Master Retic Médias B. Lafon, 2013-2014 plan : Introduction : problématiser les médias (médias, culture et société) Partie 1. Les médias et le temps Partie 2. La communication médiatique : exemples de typologies Partie 3. La communication médiatique comme lieu d expérience Partie 1. Les médias et le temps
A. Contextualiser les médias : les problèmes de la temporalité B. Les médias dans le temps A. Contextualiser les médias : les problèmes de la temporalité 3 points : La construction de l objet et le temps Double échec : contemporanéité et temporalités vagues Penser à historiciser les médias (= méthodes historiques à convoquer)
La construction de l objet et le temps Opération nécessaire de «découpage» de l objet d étude : espace et temps. Pourquoi? Base du travail scientifique = COMPARAISON (qui n est pas raison : pas suffisante) Bornes à poser : - bornes spatiales - bornes temporelles Ces deux bornes sont à définir, à justifier. -> Quelles bornes temporelles? Choix des bornes temporelles dépend : de l échelle du média du phénomène médiatique analysé. Possibilité d adopter plusieurs bornes : bornes élargies pour contextualiser bornes plus étroites pour l analyse proprement dite
Un intérêt comparatif = évolutions (2 ex.) Double échec : contemporanéité et temporalités vagues Certaines recherches sont en butte avec le temps : trop larges / trop immédiates Des recherches «immédiates» : sociologie des pratiques études médiatiques contemporaines Le cas des «médiacultures» (travaux de E. Macé et E. Maigret) : politique de publication active, rebrandingde publications antérieures, mêlés avec analyses centrées sur la modernité et la post-modernité -> effets de légitimation
Les risques des «médiacultures» : penser en termes discontinuistes l'histoire culturelle (médias marqueraient une rupture), s'interdire d'aller au-delà des médias et produire une approche médiacentrée, opposer culture et cultures médiatiques. Nécessité de penser les médias dans la société, et comme partie prenante de son évolution : Pourquoi les médias? Quel rôle dans la culture? Quelles implications?
Horace Newcomb (sociologuedes médias, Grady college, universitéde Georgie) pose unequestion centrale: pourquoi la télévision? My concern is always with "why TV?" which is sometimes lost in the swamp of description, analysis, method, and theory, obscured by what we, as individuals, find fascinating. As I have frequently noted, I wrote, and occasionally write, about television because it changed my life. It opened visions otherwise unavailable in the 1940s and 1950s in the closed society of the American Deep South. ( ) I am concerned that we ask questions that help explain to others why television continues to be so important. That is what I look for when I read new work. That is just about all I care about, and if I do not find those critical questions, I stop reading (Newcomb, 2005, 110-111). Les échecs des temporalités vagues : Tentations de relire l histoire humaine à l aune des médias, avec une politique de publication active. Dès les années 1960 au Canada : M. Mac Luhan Dans les années 1990 en France : R. Debray Marshall Mc Luhan, Pour comprendre les médias(1964), un ouvrage non scientifique, mais : effet d amorçage en termes d études médiatiques considérable. Ex. : Neil Postman,Se distraire à en mourir, 1985
En France, Régis Debray et sa «médiologie», années 1990 : Dans la lignée de Mc Luhan Une tentative disciplinaire avortée Un essayismesavant, remplacé par un autre (cf. Ars industrialis) Des intuitions stimulantes (cf. Leroy- Gourhan), mais une non-scientificité manifeste (méthodes? Cumulativité?). Régis Debray, Cours de Médiologie générale, Bibliothèque des Idées, Gallimard, 1991. Régis Debray critique le monde de l image, la «vidéosphère» («graphosphère» encensée). Penser à historiciser les médias (= méthodes historiques à convoquer) Penser àl histoire des médias : nécessité d une contextualisation recherches bibliographiques factuelles Penser l histoire des médias : nécessité d une réflexion sur la méthode historique recherches bibliographiques avec recul critique + accès aux sources (écrites et orales)
Où en est l histoire des médias? Champ de recherche éclaté, à l image des études sur les médias : Sociologie Histoire SIC Science politique Approche historique des médias et Tics présente dans de nombreux ouvrages, avec des auteurs spécialisés : Ex. : J. Bourdon (TV), C. Méadel(Radio), P. Albert, T. Ferenczi, M. Palmer (Presse), P. Flichy(Tics) Mais encore de nombreux points aveugles dans les éclairages historiques : Ex. : TVR (-> 2012), radios, programmes, régulation (colloque IDETCOM, oct. 2013)
Depuis 2000, création d une association pluridisciplinaire de chercheurs : http://www.histoiredesmedias.com/- Presentation-de-la-SPHM-.htm Edition d une revue depuis 2003 : Le Temps des Médias La revue Le Temps des Médias : quelles approches historiques sur la TV?
Contextualiser = problèmes posés par l historiographie Historiographie : écriture et mise en récit de l Histoire. Enjeu fondamental : «pluralité des écritures de l Histoire» (cf. Delacroix et al., 2010 : 19). L historiographie s est développée fortement après le paradigme structuraliste. 3 livres majeurs : -1971 : P. Veyne, Comment on écrit l histoire -1975 : M. de Certeau, L écriture de l Histoire -1997 : R. Koselleck, L expérience de l histoire
P. Veyne : intrigue et champ événementiel «La notion d'intrigue. Les faits n'existent pas isolément, en ce sens que le tissu de l'histoire est ce que nous appellerons une intrigue, un mélange très humain et très peu «scientifique» de causes matérielles, de fins et de hasards; une tranche de vie, en un mot, que l historien découpe à son gré et où les faits ont leurs liaisons objectives et leur importance relative: la genèse de la société féodale, la politique méditerranéenne de Philippe II ou un épisode seulement de cette politique, la révolution galiléenne. Le mot d'intrigue a l'avantage de rappeler que ce qu'étudie l'historien est aussi humain qu'un drame ou un roman, Guerre et Paix ou Antoine et Cléopâtre. ( ) Structure du champ événementiel. Les historiens racontent des intrigues, qui sont comme autant d itinéraires qu'ils tracent à leur guise à travers le très objectif champ événementiel (lequel est divisible à l'infini et n'est pas composé d'atomes événementiels)» http://classiques.uqac.ca/collection_methodologie/veyne_paul/comment_ecrit_h istoire/comment_ecrit_histoire_texte.html Implication pour les SIC : Les faits médiatiques participent du champ événementiel; On peut saisir des intrigues dans le champ événementiel par l analyse des médias B. Les médias dans le temps
Médias dans le temps : - Médias participent de l évolution historique (pas «neutres») - Médias participent dans le même temps des dynamiques humaines (pratiques individuelles et dynamiques collectives) Les médias participent de l évolution historique Question peu traitée en tant que telle, puisqu elle nécessite de croiser plusieurs approches : - Historique - Sociologique et politique - Anthropologique - SIC (études sur les médias) Questions abordées par les auteurs critiques des cultural studies, par exemple R. Williams. Ou, en France, Y. de la Haye, Roger Bautier ou A. Mattelart. Bautier, Roger. 1994. De la rhétorique à la communication. Grenoble: Presses universitaires de Grenoble. Bautier, Roger et Elisabeth Cazenave. 1999. «Les conceptions de la médiatisation au début du XIXe siècle.» Études de communication 22. URL : http://edc.revues.org/2352, mis en ligne le 27 novembre 2011. La Haye, Yves de. 1984. Dissonances. Critique de la communication. Collection Media discours. Grenoble: la Pensée sauvage. Mattelart, Armand. 1997. L invention de la communication. Paris: La Découverte.
Facteurs directs et modes de constitution des moyens de communication (Yves de la Haye, 1984, 57) Comment construire une approche diachronique sur les médias? Nécessité de penser les échelles temporelles et les focales géographiques et sociales (modèles espace-temps) Penser aux 2 types d analyses concernant les médias : internes sur l objet «média», ou externes sur tout autre objet social extérieur aux médias, compréhensible par une entrée médiatique. Diapos à venir : Exemple de réflexion sur la manière dont on peut intégrer la dimension temporelle dans des études médiatiques.
Les temps médiatiques Croiser focales et échelles, quels objets? Echelle de durée longue Echelle de durée courte Focale macro Temps médiatiques sociaux diachroniques. Structuration d un média, d une offre, d un genre Temps médiatiques sociaux synchroniques. nouveléquipement technique dans un média, monographie sur une émission Focale micro Temps vécus médiatisés diachroniques. Evolutionsde pratiques, en réception ou en production Temps médiatique vécus synchroniques. Microsociologie de pratiques sansmise en perspective historique Les médias participent des dynamiques humaines - en diffusant/organisant les récits quotidiens - en rendant collectives des expériences culturelles individuelles
Diffusion des récits quotidiens par les médias : Peut être rapprochée de l approche herméneutique de Paul Ricœur. Ricœur, Paul. 1991a. Temps et récit T. 1, L intrigue et le récit historique. Paris: Ed. du Seuil.. 1991b. Temps et récit T. 2, La configuration dans le récit de fiction. Paris: Ed. du Seuil.. 1991c. Temps et récit T. 3, Le temps raconté.paris: Ed. du Seuil.. 2000. La mémoire, l histoire, l oubli. Paris: Seuil. Paul Ricoeurs intéresse aux récits historiques et littéraires, mais rien n interdit d extrapoler aux récits médiatiques (cf. M. Lits). Point clé de l œuvre de Ricoeur: comprendre les rapports du récit à l expérience (cf. triple Mimesis). Selon Paul Ricœur, les récits organisent le présent : «le présent en tant qu'initiative doit alors être compris comme l'échangeur entre horizon d'attente et espace d'expérience» (Ricœur, 2000, 292). => Les médias sont au cœur de ces échanges
Ce faisant, les médias rendent collectives des expériences culturelles individuelles. Fonction de systématisation/standardisation des systèmes de représentations. Travaux de l historien R. Koselleck permettent de comprendre ce phénomène. ReinhartKoselleck: l Histoire des concepts, avec 2 notions centrales : -«champ d'expérience» : «passé actuel dont les événements ont été intégrés et peuvent être remémorés», -«horizon d'attente» : se réfère pour sa part «à ce-qui-n est-pas-encore, à ce-quin est-pas-du-champ-de-l expérience, à cequi-n est-encore-qu aménageable» (Koselleck, 1990, 311)