La formule standard (version QIS5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite



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Ecole nationale d assurances Thèse professionnelle Présentée en vue d obtenir le MBA Manager d entreprise spécialisation Assurance Président du jury : François EWALD, Professeur au Cnam La formule standard (version QIS5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Anne MAZZANTI LA FRANCE MUTUALISTE Sous la direction de : Arnaud COHEN ALTIA février 2012

Remerciements Je saisis cette occasion pour remercier toutes les personnes qui m ont aidée à progresser tout au long de mon parcours dans l assurance : Messieurs P. Berquin, JC. Cacheux, G. Leroy. Je remercie la Direction de la France Mutualiste qui m autorisé à suivre la formation du MBA de l Enass, ainsi que mes collègues et collaborateurs et en particulier à A. Ehrhardt et MP. Velay. Un très grand merci à J. Cui qui travaille avec moi depuis deux ans sur tous les travaux de modélisation, sa joie de vivre, son enthousiasme au quotidien et son professionnalisme m ont été d une grande aide. Enfin, je remercie mon tuteur A Cohen qui m a beaucoup aidé, m a fait confiance, et grâce à qui je me suis lancée dans cette entreprise.

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Sommaire Résumé... 7 Abstract... 9 Introduction... 11 1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II... 15 1.1 Rappel sur Solvabilité II... 15 1.2 Le bilan prudentiel : une nouvelle approche... 24 1.3 La formule standard du SCR... 29 1.4 Le cas spécifique de l assurance vie... 36 1.5 Le calibrage et les corrélations des chocs du QIS5... 41 2 Portefeuille test : bilan prudentiel et analyse du SCR... 44 2.1 Données Actif-Passif et hypothèses du scénario central... 44 2.2 Les résultats obtenus en scénario central... 53 3 Leviers et sensibilités... 61 3.1 Les différents tests... 61 3.2 Récapitulatif des tests... 83 Conclusion... 88 Annexe I : Les ratios de provisions techniques brutes... 90 Annexe II : La formule standard de la directive 2009/138/CE... 91 Annexe III : Les courbes de taux d intérêt 2010 (EIOPA)... 93 Annexe IV : Les paramètres du choc spread... 94 Annexe V : Le schéma de calcul du logiciel de projection (SALTO)... 95 Annexe VI : La modélisation du rachat dynamique de l ONC... 97 Annexe VII : Le détail du calcul du risque opérationnel... 98 Table des matières... 101 Page 5 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Page 6 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Résumé L évolution du cadre réglementaire des assurances en Europe, avec la publication de la directive cadre Solvabilité II, conduit les assureurs à modifier le calcul du capital requis de base (SCR) ou besoin de fonds propres pour couvrir les risques. Le changement de méthode s est appliqué tant à l exigence quantitative de capital qu aux capitaux éligibles à la couverture. Le nouveau mode de calcul imposé par le régulateur pour le SCR nécessite une modélisation complexe que constitue la «Formule Standard». Elle s applique moyennant une analyse des marchés financiers, des hypothèses sur le comportement des assurés et des instances dirigeantes de l entreprise. Elle offre une certaine latitude à l assureur. L objet de cette thèse est de mettre en évidence les latitudes et/ou incertitudes offertes par la formule standard en s appuyant sur un portefeuille fictif portant des garanties vie : Epargne et Retraite. C est aussi l occasion de montrer et de justifier, au travers de test de sensibilité, la forte volatilité de la marge de solvabilité calculée à partir de la formule standard dans un environnement de modélisation stochastique. Une attention particulière sera portée aux options contractuelles (conversion en rente, rachetabilité..) et garanties financières (intérêt technique, taux de rendement cible) qui sont très couteuses en capital. Page 7 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Page 8 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Abstract The Solvency II directives initiate a new European legislation for insurance. They codify and harmonize the EU insurance regulation to ensure consumer protection. The framework of these directives is split into three pillars. The first pillar sets out quantitative requirements for the SCR (Solvency Capital Requirement) calculation. The SCR corresponds to the capital an insurance company must hold to face an extreme event, it is the value-at-risk of the net assets of the company subject to a confidence level of 99.5% over a one-year period. It can be calculated using either a standard formula provided by the regulator and tested during the QIS5 exercise or an internal model developed by the insurance company itself. The goal of this thesis is to show, for life insurance, the latitudes and the uncertainties the standard formula allows. We will introduce the basis of Solvency II, focusing on the quantitative aspects with the new prudential balance sheet and the Standard formula methodology for the SCR calculation. With a simplified example of a life insurance portfolio, we will show, with 16 different scenarios: - The sensitivity of the cover ratio to the assumptions of the model - The sensitivity of the cover ratio to the management actions - The volatility of the results to the economic conditions We will demonstrate how the main challenge the life insurance company will have to face and manage under the Solvency II regime is the volatility of the solvency margin. Controlling and reducing this volatility may become a more important target than control over the effective level itself. Page 9 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Page 10 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Introduction Solvabilité II est la deuxième version du cadre réglementaire des assurances en Europe qui devrait s appliquer dès 2013. Cette évolution de la réglementation s inscrit dans un processus plus global de l évolution de la régulation du secteur financier (banques, assureurs et réassureurs) au niveau mondial. L accroissement du poids du secteur financier dans l économie mondiale, associé à l explosion de la mondialisation ces dernières décennies, ont rendu indispensable le renforcement de la coopération internationale en matière de contrôle prudentiel dans un contexte de globalisation des marchés et des risques. Cette coopération se développe activement au sein d organisation telle que l OCDE dont les 30 Etats membres représentent 98% du chiffre d affaires du secteur financier dans le monde. La problématique de la régulation est devenue de plus en plus aiguë du fait de la succession des bulles financières, renforçant l idée que seule une régulation mondiale pouvait apporter des solutions. Aujourd hui, cette régulation n est pas aboutie même si les membres du G20 se mobilisent pour y parvenir. Pour 2011, les priorités du G20 sont entre autres de «Réformer le système monétaire international» et de «Renforcer la régulation financière». Le cycle de négociations, entamé en 2009 sous son égide, a permis d aboutir fin 2010 à la publication de l accord décisif «Bâle 3» pour le secteur bancaire et à la publication fin 2009 de la directive cadre «Solvabilité II» pour le secteur de l assurance. Ces deux grandes réformes réglementaires ont pour objectif de concourir au renforcement de la stabilité financière. En parallèle, des travaux internationaux se poursuivent sur l identification et les modalités de supervision des entités systémiques et sur l évolution des normes comptables internationales. Page 11 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite La réforme «Solvabilité II», qui s applique aux assureurs et réassureurs européens, a trois principaux objectifs : - créer un marché unique de l assurance en Europe où tous les acteurs seraient soumis à une même réglementation en matière de solvabilité et de reporting financier, - renforcer la solidité financière des acteurs au travers d une réflexion sur l adéquation des fonds propres aux risques pesant sur le bilan des entreprises et, par la même, mieux protéger les assurés, - améliorer la compétitivité du secteur face à la concurrence internationale. L article (14) de la directive européenne précise : «La protection des preneurs suppose que les entreprises d assurance et de réassurance soient soumises à des exigences de solvabilité efficaces qui entrainent une affectation efficace des capitaux dans l Union Européenne. Au vu de l évolution du marché, le régime actuel n est plus adéquat. Il faut donc mettre en place un nouveau cadre réglementaire». Ce projet, lancé au début des années 2000, a abouti à la publication, le 17 Décembre 2009, de la directive dite «Solvabilité II». Cette réforme majeure modifiera en profondeur le régime prudentiel et aura immanquablement un impact sur toutes les activités d assurance. Cela contraindra les assureurs à modifier ou à mettre en cohérence leur organisation, leur gouvernance, leur système d information et leur stratégie. Un des impacts majeurs du passage de Solvabilité I à Solvabilité II s incarne au travers un changement de référentiel comptable avec l évolution du bilan vers une approche économique. La réforme s articule autour de trois grands axes appelés «Piliers» qui réconcilient des considérations tant quantitatives que qualitatives. Le pilier 1 porte sur la nouvelle approche bilantielle, les exigences quantitatives de fonds propres et la couverture de la nouvelle marge de solvabilité. Page 12 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite Il définit le nouveau mode de calcul de la marge et le capital requis minimum pour exercer l activité d assureur. Pour mettre en adéquation les risques portés par un assureur et le besoin de fonds propres (ou de capital économique) nécessaire à la couverture de ces risques, le régulateur a prévu deux seuils. Le premier à minima, dit le «Minimum de Capital Requis» ou MCR, constitue le montant de fonds propres en-deçà duquel les assurés seraient exposés à un niveau de risque inacceptable si l assureur était autorisé à poursuivre son activité. Le MCR constitue le besoin de fonds propres minimum pour éviter le retrait de l agrément par la tutelle. Le second, dit le «Capital de Solvabilité Requis» ou SCR, constitue une exigence de capital. Il correspond au montant de fonds propres à détenir pour limiter la probabilité de ruine à un an à 0,5%. Il peut se calculer à partir d un modèle appelé «formule standard» qui est proposée par le régulateur. En assurance vie, la formule standard constitue une modélisation complexe de l activité d assurance, elle doit pouvoir traiter tous les types de garanties. Elle est basée sur un calcul prospectif en scénario central (le Best Estimate) et quantifie la perte subie en cas d événement défavorable (choc) lié à une liste définie de facteurs de risque. Ces chocs doivent s appliquer à tous les facteurs de risques comme par exemple : l inflation du montant des sinistres, une baisse ou une augmentation de la mortalité, l effondrement des valeurs des actifs. Pour tenir compte de la faible probabilité de réalisation simultanée de tous ces facteurs de risques, la formule standard introduit des corrélations entre eux et permet ainsi à l assureur de constater les bénéfices de diversification. Le cadre des calculs imposé par le régulateur pour le SCR semble, en première approche, si complexe et si normé qu on pourrait penser qu il n y aurait que peu de marge de manœuvre. Dans la réalité, les incertitudes, liées par exemple à l interprétation des textes, restent importantes et les résultats peuvent être très différents en fonction des choix de paramétrages et d hypothèses retenus, et ce, en dépit du fait que la compagnie s engage à Page 13 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

La formule standard (version QIS 5), leviers et/ou incertitudes pour des garanties Epargne et Retraite respecter une certaine cohérence entre les hypothèses retenues et ses règles de gouvernance propres. La difficulté pour l assureur est de retenir des paramètres et hypothèses qui ne le pénaliseront pas par rapport à la concurrence, tout en restant honnête et cohérent dans ses choix et dans le temps. La tentation de choisir des paramètres minimisant les besoins de marge sera limitée par la nécessité pour l entreprise de devoir en justifier la pertinence. L objet de cette thèse professionnelle n est pas de critiquer la justesse du cadre défini par le régulateur dans la formule standard mais de mettre en évidence les degrés de liberté, les leviers de pilotage et d en mesurer les impacts sur le résultat final. Dans une première partie, nous serons amenés à présenter la formule standard de Solvabilité II et à approfondir le cas spécifique de l assurance vie. Dans la seconde partie nous traiterons, sur la base d un exemple illustratif, le cas concret d un portefeuille vie fictif et nous analyserons le passage du bilan social au bilan prudentiel. Enfin dans la dernière partie, nous tenterons, à travers une batterie de tests, de mettre en évidence la sensibilité de la marge à différents facteurs qui peuvent être des données, des hypothèses, des paramètres. Page 14 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II 1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II 1.1 Rappel sur Solvabilité II 1.1.1 Le passage de Solvabilité I à Solvabilité II L organisme de tutelle encadre l activité des assureurs pour garantir avant toute chose la sécurité des assurés. L objectif premier est de protéger les assurés contre le risque de faillite des compagnies. La solvabilité d un assureur est sa capacité à respecter les engagements de long terme pris envers les assurés. Elle dépend de l importance de ces engagements et des ressources dont dispose la compagnie pour y faire face, notamment les actifs mis en représentation des engagements et des «actifs libres» représentants les fonds propres. L insolvabilité est le principal risque financier auquel sont confrontés les assureurs. Sous Solvabilité I, la marge de solvabilité réclamée par le régulateur est décrite dans le Code des Assurances à l article R334-1. C est un calcul forfaitaire qui s applique aux provisions mathématiques, aux capitaux sous risque pour l assurance vie et aux primes ou sinistres en non vie. Les éléments constitutifs de la marge sont précisés dans les articles R.334-3 et R.334-11. La réglementation concernant la marge de solvabilité a été instaurée par les directives 73/239/CEE (non vie) et 79/267/CEE (vie). Elle a été remaniée à la marge par le décret n 2003-12-36 du 22 décembre 2003 portant transposition des directives 2002/12/CE et 2002/13/CE appelées «Solvabilité I», entrée en vigueur le 1 er janvier 2004. Dans ce référentiel, la prudence se retrouve dans le calcul des provisions techniques en application du principe retenu par le Code des Assurances. Les fonds propres couvrent contre le risque de faillite mais il n y a pas de relation entre les risques portés par l assureur et les fonds propres nécessaires à leur couverture. L Actif au bilan comprend essentiellement les placements et la réglementation impose des règles telles que : la limitation qui plafonne le taux de détention de certaines classes d actifs (Actions, Immobilier..), Page 15 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II la dispersion qui fixe des règles en matière de diversification, la congruence qui impose aux assureurs de détenir des actifs libellés dans la même devise que celles des engagements pris envers les assurés. Ces placements sont comptabilisés au bilan en coût historique, à leur prix d achat ou de revient moins les corrections de valeur telles que les provisions, les amortissements Au passif du bilan, on retrouve les provisions techniques qui doivent être suffisantes et calculées de façon prudente. Les fonds propres (situation nette comptable) désignent les ressources financières de l assureur pour faire face au risque de faillite. En dépit de l incroyable résistance des compagnies d assurance aux différentes catastrophes (tempêtes, inondations, effondrement des marchés financiers, ) sous Solvabilité I, les autorités européennes ont estimé que l évolution de l environnement économique des compagnies a rendu nécessaire une adaptation des normes réglementaires. Ce qui était considéré comme prudent par le passé ne semble plus l être aujourd hui du fait de l évolution des marchés financiers, avec la conjonction d une forte baisse des taux d intérêt depuis 25 ans et l effondrement des marchés boursiers. Michel Barnier, commissaire européen au Marché intérieur et aux Services depuis le 10 février 2010 déclarait à la conférence internationale du CEA 16 juin 2011 : «Le régime de contrôle actuel en matière d'assurance et de réassurance, Solvabilité I, n'est plus satisfaisant. Il n'est pas basé sur les risques et ne reflète pas la réalité économique du métier des assureurs et réassureurs». Sous Solvabilité I, le fait de détenir des actifs dont la valorisation est très volatile, telle que des actions, ne contraint pas à ajuster le besoin de fonds propres aux risques effectivement supportés. Concrètement, le code donne la possibilité de détenir jusqu à 65% du montant des engagements en actions mais le fait de détenir 5% ou 65% d actions ne change rien pour le besoin de marge de solvabilité. En dépit de cette approche simpliste, il y a eu très peu de faillite d assureurs en Europe mais la réflexion sur la notion de «risque» a évolué. Page 16 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II Le projet Solvabilité II a été lancé au début des années 2000, il a conduit à codifier les 14 directives existantes en une seule et unique qui a été publiée au JO de l Union Européenne le 17/12/2009 sous le nom : 2009/138/CE. Cette évolution des règles prudentielles se fait dans la lignée d autres reformes dans le monde qui touche tant le secteur bancaire (Bâle 2) que le secteur de l assurance avec les normes ICA en Angleterre, le «Swiss Solvency Test» en Suisse ou le Risk Based Capital aux Etats-Unis. La Directive 2009/138/CE du Parlement Européen et du Conseil est un texte dont le principal objectif et les moyens à mettre en œuvre sont exprimés dans l exposé des motifs (16), (17) et (18), et dit : «Le principal objectif de la réglementation et du contrôle en matière d assurance et de réassurance est de garantir la protection adéquate des preneurs et des bénéficiaires. La stabilité financière et la stabilité de l équité des marchés constituent d autres objectifs de la réglementation et du contrôle en matière d assurance et de réassurance qui devraient être également pris en compte, sans détourner cependant le principal objectif.» «Cela exige des Etats membres qu ils dotent les autorités de contrôle des ressources afin qu elles puissent respecter les obligations prévues par la présente directive. pour garantir un exercice ordonné de l activité des entreprises d assurance et de réassurance dans l ensemble de la communauté» La réforme s articule autour de trois piliers. Le pilier 1 a pour objectif de définir les normes quantitatives de calcul des provisions techniques et des fonds propres. La formule standard, qui conduit à quantifier le besoin de fonds pour la couverture des risques de chaque assureur, entre dans le cadre du pilier 1. Le pilier 2 a pour objectif de fixer des normes qualitatives pour la gestion des risques des assureurs et de matérialiser le pouvoir des autorités de contrôle en matière de surveillance. Le pilier 3 fixe les conditions en matière de communication à l égard du public et de l autorité de contrôle. Dans le cadre du pilier 1, le régulateur prévoit une «Formule Standard» pour calculer l exigence de capital ou «Capital de solvabilité requis» SCR. Page 17 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II Le SCR est défini à l article (64) de la directive comme «le capital économique que doivent détenir les entreprises d assurance ou de réassurance pour limiter la probabilité de ruine à un cas sur deux cents, ou alternativement, pour que les dites entreprises demeurent en mesure, avec une probabilité d au moins 99,5%, d honorer leurs engagements envers les preneurs et les bénéficiaires dans les douze mois qui suivent». La directive propose une formule standard pour le calcul du SCR mais propose aussi de recourir à des modèles internes partiels ou intégraux pour calculer cette exigence. Un modèle interne est développé spécifiquement par l assureur pour lui-même. La formule standard est incontournable même pour un assureur qui ferait le choix d un modèle interne pour quantifier son besoin de fonds propres. Les premières années, les assureurs seront contraints de communiquer leurs résultats selon les deux approches et demander spécifiquement une validation auprès de la tutelle pour son modèle interne. Le développement d un modèle interne reste un exercice nécessitant des moyens humains techniques et informatiques qui ne sera pas à la portée de la majorité des acteurs. Rappelons qu aujourd hui très peu d assureurs ont fait le choix d un modèle interne et que la formule standard constitue la référence pour la quasi-totalité des acteurs. D après la tutelle, seules 4 compagnies auraient fait le choix d un modèle interne total. Des dispositions spécifiques portant sur le contrôle des groupes sont également prises, ceci afin de mieux suivre l activité des entités intervenant dans plusieurs pays. Il est prévu par le régulateur que les critères d évaluation retenus aux fins du contrôle devraient être compatibles, autant que possible, avec l évolution internationale dans le domaine comptable, ceci afin de limiter les référentiels et la charge administrative pesant sur les organismes. 1.1.2 Les impacts de ce changement de cadre prudentiel Ces éléments proviennent de l analyse et de la synthèse faite par l Autorité de Contrôle Prudentiel (ACP) en Mars 2011, à l occasion du retour de la dernière étude quantitative le QIS5 de 2010. La tutelle constate que les assureurs français, pour 2009, n auront pas de difficulté pour couvrir la nouvelle marge de solvabilité. L exigence de marge des participants, mesurée par la formule standard au niveau solo, s élève à 101 Mds et cette exigence est largement couverte Page 18 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II par les fonds propres au niveau global dont l excédent de couverture se monte à 82 Mds. A titre de comparaison, le surplus global sous Solvabilité I pour 2009 s élevait à environ 106 Mds. On constate donc une diminution du surplus de la couverte globale, toute activité confondue, d environ 22%. Vous trouverez en Annexe I, les ratios de provisions techniques brutes et nettes sous Solvabilité II sur les provisions techniques calculées sous Solvabilité I. En réalité l impact majeur se situe davantage au niveau de la volatilité de la marge dans la mesure où le nouveau mode de calcul est fortement corrélé à la volatilité des marchés financiers. 1.1.3 Les structures et leur rôle Les instances de gouvernance européennes Le processus Lamfalussy, qui a été retenu pour cette réforme, définit 4 niveaux de textes. Les textes de niveau 1 sont des directives adoptées par le Conseil Européen et le Parlement fixant des principes que viendront détailler des mesures de niveau 2, dites mesures d application, adoptées par la Commission Européenne sous le contrôle du Conseil et du Parlement. Les textes de niveau 3 sont des recommandations du CEIOPS (Committee of European Insurance and Occupational Pensions Supervisors), devant permettre de pouvoir comparer les pratiques de contrôle pour en améliorer la convergence au sein de l Europe. Assurant une cohérence à l ensemble, le niveau 4 porte sur le contrôle renforcé des infractions potentielles par la Commission Européenne. Elle peut ouvrir une procédure à l encontre d un Etat membre soupçonné d infraction à la loi communautaire. EIOPA (European Insurance Occupational Authority) ex CEIOPS C est l ancien comité du CEIOPS qui regroupe les représentants à haut niveau des autorités de contrôle des 30 Etats membres de l Union Européenne et de l Espace Economique Européen. Le rôle de ce comité a été de conseiller la Commission sur l élaboration de la réglementation et d organiser la coopération entre les autorités de contrôle. Il a notamment conseillé la Commission sur les aspects techniques contenus dans les textes de niveau 1 et 2. La commission a demandé au CEIOPS d étudier les impacts du nouveau mode de calcul de la marge de solvabilité au travers d études quantitatives d impact (Quantitative Impact Studies Page 19 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II dites QIS). Cinq QIS successifs ont été adressés depuis 2005 aux assureurs avec des spécifications techniques précises, ainsi que des orientations nationales complémentaires (ONC). Les échanges entre les assureurs et le CEIOPS devraient permettre à la Commission de fournir une réponse adaptée. Initialement crée par une décision de la Commission Européenne du 5 Novembre 2003 dans le cadre de la procédure dite «Lamfalussy», le rôle du CEIOPS a vu ses prérogatives évoluer. En application d une nouvelle décision du 23 Janvier 2009, le rôle du CEIOPS, devenu EIOPA, a été renforcé pour accroitre son rôle de surveillance macro-économique et de détection de vulnérabilité pouvant représenter une menace pour la stabilité financière. Les autorités de contrôle local pour les pays membres Le rôle des autorités de contrôle a été primordial dans le processus. Elles participent aux négociations internationales sur les chantiers réglementaires et préparent leurs services pour l entrée en vigueur de la réforme. L ACP (Autorité de Contrôle Prudentiel) pour la France a été chargée d animer, de former et d assurer un soutien aux assureurs pour les sensibiliser à l évolution de la réglementation. De nombreuses conférences ont été organisées pour aider les organismes à répondre aux questionnaires techniques (QIS) mis en ligne sur le site de la tutelle. L ACP a aussi mis à disposition des assureurs une veille technique. Cette réelle mobilisation a contribué à obtenir en France le meilleur taux de participation des pays de l Union pour le dernier QIS (cf. discours d introduction de Mr C. Noyer Président de l ACP, lors de la conférence du 27 Avril 2011). Les organismes professionnels Les fédérations, les instituts d actuaires, les cabinets de consulting contribuent à alimenter l EIOPA ex CEIOPS en vue de faire entendre leurs voix. Leur rôle est primordial et permet de reprocher la théorie de la réalité. Page 20 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II Le schéma décisionnel selon l architecture Lamfalussy Figure 1.1 : Le schéma décisionnel selon l architecture Lamfalussy 1.1.4 La Directive Solvabilité II L approche dite «principal-based» qui est retenue fixe les grands principes et objectifs, les droits et les devoirs au niveau de la Directive. Le positionnement de la directive au sein de l Europe n est pas évident du fait que l Union, émanant de traités, ne fait pas de lois et ses actes n ont de valeur légale qu une fois transposés. Une directive commande à des institutions et non à des individus, en fixant des objectifs qui lient les Etats membres quant aux résultats à atteindre. On comprend de part cette construction la difficulté à positionner le droit communautaire par rapport à celui des états membres. Page 21 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012

1 La formule standard du SCR dans Solvabilité II En France, l article 55 de la constitution, affirme que «Les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve». «La transposition d une directive ne saurait aller à l encontre d une règle ou d un principe inhérent l identité constitutionnelle de la France, sauf à ce que le constituant y ait consenti». En conséquence, la directive est au-dessus des lois à condition qu elle ne soit pas en contradiction avec les principes même de la constitution. Le projet Solvabilité II repose en premier lieu sur une Directive de l Union Européenne. D un point de vue juridique une directive est un acte normatif. A la différence d un règlement communautaire qui s applique totalement et directement, une directive donne des objectifs à atteindre par les pays membres, avec un délai. Ce délai permet aux gouvernements nationaux de s adapter à la nouvelle réglementation, de la transposer. La directive lie tout Etat membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. Les directives sont des «lois cadres» obligatoires. L élaboration d une directive est soumise à trois instances que sont : la Commission Européenne, le Conseil de l Union Européenne et le Parlement Européen. La Commission, composée par des commissaires nommés par les Etats membres, élabore et adopte une proposition de directive qu elle soumet au Conseil et au Parlement. L adoption est faite par le Conseil, et doit tenir compte de l avis du Parlement. Une fois adopté par le Conseil, le texte devient une directive européenne qui doit être transposé dans chaque Etats membres. Un texte devient force de loi dès lors qu il a été transposé dans les différents pays concernés. 1.1.5 Le calendrier Page 22 sur 102 Thèse professionnelle Février 2012