solving the Pell equation. Notices Amer. Math. Soc., 49() :18 19, 00. [6] W. J. LeVeque. Topics in number theory. Vol. I, II. Dover Publications Inc., Mineola, NY, 00. Reprint of the 1956 original [Addison-Wesley Publishing Co., Reading, Mass.]. [7] I. Niven. Irrational numbers. The Carus Mathematical Monographs, No. 11. The Mathematical Association of America. Distributed by John Wiley and Sons, Inc., New York, N.Y., 1956. [8] I. Niven and H. S. Zuckerman. An introduction to the theory of numbers. John Wiley & Sons, New York- Chichester-Brisbane, 4th edition, 1980. [9] D. Perrin. Cours d algèbre. Ellipses, Paris, 1996. [10] A. Weil. Number theory for beginners. Springer-Verlag, New York, 1979. Avec la collaboration de Maxwell Rosenlicht.